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Le mouvement antipass et les femmes salariées de la santé défendent l’ensemble des travailleurs

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Lien publiée le 27 septembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

LE MOUVEMENT ANTI PASS ET LES FEMMES SALARIÉES DE LA SANTÉ DÉFENDENT L’ENSEMBLE DES TRAVAILLEURS, FONT OBSTACLE A L’OFFENSIVE ANTI-OUVRIERE DE MACRON ET SONT EN PASSE D’ALLER ENCORE PLUS LOIN. Jacques Chastaing. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

25.09.2021.

Le mouvement anti pass continue à un haut niveau puisque ce week-end du 25 septembre il y avait encore beaucoup de monde dans les rues et plus de 200 manifestations avec une tonalité de grève générale en Guadeloupe, Martinique, et Guyane tandis qu’il pourrait prendre cette orientation également en Polynésie et Nouvelle Calédonie où le pass a été élargi à la plupart des professions.

Il montre par là qu’il n’est pas près de finir et ce faisant, il est en train de construire un fort noyau de résistance populaire durable qui fait déjà entrave aujourd’hui à l’offensive anti-ouvrière générale tous azimuts de Macron, le mettant en difficulté dans la préparation des élections présidentielles. Et plus que cela, le mouvement pourrait changer toute la donne politique et sociale  dans le pays – comme dans bien d’autres pays du monde – en prenant un caractère non plus seulement défensif, « non au pass », mais offensif et subversif.

UNE OFFENSIVE DE MACRON MÛREMENT REFLECHIE MISE EN ÉCHEC PAR LE MOUVEMENT ANTI-PASS

Macron a voulu susciter une division dans la population autour de la question de la vaccination et en profiter pour faire passer de nouvelles attaques contre le statut de la fonction publique et le secret médical espérant plus globalement à travers cette opération obtenir une importante victoire morale et politique contre la classe ouvrière. Il escomptait ainsi tout à la fois empêcher une éventuelle explosion sociale à la sortie de la crise épidémique qui inquiétait la bourgeoisie et, en même temps, avec le terrain libre que cela lui ouvrait pour continuer ses attaques contre les chômeurs et les retraites, s’octroyer les gains électoraux d’un tel succès auprès de l’électorat bourgeois et réactionnaire aux élections présidentielles.

Tout était en place pour que cette politique marche.

Macron a pu lancer son opération de division autour de la vaccination dans son discours du 12 juillet parce que les directions syndicales quelques jours avant avaient annoncé qu’elles ne mobiliseraient pas avant le 5 octobre, donc trop tard pour agir contre la réforme du chômage applicable au 1er octobre. Or cette réforme était centrale à ce moment dans les attaques de Macron contre le camp des travailleurs parce qu’elle va avoir des conséquences catastrophique pour les chômeurs et pour l’ensemble des travailleurs qui vont subir en retour dans leurs conditions de travail et salaires  la pression de tous ceux qui n’auront plus rien pour vivre. Cet appel, à un lointain 5 octobre alors que Macron ne cachait pas sa volonté d’en découdre contre les chômeurs et les retraites, était pour les directions syndicales une manière de dire au gouvernement : « vous pouvez y aller, on ne fera rien de sérieux contre cette réforme scandaleuse qui détruit le système de protection des chômeurs« . Macron a bien compris le message et en a profité pour durcir encore le ton le 12 juillet et lancer son attaque.

Cependant, ça n’a pas marché comme prévu.

La résistance contre le pass sanitaire, l’obligation vaccinale et aujourd’hui contre les suspensions de salariés non vaccinés, démarrée le 14 juillet, inédite en plein été, a duré de manière inattendue et dure encore 11 semaines après son commencement, malgré non seulement son lâchage complet par les directions syndicales et les directions politiques d’opposition mais aussi son dénigrement permanent comme « fasciste » non seulement  par le gouvernement, sa presse mais aussi par la majorité des forces de gauche.

Macron aurait été en grande difficulté et serait peut-être même tombé si les directions syndicales avaient appelé cet été à rejoindre la mobilisation et si l’opposition politique de gauche avait fait de même plutôt que de se focaliser uniquement sur les élections présidentielles.

