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Nos grèves s’invitent dans leur présidentielle

Lien publiée le 23 décembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Nos grèves s’invitent dans leur présidentielle. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

Après la journée d’action interprofessionnelle du 5 octobre, les directions confédérales ont fait une pause de quatre mois dans le calendrier des temps forts ritualisés. Nombre de bureaucrates et de grenouilles d’appareils se sont tout à coup sentis abandonnés. Désorientés, n’osant même pas réclamer une grande journée fourre-tout dans leurs unions départementales ou une petite journée catégorielle dans leurs commissions fédérales. Perplexité dans les instances.

Faut-il y voir un rapport de causalité ? Le fait est là : en l’absence des produits de remplacement, les salariés dans de très nombreuses entreprises ont, pendant ces derniers mois, choisi la vraie lutte, la grève, la vraie avec des revendications salariales ou de maintien des emplois, mais de plus en plus de revendications d’augmentation de salaires, sur lesquelles ils veulent gagner – d’autant plus que la hausse des prix des produits de première nécessité est là et bien là … Des grèves qui peuvent durer, qui peuvent s’étendre, qui peuvent gagner.

Dassault Aviation, STEF, Arkema (13 sites), Enedis, Alstom, Michelin, Framatome, Eiffage, Arcelor Mittal (7sites), Air liquide, CEA, Constellium (Issoire), Naval Group (Cherbourg), Sanofi, Transdev (Dordogne et Corrèze): en grève pour les salaires.

On verra ou pas un rapport, mais le fait est là : c’est pendant ce long silence des confédérations, à peine troublé par la manifestation nationale des retraités, que se sont développées dans tout le pays des grèves jusqu’à satisfaction ou des grèves reconductibles. Cette vague de grèves prolonge directement la résistance des salariés, notamment de la santé, aux attaques lancées par Macron le 12 juillet dernierC’est quand le silence des directions confédérales occupées ailleurs, les empêche de saboter la lutte des travailleurs qu’elle trouve à s’exprimer au mieux. On en avait déjà eu plusieurs exemples dont le plus récent était les imposantes manifestations anti passe-licenciement dans toutes les villes de France, en plein mois d’aout lorsque les directions syndicales étaient parties en vacances, laissant le 12 juillet, Macron passer à l’offensive contre les soignants. Dès que, l’espace d’un moment, les obstacles posés par les appareils syndicaux se fondent dans les lointains du paysage revendicatif, une combativité intacte s’exprime. Les travailleurs de la fonction publique pourraient bien à leur tour être concernés par l’action pour les salaires, de plus en plus engagée dans la fonction publique territoriale ou chez les plus précaires comme les AESH. Et parfois dans les secteurs inattendus, ou peu connus pour leur tradition de lutte.  

Conforama, Boulanger, Auchan, Carrefour, Sephora, Decathlon, Lidl, Flunch, Labeyrie, Nor Pain (Seine-Maritime), Gavottes (2 sites) Crapie (Vénissieux) Eurovia (4 sites) Aftral (Angers), Colruyt (Jura), Safran (Dijon) Cars Remi (Eure et Loir) LDC Aquitaine, GH Martel : en grève pour les salaires.

Les grévistes se moquent des présidentielles mais les éditorialistes de Bolloré s’en inquiètent : le pouvoir d’achat promu 1ère préoccupation des français dans les sondages, ringardise le prétendu « grand remplacement ». Les salaires s’invitent dans la campagne. Il est temps pour les patrons et leur président de dégainer les primes. Castex donne l’exemple avec le bonus du chèque énergie, puis avec le chèque inflation. Le patronat suit en négociant des primes Macron, des primes de productivité, de l’accord d’intéressement… L’argumentaire est rodé : « l’augmentation salariale détruit l’emploi…freine la compétitivité, il faut réduire les cotisations sociales , rapprocher le net du brut, le covid fragilise les entreprises ce n’est pas le moment d’augmenter les salaires ». Mais ici et là les grévistes gagnent des augmentations du salaire de base et… prennent aussi les primes.

