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Ludivine Bantigny : "La Commune, c’est la vie, et la vie heureuse, le goût du bonheur"

Bantigny LaCommune

Lien publiée le 26 août 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Ludivine Bantigny : "La Commune, c'est la vie, et la vie heureuse, le goût du bonheur" (franceinter.fr)

Pour commémorer les 150 ans de la Commune de Paris, l’historienne Ludivine Bantigny a fait paraître aux éditons La Découverte "La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps", une singulière composition épistolaire qui s’adresse aux destinataires d’aujourd’hui en faveur de l’émancipation.

Ludivine Bantigny

Ludivine Bantigny © © Hervé Thouroude

Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rouen-Normandie, Ludivine Bantigny a développé ces dernières années une pensée singulière et engagée sur les mouvements sociaux dans l’histoire. 

De sa thèse sur la jeunesse en France dans les années 1950-1960 intitulée « Le plus bel âge ? : jeunes, institutions et pouvoirs en France des années 1950 au début des années 1960 » à La Commune de Paris à laquelle elle fait honneur dans son dernier ouvrage La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps, elle traverse les siècles en quête d’interactions entre les insurrections, les révoltes, les contestations. 

C’est pourquoi il n'est pas étonnant de trouver parmi ses recherches et ses prises de parole des articles sur les Gilets Jaunes ou les « casseurs », le principe de désobéissance civile ou encore sur les « expériences sensibles du politique » et la valorisation des femmes dans les études de sciences humaines.  

Nouer des relations à travers l'histoire

Fille de postiers, Ludivine Bantigny se forme à la politique au contact des manifestations de 1995 contre le « plan Juppé » sur les retraites et la Sécurité sociale. À l’époque, elle mène des études d’histoire et de lettres à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm d’où elle sort agrégée en 1998. 

Une volonté de rendre l'histoire vivante : voilà ce qui caractérise la démarche que prône Ludivine Bantigny en dépit de toute neutralité habituellement exigée. 

J'ai été soulagée quand j'ai compris que je ne pouvais pas être neutre.

Le 15 octobre 2020, elle consulte les archives de Paris sur la Commune. Dans une boîte noire, des photographies de fédérés (les soldats de la garde nationale) surgissent d'outre-tombe : des cadavres dont aucun ne semble apaisé, tous capturés par la gravité de la mort. L'historienne est bouleversée par ces images qui posent des questions éthiques et déontologiques : 

Est-ce que j'ai le droit de consulter ces photographies, de les voir, de les toucher (...) ? C'est comme si, finalement, j'allais redoubler leur mort

Pourtant, c'est à partir de ces photographies qu'elle insuffle de nouveau l'énergie de la Commune dans ses épîtres, telle une manière formelle de rendre ces femmes et hommes toujours vivants : des spectres sur notre présent.

Barricade Parvis de l’Hôtel de Ville © Pierre-Ambroise Richebourg (avril 1871)

Barricade Parvis de l’Hôtel de Ville © Pierre-Ambroise Richebourg (avril 1871) / The Horace W. Goldsmith Foundation Gift, throught Joyce and Robert Menschel 1998

Des "communeuses" et "communeux" en quête d'une république vraie !

Plus que des "communard•e•s" comme ils•elles l'étaient désigné•e•s par leurs opposant•e•s, les "communeuses" et "communeux" ont soif d'une république vraie

Louise Michel avait le sentiment d'être hantée par la Commune.

Si Louise Michel incarne bien souvent la figure de la femme communeuse à l'engagement viscéral, Ludivine Bantigny fait entendre les voix d'autres acteur•rice•s de la Commune avec qui elle correspond afin d'honorer leurs actions et prises de position.

Leur écrire, c'était une manière de poser les questions, de leur expliquer ce que les archives pouvaient dire d'elles et d'eux, et de leur dire que des choses au présent nous interrogent.

Il y a Maria Verdure, jeune institutrice de vingt-deux ans qui a déjà créé, non sans peine, une école sous le second empire, et qui défend une véritable éducation pour toutes et tous se basant sur l'émancipation, la confiance et la créativité des enfants (à la différence de l'école faussement égalitaire de Jules Ferry qui reproduit les violences sociales et culturelles). 

