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Jacques Camatte, Errance de l’humanité

Lien publiée le 6 novembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Présentation de Marc B.

Jacques Camatte, Errance de l’humanité

Bordeaux : Éditions La Tempête, 256 p. Mai 2021 

ISBN : 9791094512203
256 pages
18,00 €
Paru le 14/05/2021

L’œuvre de Jacques Camatte est entourée d’une authentique conspiration du silence. Il faut dire qu’à la différence de tant d’autres théoriciens révolutionnaires, il n’a ni trahi, ni cédé, ni cherché la reconnaissance publique. Issu d’un marxisme hétérodoxe, il a suivi imperturbablement son cheminement intransigeant, jusqu’à aujourd’hui. Mais le plus impardonnable – comme on le verra en lisant les quelques textes cardinaux de lui que nous publions dans ce volume –, est sans doute qu’il ait décrit avec exactitude, il y a presque cinquante ans maintenant, le cours historique fatal dans lequel le capital et la civilisation entraînaient l’espèce humaine. Il y a cinquante ans, il a vu la constitution de la société technologique en un monstrueux appareillage enserrant la planète, ravageant toute nature, médiatisant tous les rapports, et la nécessité vitale de déserter pareil monde. Il a vu le vide des subjectivités contemporaines, l’anxiété qui les propulse, et l’aspiration diffuse à une véritable communauté humaine. Il faut lire Jacques Camatte, parce que la compréhension du processus historique est l’une des rares façons de ne pas devenir aussi fous que l’époque que nous traversons.

Jacques Camatte, né en 1935, est un penseur français issu du marxisme. Il fonde, en 1967, la revue Invariance dans laquelle il abandonne la théorie du prolétariat et met la notion de communauté au centre de ses recherches. Il a publié Capital et Gemeinwesen (1978), traduit en plusieurs langues, et travaille depuis de nombreuses années à Émergence de Homo-Gemeinwesen.

Sommaire :
– Errance de l’humanité
– Déclin du mode de production capitaliste ou déclin de l’humanité ?
– Contre la domestication
– Vers la communauté humaine
– Marx et la gemeinwesen
– Le KAPD et le mouvement prolétarien

https://editionslatempete.com/errance-de-lhumanite/

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Voilà un ouvrage de Jacques Camatte (1), très fin connaisseur de l'oeuvre de Marx dans la tradition des gauches de l'Internationale Communiste comme celle de Suzanne Voute (2) germaniste responsable de la section française du PC International (PCInt) d'Amedeo Bordiga (3) et collaboratrice de Maximilien Rubel (4) pour l'édition des oeuvres de Marx à la Bibliothèque de la Pléiade (5) de Gallimard.

Jacques Camatte-Oscar a également fait partie de la section française du PCInt jusqu'en 1966 où il quitte l'organisation avec une partie des militants de Paris et de Marseille (dont Roger Dangeville), en accord avec Amedeo Bordiga-Alpha, pour protester contre l'activisme de Suzanne Voute-Frédérique qui vient de lancer le journal Le Prolétaire (6) au détriment de l'édition française de la revue théorique du parti Programme Communiste (7).

Camatte et ses camarades se consacrent désormais à l'activité théorique en éditant la revue Invariance (8).

Le texte Errance de l'humanité est une très vaste fresque historique qui analyse minutieusement le passage du Capital de la domination formelle à la domination réelle, la bifurcation désormais de plus en plus visible "Déclin du mode de production capitaliste" versus "Déclin de l'humanité", la question de la lutte contre la domestication pour retrouver le chemin qui mène vers la "communauté humaine", c'est-à-dire le communisme au sens de Marx et non pas le communisme au sens des deux ailes de la bureaucratie soviétique, l'aile stalinienne au pouvoir en Russie, en Chine, etc. et dans les PC et l'aile trotskyste en exil dans le monde entier.