Mais sans aller jusque là, le mouvement a toutefois déjà marqué des points importants.

Cette résistance populaire empêche Macron de claironner partout qu’il a vaincu et à partir de là d’étendre l’obligation vaccinale à d’autres catégories de salariés voire d’étudiants comme cela se fait déjà en Italie, Suisse, Grèce, USA, Canada, Australie… ce qui aurait permis au patronat de réaliser ses projets de licenciements massifs encore plus facilement et sans frais. Ce mouvement protège donc l’ensemble des travailleurs y compris des syndicalistes. Et il a déjà gagné pour cette raison.

Par ailleurs, cette résistance populaire qui est loin d’être finie, peut avoir des incidences importantes sur la situation à venir.

EN SE DEPLACANT PEU A PEU DU PROBLÈME DE LA VACCINATION A CELUI DE LA DÉFENSE DE LA SANTÉ PUBLIQUE, LE MOUVEMENT FAIT RECULER MACRON AVANT D’ALLER PLUS LOIN ENCORE

Ce mouvement s’est traduit jusque là surtout par des manifestations importantes tous les samedis depuis bientôt trois mois mais aussi par près de 1 000 établissements de santé où on a pu comptabiliser depuis le 12 juillet des grèves, luttes et résistances contre le pass sanitaire, l’obligation vaccinale et les suspensions et sanctions avec un pic de manifestations autour d’une grève nationale les 14,15 et 16 septembre contre les suspensions.

Or cette lutte dans le corps même des professions de santé pourrait très bien à tout moment faire basculer massivement l’opinion contre Macron, alors que déjà selon les sondages le mouvement gagne en popularité plus il dure.

Si l’opinion réalisait que la prétendue lutte du président pour la santé pourrait se traduire par une catastrophe sanitaire encore plus importante avec la fermeture de lits, services, hôpitaux ou maisons de retraites et donc l’aggravation de la maltraitance des malades et des personnes âgées, voire des décès, cela pourrait susciter une indignation générale qu’on avait connue par exemple en 2018 à l’occasion de la grève massive des employés d’ehpad en début de cette année-là.

On se rappelle en 2018 du mouvement d’indignation populaire qu’avait suscité le dévoilement par la grève du caractère sordide de la situation de bien des seniors en maison de retraite et l’apparition dans la foulée de la vague des #balancetonehpad puis #balancetonhosto dénonçant la grande misère du système de santé publique. On se souvient moins des conséquences que cette grève avait eu sur le déclenchement d’un fort mouvement social à sa suite y compris celui des Gilets Jaunes. J’y reviendrai en parlant de la journée de grève syndicale du 5 octobre.

Si cet épisode a été oublié parce qu’occulté en milieu militant, le gouvernement, lui, n’a pas oublié et est certainement très inquiet du développement possible aujourd’hui des luttes dans les hôpitaux et ehpad.

C’est probablement pourquoi – pour ne pas ulcérer un peu plus ce milieu déjà chauffé à blanc – le gouvernement n’a jusqu’à présent annoncé que 3 000 suspensions d’agents de santé pour défaut de vaccination – même si c’est 3 000 de trop – alors qu’il y a 350 000 agents de santé non vaccinés. C’est un aveu de sa peur et de son impuissance face à la résistance des non vaccinés mais aussi des vaccinés qui sont solidaires de leurs camarades de travail. Bien sûr, il y a probablement plus de 3 000 salariés suspendus mais très loin des 350 000 que Macron avait promis de soumettre sous sa botte, auxquels il faut rajouter, pompiers, ambulanciers, aides à domiciles, employés de crèches qui ne sont pas comptabilisés dans ces 350 000.

Bien sûr, le fiasco et l’impuissance de Macron face à la mobilisation et aux salariés de la santé – et donc ce premier succès du mouvement – ne sont pas visibles même aux yeux de bien des acteurs du mouvement parce que le mouvement n’a pas encore construit son auto-organisation et son expression propre, la conscience de lui-même, parce que également  l’ensemble des médias continue à chanter les louanges de Macron mais aussi et surtout parce que l’opposition politique et syndicale de gauche ne veut surtout pas montrer que le mouvement en cours tient en échec le gouvernement, sans sa participation, ce qui aurait consisté à reconnaître également son échec. Une nouvelle fois, comme déjà avec les Gilets Jaunes, l’opposition sauve Macron en refusant de s’engager pleinement dans le conflit social.

