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Le 4 septembre: un prélude massif aux mobilisations des 11 et 14 septembre

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Lien publiée le 7 septembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Le 4 septembre : un prélude massif aux mobilisations des 11 et 14 septembre qui nous feront entrer dans une nouvelle période. Par Jacques Chastaing. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

On aurait pu penser que la mobilisation aurait faibli avec ce samedi de rentrée scolaire, or il n’en a rien été.

Sans même parler du chiffre grotesque de 142.000 manifestants donné par la police, repris unanimement par les médias nationaux, on a pu constater que même si dans un certain nombre d’endroits, la mobilisation stagnait voire baissait un peu, dans de nombreuses villes au contraire la mobilisation a été plus importante. Ainsi de nombreux journaux titraient localement que la mobilisation se renforçait ou se maintenait tandis que les mêmes expliquaient à l’inverse qu’elle baissait nationalement alors que la simple addition des chiffres locaux, fournis souvent par la police, donnait un résultat supérieur à celui que la police avançait nationalement.

C’est clownesque !

Par delà les batailles de chiffres, ce qu’il faut retenir et ce qui évident pour tout le pays, c’est que la mobilisation a encore été massive après 8 week-ends de manifestations.

La permanence d’une mobilisation inédite de plusieurs centaines de milliers de manifestants en plein été durant 2 mois et dans 200 à 250 villes contre des mesures liberticides, en révolte contre les méthodes autoritaires et policières de Macron, son mépris et ses insultes permanentes, démontre l’ampleur et la profondeur des colères contre la dérive autoritaire du régime.

Et lorsque cette colère aborde en pleine force, comme elle le fait maintenant, la rentrée scolaire et sociale et la période où s’ouvrent les sanctions contre les récalcitrants à la vaccination en même temps que bien d’autres attaques à venir sur le chômage et les retraites, cela a quelque chose d’explosif.

Bien sûr, Macron et son gouvernement semblent rester droits dans leurs bottes et ne rien vouloir céder.

En même temps que les provocations de Blanquer sur les écrans plats, de Darmanin sur la gratuité des transports pour les policiers ou encore celle de Djebarri sur la réduction des facilités de circulation accordées aux cheminots, Macron en a rajouté une couche dans son discours de Marseille en insultant les enseignants trop souvent en grève et en proposant carrément un programme de destruction de l’école publique.

En visant les plus pauvres et les travailleurs, le gouvernement répond au mouvement social pour lui dire qu’il peut bien continuer comme ça pendant longtemps, lui ne se laissera pas impressionner et ne lâchera rien. Notons en passant à travers cette attitude que le gouvernement a bien conscience, lui, que ce mouvement dans le contexte général actuel, souvent animé par des anciens des Gilets Jaunes (les 2/3 selon Jérôme Rodrigues) est extrêmement dangereux pour l’ordre social des riches et de leurs serviteurs.

Cette attitude arrogante et provocatrice du gouvernement n’est pas chose nouvelle, de sa part, comme de la part de tous ses prédécesseurs. Comme leur campagne médiatique sur le prétendu essoufflement du mouvement, c’est une tactique visant à essayer de décourager les manifestants. Mais c’est souvent au lendemain des discours les plus provocateurs, constatant que cela ne marche pas, que les autorités cèdent d’un coup. Nous n’en sommes pas là, bien sûr, mais les semaines qui viennent pourraient nous approcher d’une telle situation.

Ces discours provocateurs, trop exagérés même, font penser plus à de l’inquiétude qu’à de l’assurance, une inquiétude pour commencer face au 11 septembre qui a été désigné comme une échéance centrale du mouvement avec un appel national à monter sur Paris initié notamment par des groupes Gilets Jaunes progressistes, tout à la fois contre le Pass et contre l’autoritarisme du gouvernement et une inquiétude, d’autre part, face à la rencontre possible du mouvement des samedis avec la colère ouvrière, la rencontre des manifestations avec la grève.

Constatons d’abord que toutes les tentatives de souiller le mouvement en le présentant comme un mouvement d’extrême droite, ou au public particulièrement sensible à l’extrême droite, mené ou influencé par des arriérés complotistes et hostiles à la science, voire comme aux Antilles par des individus imbibés de rhum ou soumis au Vaudou, tout cela n’a pas marché dans les milieux populaires. Et même au contraire, ça énerve et radicalise un peu plus.

Bien sûr, cela a marché dans un certain milieu militant de gauche, car relayé par l’ensemble des médias, par des directions syndicales ou certains partis de gauche, voire parfois d’extrême gauche, cette propagande a trouvé là, comme au moment des Gilets Jaunes, un terrain fertile auprès de personnes, qui comme les philanthropes bourgeois dont parlait Marx en son temps, ont pour métier ou vocation de se pencher avec commisération sur la souffrance des pauvres mais en ont terriblement peur lorsque les mêmes se soulèvent, n’y voyant plus alors que d’horribles barbares arriérés. C’est l’histoire de tous les mouvements sociaux dés qu’ils sont profonds comme des révolutions. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui à l’échelle mondiale.

