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A propos de la nature des mouvements sociaux et du mot d’ordre d’abstention active pour battre Macron
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le dernier article hebdomadaire que Jacques Chastaing consacre depuis maintenant trois mois aux « manifestations du samedi » est aussi un article dans lequel il s’efforce de dégager des arguments à l’encontre de la position dans laquelle s’est engagée une majorité de notre comité de rédaction, suite à une discussion de déjà plusieurs mois et, à mon avis, dans le prolongement de nos expressions communes précédentes, sur le mot d’ordre d’abstention active aux présidentielles.
Le socle commun, extrêmement précieux, aux contributions de Jacques et à l’état-d ’esprit de notre site et d’Aplutsoc, est la volonté d’identifier le « mouvement réel » tel qu’il est, avant ses expressions idéologiques éventuelles et les commentaires qu’il suscite, avec la conscience de sa réalité majoritaire, mondiale, et prolétarienne : rien que cela, qui est à mon avis le BA-ba de toute position révolutionnaire réelle et non pas verbale, nous distingue, mais cela nous distingue en nous fondant dans cette réalité majoritaire. Les contributions de Jacques sur ce mouvement réel sont inappréciables, permettant par exemple -mais c’est un exemple majeur – de saisir la force et la portée du mouvement « paysan » (en fait pas seulement paysan : prolétarien) indien, ou, dans le cas français, l’importance de fond de la composante féminine des professions du « soin » dans la trame souterraine, ignorée, mais essentielle, des mouvements sociaux que nous connaissons depuis maintenant plusieurs années, et de manière accentuée avec l’offensive manipulant la question de la vaccination engagée depuis trois mois (soit dit en passant, il semble que le dernier film de François Ruffin, Debout les femmes, appréhende cette question si importante).
Il y a là une sorte de vision du monde qui nous distingue en fait, pour préciser en quoi consiste cette distinction, de la grande majorité de la « sphère militante », du monde des militants (dont nous sommes issus) formés par les organisations de gauche, d’extrême-gauche, et syndicales, un petit monde en fait, chez qui la sous-estimation du mouvement réel ou la méfiance envers lui, le soupçon que tout ce qui n’affiche pas les bonnes estampilles pourrait bien manifester la « fascisation » ou la « zemmourisation » de la société prise comme un tout, sont de plus en plus prédominants (et n’empêchent nullement, bien au contraire, la prégnance de représentations campistes et de croyances fort réactionnaires en vérité). Bien des camarades mesurent le « niveau de mobilisation » à la participation aux journées d’action intersyndicales conjuguée aux résultats électoraux, ignorant le mouvement brownien mais montant des grèves réelles, aussi bien que le contenu de plus en plus explicite de rejet, de l’abstention, et moins encore la signification de la persistance des manifestations du samedi. Un seuil a été franchi dans cette attitude de plus en plus hostile au mouvement réel depuis, précisément, l’attaque lancée par Macron le 12 juillet dernier.
Dans le cadre de cette vision d’ensemble qui nous est commune, je pense qu’il manque un élément dans l’appréciation d’ensemble que porte Jacques sur les mouvements sociaux actuels à l’échelle mondiale.
Oui, il y a une très grande résilience dans les affrontements qui marquent un nombre croissant d’États, et qui durent, rebondissent, résistent et reprennent. Oui, cette durée se combine à une prise de conscience montante de l’impasse des rapports sociaux actuels et de la malfaisance des États et des forces politiques dominantes qui les défendent, tendant vers « une conscience globale de la situation qui a bien compris qu’il s’agit d’un combat à mort entre le capitalisme et notre survie », les mouvements dits « climatiques », d’une importante capitale, et le mouvement des femmes, ajoutant leur dimension qui renforce ce caractère de conscience de l’urgence.
