[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Agenda militant

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

La catastrophe annoncée qui vient

Lien publiée le 28 juin 2021

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

La catastrophe annoncée qui vient – Jean Zin

Il n'y a rien de vraiment nouveau, et on ne peut dire que je puisse être surpris par le ton de plus en plus alarmiste du Giec alors que j'étais parmi les premiers écologistes qui en faisaient une priorité, très minoritaires au début (une des raisons pour lesquelles j'avais quitté les Verts), mais voir la catastrophe annoncée arriver, le point de basculement tant redouté étant sans doute déjà dépassé, n'a rien pour nous consoler de l'avoir tant prédit quand c'est la rage de ne pas l'avoir empêché que je ressens plutôt.

C'est le progrès des connaissances qui fait monter l'inquiétude et qui certes n'étaient pas aussi assurées au début des années 2000. On pouvait être effarés de l'inconscience générale des risques à l'époque (après-nous le déluge) mais les "climato-sceptiques" (crétins ou vendus) semaient assez efficacement le doute et les scientifiques restaient prudents à cause de quelques résultats contradictoires, ce qui les menait à une modération sans doute excessive.

D'un autre côté, il y a toujours eu des prophètes de malheur annonçant la fin du monde ou de l'humanité (ce dont il n'est pas question dans le rapport du Giec), exagérations basées sur des raisonnements simplistes et qui ne sont absolument pas nécessaires pour prendre la mesure de toutes les terribles conséquences d'un réchauffement même limité alors qu'on se dirige vers des niveaux extrêmes. On n'évitera pas des catastrophes en série. La seule chose qui permet de garder espoir, c'est que, plus on en subit des conséquences néfastes palpables, et plus on assiste à leur prise en compte effective par les Etats, plus les températures vont monter et plus des mesures drastiques pour réduire le réchauffement pourront être prises.

Il faudrait certainement que la jeunesse se mobilise de nouveau en masse, cette pression de la rue étant indispensable pour légitimer des politiques gouvernementales trop dures à prendre sinon mais ce sera difficile à court terme, dans l'euphorie d'une fin de la pandémie ou dans l'urgence de combattre la montée de l'extrême-droite. Il faut remarquer cependant que malgré toutes les limites du politique et la pression économique, la transition écologique et énergétique est bien en cours, et ceci grâce aux études scientifiques plus qu'aux militants écologistes. Les militants ont quand même un rôle crucial à jouer mais les écologistes ont une obligation de résultat ne pouvant se cantonner à la protestation.

Ainsi, devant la nécessité de sortir d'une économie destructrice, j'avais sans aucun doute raison de déclarer dans la présentation de mon site "écologie révolutionnaire" que "si je défends le caractère révolutionnaire de l'écologie c'est que les contraintes écologiques obligent à sortir du productivisme, le réformisme n'y suffira pas. Il y faut une révolution des institutions et de la production". Ce constat reste encore plus incontestable 20 ans après mais il me faut bien constater aussi que cela n'a pas suffit pour avoir un effet réel. Le nécessaire n'est pas toujours possible. Il faut le savoir.

Il ne suffit pas d'une morale de conviction, il est vital dans notre situation d'avoir des résultats, morale de responsabilité. Il ne sert à rien de crier dans le désert, fier d'avoir raison contre tous, il faut engager de véritables transformations et pour cela ne pas être trop ambitieux mais transiger avec ses concitoyens comme avec les forces en présence. En tout cas, la leçon que j'ai tiré de ma radicalité écologiste, c'est qu'elle ne peut se justifier qu'à réussir son coup et donc s'engager dans des projets concrets plus que de grandes déclarations ou un inutile extrémisme purement verbal. Soyez plus efficaces que je ne l'ai été ! Je suis tellement en colère contre moi de n'avoir servi à rien ou presque, d'avoir cru des chimères et au pouvoir de simplement dire la vérité, en surestimant le pouvoir du politique et dans la méconnaissance des réalités géopolitiques. On ne change pas une société, encore moins le monde entier, à notre guise. C'est la société qui change - avec retard - pour s'adapter aux changements extérieurs. C'est le réel qui s'impose, pas nos belles idées. On ne changera pas nos modes de vie par des incantations (pas plus que celles du Giec), ceux qui le croient ne sont que des ignorants.

« Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », plaide le rapport. « Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. »

Je ne peux faire que me répéter mais je ne crois pas qu'il suffise de s'énerver pour nous sortir d'affaire, ni de faire appel à la conscience des citoyens, à leur conversion à l'écologie pour baisser leurs consommations. Il y a besoin de mesures précises et rapides. Au lieu de se diviser, d'accuser les plus réalistes d'écotartuffes ou de greenwashing, on a plus que jamais besoin de l'addition de nos forces pour s'engager dans une stratégie globale cohérente combinant l'accélération de la transition énergétique, la capture du CO2, l'agroécologie et la réorganisation économique (relocalisation). Il n'y a pas de solution magique, il faut faire feu de tout bois, ce qu'on appelle l'équifinalité en biologie, pour atteindre notre objectif par tous les moyens.

On ne peut qu'encourager les plus radicaux à expérimenter des modes de vie plus écologiques et des alternatives locales avec l'objectif de généraliser à l'avenir les meilleures, les plus durables et reproductibles, mais on ne peut se cacher pour autant la difficulté et les échecs passés ni surtout s'imaginer que cela pourrait réduire le réchauffement à court terme. On est là dans le long terme, pas à la hauteur de l'urgence. S'il fallait attendre la fin du capitalisme, on serait tous morts.

Je continue pour ma part à croire justifié le triptyque que je proposais en 2006 pour sortir du capitalisme à l'ère de l'écologie, du numérique et du travail autonome (Revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales) même si c'est resté lettre morte jusqu'ici - sauf que le revenu universel gagne en popularité, des monnaies locales se créent un peu partout et des expérimentations comme, entre autres, les territoires zéro chômeurs se rapprochent des objectifs des coopératives municipales. Tout cela se fait donc mais très lentement sous des formes diverses ne pouvant être l'application d'un schéma plaqué sur des réalités locales très différentes. Le local, c'est le singulier par rapport à l'Etat universel, ce qui complique et ralentit beaucoup trop le processus de transformation (de l'agriculture par exemple) pour que cela suffise à nous sauver du réchauffement.

A plus court terme, aucune solution technologique n'est donc à négliger dans notre situation, notamment les potentialités du numérique. En particulier, il n'est plus temps d'attendre une baisse indispensable de nos émissions, certes en cours mais qui tarde, il faut s'engager au plus vite dans une capture massive du CO2, ce qui a commencé avec des reforestations, pas toujours bien pensées, mais devra être complété par la "reforestation" marine (culture des algues, de "forêts sous-marines de kelp") ainsi que par la capture chimique pas assez prise au sérieux (certes il faut y investir beaucoup plus en recherche, mais le potentiel est bien réel pour réduire l'excès de CO2).

La course est engagée de notre réactivité sur plusieurs temporalités au basculement du climat, il n'est pas du tout certain qu'on la gagne, il n'est pas non plus complètement certain qu'on la perde mais on n'empêchera probablement que le pire. Ce qui est certain, c'est que nous devons nous appuyer à la fois sur la transition énergétique et agricole, la capture du CO2 et une nouvelle économie locale. Tout le reste est littérature.