MB

(1) "Jacques Camatte (né en 1935 à Plan de Cuques près de Marseille1) est un philosophe et militant politique français issu du marxisme. Jusqu'au milieu des années 1960, il est l'un des principaux animateurs de la section française du Parti communiste international, organisation se réclamant de la pensée d'Amadeo Bordiga, le fondateur du PCI et qui avait rompu avec celui-ci dans les années 1920. Jacques Camatte quitte le Parti communiste international en novembre 1966 pour protester contre une orientation qu'il juge activiste et non conforme à une stricte orthodoxie marxiste2. Il fonde avec quelques militants qui le suivent la revue Invariance qui aura une grande influence dans une partie de l'ultra-gauche française et internationale.

Après la collecte et la publication d'une grande quantité de documents historiques relevant des courants de la gauche communiste et l'analyse des écrits de Marx les plus récemment découverts, Jacques Camatte abandonne la perspective marxiste au début des années 1970, considérant que le capital était devenu structurellement totalisateur, ne laissant aucune place et personne en dehors de son influence, et qu'il avait réussi à façonner l'humanité à son profit, que la classe ouvrière, incapable de changer sa situation, n'était rien de plus qu'un aspect du capital, qu'un mouvement futur ne pourrait consister qu'en une lutte entre l'humanité et le capital lui-même, plutôt qu'entre les classes. Il développe alors des théories politiques sur l'espèce humaine influencées par l'anarcho-primitivisme et sur l'homo Gemeinwesen3 espèce censée succéder à l'homo sapiens."

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Camatte

(2) "Fille de Jean-Marie Voute et de Madeleine Berthelot, Suzanne Voute naquit en 1922 à Poitiers (Vienne). Elle passa une partie de son enfance dans le département de la Haute-Marne. Elle étudia la chimie et la physique et fit ses classes préparatoires au collège de Tournon (Ardèche), le second plus vieux lycée de France. Professeur dans le secondaire, elle enseigna le français et l’allemand d’Aurillac à Marseille, et un court laps de temps l’histoire. L’essentiel de sa carrière d’enseignante se déroula dans la région de la cité phocéenne.

Douée de très vives capacités intellectuelles, excellente oratrice, elle joua très vite un rôle de premier plan dans le courant internationaliste qui lutta contre la guerre, celle de « tous les camps impérialistes ». Vers 1942, elle abandonna provisoirement ses études pour rejoindre à Lyon des représentants de la gauche communiste italienne, comme Aldo Lecci*, puis à Marseille, des militants comme Giovanni Bottaioli*, Turiddu Candoli et Giulio Bertazzo*, chez qui se tinrent de nombreuses réunions de la « Fraction communiste italienne ». Elle en partage « la critique de la Russie stalinienne ainsi que celle du fascisme et de l’antifascisme démocratique ». En 1942-1944, elle fut un élément moteur du Noyau français de la Gauche communiste internationale, à Marseille, où, très vite, elle entra en conflit avec Marc Chirik et Robert Salama. Sur la base d’un Appel à tous les militants révolutionnaires (mai 1945), écrit en liaison avec Ottorino Perrone, elle initia – avec Albert Masó (Albert Vega ou « L. Maille »)* et Raymond Hirzel (« Bourt » ou « Gaspard »)* – la formation de la Fraction française de la Gauche communiste internationaliste (FFGCI). Elle travailla en symbiose avec la Fraction italienne qui, dénonçant « l’ambition personnelle » de Marc Chirik, l’avait exclu le 16 juin « pour indignité politique »"

https://maitron.fr/spip.php?article149942

(3) "Amadeo Bordiga, né le 13 juin 1889 à Resina (aujourd'hui Ercolano), dans la province de Naples en Campanie (Italie) et mort le 23 juillet 1970 à Formia, dans la province de Latina dans le Latium, est un dirigeant révolutionnaire et théoricien marxiste italien du xxe siècle. Il fut l’un des fondateurs du Parti communiste d'Italie. Après son exclusion de l'Internationale communiste, il anime différents partis communistes opposés à la ligne stalinienne. Le courant se réclamant de ses idées est connu sous le nom de bordiguisme."