Pourtant, urgence et longue durée ne vont pas ensemble. La prise de conscience collective peut aller loin, mais elle butte contre un mur tant qu’elle n’a pas les moyens de saisir le pouvoir politique et de détruire les appareils d’État qui maintiennent l’ordre existant et nous bloquent face à la marche à la destruction du monde vivant et humain. Car la longue durée des mouvements a aussi une raison, c’est qu’ils n’ont pas le choix, car les organisations héritées des mouvements révolutionnaires du proche passé sont toutes passées dans le camp social de la défense de cet ordre existant, sous des formes diverses qui entretiennent la confusion. Le rejet des forces politiques existantes se heurte au mur de l’existant tant qu’il n’a pas lui-même construit sa représentation lui permettant de prendre le pouvoir, de réaliser la démocratie.
Et dans la durée, nous ne sommes pas gagnants si des avancées significatives en ce sens ne se font pas. On peut, schématiquement, considérer que la période d’insurrections et d’affrontements de longue durée, amplifiée depuis 2019 et ralentie, puis catalysée, par la forme spécifique prise par la crise du capitalisme avec le Covid, commence fin 2010 avec les « révolutions arabes ». Je préfère faire commencer notre XXI° siècle des révolutions, des guerres et de la crise bioclimatique du capital, avec elles plutôt qu’avec le 11 septembre 2001, qui a servi à retarder les échéances. Or, nous avons des exemples rudes de mouvements insurrectionnels de longue durée, résilients, héroïques, mais qui dans cette durée se font isoler, calomnier par les forces dominantes au sommet, les forces de l’ordre existant, et saigner, torturer, violer, massacrer, affamer. Le peuple syrien nous a donné l’exemple le plus magnifique d’un tel mouvement, révolutionnaire par son contenu réel, habité par une conscience déterminée, résistant dans la durée. 12 ans, 500.000 morts, il n’a pas eu le dessus. Avec moins de victimes, à une échelle de masse, le Hirak algérien est allé aussi loin qu’il pouvait aller, déjà en 2019, c’est-à-dire aussi loin qu’un mouvement social, prolétarien et national, de masse, peut aller, en retirant toute légitimité au pouvoir en place, mais il ne s’est pas doté de ses propres organisations à l’échelle du pays, il n’a pas été en mesure à ce jour d’organiser lui-même l’élection d’une constituante souveraine en passant au stade de l’affrontement direct pour détruire l’appareil d’État, et s’il ne l’a pas fait ce n’est pas parce qu’il en est en lui-même incapable, mais pour de bonnes raisons : l’absence d’organisations allant plus loin que dire « il faut une constituante », et passant à l’organisation effective pour s’armer et désarmer le pouvoir, pour réaliser la démocratie, résoudre réellement la question du pouvoir.
En définitive, la question politique de l’organisation révolutionnaire, non comme une question sempiternelle et idéologique, mais sous la forme concrète de ce dont ont besoin les mouvements d’affrontement social, dans des dizaines d’États et potentiellement partout, question dont la résolution n’est pas un préalable à l’action, car elle se combine avec le développement nécessaire de l’action, cette question est posée par le mouvement réel dans sa recherche d’une issue.
En ce sens, dire que « le mouvement social est devenu son propre débouché politique », n’aide pas le mouvement social à gagner en construisant son propre débouché politique. J’ai souvent employé moi-même une formule approchante, mais légèrement différente, à savoir que le mouvement social cherche à construire lui-même son débouché politique, que l’absence de débouché politique tel qu’autrefois, pour le dire sommairement, « la gauche au pouvoir » (ou « gouvernement PS-PC sans ministres bourgeois », etc.), tend à ne plus être un manque ou un frein, mais à conduire à la recherche du débouché par et dans le mouvement social. Il y a là une nuance qu’il nous faut expliciter, entre dire que le débouché politique doit (et ne peut d’ailleurs que) résulter du mouvement social, et dire que le mouvement social est d’ores et déjà « son propre débouché ».
Dans le premier cas, dirais-je pour schématiser afin de mettre en exergue les enjeux, on cherche à avancer vers la prise du pouvoir, le débouché politique que recherche le mouvement social, soulevant et cherchant à régler dans le cours de la lutte les questions reliées entre elles de la représentation politique (comités, constituantes, partis). Dans le second cas, on chante au mouvement social qu’il est merveilleux tel qu’il est, et que, pour reprendre une formule bien vieille, « le pouvoir est dans la rue », ce qui n’est pas vrai. Et on invite le mouvement à se contempler avec ravissement et à admirer sa propre conscience comme étant son propre débouché. Et cela dure des années, voire des décennies. Et puis, un jour, les chars …
Je caricature, bien sûr : l’invocation de « la rue » est justifiée, plus que justifiée, aujourd’hui, mais précisément elle appelle la recherche du débouché politique, la résolution de la question du pouvoir. Que les mouvements durent est en un sens rassurant car ça donne un peu de temps pour avancer. Mais en réalité, s’ils durent, c’est à cause du sentiment d’urgence !
