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"Aujourd’hui, la gauche est sans doute majoritaire du point de vue des idées" estime Aurélie Trouvé

Mélenchon

Lien publiée le 11 décembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Présidentielle 2022 : « Aujourd’hui, la gauche est sans doute majoritaire du point de vue des idées », estime Aurélie Trouvé (20minutes.fr)

« 20 MINUTES » AVEC A quelques mois de la présidentielle, celle qui a incarné pendant 14 ans l’association altermondialiste Attac comme porte-parole, vient de prendre la présidence du ​«​parlement de l’Union populaire » lancé par Jean-Luc Mélenchon pour construire son programme et sa stratégie. Elle revient sur son engagement militant et son nouveau combat pour que « les gens qui pensent à gauche, votent à gauche »

Aurélie Trouvé, le 26 octobre 2018 à Paris.

  • Tous les vendredis, « 20 Minutes » propose à une personnalité de commenter un phénomène de société dans son rendez-vous « 20 Minutes avec… ».
  • Cette semaine, Aurélie Trouvé, l’ancienne porte-parole d’Attac, pose son regard sur les avancées du mouvement altermondialiste et la vitalité des mouvements sociaux aujourd’hui en France, au lendemain de sa nomination à la tête du parlement de campagne du candidat LFI à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon.
  • « Je pense profondément qu’il y a aujourd’hui plein de gens qui pensent à gauche, qui ne votent pas à gauche », explique cette enseignante-chercheuse en économie et ingénieure agronome, qui détaille à 20 Minutes son nouveau combat pour que « la vraie gauche » puisse conquérir les institutions.

Elle a l’activisme chevillé au corps, depuis son plus jeune âge. Et son départ en octobre du poste de porte-parole d’Attac, n’y changera rien. « J’ai toujours été dans l’action militante locale, nationale et internationale, explique Aurélie Trouvé, Je pense que c’est ancré en moi. J’ai une énorme colère contre les injustices, qui vient de mon histoire ».

Après près de vingt ans dans les instances dirigeantes de l’association altermondialiste, l’enseignante-chercheuse en économie et ingénieure agronome, a publié cet été Le Bloc Arc-en-ciel – Pour une stratégie politique radicale et inclusive (La découverte), un essai dans lequel elle appelle à une alliance des luttes : « le rouge du syndicalisme et du communisme ; le vert des mobilisations écologistes ; le jaune, des "gilets jaunes" et des insurrections populaires, le violet du féminisme, le multicolore de l’antiracisme », pour « changer le système en profondeur ». Une réflexion qui a débouché sur son nouvel engagement à la tête du « parlement de l’union populaire », l’instance citoyenne lancée ce dimanche pour aider Jean-Luc ​M​élenchon à décliner son programme en ​​« plans chiffrés​​ »​ et ​​ « dialoguer avec le candidat LFI à la présidentielle sur les idées et la stratégie de campagne ​​ ».

A quelques mois du scrutin, Aurélie Trouvé pose son regard sur la vitalité des mouvements sociaux, les divisions de la gauche et son nouvel engagement « pour une vraie gauche au pouvoir ».

En octobre, vous avez démissionné de votre poste de porte-parole d’Attac. Quel bilan faites-vous aujourd’hui de vos actions « pour la justice sociale et environnementale et contre le pouvoir de la finance et des multinationales » ?

Je pense qu’on a fait avancer les idées. Quand je dis « nous », ce n’est pas que le mouvement Attac, c’est le mouvement altermondialiste, ce sont les mouvements sociaux. En 1998, Attac s’est créé sur l’idée d’une taxe sur les transactions financières. A l’époque, ça paraissait une idée « révolutionnaire » ou en tout cas une idée qui n’était pas du tout au centre des débats. Et aujourd’hui, c’est devenu une proposition, y compris sur la table des institutions européennes. Je pourrais aussi prendre l’exemple de la lutte contre l’évasion fiscale. On a eu aussi des petites victoires partielles, arrachées mais qui permettent d’y croire. Je pense enfin à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ou encore à l’Affaire du siècle qui a réussi du point de vue juridique à gagner un procès contre l’État. On a donc plein d’organisations citoyennes, d’habitants, d’organisations syndicales, d’associations, qui obtiennent des choses.

