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La France se prépare mal au choc climatique, alerte le Haut Conseil pour le climat
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La France se prépare mal au choc climatique, alerte le Haut Conseil pour le climat (reporterre.net)
Pour son troisième rapport annuel publié mercredi 30 juin, le Haut Conseil pour le climat met l’accent sur les risques liés au changement climatique. Il juge aussi que l’action climatique du gouvernement reste « insuffisante ».
La situation empire sur le front du climat. Le Haut Conseil pour le climat (HCC), une instance consultative indépendante chargée d’évaluer la compatibilité de la politique du gouvernement avec l’Accord de Paris de 2015, a publié son troisième rapport annuel ce mercredi 30 juin. Il a choisi de mettre l’accent sur les effets du changement climatique en France et sur la nécessité de définir une stratégie nationale d’adaptation, alors même que le pays n’est pas sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs de réduction d’émissions pour 2030 et de neutralité carbone pour 2050.
D’après le rapport, la hausse des températures moyennes en France a atteint 1,7 °C depuis 1900, « avec une accentuation sensible du réchauffement au cours des trois dernières décennies ». 62 % de la population était déjà fortement, voire très fortement, exposée aux risques climatiques en 2015 et le nombre de communes confrontées à ces risques est également en « augmentation constante », d’après l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) cité par le HCC.
« Il faut distinguer les événements extrêmes, majeurs, de l’intensification de certains processus comme l’augmentation des vagues de chaleur [1], a dit Magali Reghezza-Zitt, agrégée de géographie, directrice du Centre de formation sur l’environnement et la société (Ceres) et membre du HCC, lors d’un point presse virtuel lundi 28 juin. Par exemple, à Paris, le nombre de jours de vagues de chaleur pourrait passer de 7 jours pour la période 1976-2005, à 23 jours. » D’autres conséquences sont listées dans le rapport : sécheresses, dégradation des sols, progression vers le nord des feux de forêt, baisse de l’enneigement et risque de submersion, entre autres. « Certains risques sont plus difficiles à appréhender, car ils sont induits, a poursuivi la chercheuse. Par exemple, le réchauffement climatique entraîne des hivers plus doux, et donc des floraisons plus précoces. Ce qui signifie un risque accru pour les agriculteurs de subir des épisodes de gel en pleine floraison et d’importants dégâts dans leurs cultures. »
Températures moyennes par saison. © HCC/Rapport 2021
Le HCC s’appuie sur ce constat pour réclamer la mise en place d’une stratégie nationale pour l’adaptation « dotée d’objectifs quantifiés et de délais précis, en identifiant les secteurs prioritaires avec l’ensemble des parties prenantes et des territoires », à l’image de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) [2], lit-on dans le rapport. Un plan de bataille qui reste à inventer. « L’adaptation fait l’objet de nombreux textes internationaux, européens et français, mais ils restent très peu directifs », a regretté Corinne Le Quéré, climatologue franco-canadienne et présidente du HCC.
« Aujourd’hui, il existe bien des plans d’action territoriaux labellisés adaptation, comme les Sraddet [Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires], mais sans cohérence et sans qu’on puisse vraiment mesurer leurs effets, a ajouté Magali Reghezza-Zitt. À l’inverse, il existe bien des politiques publiques sur l’érosion des côtes, la nécessité de délocaliser et relocaliser des populations… mais qui n’intègrent pas le climat qui change. »
Une stratégie européenne d’adaptation a certes vu le jour en 2013, et il est prévu qu’elle soit révisée tous les cinq ans. « Elle reste néanmoins floue, sans objectifs chiffrés », a déploré la chercheuse. Idem pour le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) de 2011, qui rassemble « une soixantaine d’actions disparates qui gagneraient à définir une trajectoire plus ambitieuse », indique le rapport.
« Il est nécessaire de définir une stratégie de long terme pour l’adaptation de nos forêts »
Pourtant, atténuation et adaptation doivent constituer les deux jambes coordonnées de l’action climatique de l’État, insiste le Haut Conseil. Ne serait-ce que parce qu’elles sont intrinsèquement liées, comme le montre l’exemple des forêts développé par Jean-François Soussana, ingénieur agronome, vice-président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et membre du HCC. « Les forêts françaises n’ont capté que les trois quarts du carbone prévu par la SNBC entre 2015 et 2019 », a-t-il alerté. Comme facteurs de stockage, il a cité pêle-mêle la superficie et la croissance des peuplements d’arbres, laquelle dépend des essences plantées et du mode d’exploitation.