Donc, non, le mouvement social n’est pas son débouché politique, ne nous racontons pas, et surtout ne lui racontons pas, un tel conte ; le débouché politique proviendra du mouvement social qui est, en lui-même, recherche de ce débouché, qui est sa construction concrète – mais c’est une construction.
Dans ce cadre, la politique des appareils hérités du XX° siècle joue, tant par leur action immédiate que par le poids historique cauchemardesque de leur passé, un rôle toujours important, qui n’est pas entraîné avec pertes et profits par le mouvement social, mais dont l’action est intégrée par lui dans sa recherche encore organique et semi-consciente d’un débouché politique. Jacques a tendance à tout mettre dans « la montée du mouvement ». Je ne crois pas, en l’occurrence, que le 5 octobre ait participé de cette montée (pas même malgré la volonté des directions nationales qui l’ont appelé). Les larges masses ne s’en sont nullement saisies. On peut, bien sûr, toujours trouver des nuances locales et sectorielles, mais le mouvement social déjà engagé, et qui va continuer, ne sera ni la suite du 5 octobre, ni la recherche d’une telle suite. Ce sont là des préoccupations – en l’occurrence largement imaginaires – de militants organisés politiquement et/ou syndicalement, et encore dans ce cas précis seulement d’une partie d’entre eux. Si le critère n°1 est le mouvement réel, le 5 octobre ne le concerne qu’en cela qu’il a servi à empêcher nos syndicats d’en être, ce qui est grave.
Le mouvement social au moment présent (en mettant à part ce qui se passe dans les colonies françaises, qui est très important mais se développe pour l’essentiel sur son propre rythme, et ne peut donc pas conduire à surévaluer les luttes en France « proprement dite » même s’il y a bien sûr des interactions), si l’on regarde le réel avant tout, c’est la montée de nombreuses grèves salariales. C’est ensuite la persistance, importante mais n’ayant plus la proportion d’un énorme mouvement de masse (il faut le dire, et le dire n’est ni du pessimisme ni du défaitisme) des manifestations anti-passe du samedi. C’est le bras de fer silencieux, dont nous sommes des rares à parler, dans les professions de santé et quelques autres, entre la volonté de suspendre sans salaires 350 000 salariés et la difficulté à le faire pour de bon. Les médias, quant à eux, ne parlent déjà que des présidentielles, et, plus particulièrement, de Zemmour.
Cette situation va bien entendu encore évoluer, et nous sommes tous d’accord pour pousser aux grèves et à un affrontement social le plus tôt possible, ce qui implique sans doute, modestement, que nous fassions rapidement plus de place aux grèves réelles, ainsi qu’à la seule, mais très significative, poussée gréviste anti-passe, dans les bibliothèques.
Cela dit, aider ce mouvement réel à aller de l’avant, et y compris aider à l’éventualité possible d’un affrontement social avant les présidentielles, requiert une position sur les présidentielles elles-mêmes. Cela parce que c’est bien sur la question du pouvoir que les affrontements sociaux de ce quinquennat ont déferlé. Nous sommes à 6 mois. Dehors Macron et rejet des présidentielles sont des mots-d’ordre complémentaires. Jacques semble à présent vouloir les opposer : le mouvement antipasse aurait « redonné à la rue son rôle central pour battre Macron aujourd’hui et pas dans les élections dans 6 mois ». Il faudrait le battre maintenant et pas aux présidentielles ? Mais si on peut le battre maintenant, un mot-d’ordre contre les présidentielles n’est-il pas bienvenu ? Et on en arrive aux présidentielles, n’est-il pas bon d’envisager quoi faire maintenant, quand le mouvement réel le suggère d’ailleurs très fortement : l’abstention active ?