https://fr.wikipedia.org/wiki/Amadeo_Bordiga

(4) "Maximilien Rubel naquit à Tchernovtsy (Galicie) dans l’Empire austro-hongrois, en 1905, où sa langue maternelle fut l’allemand. Sa famille était d’un milieu juif cultivé En 1919, cette ville industrielle devint roumaine sous le nom de Cernauti (elle est maintenant ukrainienne depuis 1945).

En 1931, il s’installa à Paris pour terminer ses études de philosophie, sociologie et droit. Il fut d’abord très influencé par le spiritualisme et participa à de petits groupes de discussion littéraires et philosophiques, puis politiques. De 1935 à la guerre, il fit partie du groupe d’études Krishmamurti, du nom de son fondateur, qui préconisait une synthèse du bouddhisme, de l’hindouisme et du spiritisme. Avec René Fouéré, Henri Stepanski, Maximilien Rubel fit partie à partir de 1935 de la 16e section du Droit au travail (DAT). Le DAT se réclamait des thèses abondancistes de Jacques Duboin, qui dénonçait les destructions massives de blé dans les années 1930, alors que des millions d’êtres humains ne pouvaient se nourrir. Le DAT proposait une société où l’État gérerait les moyens de production. Sous l’influence de Georges Valois, qui avait lancé le groupe “Nouvel Age” en 1935, Maximilien Rubel entra dans ce groupe. Georges Valois, qui avait abandonné toute idéologie fasciste et s’était rapproché de La Révolution prolétarienne proposait une société basée sur la commune, cellule de “l’économie distributive”, et un syndicalisme de coopérateurs et consommateurs. Le groupe de Georges Valois, auquel participait Rubel, et son ami Roger Bossière, demandait le blocus économique de l’Allemagne et de l’Italie, pour vaincre sans guerre le fascisme. En 1938, Maximilien Rubel publia la revue Verbe - Cahiers humains, qui eut trois numéros. Rubel publia divers articles sous l’anagramme de Lebur."

https://maitron.fr/spip.php?article89547

(5) http://www.la-pleiade.fr/searchengine/catalogue?searchText=Karl+Marx&search.x=15&search.y=10

(6) "Après plusieurs années de publication de la revue théorique  Programme Communiste, le groupe de militants de langue française s’était assez solidifié et développé pour affirmer son intégration formelle au Partito Comunista Internazionale ;  en même temps  apparaissait le besoin de la parution d’une feuille traitant des questions  plus directement liées à la vie et aux luttes prolétariennes. Le projet initial était celui d’un bulletin intitulé «Spartacus», sur le modèle de Spartaco publié en Italie comme supplément à Il Programma Comunista ; mais le centre intervint pour que la nouvelle publication prenne le caractère d’un organe de lutte politique et non celui d’un supplément de type «syndical» comme l’était le Spartaco italien. Le titre Le Prolétaire ayant finalement été choisi (il avait existé un journal du même nom sous la Commune), le nouveau bulletin mensuel dont la section de Marseille assumait la direction, parut en juillet 1963, d’abord sous forme ronéotée avant de passer au format imprimé à partir du n°13 (septembre 1964). La décision de publier Le Prolétaire avait rencontré l’opposition d’un groupe de militants autour de Camatte et Dangeville qui y voyaient un tournant  activiste (ils quittèrent le parti quelques temps plus tard,  alors que d’autres militants parisiens avaient jugé cette parution prématurée.

(...)

