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Quelques réflexions sur nos discussions politiques en cours, par Vincent Présumey

Lien publiée le 3 juillet 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Quelques réflexions sur nos discussions politiques en cours, par Vincent Présumey. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

L’abstention massive confirmée au second tour des Régionales et Départementales dimanche dernier est-elle ou non une menace pour les présidentielles ? Le réalisme véritable commande de répondre « Oui » à cette question. Car cette abstention n’est pas un fait inattendu survenant hors contexte. Elle fait suite aux Gilets jaunes et au mouvement de défense des retraites. Elle est en parfaite cohérence avec tout ce que l’on peut entendre si l’on veut bien écouter. Elle n’est que très secondairement voire pratiquement pas une abstention « Covid », ni une abstention « pèche à la ligne », ni même une abstention « Adrexo », elle est très majoritairement délibérée. Et elle est plus massive que jamais.

Certains commentateurs écrivent qu’elle est accentuée par le caractère « hors sol » des grandes Régions de la loi Hollande-Valls. Cela est vrai, mais ce caractère des grandes Régions est justement proche de celui des institutions centrales du régime (et la pépinière des postulants LR ou apparentés à la présidentielle est fournie par les « présidents de Région »), ce qui nuance pour le moins la conclusion que ces commentateurs tirent de ce fait, à savoir que ce qui vaut pour des Régionales/Départementales ne vaudrait pas pour des présidentielles. Un tel discours est prévisible de la part de camarades socialistes et réformistes souhaitant ne pas avoir affaire à de trop grandes perturbations institutionnelles (on leur souhaite bon courage !), mais on le retrouve aussi chez certains partisans de la candidature Poutou, ce qui est plus piquant : l’abstention devient en fait pour certains, soudain non souhaitable s’il s’agit des présidentielles, et donc ils se racontent qu’elle ne doit pas se produire.

La vérité du moment présent est pourtant bien que la présidence Macron, qui a échoué par rapport à ses ambitions et à ses objectifs fondamentaux, aboutit au risque d’un échec du caractère plébiscitaire de la présidentielle, qui en ferait tout au contraire un anti-plébiscite. Dire cela n’est pas faire un pronostic, c’est diagnostiquer une tendance, pour établir une orientation dans l’action.

La candidature Poutou décidée le jour même quelques heures avant la proclamation des résultats donnant une abstention quasiment identique à celle du 1° tour, ou toute autre candidature du NPA d’ailleurs, peut-elle jouer le rôle d’une « candidature des luttes » susceptible de mettre en avant, comme le conclut Jacques Chastaing dans son article du 27 juin dernier, « l’auto-organisation de la rue, afin que ce soit la rue qui mette le processus électoral sous contrôle et surveillance populaire » ? Soyons franc, je n’y crois pas. Je crois tout à fait à la possibilité et à la nécessité d’un processus de mobilisation sociale avant et pendant les présidentielles, mais pas qu’une candidature de gauche, quelle qu’elle soit d’ailleurs, dans les rapports politiques qui existent aujourd’hui entre les masses et les organisations anciennes et nouvelles issues de leur combat passé ou prétendant le représenter, puisse porter un processus qui mette l’élection présidentielle sous contrôle et surveillance populaire. Car que peut bien vouloir dire un tel contrôle, une telle surveillance, en dehors des deux scenarios suivants : une candidature gagnante, ou une abstention largement majoritaire qui délégitime l’élu-e et accélère considérablement la crise du régime ?

Aucune candidature déclarée ou potentielle n’est gagnante dans la situation présente. Peut-être J.L. Mélenchon en aurait-il encore, malgré le passif, la capacité politique, mais telle n’est pas son orientation. Il l’a dit : il souhaite que Macron se présente, et il est convaincu que des attentats ou évènements similaires auront lieu comme de bien entendu à la veille du premier tour. Ce ne sont pas là des propos d’un combattant qui veut gagner, que ce soit en étant élu ou en submergeant le régime sous un mouvement populaire majoritaire (ou les deux), mais ce sont des phrases pour blinder et fidéliser ses propres troupes, ni plus, ni moins. J.L. Mélenchon en réalisant, en vue des précédentes présidentielles, qu’il pouvait gagner, a choisi une orientation bonapartiste autoritaire dite « populiste », qui l’a empêché de gagner là où le combat pour l’unité aurait gagné, et maintenant il y reste fondamentalement rivé. Il ne stimulera que la dynamique de ses troupes, pas celles des larges masses, ou alors par inadvertance et dans ce cas il fera la sortie nécessaire pour casser cela.