Ceci dit, rien n’est fini et le mouvement pourrait connaître de nouveaux rebondissements.

Il y a deux raisons à cela, deux raisons qui s’entremêlent, celle de la féminisation du travail dans la santé et de l’arrivée de la journée d’action du 5 octobre.

LES FEMMES, LE LIEN SOCIAL ET LES MOUVEMENTS DANS LA SANTÉ

Pour comprendre pourquoi les mouvements dans la santé ont aujourd’hui un rôle souterrain mais central et entraînant dans les luttes sociales tout en percutant les habitudes des directions syndicales et en étant aux antipodes des objectifs fascistes, il faut bien voir que la caractéristique des mouvements de santé appartient à un des bouleversements sociétaux les plus radicaux du dernier demi-siècle

Cette révolution est la féminisation du travail et son implication dans des métiers qui font le lien social.

En France, les travailleuses représentent 51% du salariat populaire, la majorité. En 1968, la proportion était de 35%. Un changement souterrain, progressif et insensible mais considérable dont on n’a pas mesuré toutes les conséquences.

A elles seules, les salariées des activités médico-sociales et éducatives ont quadruplé leurs effectifs de 500 000 à près de 3 millions entre 1968 et 2017, une multiplication par six. On trouve 182 000 employées à nettoyer les locaux, 500 000 aides à domicile, 400 000 assistantes maternelles, 115 000 domestiques, 400 000 aides-soignantes, 140 000 auxiliaires de puériculture, 500 000 agents de service, 400 000 infirmières, 340 000 enseignantes en primaire (institutrices). De plus, la quasi-totalité de la force de travail qui a élargi depuis 50 ans la classe ouvrière est féminine tandis que les pertes de postes de travail se faisaient plutôt dans le monde masculin avec les luttes contre les licenciements, le dos au mur.

Cette particularité d’embauches massives de femmes contrairement aux secteurs masculins en déclin, a donné aux femmes travailleuses la possibilité, l’optimisme et la volonté d’entrer en lutte de manière plus massive, plus déterminée et souvent de gagner. Par ailleurs, la particularité de leur travail dans ce qui tisse le lien social dans notre société fait que l’opinion se mobilisera plus facilement aux côtés d’infirmières en lutte pour plus de moyens ou contre des suppressions de postes en ehpad, maternité ou hôpital, qu’aux côtés de métallurgistes pour sauver leur emploi.

En même temps, les grèves au sens classique d’arrêts de travail dans les hôpitaux ne sont guère possibles parce que les êtres humains ne sont pas des voitures et un mouvement dans un hôpital ne peut pas bloquer la machine à profits comme un blocage de chaînes automobiles. En ce sens, les grèves dans la santé ne peuvent réussir qu’en mobilisant l’opinion publique sur ce qu’elle a de meilleur, sur ce qui fait le lien de solidarité dans nos sociétés envers les malades, les plus fragiles, les plus anciens, les plus pauvres, bref sur la perspective d’un monde meilleur.

On comprend ainsi combien l’obligation vaccinale et le pass sanitaire peuvent heurter ces métiers de santé qui ont vocation à aider, soutenir, accompagner, convaincre et non pas contraindre, obliger ou forcer. On comprendra aussi combien le désir du mouvement anti pass de contrôler l’expertise médicale d’en haut, peut rencontrer le désir des soignants soucieux de bien faire leur travail, de maintenir le lien social de confiance entre soignants et soignés sans aucune place à l’obligation, à la contrainte. Il y a un terrain commun à contrôler des labos pharmaceutiques qui ont du sang sur les  mains, des experts médicaux de télévision ou de pouvoir comme Véran et d’autres qui se fichent  totalement de la santé publique et qui n’ont d’autres ambitions que de la vendre au privé avec la Sécurité Sociale pour faire de l’argent sur le dos des malades comme on en fait déjà sur le dos des vieux, un terrain commun à avoir une santé publique dotée de réels moyens au service du plus grand nombre dans le respect des croyances et idées de chacun. C’est pourquoi jamais le mouvement social en cours, et encore moins  plus il avancera, n’acceptera une expression fasciste même si de petits groupes d’extrême droite qui ont comme drapeau depuis des années les idées réactionnaires des antivax forcenés essaient de se faire les porte-paroles de ce mouvement car la gauche leur abandonne tout le terrain.