Après l’éclatement de la  crise du parti à l’automne 1982, dont le détonateur fut précisément la question palestinienne, la restriction drastique des forces militantes contraignit le journal à passer à une périodicité mensuelle et à une mise en page « artisanale » (voir  Le Prolétaire n° 367, 12/11-10/12/1982). Les contrecoups de cette crise obligèrent le transfert de la rédaction à Strasbourg à la suite du refus des militants parisiens de continuer la publication du journal (à partir du n°378, juillet 1984), puis à Lyon (à partir du n°390, mars-avril 1987 : voir dans ce n° l’article : « L’expédientisme contre la parti ») avec une périodicité dorénavant bimestrielle."

http://www.pcint.org/03_LP/04_Presentation.htm```

(7) "En donnant à la petite revue dont nous entreprenons ici la publication le titre de programme communiste, nous entendons affirmer en deux mots les trois thèses qui suffisent à distinguer sans équivoque possible un organe marxiste radical de toutes les publications à préoccupations politiques et à prétentions sociales qui pullulent aujourd’hui sur le fumier de la plus terrible réaction idéologique et politique qu’ait encore connue le mouvement prolétarien international.

La première est une thèse très générale qui se rattache à la conception marxiste des liens unissant théorie et intérêts de classe (et donc à la conception de la classe elle-même) et qui a inspiré l’action de Marx et d’Engels tant comme «hommes de science» que comme militants politiques; le combat de Lénine contre le révisionnisme et pour l’orthodoxie; enfin la lutte des communistes de l’Internationale restaurée des débuts pour la défaite totale du réformisme social-démocrate.

Cette thèse affirme que le processus de formation du prolétariat en classe révolutionnaire s’identifie historiquement avec la conquête du mouvement prolétarien par le socialisme scientifique - ou marxisme radical - et donc avec la régression de tous les autres courants, d’inspiration pré-marxiste et insurrectionnelle aussi bien que réformiste et légalitaire.

Qu’il nous suffise ici d’énoncer cette thèse dont la démonstration et la défense revient à la publication elle-même ajoutant toutefois que si cette conquête s’est en effet progressivement réalisée depuis la lointaine année 1848 du Mani­feste Communiste, cela n’a pas été de façon continue ni linéaire, non plus qu’à un même degré dans les différents pays, mais selon des avances succédant à de catastrophiques reculs dans certains d’eux, tandis que d’autres (la France par exemple) résistaient plus ou moins complètement à l’implantation d’une tradition marxiste révolutionnaire conséquente.

Cette dernière remarque concernant les reculs historiques subis par le marxisme nous amène au second point, qui a la valeur d’une appréciation historique du mouvement inspiré de Moscou et d’une délimitation politique à son égard.

Ce mouvement, en France comme ailleurs, prétend précisément représenter cette victoire finale, à laquelle les marxistes ont toujours tendu, tant sur les idéologies désuètes de l’anarcho-syndicalisme (qui a longtemps constitué ici le courant dominant) que sur le réformisme socialiste. Nous rejetons totalement cette prétention du communisme officiel des Cachin, des Thorez et Cie.

Sans doute revendiquons-nous la fondation de la IIIème Internationale en 1919 comme un phénomène authentiquement révolutionnaire, et c’est pour nous une des preuves du rôle de traitres de ces gens que d’avoir contribué à la liquider. Mais nous devons remarquer deux choses: tout d’abord, cette fondation a en quelque sorte précédé dans bien des pays mais tout spécialement en France, la sélection naturelle de partis réellement marxistes qui ailleurs a couronné la lutte de fractions révolutionnaires théoriquement solides et dotées d’expérience pratique. Ensuite, et c’est là l’essentiel, cette sélection qui aurait pu s’opérer par la suite grâce à l’élimination des influences négatives persistantes du mouvement d’avant 1914, non seulement a été stoppée, mais s’est transformée en une régression même par rapport aux positions atteintes lors de la fondation des partis communistes. Le phénomène eût été de toute façon négatif: ce qui lui a prêté un caractère directement catastrophique est qu’il n’est pas parti du côté   dont on le redoutait (à juste titre d’ailleurs) c’est-à-dire du côté   de la social-démocratie, mais du centre même de la glorieuse révolution d’Octobre 1917 - que nous n’en revendiquons pas moins pleinement - du côté de la direction de la nouvelle Internationale, du côté de Moscou.