Avez-vous déjà ressenti une forme de découragement ?

Je crois que je ne me suis jamais découragée. Sinon, j’aurais arrêté. J’ai quand même eu un moment de fléchissement après la crise de 2008 parce que le mouvement altermondialiste n’a pas réussi à l’époque à rebondir et être très offensif à un moment où le système se renforçait tout en montrant ses énormes limites. Ensuite, on a eu le quinquennat Hollande qui pour moi a été dur : même si je n’avais pas beaucoup d’illusions, je ne pensais pas qu’un gouvernement avec un président qui se disait « ennemi de la finance » ferait passer autant de mesures néolibérales. Je pense que ça a galvaudé l’idée de la gauche et ça, ça fait très mal.

Mais depuis dix ans, il y a une forme de renouveau du mouvement social – comme il y avait eu le mouvement altermondialiste à partir de la fin des années 1990 – qui me rend optimiste. C’est un mouvement qui, sans se dire « altermondialiste », s’en inspire fortement. Il englobe le mouvement féministe international, les luttes pour le climat, contre les violences policières, contre la réforme des retraites. Les mobilisations sociales se renouvellent, comme on le voit avec « les gilets jaunes ». De nouvelles alliances se créent, tout en maintenant une certaine forme de radicalité c’est-à-dire pour moi une volonté de changer les racines du système, comme quand le mouvement climat dit « changeons le système, pas le climat ».

Quelle place tient l’activisme dans votre vie personnelle ?

Si je ne me suis jamais découragée c’est justement parce que j’ai toujours été dans l’action militante locale, nationale et internationale. Je pense que c’est ancré en moi. J’ai une énorme colère contre les injustices, qui vient de mon histoire. Je ne viens pas d’une classe aisée, loin de là. J’ai toujours connu mon père au chômage. Ça ou encore le fait d’avoir vécu une garde à vue très dure. Le fait en tant que femme, d’avoir été victime comme beaucoup, d’agressions sexuelles font que j’ai cette colère en moi et elle est multiple. Et justement, dans mon livre, j’essaye, à partir de mon expérience d’organisatrice d’un mouvement social, d’expliquer comment on peut travailler à ce que ces luttes se rejoignent, s’articulent autour de la critique d’un même système. Parce que pour moi, tous ces rapports de domination – du capital sur le travail, du capital sur la nature, des hommes sur les femmes, des blancs sur les non-blancs… – ce sont des dominations qui font partie d’un système et qui s’articulent entre elles.

Du coup, je pense qu’on peut lutter ensemble contre un même système, et aussi pour de mêmes valeurs et de mêmes politiques qui mettent à mal l’ensemble des systèmes de domination. Autour de l’idée d’égalité réelle et de justice, environnementale, sociale, fiscale.

L’enjeu est maintenant pour vous de prendre le pouvoir par les urnes ?

Quand je vois que dans les sondages effectués, il y a une majorité de personnes qui se disent pour un smic nettement rehaussé, quand je vois le taux de sympathie pour les « gilets jaunes » à l’époque, ou pour les mesures de justice sociale et fiscale, je me dis que la gauche est sans doute majoritaire du point de vue des idées. Aujourd’hui, se pose un vrai problème qui est celui de conquérir les institutions.

Comment expliquez-vous que les jeunes, qui sont par ailleurs très engagés, votent si peu aujourd’hui ?

Je pense qu’il y a un énorme besoin de renouveau. Il faut réhabiliter le politique en lui rendant sa noblesse. Il faut sortir d’une vision purement électoraliste. La politique, c’est aussi tous ces gens qui s’investissent dans les mouvements sociaux, qui se revendiquent « gilets jaunes », s’impliquent des mobilisations comme Nuit debout ou pour le climat, les luttes locales… J’en ai marre d’entendre des responsables politiques dans les partis dire qu’il ne se passe rien dans les mouvements sociaux. C’est faux. Il se passe beaucoup, beaucoup de choses et heureusement. Et je crois qu’aujourd’hui la gauche est riche de tous ces mouvements sociaux, de tous ces mouvements citoyens, de toutes ces personnes qui ne se politisent pas forcément en rentrant dans un parti, c’est vrai, parce qu’ils ne s’y reconnaissent plus.

Comment les réconcilier ?