Aucun candidat ne peut en l’état actuel des choses être un point d’appui pour la mobilisation sociale dont le contenu politique et démocratique, exprimé avant tout par les abstentions, se dirige contre le président Macron et contre l’institution présidentielle.

Le déroulé des évènements reste bien entendu un enjeu de la lutte. La victoire de la bourgeoisie consisterait à avoir à nouveau un président fort, assis donc sur une bonne participation, et son intérêt bien compris serait de se regrouper derrière un Bertrand, mais la lutte sociale de celles et de ceux d’en bas, et la crise au sommet, promettent tout sauf un long fleuve tranquille pour qu’elle y parvienne (la page 2 du Canard Enchaîné paru après ce second tour narre les efforts du dirigeant de LR, C. Jacob, pour savonner la planche à Bertrand, etc., etc.). Mais dans cette lutte, il n’y a en l’état présent, et on ne voit pas comment l’état des lieux politique et organisationnel en permettrait l’émergence dans les tout prochains mois, aucune candidature susceptible de peser dans le rapport de force. Le mieux que pourrait faire Poutou s’il est vraiment candidat pour les luttes et pas pour réaffirmer et reformater un petit appareil, ne serait certainement pas d’être en capacité de placer la présidentielle « sous surveillance ». Ce mieux consisterait à suivre les luttes en courant derrière et en les encourageant, ce qui est, tout de suite, difficilement conciliable avec le marathon des 500 signatures !

La situation comporte bien des incertitudes, mais il ne s’agit pas de faire des paris, mais de dégager des tendances fortes à partir desquelles agir. Macron aussi est incertain. N’en déplaise à J.L. Mélenchon, sa propre candidature n’est pas assurée. Lundi 28, les Échos et France Inter ont annoncé qu’E. Macron « phosphore pour frapper un grand coup », en portant l’âge légal de la retraite à 64 ans. La page deux du Canard du mercredi suivant le montre inquiet et dubitatif : les Français « … sont-ils assez murs pour une réforme des retraites dans un esprit de rétablissement des comptes publics de la collectivité ? » Tu parles, Charles ! Macron aurait déclaré attendre le 6 juillet, où une « réunion de travail » avec les « partenaires sociaux », qui ne sera pas, fait préciser l’Élysée à la presse dite économique, une « conférence sociale », doit avoir lieu, après quoi Macron pourrait faire un discours entre le 7 et le 14 juillet. Une réunion de travail mais pas une conférence sociale, cela veut dire que Macron a besoin des directions syndicales mais ne veut pas trop le mettre en évidence. Elles n’ont pas encore été officiellement conviée, mais la question de l’action pour que CGT et CGT-FO ne se rendent pas à cette grande messe, pardon à cette petite messe, est bien entendu posée.

Cependant, si le coup sur les retraites n’est toujours pas parti, un coup a été porté par M. Blanquer contre le Bac en annonçant que le contrôle continu allait continuer, massivement, l’an prochain, donc que le Bac devient local, n’est donc plus un diplôme conférant des droits, mais un ticket d’entrée à la loterie.

S’opposer à ce « dialogue social » qui n’a rien d’une négociation, informer sur les nombreuses grèves en cours, dénoncer le sort fait à la jeunesse et à l’école, agir pour la généralisation et la centralisation des luttes sociales dans les prochains mois, voila qui n’est pas compliqué à définir comme la tache la plus immédiate. Mais quel contenu politique lui donner par rapport à Macron et aux présidentielles ?

La démocratie réelle voudrait que Macron parte et arrête toutes ses contre-réformes. On ne peut cependant se limiter à présent à dire cela (je pense ici aux tracts actuels du POID) : la perspective des présidentielles est bien là, surtout depuis les 21 et 27 juin, et si l’on a défendu avec constance – osons dire que c’est le cas de notre tout petit centre politique, y compris et surtout lors de l’irruption prolétarienne des Gilets jaunes – la recherche de l’affrontement central pour chasser Macron, alors à présent on ne peut pas faire l’impasse sur le scrutin présidentiel lui-même, même si, dans le scenario le plus parfait, la grève générale et la centralisation du mouvement social contre le pouvoir central pourrait en faire l’économie !