Prise dans les tenailles de l’isolement et trop confiante dans sa propre invulnérabilité aux influences dissolvantes de l’opportunisme, c’est en effet Moscou elle-même qui, en dépit de la résistance de trop rares marxistes occidentaux (parmi lesquels on chercherait vainement un seul français!) initia le recul sur les méthodes rigoureuses appliquées par le bolchevisme au cours de toute sa préparation historique de l’Octobre rouge, et ceci en proposant une tactique de conquête des masses et des buts partiels propres uniquement à altérer les principes du mouvement, puis en recourant à des manœuvres de plus en plus désorientantes pour la masse des militants,  jusqu’à ne plus pouvoir contenir les réactions provoquées que par la terreur idéologique, destructrice de leur préparation révolutionnaire - en attendant celle physique, destructrice de leurs vies.

Cette orientation, qui fut très tôt dénoncée par d’infimes minorités hors de France ne se rencontrait que trop bien avec la persistance de l’opportunisme d’avant-guerre dans le mouvement communiste lui-même. Il faut même reconnaître que sans ce phénomène, qui marquait le retard de la prétendue avant-garde sur l’«ère des guerres et des révolutions» ouverte par le conflit impérialiste de 1914, elle n’aurait pas pu l’emporter internationalement, victoire qui livra la généreuse mais confuse Opposition russe aux coups de ses bourreaux. Quoi qu’il en soit, cette orientation faisait surgir la menace d’une conjugaison extrêmement périlleuse pour l’avenir révolutionnaire du prolétariat entre l’ancien opportunisme et le nouveau, né de la pression des intérêts sociaux généraux réels qui, en Russie; poussaient à une industrialisation nécessairement de type capitaliste, même si l’agent historique ne devait plus en être une classe de bourgeois.

Le point culminant de cette menace fut atteint précisément lorsqu’à l’échelle internationale les partis communistes se virent sommés de se désolidariser de Léon Trotsky, fondateur de l’Armée Rouge, mais aussi théoricien et militant marxiste éminent, qui combattait de toute son énergie de bolchevik la thèse selon laquelle la guerre civile victorieusement terminée, on pouvait passer en Russie à l’édification du socialisme, indépendamment de la révolution internationale  ou même seulement européenne.

La lutte décisive qui se déroula alors au sein du mouvement communiste international dans les années 26-28 ayant été perdue par l’aile prolétarienne, le cycle opportuniste devait se conclure une nouvelle fois comme il s’est toujours conclu dans l’histoire: par la destruction complète du programme communiste, non plus seulement - comme dans une première phase - en ce qui regarde le choix des moyens de lutte, mais jusque dans la formulation politique des buts, jusque dans la définition scientifique des phases de la transformation révolutionnaire de l’économie et de la société.

Presqu’arrivé au terme de ce cycle honteux de régression avec le XXème congrès du P.C.R. de 1956 (le Congrès des «voies nationales et parlementaires au socialisme», qui par ailleurs n’a en rien renoncé à la définition stalinienne du socialisme... comme économie marchande!) le communisme officiel apparait comme un mouvement sans doctrine et sans programme parce qu’il a progressivement remplacé la doctrine et le programme originels par un ramassis de superstitions sociales, d’hérésies économiques et de reniements politiques encore moins susceptibles de résister à une confrontation avec le marxisme dont il se réclame impudemment que le vieux révisionnisme écrasé par Lénine, fondateur de l’Internationale Communiste. Non seulement ce courant n’a rien à voir avec le socialisme scientifique et la lutte révolutionnaire mais il a répondu, pour notre époque, à la principale exigence de la conservation capitaliste: empêcher la constitution du prolétariat en parti, et ceci sous la seule forme aujourd’hui possible: en vidant le parti constitué de tout contenu prolétarien.