Alors oui, avec la lutte contre le pass sanitaire, l’obligation vaccinale et de plus en plus la « suspension » des soignants, pompiers, aides à domicile, employées de crèches et l’extension possible des suspensions à d’autres catégories – ce qu’on voit de plus en plus dans les manifestations anti-pass, « ne touchez pas aux soignants » s’accompagnant de « Macron en prison » -,  en même temps que la lutte pour leur réintégration, il y a moyen de mener un large combat au nom du maintien du lien social solidaire synonyme de civilisation, qui fasse reculer Macron et toux ceux qu’il représente, la barbarie de l’égoïsme capitaliste. Un combat très éloigné de celui auquel poussent les directions syndicales qui cherchent à confiner les militants à un simple rôle de « conseil » – nécessaire mais insuffisant – auprès des salariés menacés de licenciements déguisés.

Mais pour cela, il faut clairement dire qu’on n’en peut plus de cette société, qu’on en veut une autre débarrassée non seulement de Macron mais aussi des griffes du capitalisme. On veut non seulement maintenir ces métiers féminins de lien dans les hôpitaux, ehpad, maternités, écoles et autres services publics mais les généraliser à toute la société, en faire une société de lien social, de commun partagé. Et pour que la lutte contre les licenciements des Tui, des PPG et leurs amis qui se retrouvent le 2 octobre pour donner une suite à leur mobilisation contre les licenciements, puisse se lier à celle contre les licenciements dans la santé, il faut qu’au delà de la survie immédiate et nécessaire de garder son emploi, elle ait aussi cette dimension universelle humaine, au moins dans ses perspectives. On ne veut plus subir et seulement se défendre mais aussi construire demain et passer à l’offensive !

LE 5 OCTOBRE ET SES POSSIBILITES

Dans ce contexte, bien que la journée de grève du 5 octobre ait été conçue comme un feu vert aux attaques de Macron, nous arrivons à cette date dans d’autres conditions puisque la mobilisation anti pass dure et que celle contre les suspensions pourrait s’amplifier.

Le 5 octobre pourrait alors changer de caractère et au lieu d’être comme d’habitude une banale journée d’action inefficace et sans suite, cela pourrait devenir au contraire un point de départ vers un élargissement du domaine de la lutte ou vers de nouvelles luttes d’ampleur. Non pas parce que les directions syndicales le voudraient mais parce que d’une part dans un esprit concurrentiel avec le mouvement anti-pass elles sont poussées à vraiment préparer le 5 octobre et d’autre part parce que les bases syndicales veulent peut-être s’en emparer pour entrer dans la danse. Si le 5 octobre était un échec, il est possible que des bases syndicales basculent dans le mouvement anti-pass malgré les directions syndicales et si c’est un succès, il est possible qu’on bascule alors tous dans une toute autre dimension des luttes.

Personne ne peut le savoir, on verra, mais c’est pour cette raison qu’il serait étonnant que Macron amplifie les sanctions contre les non vaccinés avant cette date, de peur que cela ne donne des motifs à un contenu explosif au 5 octobre.

D’un autre côté, si le 5 octobre était un échec et que les bases syndicales démoralisées ne passaient pas du côté du mouvement, Macron pourrait reprendre son offensive. L’annonce de Castex que le gouvernement déciderait le 13 octobre, après le 5, d’une éventuelle prolongation du pass sanitaire après le 15 novembre en est la menace. D’ores et déjà un certain nombre d’entreprises et secteurs non-concernés aujourd’hui par le pass cherchent à l’appliquer dès maintenant en toute illégalité avec le chantage à l’emploi, et poussent ouvertement dans le sens d’une généralisation du pass comme dans d’autres pays ou en Polynésie et Nouvelle Calédonie.

