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Marxisme et biosphère
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Présentation
Nous poursuivons la publication de la série de contributions du camarade Alain Dubois portant sur les rapports entre le marxisme et la lutte pour la défense de la biosphère telle qu’elle se retrouve mise en danger aujourd’hui par le mode de production capitaliste.
Vu la longueur de ce texte, nous publions son introduction puis donnons accès au fichier du texte au format PDF.
Prologue: réorientation de cette série de billets
Lorsque j’ai commencé la rédaction de cette série de billets, à la demande de mes camarades d’APLUTSOC, j’avais en tête un projet ambitieux, comportant un bon nombre de billets ou « chapitres », commençant par des généralités, puis décrivant la nature des agressions en cours et à venir contre la biosphère dont notre civilisation est responsable et leur « combinaison » prévisible sous la forme d’un effondrement (collapse) plus ou moins généralisé des conditions de vie des sociétés humaines de la planète, avant d’envisager de discuter des propositions stratégiques face à cette situation, s’appuyant à la fois sur les données scientifiques concernant cette crise de la biosphère et sur les acquis du marxisme et de la lutte des classes mondiale, notamment depuis un siècle. J’envisageais de présenter dans un premier temps ces agressions de manière relativement détaillée, afin de « convaincre » les sceptiques et négationnistes parmi nous de la réalité, de l’inéluctabilité et de la gravité de ces menaces. Or il se trouve que je ne dispose que d’un temps limité pour rédiger ces textes exigeants, étant professeur émérite et à ce titre encore très actif dans mon domaine de recherche (la biodiversité). J’avais prévu que la rédaction des billets dédiés à la présentation de ces diverses agressions s’étalerait sur un bon nombre de mois, avant d’aborder les questions stratégiques. Cela me paraissait toutefois nécessaire, en raison de l’expérience désastreuse que j’avais vécue pendant des décennies, de 1977 à 2018, au sein des organisations « lambertistes », dont j’ai rendu compte de manière relativement détaillée [1], et qui me donnait l’impression que l’inculture scientifique et le négationnisme vis-à-vis de la catastrophe en cours étaient largement partagés dans les milieux militants se situant dans un cadre de lutte des classes.
À la lumière des réactions, publiques sur le site d’APLUTSOC tout comme privées directement adressées à moi, il semble toutefois que j’aie à cet égard un train de retard, et que les connaissances et idées-forces dans ce domaine soient aujourd’hui partagées, au moins de manière superficielle, par un grand nombre de militants lutte des classes, même s’ils ne savent pas encore trop quoi en faire ‒ c’est-à-dire comment relier leurs expériences et actions militantes avec les informations sur la crise de l’environnement qui deviennent de plus en plus connues du grand public. Certes, il y a encore des exceptions, comme je l’ai constaté lors d’une réunion en ligne du 19 septembre 2021 du WIN (Workers International Network) comptant une trentaine de participants, où plusieurs d’entre eux, dont un de manière particulièrement virulente, reprenaient les arguments négationnistes qui font florès sur des sites sponsorisés et manipulés par les lobbies pro-industrie [2]. Toutefois, peut-être est-il plus utile et urgent aujourd’hui, plutôt que de tenter de « réfuter » ces argumentaires qui sont tout aussi dépassés que ceux de la phlogistique, de la génération spontanée ou de l’‘intelligent design’, de renvoyer ces « sceptiques » au corpus gigantesque de livres et articles sur ces questions, destinés aussi bien aux scientifiques qu’au grand public, qui est désormais sans commune mesure avec ce qu’il était il y a 50 ou même 10 ans, et de nous concentrer sur des questions tournées vers l’avenir ‒ même si parfois lors de ce travail nous serons amenés à revenir sur certains faits et certaines prévisions concernant la biosphère. En d’autres termes, il semble plus urgent aujourd’hui de se concentrer sur la question “Que faire?” que de continuer à être freinés dans les discussions sur la « réalité » de la crise de la biosphère entretenues, volontairement ou non, par des militants encore englués dans un ensemble de croyances d’un autre âge.
Dans ce billet je voudrais juste introduire une première question qui est cruciale pour commencer à réfléchir aux questions stratégiques qui ne peuvent être éludées pour faire face à la catastrophe en cours et à venir : « Débattre et convaincre ou combattre et vaincre ? »
Dans ce qui suit, sauf précision contraire, j’emploierai le terme de science dans le sens de domaine académique dédié à un “Ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systématisation et méthode” [3], c’est-à-dire à l’élaboration de connaissances, non pas dans celui qu’il a pris de nos jours dans les médias, c’est-à-dire dédié à la mise au point de techniques, pour lequel les termes de technologie (qui signifie proprement « étude des techniques » et pas « ensemble des techniques ») ou technoscience sont plus appropriés. Ces dernières, qui se sont considérablement développées depuis la deuxième guerre mondiale, ont pour objet non pas la connaissance du monde ‘en soi’ mais la maîtrise d’un certain nombre de techniques, fondées avant tout sur des ressources fossiles ou synthétiques non renouvelables, permettant de contrôler la nature et surtout les humains, qui s’appuient sur ce que Jean-Marc Roger [4], dans son livre incontournable pour comprendre notre époque, a qualifié de « complexes scientifico-militaro-industriels » (appellation plus exacte que le simple « militaro-industriels » habituels), issus de la « Triple Alliance des sciences, de l’industrie et des appareils d’État » expérimentée pour la première fois pendant la deuxième guerre mondiale aux USA dans le cadre du projet Manhattan.
Sommaire du texte :
a) Prologue: réorientation de cette série de billets
b) Révolution sociale ou transition sociale « démocratique » ?
c) Révolution écologique ou transition écologique « démocratique » ?
d) Mots d’ordre de transition