Mais ce milieu qui a existé en tous temps n’est pas bien important.

Ce qui est important, c’est que Macron, malgré le monopole des médias – qu’une tribune de 2 000 chercheurs, universitaires, soignants, juristes, artistes et enseignants compare au Maccarthysme -, n’a pas gagné la bataille de l’opinion dans les classes populaires, bien au contraire.

Malgré toutes les calomnies, le nombre de manifestants ne diminue pas, ce qui montre d’une part que le discours macronien n’influence guère les milieux populaires et d’autre part, le nombre de vaccinés augmentant, ce maintien du nombre de manifestants, ne peut s’expliquer que par une plus grande présence de vaccinés dans la lutte, ce qui pourrait bien s’amplifier demain et déplacer le cœur des problèmes.

Cela démontre en effet que même s’il a existé depuis longtemps un petit mouvement antivax influencé par l’extrême droite qui essaie de se maintenir dans le mouvement actuel, profitant de l’absence des directions syndicales et politiques de gauche, le mouvement, massif, lui, n’a rien à voir, précisant partout et depuis le début qu’il n’est pas contre les vaccins mais contre l’obligation vaccinale et le pass sanitaire, ce qui ouvre à bien d’autres développements sociaux à l’avenir.

De même, le Medef qui était partisan du pass sanitaire à ses débuts, découvre tout d’un coup qu’il y est hostile parce que les grands centres commerciaux soumis au pass ont, selon lui, 40% de baisse du chiffre d’affaires. Or, il y a 72,3% de vaccinés, c’est donc probablement qu’en plus des non vaccinés, des vaccinés n’y font plus leurs courses non plus, bien qu’ils en aient la possibilité, témoignant ainsi que le mouvement est largement aussi celui des vaccinés.

Ce sont ces vaccinés dont le nombre est appelé à grandir, ne serait-ce que par contrainte, mais qui contrairement aux sectes pro-vax quasi aussi fanatiques et religieuses que les anti-vax, savent faire la part des choses et comprennent que la main-mise des labos pharmaceutiques sur la santé, salit la science et que celle-ci n’existe pas « pure » en dehors des rapports sociaux d’exploitation. Ainsi, ils demandent juste pour rééquilibrer ces rapports sociaux au profit de la population contre le capital, un peu plus de contrôle sur les entreprises pharmaceutiques, ce qui fut hier une revendication du mouvement ouvrier, pour espérer se rapprocher d’un système de santé au service du plus grand nombre et pas soumis aux seules logiques du profit capitaliste. Le nombre de scandales sanitaires ces dernières années sur lesquels un certain nombre se sont battus, a été une leçon de choses pour beaucoup

Au milieu de ce mouvement et de la rentrée scolaire et sociale et de ses conflits habituels va donc s’ajouter au 15 septembre l’obligation vaccinale aux soignants et d’autres professions avec à la clef des sanctions, suspensions de salaires et licenciements.

D’ores et déjà, les pressions des ARS et de certaines directions hospitalières sont considérables, agitant toutes sortes de menaces, parlant de pastilles de couleurs sur les cartes professionnelles indiquant le statut vaccinal, parlant de fautes professionnelles pour les non vaccinés susceptibles d’entraîner les non vaccinés devant les tribunaux, parlant « d’extraction » de personnels pour dire licenciement, mettant en pleurs nombre d’agents, surtout après le dévouement dont ils ont fait preuve face au covid et face à ces mêmes directions à qui ils demandaient plus de moyens alors que celles-ci le refusaient et le justifiaient hier en se cachant derrière les mensonges du gouvernement, tout en les obligeant à travailler même porteurs du virus, sans guère de moyens pour se protéger et soigner, et enfin fermaient des lits et supprimaient du personnel…

La raison de cette pression ahurissante est certainement la panique du gouvernement face à un éventuel noyau d’irréductibles à la vaccination obligatoire, qui même s’il n’est que de 5%, aboutirait à une catastrophe sanitaire par la fermeture de lits, de services, d’établissements vu déjà l’extrême justesse des effectifs aujourd’hui. Ce n’est pas la fermeture de lits ou d’établissements qui inquiète le gouvernement puisqu’il s’y emploie méthodiquement depuis des années, mais le fait que l’opinion pourrait lui reprocher du fait de ses méthodes policières une catastrophe sanitaire plus importante que celle qu’il prétendait éviter. Dans les DOM-TOM, la situation est encore plus absurde, vu le faible nombre de vaccinés, au point que si les menaces de suspension étaient appliquées, quasi plus rien ne pourrait fonctionner.

Par ailleurs, s’ajoute à ce contexte, une combativité des personnels soignants qui à ce jour est certaine. J’ai pu en effet recenser 266 hôpitaux ou établissements de santé en lutte ou qui ont montré leur volonté de lutte depuis mi juillet – ce qui est loin d’être exhaustif – par des grèves illimitées, des grèves ponctuelles, des rassemblements réguliers ou irréguliers, des dépôts de préavis de grève locaux, le plus souvent suivis à terme d’actions, des déclarations individuelles de grève, des participations aux manifestations du samedi ou à d’autres jours en semaine, en particulier les mardis et jeudis… Un nombre qui va probablement fortement augmenter à l’approche du 15 septembre puisque la fédération CGT santé a appelé la veille de ce jour-là à une journée nationale de grève et de manifestation.

