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Quels enseignements politiques tirer du débat Mélenchon – Zemmour ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.revolutionpermanente.fr/Quels-enseignements-politiques-tirer-du-debat-Melenchon-Zemmour
Ce jeudi 23 septembre, le débat Mélenchon – Zemmour a tenu ses promesses. Alternant coups habiles et prises de hauteurs, le leader de La France Insoumise a mis en difficulté à plusieurs reprises Eric Zemmour. De son côté, le polémiste d’extrême-droite a joué sa partition cherchant à consolider et à agrandir son capital électoral récent.
A gauche, la participation de Jean-Luc Mélenchon à ce débat face à Éric Zemmour avait suscité de nombreuses critiques. A l’origine de celles-ci, l’idée que la participation de Mélenchon, principal représentant de la gauche réformiste, à un débat avec Zemmour, figure médiatique de l’extrême-droite qui d’ores et déjà bouleverse les présidentielles de 2022, ne pourrait que renforcer la légitimité politique que le polémiste cherche à construire, bien aidé par les grands médias.
De ce point de vue, l’opération n’a pas été neutre pour Eric Zemmour : à l’issue du débat, le polémiste d’extrême-droite ressort plus « présidentiable » qu’il ne l’était. Mais faut-il pour autant se refuser par principe à tout débat avec Zemmour, ou avec l’extrême-droite ?
La politique de la chaise vide ne permet pas de combattre l’extrême-droite
Premièrement, cette position de principe s’affronte à plusieurs limites. La première est de sous-entendre que la politique de la chaise vide peut d’une manière ou d’une autre permettre de constituer une frontière entre « eux » (l’extrême-droite, pire ennemi des travailleurs) et « nous » (les organisations du mouvement ouvrier). Cette position, si elle peut se justifier dans une situation où l’extrême-droite se réduirait à une frange minoritaire de l’échiquier politique, est en contradiction profonde avec la place qu’elle occupe à l’heure où une partie non négligeable du monde du travail se trompe de colère.
En ce sens, imaginer combattre politiquement l’extrême-droite en la marginalisant et en la diabolisant est non seulement une erreur d’analyse, mais aussi une erreur politique. D’abord parce que cela revient à mettre au second plan l’importance de batailler et convaincre les secteurs non négligeables de la population qui sont effectivement perméables aux idées réactionnaires et au racisme, sur fond de discrédit des organisations de « gauche », résultat de leurs trahisons de ces trente dernières années. L’émergence d’Eric Zemmour n’est pas seulement le produit d’un phénomène médiatique, mais le reflet de la crise des partis politiques traditionnels de la droite et de l’extrême-droite, notamment du RN de Marine Le Pen.
Face à la radicalisation de la droite, la réponse des organisations du mouvement ouvrier ne peut être le refus de combattre. Elles doivent opposer à l’extrême-droite une bataille politique résolue, tout aussi radicale, sur un terrain programmatique et stratégique. De ce point de vue, la politique de la chaise vide ne peut être que contre-productive : en laissant le terrain libre à l’extrême-droite, qui a déjà pignon sur rue dans les débats télévisés, on laisse infuser sans contradicteurs les idées réactionnaires. Aussi, il est particulièrement évident que Zemmour ne compte pas seulement sur Mélenchon pour se forger une légitimité mais surtout sur la tribune que lui offrent les grands médias, Macron et consorts. Cette politique de la chaise vide participe dans le même temps à une forme de diabolisation de l’extrême-droite la plus réactionnaire, qui a pour corrélat le fait de minimiser ce qui en fait le terreau, à savoir le résultat de la politique menée par l’alternance au pouvoir de la droite traditionnelle et de la gauche institutionnelle.
En définitive, refuser de débattre avec nos ennemis de classe sur les plateaux télés ne peut être érigé en principe. Il s’agit d’une question tactique qui doit être discutée en fonction du type de débat, des contradicteurs, et au regard de notre capacité à pouvoir en tirer profit pour notre camp social. De ce point de vue, le bilan du débat parle de lui-même : Jean-Luc Mélenchon, loin de se faire instrumentaliser, a largement tiré profit du débat pour se relancer.