Si, se libérant des préoccupations platement «immédiates» électorales ou autres, qui les dominent comme c’est toujours le cas dans les phases de réaction, les militants de ce mouvement mastodontique qui pèse depuis trente ans sur le sort du prolétariat exigeaient de lui de définir clairement par-dessus les formulations contradictoires et incohérentes des congrès, des meetings et de la presse, les buts de classe qu’il poursuit, c'est-à-dire le type historique de société pour lequel il lutte, c’est l’abîme promis par le cours révolutionnaire aux partis renégats qui s’ouvrirait sous les pieds de l’ignare et effrontée bureaucratie «communiste». Aussi une des nécessités infâmes auxquelles elle répond est-elle précisément d’empêcher que cette salutaire exigence de clarification n’apparaisse chez les prolétaires qu’elle contrôle - ou qui commencent à lui échapper. Les méthodes par lesquelles elle y parvient sont celles, tristement classiques, de tous les révisionnismes: en jetant le discrédit sur le «dogmatisme», en opposant à la théorie abstraite «l’action vivante et constructive» qui finalement se réduit aux rites dégoûtants de la vie démocratique en Occident, et à l’Est, au développement accéléré du capitalisme sous la poigne de fer de l’Etat.

Notre troisième point dans l’exposé des raisons qui nous ont fait placer notre modeste revue sous le drapeau du programme communiste dérive de façon nécessaire des deux précédents.

Si le «communisme» officiel d’aujourd’hui n’est rien d’autre que la misérable ruine laissée derrière elle par la seconde attaque de la maladie opportuniste, qu’un second révisionnisme qui du mouvement originel n’a rien laissé debout: ni principes tactiques, ni buts politiques révolutionnaires, ni - à plus forte raison - science marxiste; si le marxisme lui-même n’est pas une théorie, un programme parmi d’autres, mais la théorie, le programme de classe du prolétariat, la voie de la renaissance d’une pensée et d’une organisation politique révolutionnaires ne peut être autre que celle de la reconstruction de cette théorie et de ce programme.

Ce que nous proposons, c’est donc le retour à des principes vieux de plus de cent ans, aux principes du Manifeste Communiste et de l’Internationale de Lénine - bref à ce que les prétentieux inconscients, auxquels l’entreprise de «rénover ou corriger le marxisme» ne fait pas peur, appelleront avec un dédain risible le dogme.

En quoi consiste ce retour au dogme que nous ne craignons pas de revendiquer, on peut le définir en quelques mots : retour à l’internationalisme contre la dégénérescence patriotique; retour à la lutte de classe, contre la dégénérescence parlementaire, retour à la dictature du prolétariat, contre la dégénérescence démo-populaire; et enfin, contre la dégénérescence «émulative», retour au grand but de la trans­formation communiste de l’économie et de la société, telle qu’elle a été définie dans ses différentes phases par le socialisme scientifique et qui aboutit finalement à la société sans classe et sans Etat.

En dehors des grandes prisons que sont les partis de masse, sans doute les groupes et groupuscules se réclamant plus ou moins nettement de ces grandes positions ne manquent-ils pas. Ce qui manque, ce sont les garanties de leur capacité à lutter réellement pour les buts qu’ils affirment verbalement (mais qu’ils formulent rarement de façon correcte) et, quand le prolétariat sortira enfin de la prostration dans laquelle trente ans de trahisons l’ont plongé, à organiser ses fractions les plus décidées sur un véritable programme communiste.