Il y a Léo Frankel, ce jeune hongrois qui promeut l'internationalisme du mouvement et a été un des élus de la Commune. Ouvrier autodidacte, il contribue à interdire le travail de nuit des boulangers comme ce moment historique réduit à dix heures le temps de travail, supprime les retenues sur salaire et tend vers l'égalité salariale entre hommes et femmes. 

Il y a Léon Vafflard, le fossoyeur de Paris qui alerte sur l'indécence des fosses communes et privilégie la dignité jusque dans la mort.

La démocratie vraie, c'est une démocratie au travail qui se pose des questions, qui avance en tâtonnant.

Il y a aussi Hortense Urbain, Victorine Brocher, Amélie Defontaines, et bien d'autres encore...

Foule autour de la colonne Vendôme

Foule autour de la colonne Vendôme / Bruno Braquehais - Paris Musée / Musée Carnavalet

Le chant du rossignol résonne toujours

Avec La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps, Ludivine Bantigny offre aux lectrices et lecteurs des "Échos passés du monde à venir" pour reprendre le titre d'un de ses chapitres. 

L'occupation actuelle du Théâtre de l'Odéon rappelle celle de 1968, deux événements puisant dans l'imaginaire de la Commune. Les Gilets Jaunes ont repris à leur compte la célèbre formule de Victor Hugo : "Police partout, justice nulle part", lequel, sans être communeux, a défendu les intérêts du peuple et s'est indigné en alexandrins : 

Qui donc a décrété ce sombre égorgement ? / Si quelque prêtre dit que Dieu le veut, il ment ! (Victor Hugo, Actes et paroles)

Le collectif "Vive la Commune" continue d'entretenir la mémoire de cet événement historique et politique. 

C'est ainsi que prend forme et s'écrit une chaîne du temps avec laquelle nous renouons, comme l'a investie la "Commune des Communes de Commercy" pour développer l'idée d'un "communalisme" visant à se ré-approprier les biens et à en prendre soin dans le cadre d'une démocratie directe

L'utopie d'aujourd'hui est la réalité de demain. (Louise Michel)

Les références

La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps, La Découverte, 2021.

Raphaël Meyssan et son roman graphique Les damnés de la Commune, éditions Delcourt (2017-2019) adapté en film d'animation sur Arte.

Victor Hugo, L'Année terrible, "L'Enterrement", 1872 : 

Que dans la liberté superbe du ciel bleu,
Il assiste, à présent qu’il tient l’arme inconnue,
Aux luttes du devoir et qu’il les continue.
Le droit n’est pas le droit seulement ici-bas ;
Les morts sont des vivants mêlés à nos combats,
Ayant tantôt le bien, tantôt le mal pour cibles ;
Parfois on sent passer leurs flèches invisibles.
Nous les croyons absents, ils sont présents ; on sort
De la terre, des jours, des pleurs, mais non du sort ;
C’est un prolongement sublime que la tombe.
On y monte étonné d’avoir cru qu’on y tombe.
Comme dans plus d’azur l’hirondelle émigrant,
On entre plus heureux dans un devoir plus grand ;
On voit l’utile avec le juste parallèle ;
Et l’on a de moins l’ombre et l’on a de plus l’aile.
O mon fils béni, sers la France, du milieu
De ce gouffre d’amour que nous appelons Dieu ;
Ce n’est pas pour dormir qu’on meurt, non, c’est pour faire
De plus haut ce que fait en bas notre humble sphère ;
C’est pour le faire mieux, c’est pour le faire bien.
Nous n’avons que le but, le ciel a le moyen.
La mort est un passage où pour grandir tout change ;
Qui fut sur terre athlète est dans l’abîme archange ;
Sur terre on est borné, sur terre on est banni ;
Mais là-haut nous croissons sans gêner l’infini ;
L’âme y peut déployer sa subite envergure ;
C’est en perdant son corps qu’on reprend sa figure.
Va donc, mon fils ! va donc, esprit ! deviens flambeau.

La programmation musicale du jour 

Germaine Montero, "La semaine sanglante"

Feu! Chatterton, "Monde nouveau", 2021

Le générique de l’émission

Isabelle Pierre, "Le temps est bon" (1971), remixé par Degiheugi, 2012

Les invités
  • Ludivine BantignyMaître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Rouen et chercheuse au Centre d'histoire de Sciences Po
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