La forêt d’Orlu, en Ariège. © Alain Pitton/Reporterre
« L’augmentation des sécheresses et des incendies ont amené à la dégradation des forêts et au déclassement du bois. Ces phénomènes s’accompagnent de la prolifération d’insectes comme les scolytes (Scolytinae), a-t-il décrit. Il est nécessaire de définir une stratégie de long terme pour l’adaptation de nos forêts. Et urgent, car plus on attend, plus les forêts se dégradent. » Plus généralement, « il n’est pas possible de continuer à émettre des gaz à effet de serre en pensant qu’il sera possible de s’adapter à n’importe quel niveau de changement climatique », a insisté Corinne Le Quéré.
Plus classiquement, le HCC a aussi passé en revue les émissions de gaz à effet de serre françaises et a jaugé l’action climatique du gouvernement. Là non plus, le constat n’est guère reluisant. Avec une baisse de 1,9 % des émissions en 2019 (par rapport à l’année précédente) et qui pourrait atteindre 9 % en 2020, « les objectifs ont été respectés. Mais il ne faut pas oublier que les plafonds d’émission avaient été relevés » pour 2019, a rappelé Corinne Le Quéré. Quant aux baisses spectaculaires d’émissions de gaz à effet de serre de l’année 2020, elles ne sont pas forcément représentatives, car très liées aux mesures de confinement pendant la pandémie de Covid-19. « Pour autant, nous ne sommes pas encore dans les clous pour l’objectif de réduction de 40 % des émissions en 2030 et encore moins pour la neutralité carbone en 2050. » En effet, « en raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3 % dès 2021 (-13 Mt éqCO2) et 3,3 % en moyenne sur la période du troisième budget carbone (2024-2028) », note le rapport.
© HCC/Rapport 2021
De faibles politiques climatiques
Pour certains secteurs, la tâche risque d’être compliquée. Les transports sont le seul secteur dont les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter entre 1990 et 2019. « La croissance de la demande de transport et l’absence de report modal au bénéfice du rail sont les deux principaux facteurs entravant la réduction des émissions », indique le rapport, qui pointe des politiques publiques « pas assez alignées — voire éloignées — avec les orientations de la SNBC ». Les émissions du secteur agricole ne diminuent aussi que faiblement par rapport aux objectifs que s’est fixés la France. Les secteurs du bâtiment, de l’industrie et de l’énergie s’en tirent un peu mieux, avec des baisses continues d’émissions depuis 1990.
Or les moyens mis sur la table ne sont pas à la hauteur, estime le HCC. L’instance consultative n’analyse pas la loi Climat, qui n’a pas encore été adoptée tout en s’annonçant déjà décevante. Elle porte toutefois un regard sévère sur le plan de relance français : s’il consacre un tiers de ses financements — soit 28 milliards d’euros — à l’atténuation, « l’essentiel de ses dépenses s’inscrit dans la continuité de l’action actuelle, avec une réduction insuffisante des émissions » et aucun suivi n’est prévu pour les mesures relatives aux transports et à l’agriculture.
Les transports sont notamment pointés du doigt par le HCC. Pxhere/CC0
Par ailleurs, les faiblesses dans le pilotage des politiques climatiques, déjà identifiées dans le précédent rapport du HCC, n’ont pas été résolues : seuls deux ministères, la Transition écologique et l’Économie, ont publié leurs feuilles de route climatiques ; les études d’impact des lois restent « insuffisantes et ne prennent que marginalement en compte les conséquences environnementales et climatiques des dispositions proposées » et « les grandes lois d’orientation du quinquennat [LOM, Egalim, Elan] n’ont toujours pas bénéficié de l’évaluation prévue un an après leur entrée en vigueur ».
Le rapport du HCC a été remis au Premier ministre et à la ministre de la Transition écologique lundi 28 juin au matin. Dans un point presse organisé ce jour-là en fin d’après-midi, Matignon a minimisé les critiques du HCC : « Les conclusions du HCC rejoignent les nôtres : on a sur la table la plupart des outils qui vont nous permettre d’atteindre la baisse de 40 % en 2030 », a affirmé un conseiller, citant pêle-mêle l’augmentation des ventes d’autos électriques neuves et le succès du dispositif d’aide à la rénovation énergétique des logements MaPrimeRénov’. Le gouvernement doit annoncer cet automne une hausse de l’ambition pour 2030, afin de s’aligner avec l’Union européenne qui a adopté en avril dernier un objectif plus élevé de réduction de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030.
Notes
[1] Périodes où la température maximale est supérieure de 5 °C à la normale pendant au moins cinq jours consécutifs.
[2] La stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sont les deux outils de pilotage de la politique énergétique et climatique de la France, instaurés par la loi Climat de 2015. La SNBC définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050 et fixe des objectifs à court-moyen termes : les budgets carbone. La nouvelle version de la SNBC et les budgets carbone pour les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033 ont été adoptés par décret le 21 avril 2020.