Ce n’est pas le mouvement anti-passe en soi, c’est la conjonction signalée ci-dessus (grèves sur les salaires, manifestations du samedi, bras de fer dans la santé notamment), qui créé une situation dans laquelle Macron n’a pas battu le prolétariat comme il le voulait, et comme le capital l’attendait de lui, à 6 mois des présidentielles. Ce n’est pas en soi à « la rue » que cela confère un rôle central, ou cela l’est à « la rue » en tant que métaphore du mouvement social réel, à savoir que ce mouvement est plus politique que jamais.
Et c’est pourquoi le mouvement a besoin, pour être aidé dans sa propre recherche vers son unité, sa généralisation, sa centralisation, d’une perspective politique. Dehors Macron et l’abstention active aux présidentielles ne s’opposent pas et vont ensemble. Imaginons qu’une grève générale chasse Macron avant les présidentielles : la perspective de délégitimer Macron et les présidentielles par une abstention majoritaire lors de celles-ci n’est pas du tout un mot d’ordre qui retient d’agir avant, bien au contraire !
Il est d’ailleurs contradictoire d’envisager qu’il soit possible de chasser Macron avant les présidentielles et en même temps prématuré d’appeler à délégitimer ce scrutin par l’abstention active de masse. Car si Macron est chassé d’ici avril, qu’en sera-t-il des présidentielles ? Il est objectivement plus vraisemblable que le mouvement réel aille jusqu’aux présidentielles, justement parce qu’il a de facto mesuré les obstacles politique à son plein déploiement et donc à sa victoire, tout en cherchant toujours à avancer, vers un débouché, mais ne faisons pas de pronostic (je vais y revenir). Délégitimer les présidentielles ne va en tous cas pas à l’encontre de la lutte ici et maintenant, tout au contraire.
Plus généralement, nous avons là une illustration de ce que le débouché du mouvement réel n’est pas le mouvement réel présent, mais la perspective politique lui permettant d’aller de l’avant, jusqu’à la prise du pouvoir : la révolution sociale, pas seulement le mouvement social.
« Ce n’est pas la grève en masse qui nourrit la révolution, c’est la révolution qui nourrit la grève en masse », cette formule un peu mystérieuse, que je cite de mémoire, de Rosa Luxemburg en 1905 dans Grèves de masse, parti et syndicats, formule nourrie par l’observation de plusieurs cycles de grèves à la fois économiques et politiques (comme le sont toutes vraies grèves) dans l’ancien empire des tsars exprime, je pense, la même idée : la montée du mouvement social n’est pas nourrie par elle-même, mais par la perspective montante avec lui d’un changement global, qui porte non seulement sur l’économique et le social, mais qui se concentre dans le politique, dans le pouvoir, dans la force.
L’abstention active n’est rien de plus, et rien de moins, qu’un mot d’ordre visant à nourrir politiquement le mouvement social, pour qu’il aille de l’avant.
Ce n’est en rien un pronostic sur ce qui va se passer. Jacques trouve « bien imprudent celui qui prétendrait savoir ce qui va se passer dans six mois ». Si cette remarque vise l’abstention active comme mot d’ordre, elle rate sa cible, car on peut avouer sans problème ignorer ce qu’il en sera.
Il est possible, par exemple, que les grèves restent dispersées, que le passe sanitaire soit toujours prolongé comme il est prévu jusqu’au-delà des présidentielles, que les suspensions de contrats sans salaire arrivent finalement à dépasser les 200 000 ou 300 000, que quelques autres journées d’action intersyndicales soient des bides retentissants, que les manifs du samedi s’étiolent et soient encore plus parasitées par des antivax et des fachos, que Macron puisse se présenter, que la participation soit finalement élevée, qu’un second tour Macron/Zemmour voit la réélection du premier … C’est possible aussi, tout autant que la grève générale virant Macron avant le scrutin.
Réellement, nous ne faisons pas de pronostic. Mais le scénario de la défaite du prolétariat, en tous cas de son recul, aura plus de risque de se produire si personne ne donne une perspective politique et n’explique ouvertement que l’état des candidatures dites de gauche n’est pas de son fait et ne signifie pas qu’il n’y a pas de possibilité d’agir victorieusement, dans la rue et surtout dans la grève, et par l’abstention active de masse, pour aller vers l’affrontement social central.