Je pense que les partis politiques ont tout intérêt à être irrigués par les mouvements sociaux et ce qu’ils exigent : par exemple, une certaine forme de radicalité. Ne pas transiger avec nos revendications. Ou encore en proposant des alliances. C’est pour ça que je parle d’un bloc arc-en-ciel (le rouge du syndicalisme et du communisme ; le vert et des mobilisations écologistes ; le jaune, des « gilets jaunes » et des insurrections populaires, le violet du féminisme, le multicolore de l’antiracisme, etc. ). Il faut aussi une forte volonté de faire vivre une démocratie interne, c’est-à-dire d’être exemplaire en matière démocratique à l’intérieur même de nos appareils. Qu’il puisse y avoir une participation effective des adhérents à la vie de leur collectif.

C’est cette convergence entre mouvement sociaux et partis politiques que vous allez tenter d’incarner en prenant la tête du « parlement de l’union populaire » du candidat de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon ?

Tout à fait. On a une petite équipe d’animation d’une dizaine de personnes qui discute de la composition du premier parlement qui a vocation à s’élargir à une centaine de personnalités. On y réfléchit en fonction des différentes composantes qui font aujourd’hui toutes les luttes sociales, auxquelles vient s’ajouter une composante artistique qui peut porter une parole importante. Ce parlement est constitué de très nombreux militants syndicaux et associatifs issus de toutes les couleurs du « bloc arc-en-ciel » évoqué dans mon livre. Des personnalités de ces mouvements seront également auditionnées tout en préservant leur autonomie vis-à-vis du parlement. On souhaite ainsi retisser des liens entre le monde associatif et syndical et le monde électoral pour avancer. Et contribuer à redonner du sens à la politique « électorale » et à inclure plein de composantes qui s’en étaient éloignées en leur redonnant une place dans la construction de cette campagne.

Dans votre livre, vous posez cette question : « comment faire en sorte que ceux qui pensent à gauche votent à gauche ? » A quelques mois de la présidentielle vous pensez que Jean-Luc Mélenchon est le candidat le plus à même de le faire ?

Oui, sinon je ne le soutiendrais pas. Le programme de l’avenir en commun est un programme de rupture mais crédible qui articule des mesures à même de répondre à l’urgence sociale, écologique et démocratique et qui tranche des questions essentielles comme l’âge de départ à la retraite fixé à 60 ans. Cette mesure a été élaborée, comme les autres, à l’issue de nombreuses auditions avec des spécialistes et sur la base d’arguments scientifiques. De plus, elles sont portées par une grande partie de l’arc syndical situé à gauche. Jean-Luc Mélenchon est aussi un candidat qui n’a jamais transigé avec l’essentiel de nos valeurs. Je pense notamment au fait qu’il n’a pas participé, contrairement à d’autres candidats de la « gauche », à la manifestation à l’appel de certains syndicats de police devant l’Assemblée nationale, en mai dernier.

Et peut-il aussi réussir à réduire les divisions de la gauche et la reconstruire ?

J’ai longtemps porté l’idée d’une candidature commune sur un programme commun et notamment le projet de primaire populaire. Et je considère toutes les tentatives de rapprochement comme positives. Mais après le refus d’Anne Hidalgo et de Yannick Jadot, puis par conséquent de Jean-Luc Mélenchon d’y participer, il fallait aujourd’hui entrer dans le vif du sujet et accélérer car à quelques mois de la présidentielle, je considère qu’il y a urgence à prendre part au débat.

Vous écrivez sur Twitter que vous vous engagez aujourd’hui dans la bataille pour « une vraie gauche au pouvoir. » Comment définiriez-vous ce projet ?

Moi, je défends un projet politique de profond changement avec le système actuel parce que je pense que les enjeux sociaux, et surtout écologiques sont tels qu’on ne peut pas faire autrement. On ne reconstruira pas la gauche en faisant du hollandisme bis. Ça ne servira qu’à finir de tuer la gauche, à l’achever. Si je m’engage auprès de Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui c’est pour mener un tel programme de rupture : il faut changer de cap. Le cap n’est plus la rentabilité financière au service des plus riches mais la garantie des besoins sociaux et écologiques. C’est un profond changement que le programme de Jean-Luc Mélenchon dessine et peut mener à bien.