Évidemment, on voit bien que les directions syndicales essaient de couper la mobilisation dans les hôpitaux de celle du samedi. Mais rien n’y fait, il y a toujours des agents hospitaliers dans les cortèges et de nombreux collectifs unitaires d’agents contre l’obligation vaccinale, qui participent aux manifestations du samedi, se sont formés par delà les structures syndicales, entraînant en retour le soutien de plus en plus de structures syndicales de base contre les pressions à diviser des instances fédérales, départementales ou nationales. La porosité entre les deux luttes est grande et pourrait bien dans les semaines à venir faire pencher de plus en plus le mouvement vers d’autres revendications, d’autres objectifs et… par delà les manifestations, pour la grève.

Beaucoup sentent en effet qu’il faudra aller au delà des manifestations pour faire reculer le gouvernement. Ça se sent à tel point que c’est Philippot lui-même – honte à la gauche et aux directions syndicales – qui a proclamé sa volonté d’aller jusqu’à la grève générale, occupant l’espace de la radicalité sociale que nécessite la situation et que lui abandonnent les dirigeants de gauche.

Des directions syndicales qui voudraient réellement faire face aux attaques de Macron devraient inviter à réunir partout les syndiqués dans toutes les entreprises – car la menace de l’obligation vaccinale et des sanctions pourrait peser sur tous les adultes, au vu de ce qui a été décidé en Polynésie, en Nouvelle Calédonie et de la demande en ce sens du groupe PS au Sénat- puis appeler à des AG des salariés le plus unitairement possible afin d’expliquer la situation et de décider d’actions multiformes immédiates, portant la colère et les revendications de résistance face au déferlement en cours et à venir, de mesures antisociales et antidémocratiques jamais vu depuis trois ou quatre décennies.

Mais non, les directions syndicales se sont rendues à Matignon où elles ne devraient pas être, et maintiennent leur seule et lointaine journée d’action du 5 octobre sans même y faire référence au mot pass sanitaire tout en multipliant les journées d’action dispersées pour diviser un peu plus : le 14 septembre une journée d’action pour la santé, mais pas pour les agents de soins à domicile qui eux sont appelés au 23 septembre, le même jour que les enseignants mais pas que les AESH pour qui ce sera le 19 octobre, tandis que les retraités manifesteront le 1er octobre et les métallos le 25 novembre !

Ceci dit, la durée de la mobilisation actuelle et son maintien à un haut niveau montrent que non seulement le mouvement va rencontrer la mobilisation nationale des soignants le 14 septembre, accompagner leurs combats ensuite contre les sanctions par un soutien actif des citoyens comme ça se fait déjà mais pourrait bien aussi participer à la mobilisation des enseignants du 23 septembre et aller même jusqu’au 5 octobre pour entraîner toute la base syndicale.

En attendant, il faut bien comprendre que dans la situation mondiale actuelle, l’état d’esprit des peuples et des classes populaires est à la colère, la défiance et sujet à des virages brutaux de la gauche vers la droite à cause de la complète faillite des réformistes mais aussi de la droite vers la gauche car l’attrait des démagogues de droite s’évapore non seulement dès qu’ils entrent en contact avec les réalités du pouvoir, comme l’ont démontré les cas de Trump ou de Bolsonaro, mais aussi quand ils entrent au contact des classes populaires mobilisées dans la rue qui obéissent rapidement de ce fait à des logiques de lutte de classe dans un contexte de remise en cause planétaire de tous les acquis sociaux.

Nous ne sommes plus en 2008-2009, voire même en 2016 lorsque les travailleurs ont été pris par surprise par la crise puis par des attaques organisées par la gauche, ce qui a contribué à paralyser temporairement l’initiative du mouvement ouvrier.

Aujourd’hui, sous le prétexte de la pandémie, la classe dirigeante a exercé une pression énorme sur les travailleurs pendant plus d’un an, ce qui a créé un climat d’amertume et de ressentiment, qui jette les bases d’une explosion de la lutte des classes. Les travailleurs ont payé un prix extrêmement élevé en termes de morts et de sacrifices dans la lutte contre le Covid, et par conséquent, aujourd’hui, ils sont non seulement plus conscients du rôle qu’ils occupent dans la société, mais ils veulent aussi que cela soit compensé par une part de responsabilité plus grande dans la direction du pays. C’est un facteur décisif dans le développement de la conscience de classe et tout le sens du mouvement actuel qui pose à sa manière cette question, une question que le mouvement ouvrier pourrait prendre à son compte sans difficultés s’il en avait la volonté et que la logique de la situation va poser de manière de plus en plus aiguë.

Voilà ce qui est en jeu aujourd’hui.

Alors tous au 11 et 14 septembre, pour commencer !

Jacques Chastaing, le 05-09-2021.