La diversité des développements possibles n’affecte pas par elle-même la pertinence d’un mot-d’ordre, celui-ci ne devant pas être une prophétie, mais un levier pour aider le mouvement réel. Ce qui est décisif pour un mot-d’ordre, c’est son intention et sa fonctionnalité politique. Là, il s’agit donc d’aider autant que possible le mouvement réel, en le décomplexant sur le sujet des présidentielles : une abstention majoritaire serait une victoire, bel et bien une victoire ! – bien entendu, à exploiter politiquement et à ne pas laisser dans le vide : il faudra que nous discutions aussi des suites, des deux tours, des législatives, dès nos prochaines rencontres.
L’un de ces développements tout de même, qu’envisage Jacques, parait très difficile à réaliser, c’est celui d’un candidat populaire à la façon de Pedro Castillo au Pérou, un leader gréviste qui veuille se présenter plutôt que s’abstenir et qui aurait, entre maintenant et février, ses 500 signatures, ne rêvons pas tout de même ! A vrai dire, s’il faut discuter des éventualités, une autre mériterait d’être examinée, c’est celle d’une polarisation en faveur de la candidature Mélenchon, proposée par le camarade Patoche à notre discussion parisienne, et, dans un autre langage, par la tendance Claire du NPA. Je ne développe pas ici ce point, abordé dans mon article du 9 octobre sur les candidatures au stade actuel.
Il est par contre vrai que notre position surprend dans les sphères militantes. C’était prévisible : sortir de la routine, qui conduit pourtant droit à la défaite, choque les esprits formés.
Mais Jacques se trompe à mon avis en estimant qu’ « il n’y a plus que le petit cercle militant (…) pour être encore attiré par la question électorale. » D’abord, il ne s’agit pas de « la question électorale » ou des « élections » en général, mais des présidentielles de la V° République, et des présidentielles concluant le quinquennat Macron que l’on espère le dernier. Qui pourrait croire que seules de petites couches militantes soient préoccupées par cela ? A moins de croire que les grévistes pour les salaires, les manifestants du samedi, et tous les participants aux mouvements sociaux, sont convaincus que « la rue » est la solution, que leur mouvement – qu’ils ne vivent pourtant pas encore comme un mouvement d’ensemble – est à lui-même son débouché politique ? Non, ces millions et millions ne partagent pas ces représentations, ils les ignorent, et même, ils regardent la télé, et Zemmour à la télé (c’est inévitable dès qu’on l’allume). Et ces larges masses, a priori, pourraient bien s’abstenir : ce que nous proposons est de leur offrir, autant que possible, le contenu politique explicite de ce qu’elles tendent à faire.
Par conséquent, « l’abstention ou non » ne fait pas partie, à la différence des campagnes pour tel ou tel champion (ou pour leurs 500 signatures), des thématiques des petits cercles militants hormis Aplutsoc : leur formation héritée de l’histoire les bloque sur ce point, et tout vaut mieux, d’un vote par défaut pour n’importe qui ou du vote Mélenchon, ou une « candidature des luttes », ou même … « la rue », tout vaut mieux que l’abstention.
Pourquoi ? En général, pas parce qu’ils seraient des moralistes de la participation « civique », mais parce que les pas en avant réels en direction de la question du pouvoir ne sont pas leur culture, parce que « la révolution », c’est pour les révolutionnaires, mais pas pour le mouvement réel.
Qu’on soit tenant de tel ou tel candidat ou de la répétition de ce que « les élections ne servent à rien », c’est une petite révolution copernicienne que nous faisons – pour ma part, elle prolonge directement une méthode d’analyse et d’élaboration déjà ancienne, mais en s’efforçant de prendre en compte le nouveau : nous sommes fin 2021, nous ne sommes pas en 2017. Mais cette révolution copernicienne, le mouvement réel, lui, n’en a pas besoin. Il a besoin qu’on formule ce qu’il fait.
VP, le 16/10/2021.