Les premières de ces garanties concernent évidemment les positions fondamentales à restaurer elles-mêmes. Nous les énonçons succinctement : rejet de toute hésitation sur le postulat-clef du marxisme : la reprise de la lutte pour la destruction de l’Etat bourgeois et, après la prise du pouvoir pour l’instauration du communisme, sera une lutte de parti, du parti international du prolétariat; en d’autres termes, aucune autre organisation de la classe ouvrière (syndicat, conseil d’usine et même soviet) ne peut par ses propres forces rejoindre ces buts, Rejet de toute tentative de réviser ou de soi-disant compléter la définition marxiste de la transformation socialiste comme transformation de la production des marchandises en production effectuée par la société et pour la société, cette tentative aboutissant toujours à retourner à des définitions pré-marxistes, mercantiles, du socialisme et donc à enfermer le mouvement dans un cadre essentiellement bourgeois (critique de Marx à Proudhon).

Si les «opposants» aux grands partis officiels font la plus grande confusion sur ces questions de la lutte de classe, de la dictature du prolétariat et de la transfor­mation socialiste (sans parler de l’internationalisme qui, aussi bien chez les anarchistes que chez les trotskystes, est malheureusement soumis à éclipses) ils sont aussi enclins à des méthodes opportunistes en ce qui concerne la sélection des forces du futur parti révolutionnaire. Ici nos garanties résident dans la règle appliquée par Marx, Engels et Lénine dans toute leur action politique: pas de marchan­dage de principes! L’union de groupes d’inspirations disparates dans la même «organisation» (il vaudrait mieux dire «désorganisation») sous le prétexte d’augmenter les effectifs numériques est un procédé fallacieux qui se paie par l’altération de la doctrine et la confusion, comme d’innombrables expériences à grande ou petite échelle l’ont démontré. Aussi rejetons-nous totalement ce procédé. De même, forts non seulement de l’expérience négative de la IIème Internationale, mais de celle plus récente de l’I.C. rejetons-nous la méthode des accords, des blocs, des fronts et des alliances avec de prétendus partis de gauche, qui, au lieu de porter les prolétaires qui appuient ces derniers sur le terrain révolutionnaire n’ont jamais eu pour résultat que de faire glisser l’organisation prolétarienne sur le terrain ennemi.

Pour la renaissance de l’organisation nationale et internationale de la classe ouvrière, nous ne comptons sur aucune de ces ruses misérables avec l’histoire dont l’opportunisme est coutumier et qui finissent toujours par se retourner contre le prolétariat et sa préparation révolutionnaire. Nous comptons uniquement sur un labeur et une lutte acharnés pour la restauration du marxisme originel, sur la propagande des positions de classe parmi les ouvriers avancés et surtout sur la reprise de la lutte révolutionnaire des masses qui ne peut, nous en avons la certitude doctrinale, manquer de se produire - à plus ou moins longue échéance historique - parce que le capitalisme court au seul résultat réel - et révolutionnaire - de son orgie, super-productive d’après-guerre: la «catastrophe»."

https://www.pcint.org/04_PC/01/01_presentation.htm

https://www.pcint.org/04_PC/01%20Som%20PC.htm

(8 "Le point de départ du cheminement, qui ne fut pas uniquement individuel, se situe dans une mouvance révolutionnaire de l’après seconde guerre mondiale, au cours d’une période considérée comme de contre-révolution, imprégnée de profond désarroi. Le marxisme tel qu’il fut exposé par A. Bordiga nous apparut comme la seule théorie pouvant expliquer le devenir de l’espèce et exposer la possibilité d’en finir avec les oppositions entre les classes, avec l’exploitation, donc avec le mode de production capitaliste. Cette possibilité c’était la révolution communiste clôturant la phase des luttes au sein de l’espèce et permettant une réconciliation avec la nature."

https://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/depart.html

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Texte de Jacques Camatte repris dans Errance de l'humanité, pages 11 à 44 :

https://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/errance.html

Voir aussi les notices du Maitron consacrées à :

Jacques Camatte

https://maitron.fr/spip.php?article168469

Roger Dangeville

https://maitron.fr/spip.php?article2137

Une nécrologie du PCInt nous en apprend davantage sur les deux anciens du parti de la gauche communiste italienne en France :

http://www.pcint.org/04_PC/101/101_dangeville.htm