Bien sûr, personne ne sait comment vont réagir le mouvement ouvrier organisé et le prolétariat le 5 octobre et après.

Mais on sent un climat social assez explosif depuis mai 2021, qui s’est vu à une vague de grèves et conflits inhabituels en mai, juin et début juillet 2021 avant que les vacances ne suspendent cette tendance et que le mouvement anti pass déporte la question vers d’autres sujets. Cela se voit encore par une vague de grève aujourd’hui assez importante également autour de journées d’actions syndicales assez suivies comme celle par exemple des sages femmes, ou des infirmiers de blocs, et celles extrêmement dispersées mais qui n’en finissent pas, des agents territoriaux pour leurs horaires de travail et contre la loi sur la fonction publique.

Et puis aussi et surtout, il y a le précédent de la grève des ehpad dont je parlais plus haut et dans ce cadre, la journée de grève du 22 mars 2018.

Que s’était-il passé à cette époque ?

LE  22 MARS 2018 COMME PRECEDENT AU 5 OCTOBRE 2021 ?

Après une agitation sociale importante autour du moment de son élection, Macron paraissait avoir passé l’obstacle et être au sommet de sa puissance à l’automne et l’hiver 2017 – la presse l’avait baptisé Jupiter – tandis que les directions syndicales abandonnaient le combat en prétendant comme d’habitude qu’elles ne pouvaient rien faire parce que les travailleurs ne se battaient pas (aujourd’hui, dans le même esprit et toujours pour justifier leur inaction, elles prétendent que lorsqu’ils se battent ce sont des fascistes !).

Pourtant, à cette époque, parallèlement au discours syndical de démobilisation, et donc en conséquence de manière invisible, les employées des ehpad du sud de la France – là où il y a les mobilisations anti-pass les plus importantes aujourd’hui- multipliaient les grèves dénonçant leurs conditions de travail et les conditions de vie des résidents en même temps que les employées du nettoyage ou des grands hôtels menaient des grèves gagnantes, sur un fond général de grèves importantes mais larvées et émiettées des agents hospitaliers qui duraient depuis deux ans puisque j’avais recensé sur cette période de deux ans précédant début 2018, 4 000 établissements de santé qui avaient connu une lutte petite ou grande.

En janvier 2018, alors que Macron reculait pour la première fois face à la mobilisation de Notre Dame Des Landes, ce mouvement dans la santé, invisible jusque-là, émergeait brutalement au grand jour le 31 janvier 2018 et à la surprise de tous ceux que l’attitude de la gauche syndicale démoralisait, avec plus de 2 000 ehpad en grève ce jour-là.

L’opinion découvrant ouvertement et tout d’un coup ce qu’on pressentait sourdement, les conditions de vie dramatiques des seniors en maisons de retraites en même temps que les bénéfices colossaux des sociétés privées qui les géraient, prit le choc en pleine figure. Il y eu alors un soutien massif de l’opinion aux agents des ehpad en grève qui encouragea du coup ceux-ci à appeler à une seconde journée de grève le 15 mars 2018, tandis que parallèlement l’agitation reprenait dans les lycées, qu’une grosse grève entraînait la quasi-totalité des agents pénitentiaires dans la lutte et que le mouvement « Colère » accompagné des motards, démarrait ce qui donnera quelques mois plus tard les Gilets Jaunes.

L’appel des ehpad au 15 mars était suivi et appuyé immédiatement par les retraités, concernés au premier chef par ce qui se passait en maisons de retraite, et paraissait alors pouvoir unifier et entraîner dans un seul mouvement toutes les luttes qui resurgissaient à ce moment, y compris le mouvement « Colère ».

Les directions syndicales prirent peur. Craignant d’être débordées, non seulement avec la presse macronienne elles qualifiaient « Colère » de fasciste (déjà) mais appelaient également à une journée de grève le 22 mars en contre feu de la journée du 15 mars des agents des ehpad pour tenter de reprendre les choses en main, tout en dénonçant cette journée du 15 mars comme une entreprise de division !

