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Capitalisme mondial : no future ! par Vincent Presumey

Lien publiée le 12 octobre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://aplutsoc.org/2021/10/10/capitalisme-mondial-no-future-par-vincent-presumey/

Où en est le capitalisme mondial ? Officiellement, il marche très bien, si ce n’est qu’il est confronté à des chocs exogènes lourds : l’un, conjoncturel, est la pandémie, l’autre, structurel, durable et appelé à s’aggraver, est le réchauffement climatique. L’un et l’autre posent des problèmes qu’il faut surmonter, en assurant au capitalisme son « développement durable ». Eco-responsabilité et gestes barrières seraient les deux mamelles du capitalisme post-moderne, dont le fonctionnement normal est, par lui-même, toujours efficace. Qui croit de telles fables ? Uniquement ceux qui y ont intérêt.

La pandémie globale reflue, de manière inégale et sans exclure des retours imprévus. Toujours est-il que mondialement, le capitalisme semble sorti des ennuis de 2020. Sans compter qu’il semble aussi sorti des ennuis de la crise financière globale et majeure de 2008 – 15 septembre 2008, krach consécutif à la faillite de Lehman Brothers, le n°2 de la finance immobilière nord-américaine. Les indices boursiers se portent toujours aussi bien, malgré la récente alerte causée par les inquiétudes autour du numéro deux de la finance immobilière, mais cette fois-ci chinoise, Evergrande. Il est donc intéressant de parcourir les difficultés que semble rencontrer, dans la « conjoncture » comme ils disent, ce capitalisme tiré d’affaire dans un monde dont les problèmes lui seraient exogènes, virus ou CO2 …

Car il y a là une addition tout à fait originale, et lourde, de problèmes qui, mis bout à bout, sont parfois appelés le « retour de l’inflation », formule superficiellement exacte mais qui est loin de faire mesurer l’ampleur des tendances de fond. Voyons donc quelles sont les composantes de cette addition.

Selon un rapport de la FAO (structure de l’ONU consacrée à l’alimentation et à l’agriculture) du 7 octobre, les prix alimentaires mondiaux sont au maximum depuis 10 ans. Le prix du blé : hausse de +4% sur le seul mois de septembre. La récolte céréalière record de 2800 millions de tonnes en 2021 ne couvre pas une demande de 2811 millions de tonnes. La hausse de cette consommation n’est pas due seulement à l’alimentation humaine, mais aussi à l’élevage industriel. Le prix des huiles végétales, notamment huile de palme et colza, a augmenté de 60% en un an. Idem pour le sucre.

Les prix énergétiques, électricité et gaz, connaissent une poussée brutale à la hausse qui frappe des centaines de millions de travailleurs, et qui produit et va produire des perturbations industrielles importantes. Selon le lobby des groupes industriels français fortement électrivores, l’Uniden, c’est déjà le « 4° choc énergétique » (après ceux de 1973, 1979, 2008). Les monopoles de ces secteurs, dont l’État russe, confrontés à une forte hausse de la demande en sortie des confinements et à la crise climatique globale qui s’approfondit, en ont bien profité …

La production industrielle de masse est en outre fortement impactée par la « crise des semi-conducteurs », indispensables à l’ensemble de l’informatique, de la téléphonie, de l’automobile, un secteur clef ultra-concentré dont l’entreprise de loin la plus importance, TSMC, est à Taïwan. Factuellement, c’est la constitution de stocks qui coince dans le monde des flux tendus, depuis les confinements : les ruptures des chaines de production et les commandes anticipées ont créé une situation inextricable. Manœuvres monopolistiques, spéculation financière impliquant les « cryptomonnaies », et peur géopolitique dans le détroit de Taiwan, se combinent. L’une des conséquences en est, par exemple, que le marché automobile se rabat sur les occasions dont les prix explosent … et de l’avis des « experts » aucune sortie de cette crise ne serait en vue avant 2023.

Les prix des matières premières ont chuté en 2020, puis rebondi et au-delà en 2021. C’est ainsi que dans le bâtiment, les prix du PVC, de l’aluminium et du bois ont presque doublé. La remontée du prix de l’uranium, en partie liée à la demande chinoise (18 centrales nucléaires en construction et 37 autres annoncées …), conduit à une course à la constitution de stocks pour ne pas être pris au dépourvu, et même des producteurs stockent, comme Kazatomprom, le géant kazakh issu tout droit de l’État bureaucratique comme son grand frère et voisin Gazprom.

A l’heure où sont écrites ces lignes, un embouteillage sans précédent s’est formé à l’entrée du port de conteneurs de Los Angeles, qui va mettre plusieurs mois à se débloquer. Ces bouchons se combinent à l’insuffisance du nombre total de conteneurs pour transporter les produits asiatiques, surtout chinois, dont la demande a explosé depuis fin 2020 après un semestre de blocage. Le prix d’un conteneur maritime a décuplé, ou bien plus encore : le conteneur Shanghai/Rotterdam a augmenté de 659% !

Des pénuries de cadeaux de Noël, de papier-toilette, suivies ou accompagnées de hausse erratiques des prix, sont à prévoir. La Grande-Bretagne est particulièrement frappée, car cette situation s’y combine au Brexit et à l’exode des travailleurs étrangers venus d’Europe.