C’est pourquoi, à la réflexion, il y a une formule sympathique que je n’emploierai pas, c’est celle du « 1° tour social ». Car, qu’on le veuille ou non, elle suggère à qui l’entend qu’après le 1° tour social viendra le 1° tour électoral et donc que la lutte sociale même puissante et unie serait, somme toute, un grand défoulement avant le retour au cadre institutionnel, quand bien même lui mettrait-il un peu d’ambiance dans les pattes. Pas plus que d’une candidature des luttes, nous n’avons besoin d’un 1° tour social. Nous avons besoin de généraliser et de centraliser l’affrontement social qui vient. Le plus tôt serait sans doute le mieux, mais cet affrontement ne doit pas faire l’impasse sur la présidentielle. Il peut même coïncider avec elle et la neutraliser, ou plutôt la battre politiquement, amorcer la destruction du régime en délégitimant son institution clef.

Nous devons faire attention à ne pas trop raisonner en imaginant que nous pourrions déclencher les choses, car nous n’en sommes pas là (même si un centre politique agissant intelligemment peut sans doute faire parfois « levier » au bon endroit et au bon moment !). Ainsi, nous ne pouvons en aucun cas prétendre déclencher un mouvement qui conduirait à une poussée sociale en pleines présidentielles avec abstentions massives : il peut avoir lieu mais nous n’en sommes pas maîtres. Répétons-le, le scenario de la bourgeoisie se sortant temporairement de ses contradictions, d’un Bertrand élu le 7 mai prochain avec une « bonne » participation, ou même d’un Macron relégitimé, ou d’une Le Pen gagnante, voire même, allez, d’un Jadot sur le trône (!!!), rien de tout cela n’est impossible. Nous ne sommes pas des démiurges et même si nous étions 100 000 fois plus gros nous ne le serions pas. Mais ce raisonnement vaut aussi dans l’autre sens : ce n’est pas parce qu’il ne dépend pas de nous que crise révolutionnaire et présidentielle se combinent ou non, que nous ne devons pas agir pour dégager une perspective permettant à notre classe d’avancer, quelle que soit l’issue.

Ceci posé, je penche donc pour dessiner dès maintenant la perspective d’une présidentielle délégitimée comme un objectif politique pour notre classe, en proposant dans et à partir des affrontements sociaux immédiats de préparer une abstention active sous des formes à définir, avec des appels actifs à enlever toute légitimité, toute prétention, au futur ou à la future président-e. Cette position est similaire à celle d’Alain Dubois avec cette nuance qu’elle propose de commencer, tout de suite, par mettre cela en discussion à l’échelle la plus sérieuse possible. Car nous pouvons associer démocratiquement des camarades ayant plusieurs cultures politiques et plusieurs approches dans cette affaire (ce que les articles récents et les forums du site APLS indiquent bien) : sensibilité anar, opposition frontale à la V° République, mise en avant des luttes sociales et de leur unification, espoirs plus ou moins déçus envers ce dont serait capable tel ou tel candidat, Mélenchon ou Poutou par exemple, et tendance, plus « social-démocrate » mais tout aussi légitime parmi nous que le rejet anar de la « démocratie représentative », à miser sur les législatives en zappant les présidentielles, tous ces ingrédients doivent encore être cultivés, confrontés, assaisonnés. Pendant, disons, le temps des vacances scolaires. Bien entendu, si des évènements doivent modifier la perspective affrontement social + délégitimation des présidentielles par l’abstention active, il faudra le voir et en tenir compte. Et fixons-nous une sorte de rencontre nationale avant fin septembre pour trancher et donner plus d’ampleur à la bataille possible. Bataille que notre classe gagnera (nous le souhaitons !), ou pas, mais qui vise dans tous les cas à l’armer et la faire avancer.

Nous discuterons de tout cela à la réunion-visio de mardi 6 juillet à 20 h.

VP, le 02/07/21.