Fake news, mais pas de « rémigration » : Zemmour parie sur une radicalité « lissée »
L’essentiel du discours d’Eric Zemmour s’est tenu sur son registre habituel. Le polémiste a développé de façon centrale un récit (totalement faux et construit) de l’histoire de France, couplé à l’idée qu’en jetant dehors les personnes non « assimilables », à savoir les musulmans, l’on pourrait revenir à la « Grande France » de De Gaulle. Pour cela, il a déroulé son discours islamophobe classique : « la délinquance que nous vivons n’est pas une délinquance, mais un djihad », la France serait au cœur d’une « guerre de civilisations » fantasmée. Mené Sur un terrain au sujet duquel il s’exprime peu, Eric Zemmour a égrainé des mesures libérales mal dégrossies, révélant le caractère encore inachevé d’une probable candidature.
Ce débat avait deux objectifs principaux pour Eric Zemmour. Le premier est de consolider sa base électorale : à l’heure de sondages particulièrement volatiles, comme l’illustre sa montée exponentielle (11% en quelques mois selon les derniers sondages), il s’agit de consolider sa base sociale tout en cherchant à convaincre plus largement en direction de la droite notamment. L’autre objectif clé est de se départir de l’image de polémiste pour légitimer sa « posture présidentielle ». Malgré les difficultés face à Jean-Luc Mélenchon, bien plus adroit et rompu à l’exercice du débat, Zemmour a fait un pas en ce sens.
Tout en s’adressant à son nouvel électorat, venu notamment du RN, Zemmour cherche à exploiter les faiblesses de la droite traditionnelle qui pourrait tendre, en l’absence de candidat hégémonique, à se radicaliser. Son pari ? La radicalité, afin de rallier des secteurs de la base sociale de LR que le Sarkozysme avait réussi à canaliser un temps derrière sa personne. Mais une radicalité « mesurée », puisqu’il a cherché à lisser ses aspects les plus radicaux, mettant de côté son discours sur la « remigration » forcée des millions de musulmans vivant en France. « À quoi perd-on son temps, à discuter des folies de Monsieur Zemmour qui veut expulser 5 millions français musulmans de ce pays ? » a interpellé Jean-Luc Mélenchon, avant d’être accusé par Eric Zemmour de dire des "énormités". Un discours anti-féministe qu’il cherche aussi à lisser quant à ses positions réactionnaires, qui, assumées jusqu’au bout, remettent en question la loi de 1967 autorisant la pilule.
Zemmour fait ainsi le pari de fracturer la droite, quitte à ne pas être hégémonique et à s’aliéner les secteurs bourgeois et conscients de la droite traditionnelle. Zemmour vise les secteurs traditionalistes adepte de la manif pour tous, ou cherche à ramener dans son giron une partie des secteurs populaires qui historiquement votent à droite. C’est en ce sens que Zemmour peaufine son discours présidentiel, assumant fake news, fonds de commerce de l’extrême-droite, tout en mettant au placard les éléments les plus radicaux de son discours, habituellement dédiés aux secteurs les plus fascisants de sa base. Cette radicalisation assumée en direction de la base de la droite traditionnelle se combine à l’offensive brutale actuellement menée contre la direction de LR qu’il qualifie de « parti de notables centristes » et qu’il accuse d’avoir « trahi la droite » gaulliste, s’attaquant par là au chiraquisme. Zemmour revendique dans le même temps « Fillon », condamnant la justice « qui vous a volé l’élection » dans l’objectif de draguer « la droite du Trocadéro ».