Ponticelli (Chaudronnerie 4000 salariés : 85 € brut+ prime 500€, grands déplacements +2,5%), Leroy-Merlin (65 € soit 4% +doublement de la prime Castex) , Fountaine Pajot (la Rochelle, 65€ brut) Lactalis (Andrézieux)…

Les cheminots que tous les aboyeurs du macronisme détestent pour leur forte participation à la grève qui a fait dérailler la retraite par points déposent un préavis. La SNCF accorde 600€ aux conducteurs et 300€ aux contrôleurs. Ceux du TGV Sud Est retirent leur préavis de grève jusqu’en janvier. Aussitôt, le 15 décembre les aboyeurs des médias annoncent la fin de la grève des cheminots et rassurent les familles, elles pourront partir en vacances mais les grèves pour les salaires se poursuivent sur les réseaux ferrés tous les jours, en Ile de France, en Bourgogne, en Bretagne. Le 16 décembre on compte 97% de grévistes sur le RER B, 75% sur la ligne H, 90% des conducteurs sur Paris Nord… Et comme c’est le moment bien des professions de services s’engagent dans la lutte

Les animateurs péri -scolaires, les CPAM de la Sécu, les éboueurs de Marseille, les éboueurs de Toulouse… : en grève pour les salaires.

Bien sûr les hospitaliers n’ont pas cessé de revendiquer après le Ségur qui a entériné la poursuite de la réforme hospitalière. Le 4 décembre ils étaient des milliers à exiger des lits et des postes chez le ministre Véran, et étaient près de poursuivre à l’Elysée, chez Macron. Dans leur sillage les salariés des cliniques privées, ambulanciers et autres « premières lignes » du médico-social se mettent en mouvement.

Ambulanciers du CHU d’Angers, Clinique de l’Anjou, Clinique Montréal (Carcassonne), maternité Victor Pauchet (Amiens)… : en grève pour les salaires.

Nous ne voyons pas dans les grèves générales en Guadeloupe (qui dure depuis 36 jours), en Martinique (qui dure depuis 29 jours), à Wallis et Futuna (qui dure depuis 29 jours), des modèles qui se reproduiraient par contagion, mais sur des revendications vitales c’est bien la même volonté de gagner anime tous les grévistes de métropole et d’outre-mer.

Et là encore, cette proximité ne doit rien aux directions confédérales qui se sont bien gardées de tout appel à exprimer dans la rue, la solidarité face à la répression du GIGN, du Raid et autres manblo, par laquelle Macron-Darmanin croient pouvoir gérer les revendications des grévistes des Antilles et de Polynésie.

Depuis début décembre les syndicalistes de base dans leurs sections, leurs unions locales, sentent qu’une dynamique s’installe, qu’au-delà de la crise sanitaire, de la poursuite des licenciements, la flambée des prix pousse partout les salariés à exiger des augmentations durables. Dans les sections CGT, FO, SUD, FSU ils fournissent des argumentaires, des repères, des explications sur l’ouverture de NAO, sur le brut et le net, la CSG ou la solidarité générationnelle, le salaire différé ou le pouvoir d’achat. Les militants des bases syndicales reproduisent les modèles de lettre pour exiger l’ouverture ou la réouverture des NAO, accompagnent les grévistes qui se tournent vers leurs syndicats pour organiser des piquets, contacter les autres sites de l’entreprise, chercher localement du soutien. L’accroche des tracts tient souvent en peu de mots : C’est le moment !