La finance et le crédit sont les domaines qui unifient les contradictions de l’accumulation du capital, les atténuant d’abord pour les aggraver ensuite. Les crises du moment présent n’ont pas, ou pas tout à fait, atteint les bourses, et donc les Pythies du capital sont « optimistes » puisque « les affaires » vont bon train. Pour combien de temps ?

L’alerte arrive par l’immobilier. Les prix fonciers, immobiliers et les loyers sont mondialement élevés, aggravant les difficultés des prolétaires, mais le dégonflage de la bulle a commencé en Chine – où la bulle, en monnaie et en béton, a joué le rôle global clef pour atténuer la crise financière de 2008. Politique impérialiste prévoyante, et nullement « retour au communisme », et politique combinée à l’expansionnisme financier et capitalistique des « nouvelles routes de la soie » et autres.

A cette juxtaposition – crise alimentaire, crise énergétique, crise des semi-conducteurs, crise du fret, crise immobilière par où l’unification des autres crises menace …- s’ajoute un phénomène inédit à cette échelle : la pénurie de main-d’œuvre. Le patronat français ne manque pas de dire que c’est à cause de la « formation pas adaptée », c’est-à-dire de l’école publique, et réclame plus d’ « alternance », c’est-à-dire de main-d’œuvre gratuite, mais le phénomène est en fait européen et nord-américain, le plus fort, là encore, en Grande-Bretagne où Thatcher avait pourtant « adapté l’offre de formation » comme on dit au MEDEF !

Les offres d’emplois ne se situent guère dans les secteurs productifs de marchandises, mais surtout dans les services : d’après la note de Patrick Artus, économiste de l’agence Natixis, de début octobre, intitulée Pourquoi une crise sociale est probable en France, la productivité industrielle élevée « déforme la structure des emplois vers des emplois de services peu sophistiqués de salaires faibles ». La « crise de la main-d’œuvre » frappe de plein fouet l’hôtellerie-restauration, le bâtiment, la logistique.

Le refus de fait de la masse des jeunes (et de bien des moins jeunes) d’aller vers des « boulots de merde », alors que les services à la personne, la culture, la santé, l’enseignement, l’environnement, pourraient attirer des millions de jeunes travailleuses et travailleurs motivés par ces domaines si ces métiers étaient reconnus et bien payés, chose impossible dans le capitalisme, est un fait fondamental qui va au-delà des « crises » précédemment énumérées.

L’état-d’esprit de la jeunesse et de millions de moins jeunes ne prête aucune perspective d’avenir positive à ce système social. A ce stade de ce petit article, il est temps de dire que bien entendu, ni le réchauffement climatique, ni la pandémie, n’ont été et ne sont des phénomènes exogènes au capitalisme.

La crise climatique (qui n’est pas la seule crise biochimique globale causée par le capital, il s’agit en fait d’une combinaison de processus) est due à la combustion des hydrocarbures, qui a été jusqu’à aujourd’hui le moyen clef de faire baisser la valeur du capital constant (matériel, machines, matières premières), préservant ainsi le taux général de profit. Bien entendu, cette fonction capitale (c’est le cas de le dire !) n’a pas fait l’objet d’un choix conscient. Aujourd’hui, ce n’est pas la crise climatique qui inquiète les capitalistes, c’est le fait que l’énergie, en raison de cette crise, et en raison de la protestation sociale montante, pourrait ne plus être pour eux, collectivement, une « économie », et devenir un « coût ». C’est cela qui donne un cachet particulier à la crise énergétique actuelle, appelée, dans le langage idéologique dominant, « transition énergétique ».

Quant à la pandémie, elle est partie soit d’un labo, soit d’une forêt investie par la prédation industrielle moderne, capitaliste. D’autres suivront, on nous l’assène de plus en plus. De plus, la pandémie s’est articulée, en l’accélérant, à une tendance lourde qui monte depuis la crise financière irrésolue de 2008 : la dislocation du marché mondial, combinée justement à la « mondialisation » intensifiée et accélérée. Et non seulement l’avenir de ce mode de production est fait de pandémies et de crise climatique contre laquelle il ne fait rien, ou rien qui ne lui apporte un taux de profit relevé, mais il porte avec lui le « spectre de la guerre » (Jaurès).

Les crises multiformes du marché mondial des lendemains immédiats du clapet des grands confinements, comme celle des semi-conducteurs, appellent dans le cadre du capitalisme des solutions brutales. L’annexion de Taïwan à la Chine ou bien la guerre américaine en mer de Chine font partie de telles « solutions ».

Quant aux jeunes, ils cherchent à vivre autrement qu’en se faisant payer de la « merde » pour des « boulots de merde » : n’ont-ils pas raison ? L’avenir possible, vivant, est là.

L’objet de ce billet était seulement de balayer les grandes lignes d’une situation globale relativement nouvelle. Toute analyse plus poussée devra bien entendu combiner ce tableau avec celui des insurrections et poussées sociales, globales elles aussi.

Une chose est claire : le capitalisme mondial va mal, car la majorité de l’humanité n’a plus aucune confiance dans ce qu’il nous réserve. Ceci est une condition non suffisante, mais nécessaire, pour agir afin de passer à autre chose !

VP, le 10/10/2021.