De ce point de vue, le polémiste a illustré durant ce débat sa faiblesse programmatique sur le terrain social et économique. Sous pression de Mélenchon, Zemmour a dû sortir du bois sur la question économique, en affirmant un programme ultra-libéral s’attaquant à un « Etat-providence obèse » : il « faut réduire ces charges sociales, supprimer les impôts de production », « il faut que la solidarité soit à nouveau nationale, que nous ne donnions plus le RSA ou les allocations familiales aux étrangers ». Sur le terrain écologique, qu’il pose comme secondaire, c’est un programme primaire de droite, Zemmour s’affirme pro-nucléaire et anti-éolien : « lui veut sauver la planète, moi je veux simplement sauver la France », éludant la une question aujourd’hui centrale pour la jeunesse. Un programme social et économique léger qui fait ressortir une contradiction importante pour celui qui veut discuter sérieusement avec la base sociale de François Fillon, mais qui veut aussi crédibiliser sa stature de présidentiable. Une contradiction que Zemmour cherche à résoudre en précisant son programme dans ses dernières sorties : retraite 64 ans d’ici à 2030 et à fin des régimes spéciaux, baisses d’impôts des entreprises sans contrepartie, programme libéral face aux licenciement, car « l’Etat n’est pas une ambulance ».
Mettant en difficulté Zemmour, Mélenchon cherche à se replacer au centre
Dans une séquence extrêmement polarisée sur le terrain réactionnaire et marquée par l’omniprésence politique et médiatique des discours sur l’immigration et la sécurité, le débat contradictoire entre Zemmour et Mélenchon aura eu le mérite, au-delà des importants désaccords que nous avons avec le leader de la France Insoumise, de mettre en avant une autre rhétorique que celle des plus réactionnaires.
Il ne s’agit aucunement d’appuyer les déclarations triomphalistes que l’on a pu voir fleurir au sein de la France Insoumise à l’issue du débat. Certains voyaient même dans la victoire de leur champion « un coup d’arrêt à la progression de l’extrême droite [et la possibilité] d’une issue positive pour le pays », ou même l’ouverture d’une nouvelle séquence politique dans le cadre d’un « horizon [désormais] éclairci ».
Autant de déclarations qui, en plus de sous-estimer l’extrême-droite et de s’illusionner sur la manière de la combattre, sont contredites par les faits. Loin de mettre un frein à l’extrême-droite, les derniers sondages d’opinion montrent une hausse des intentions de vote pour Zemmour (13%) à l’issue du débat. Il ne faut donc pas confondre la performance de Mélenchon et son impact politique sur l’extrême-droite, qui a de son côté saisi l’occasion du débat pour se renforcer.
Mélenchon n’est toutefois pas en reste. A l’issue du débat, le leader de La France Insoumise s’est remis au centre, et s’est « relancé à gauche », comme le pointe le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. Il opère selon les derniers sondages une montée de 2%, capitalisant à plein sur le débat. Comme le souligne le journal patronal Challenge : « Autre fait politique majeur, la remontada de Jean-Luc Mélenchon est spectaculaire. Le leader de la France Insoumise progresse de 2 points en une semaine, atteignant son meilleur score depuis mai dernier, après un passage à vide ces derniers mois. » Pour le journal, Mélenchon bénéficie clairement de "l’effet débat" sur BFM : "Il a récupéré une partie de l’électorat de gauche en incarnant la figure pouvant s’opposer à Eric Zemmour, décrypte Jean-Daniel Levy. Il est allé au combat tout en gardant une certaine hauteur de vue". ». Pour le journal, « ces prochains mois, Mélenchon pourra cultiver cette image de rempart au polémiste d’extrême droite. »
Quel rempart face à l’extrême-droite : Républicanisme ou alternative radicale de classe ?
Si en termes de rhétorique, Mélenchon a largement dominé le débat, alliant des coups habiles et moments de prise de hauteur, sur le fond, la radicalité n’était pas au rendez-vous. Le leader de La France Insoumise a cherché à incarner une forme de centre, épargnant tout au long du débat le macronisme, qui a pourtant créé le terreau d’une extrême-droite toujours plus décomplexée. Mélenchon a par exemple réussi le tour de force de ne pas aborder une seule fois la question sanitaire. Se refusant à égratigner Macron, il s’agissait de se présenter en alternative de centre-gauche.