C’est tellement le moment que les directions des confédérations s’avisent début décembre qu’il est bien temps de réapparaître avec la vieille recette de la journée d’action à géométrie variable sans mot d’ordre unificateur, qui permet de dévoyer les initiatives de luttes venues d’en bas, d’entraver leur développement, leur aspiration à se centraliser. La journée d’action qui n’est ni un appel à la grève, ni un appel à la manifestation, encore moins à une montée nationale sur les lieux de pouvoir mais un outil de modération de la combativité, un système de refroidissement des bouillonnements de classe. Les directions ont fixé la date de cette purge : ce sera le 27 janvier. Elles seront contraintes d’y investir quelques moyens pour retrouver quelque influence sur un mouvement qui s’est répandu spontanément sur le terreau de l’inflation.

Comme le note Jacques Chastaing : « Elles (les directions syndicales) feront donc tout pour que les élections présidentielles ne soient pas sous l’influence du mouvement social, c’est-à-dire que ces élections ne se situent pas dans le cadre de cette mobilisation de grève générale pour le moment désorganisée mais en marche vers la grève générale organisée et où, de fait les présidentielles perdraient leur rôle central dans le système de domination bourgeois. La bourgeoisie veut que ces élections centrales pour elle, aient un rôle de débouché politique, détournent les classes sociales de la rue pour les attirer dans les urnes. Or avec une mobilisation sociale générale, ces élections pourraient n’avoir plus qu’un rôle secondaire de sondage, de mesure des rapports de force, pas plus. Ce ne serait plus pour personne un quelconque « débouché politique ». L’important pour tous étant de savoir si on gagne ou pas la mobilisation générale, la grève générale. »

La question qui semble se poser ensuite c’est : quoi faire de l’appel des directions syndicales au 27 janvier ?

Les militants des bases syndicales seront, ce jour-là comme les autres, avec les salariés de leurs boites, avec les vrais grévistes de la vraie grève et si ces salariés, ces grévistes décident que le 27 janvier c’est la voie de l’unité et de la centralisation nous serons avec eux derrière les ballons des Unions Départementales pour une énième leçon de choses.

Cette période, pleine de formes et de développements inattendus de la lutte de classe, nous conseille de n’être contre rien. Qui sait de quel évènement le mouvement social va s’emparer pour aller chercher Macron chez lui ? Nous ne sommes contre aucune date, contre aucun mot d’ordre qui aurait un écho. Mais surtout nous sommes pour la centralisation de la force qui s’exprime dans ces grèves économiques. Nous voulons les aider à s’étendre encore, à affronter l’exécutif et donc à s’inviter réellement, avec leurs besoins d’augmentation du brut de base, avec leur besoin d’indexation des salaires, dans les présidentielles sans s’en remettre pour la satisfaction de ces besoins, à aucun tribun.

Car c’est bien une explosion sociale que tous sentent monter et qui mûrira politiquement si tous ses acteurs mesurent dès maintenant que la déflagration est capable d’emporter la Ve république et sa béquille présidentielle. Il s’agit de rendre visible l’immense rejet qui frappe les institutions façonnées par 64 ans de bonapartisme et de lois liberticides. L’appel au boycott des présidentielles aura d’abord ce sens que les élections ne pèseront plus sur le mouvement social comme la prophétie d’une défaite mais comme la possibilité d’une victoire, celle qu’une forte majorité prive tout vainqueur de la légitimité d’un scrutin. Jacques Nikonoff dans notre réunion-débat du 18 décembre qualifiait ce boycott de « déconstituant », c’est aussi dire qu’aucune assemblée constituante ne sortira toute armée d’une campagne électorale présidentielle, ni de celle du boycott. L’irruption massive des travailleurs dans la grève et dans la rue est une condition majeure d’une constituante souveraine et du retour à la démocratie. Le boycott des présidentielles nourrira le mouvement des grèves de masse comme les grèves de masse renverseront les isoloirs des présidentielles.

Partout les grévistes ont raison, c’est le moment !

Pour la rédaction, Luigi.

20/12/2021

Photographie illustrant cet article : grévistes sans drapeaux ni banderoles, en piquet sur le parking de leur boite de construction de catamarans à La Rochelle. Il font partie des grèves gagnantes.