Le 15 mars n’entraîna donc pas la base syndicale militante et n’eut pas de suite ouverte. Par contre, dans le contexte d’agitation du moment qui renaissait, la journée du 22 mars fut un grand succès au-delà du prévisible. C’est qu’elle fut emplie par l’espoir des militants d’un renouveau de la lutte face à un Macron plus arrogant que jamais, et en même temps par leur gêne de ne pas avoir participé à l’éveil du 15 mars aux côtés des agents des ehpad et de s’être laissés entraîner, déjà, dans la dénonciation du mouvement « Colère » par les directions syndicales et politiques de gauche comme un mouvement fasciste. Ainsi, la journée du 22 mars fut très suivie et ne fut pas un point d’arrêt mais au contraire un point de départ à d’autres mobilisations.

C’est en effet peu après sous la pression de la base militante que début avril pour garder le contrôle d’une situation qui lui échappait avec les étudiants qui commençaient à entrer nombreux en lutte, que les directions syndicales lancèrent la grève de trois mois des cheminots, 2 jours par semaine (!), suivie par une grève de plus d’un mois des électriciens et gaziers, avec en mai  la « fête à Macron » de Ruffin, réunissant 50 000 personnes pour la démission du président, puis les « super fêtes à Macron » baptisées « marées populaires » de l’ensemble de la gauche politique et syndicale réunissant 250 000 personnes en juin contre Macron, marquant toute la période de la question sociale et faisant espérer à certains un nouveau mai 68.

Les vacances et le manque de volonté de la gauche syndicale et politique interrompirent le mouvement et le gouvernement pensait en avoir fini avec l’agitation sociale.

Mais le mouvement « Colère » qui avait cheminé discrètement et parallèlement aux grèves des cheminots, des électriciens et étudiants et lycéens et aux « fêtes à Macron », ressurgissait en octobre novembre, sous l’appellation Gilets Jaunes, encore plus fort, et instruit des échecs syndicaux et politiques de gauche.

Est-ce que le 5 octobre jouera le même rôle que le 22 mars ?

Peut-être pas, l’histoire ne se répète jamais. Ceci dit, aujourd’hui bien des militants syndicaux de base qui enragent de ne pas avoir participé collectivement et en masse aux manifestations anti-pass du samedi en laissant le terrain à l’extrême droite, souhaitent se « rattraper » ou participer à leur manière au mouvement général qui se dessine pour renverser le rapport de force face à Macron et le faire à partir du 5 octobre. Bien des syndicats locaux avaient décidé la participation à ces manifestations anti-pass des samedis mais n’avaient pas osé franchir le blocage des directions syndicales et de leurs appareils, ce qui fait que des militants y sont allés seuls et sans signes distinctifs. Le 5 octobre et ses suites pourraient peut-être leur permettre de franchir ces interdits.

Alors le 5 octobre sera-t-il un nouveau 22 mars, cette révolte de la base syndicale aura-t-elle lieu plus tard ? Personne ne peut le savoir mais quoi qu’il en soit, il est juste, dès maintenant, comme ça se fait par exemple aux Antilles, d’associer le 5 octobre aux samedis anti pass des 2 et 9 octobre et annoncer au moins en propagande qu’il faudrait se mobiliser le 5 mais aussi les 6, 7, 8 et 9 pour que la journée du 5 puisse avoir une quelconque efficacité et ne se réduise pas à une journée sans suite et une simple concurrence entre le mouvement syndical et le mouvement anti pass.

Les femmes travailleuses en lutte – avec la jeunesse – ont toujours été annonciatrices de révolution. Aujourd’hui leur combat a une portée offensive, subversive contrairement à ceux des directions syndicales et politiques de gauche qui se contentent d’être défensives dans le cadre du système. C’est cela que craignent les vieux appareils des directions syndicales et politiques de gauche dans les mobilisations des femmes prolétaires et surtout quand elles ont pour métier le lien social. Leurs mobilisations portent en elles la possibilité et l’idée d’un autre monde. Le mouvement anti-pass peut leur donner la visibilité, le poids, l’unité avec le soutien actif et politique de l’opinion publique qui est actuellement mobilisée dans la rue et qui peut encore s’étendre avec la mobilisation des militants syndicaux et politiques de base le 5 octobre et ensuite pour devenir un raz de marée.

Jacques Chastaing le 26.09.2021.