Sur la forme, Mélenchon a pour cela cherché à se montrer le plus intransigeant possible , afin de se poser comme l’anti-Zemmour, le rempart à l’extrême-droite face à son durcissement. Le leader de La France Insoumise a mis en exergue les traits les plus réactionnaires de Zemmour, qui est allé jusqu’à nier revendiquer la « remigration ».
Mais sur le fond, Mélenchon a parfois fait preuve d’une souplesse conciliante, notamment en réponse à l’assimilation raciste que Zemmour cherche à réinstaurer. Niant que l’assimilation ait un jour existé (« l’assimilation, ça n’existe pas »), Jean-Luc Mélenchon a mobilisé le concept de « créolisation ». A travers ce concept, le leader de La France Insoumise dissimule le fait que « le mélange des cultures » au sein de la société française s’est essentiellement constitué comme sous-produit de la violence colonialiste, impérialiste et raciste de l’État français. En refusant de condamner l’assimilation française, qui a bel et bien existé, Mélenchon a de fait justifié l’impérialisme français. C’est ce que relève à sa manière le journal Marianne, qui affirme que sur l’assimilation « Mélenchon a davantage cherché à amoindrir les constats de son opposant qu’à défendre précisément son propre modèle ». Un positionnement de centre-gauche qui entre en décalage avec la radicalisation de la droite.
Face au durcissement de la droite, la nécessité d’une alternative radicale à l’extrême gauche
Face au durcissement de la droite, de Zemmour et consorts, il manque une alternative de classe radicale, portée par les travailleurs, qui ne peut pas être le républicanisme universel de Mélenchon, un « humanisme » avec lequel ont été justifiées des atrocités impérialistes. Cette alternative doit notamment s’opposer à l’offensive ultra-réactionnaire de la droite, avec un programme qui soit à même d’exprimer un anti-impérialisme et un antiracisme clair, en lien avec les luttes passées et à venir.
Sur ce dernier point, le leader de La France Insoumise n’a que très peu fait mention des luttes passées et à venir, remisant la lutte des classes dans les placards. Peu de mentions aux premières et secondes lignes, ou aux soignants, qui à l’heure actuelle sont licenciés et suspendus par centaines pour avoir osé refuser l’autoritarisme sanitaire. Nulles mentions des travailleurs des transports, comme ceux de Transdev qui sont en lutte depuis trois semaines, ni du mouvement anti-raciste, ni de la jeunesse des quartiers populaires, de Black Lives Matter, du comité Adama. Pas de référence tout court à la question des classes sociales, de l’antagonisme entre capital et travail.
Face à l’extrême-droite, à Macron et à leurs alternatives, qui dessinent tous un programme néo-libéral assumé pour nous faire payer la crise, c’est bien d’une candidature radicale de notre classe dont nous avons besoin. Une candidature qui dresse une ligne de démarcation claire entre les travailleurs, ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre, et une minorité d’exploiteurs parasites, les grands patrons, ceux qui détiennent les moyens de production, dont les profits explosent, avec des records de profits qui se comptent par milliards, et qui se font sur le dos de la crise sanitaire et de la première et deuxième ligne.
C’est en ce sens que, sans illusion sur le fait que le terrain électoral suffise pour construire le rapport de force, nous porterons avec Révolution Permanente la candidature Anasse Kazib aux présidentielles de 2022. Une candidature pour porter à large échelle l’idée que, face à l’offensive généralisée qui se prépare contre nos retraites, contre le régime d’assurance chômage, ce sont les travailleurs, la jeunesse et les quartiers populaires doivent prendre leurs affaires en main.
Pour que ce ne soit pas aux travailleurs de payer la facture de la crise, il est urgent de construire une alliance ouvrière et populaire des travailleurs, des exploités et des opprimés pour vaincre Macron, Le Pen, Zemmour et les grands capitalistes qui les soutiennent.