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Sorbonne. 16% d’étudiants malades du Covid, la présidence maintient les examens coûte que coûte
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Selon une enquête réalisée par l’UNEF Paris 1, 16% des 5 000 étudiants interrogés sont actuellement malades du Covid et 45% sont cas-contacts. Des chiffres qui font froid dans le dos et traduisent une situation critique dans les universités, pourtant loin d’entamer la soif insatiable de sélection des directions, qui maintiennent coûte que coûte les examens.
Un état des lieux épidémique absolument inédit dans les universités
Les résultats d’une enquête réalisée par l’UNEF Paris 1 sont sans appel. Sur 5 000 étudiants interrogés – l’université en compte environ 45 000 – 16% ont déclaré être malades du Covid-19 tandis que 50% sont cas-contacts. Des chiffres à l’image de la courbe épidémique dans le pays, où 5e et 6e vague liée au variant Omicron s’entrechoquent. Selon les estimations officielles, le pays recense près de 180 000 cas ces dernières 24 heures et devrait rapidement atteindre les 200 000 cas de contamination, une première depuis le début de la pandémie.
À en croire les données récoltées à Paris 1, le variant Omicron n’épargne certainement pas les universités. Rien d’étonnant puisqu’il s’attaque actuellement aux couches les plus jeunes de la population, dont font certainement partie les étudiants. Une dynamique qui devrait aller en s’aggravant dès lors que le variant est beaucoup plus contagieux que les souches antérieures et qu’il est censé devenir majoritaire très prochainement sur l’ensemble du territoire. Autrement dit, en quelques jours, les 45% de cas-contacts recensés à Paris 1 pourraient en grande partie se traduire en une hausse considérable des contaminations.
Même avec deux ans de pandémie dans les pattes, cette situation est absolument inédite et pourrait, en même temps qu’elle désorganise déjà les secteurs essentiels comme l’indiquait le Conseil scientifique, impacter très fortement les universités. Pourtant, il semblerait que le ministère de l’Enseignement Supérieur et les directions d’université envisagent de maintenir les examens du premier semestre en présentiel courant janvier tout en prévoyant pour les étudiants contaminés des sessions de substitution dont les modalités sont encore très floues.
Pour le ministère de l’enseignement supérieur et les directions d’université, la sélection avant tout
Sur le site de l’université Paris 1, les consignes ne laissaient pas de place au doute et indiquent en effet que « les étudiants figurant dans les situations-ci-dessus [les personnes testées positives, les cas-contact d’une personne du même foyer, les cas-contact d’une personne contaminée par Omicron, et les cas-contacts immuno-dépressifs] passeront les épreuves d’examen examens en seconde session qui aura lieu du 13 au 30 juin 2022 ».
Face au tollé d’une telle politique – plusieurs organisations dont Le Poing Levé ayant signé une pétition de dénonciation – la présidence a envoyé par mail un « démenti », et annoncé modifier son protocole sanitaire. Il semblerait donc désormais que, « pour les étudiants qui ne pourraient pas se présenter aux examens, une session « bis » dite de substitution, sera organisée en présentiel dans les semaines suivant la fin de la période d’examens ».
Une position en phase avec celle du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qui imposait dans sa circulaire en date du 5 aout 2021 relative à l’année 2021-2022 « aux établissements d’organiser des sessions de substitution au bénéfice des soumis à isolement. Ces sessions doivent se tenir dans les deux mois qui suivent leur absence dûment justifiée - avec un délai de prévenance de 14 jours ».
Des préconisations a priori plus souples finalement suivies par la présidence de Paris 1 et d’autres directions d’universités, mais qui relèvent en réalité de la même logique tout en étant gravement déconnectées de la situation sanitaire. En effet, l’état de la courbe épidémique est sans appel : le nombre de contamination ne va pas cesser d’augmenter et de plus en plus d’étudiants vont, faut de stratégie sanitaire conséquente, tomber malade et être dans l’incapacité de composer au moment des éventuelles sessions de substitution.
En outre, le flou entretenu par la présidence de Paris 1 sert surtout à calmer les tensions tout en préservant la sélection à tout prix, au détriment de la santé – physique et mentale – des étudiants. Car rien de nouveau sous le soleil : à l’instar de la politique menée depuis le début de la pandémie, les malades du Covid tout comme les étudiants travailleurs et précaires représentent la variable d’ajustement permettant de réduire les effectifs dans une fac au manque de moyens criant.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : face à des directions d’université jusqu’au-boutistes, exigeons la suspension de la sélection !
Dans ce cadre, un certain nombre d’organisations étudiantes de Paris 1 – dont Le Poing Levé – ont exigé le passage en distanciel des examens, afin de réduire les risques de contamination tout en permettant aux personnes contaminées de composer depuis chez elles. Une revendication légitime aux vues de l’état de la courbe épidémique, mais qui reste minimale au regard des conséquences dramatiques de la crise sanitaire sur les étudiants.
En effet, si la terrible vague de suicide en janvier dernier a poussé les médias dominants à s’attarder un temps sur la situation catastrophique des jeunes, les conséquences de la gestion criminelle de la crise sanitaire par le gouvernement sont encore d’actualité. 20% des moins de 25 ans témoignent de symptômes dépressifs, 20% environ de jeunes sont au chômage, et les banques alimentaires ne désemplissent pas alors que le taux de jeunes y ayant recours a augmenté de 13% cette année. Des données glaçantes qui rejoignent le constat que font 87% des 16-25 ans selon une étude d’Opinionway : la crise sanitaire a eu un lourd impact sur leur trajectoire scolaire. Comme toujours, ce sont les étudiants les plus précaires et ceux qui travaillent qui sont les plus impactés : la pandémie accentue en réalité une dynamique structurelle dans les universités, où les jeunes des classes populaires sont systématiquement sur la sellette.
En ce sens, le distanciel permet certes de réduire les risques de contamination mais emporte son lot de problèmes. En effet, les étudiants coincés dans des logements insalubres, ceux ayant des connexions internet défaillantes, ou encore ceux contraints de travailler sont de nouveau confrontés à un grand risque d’échec qui s’ajoute cette fois à l’isolement et la détresse psychologique.
Ainsi, au regard du caractère inédit de la situation sanitaire, la seule solution rationnelle serait d’annuler les partiels du premier semestre et permettre la validation de l’ensemble des étudiants pour éviter la création de nouveaux cluster tout en permettant à chacun de poursuivre ses études.
La lutte pour une augmentation des moyens est la seule solution pérenne face à la pandémie
En dernière instance, le distanciel n’apparait que comme une mesure palliative à une crise structurelle de l’université que le covid-19 met en lumière. Comme l’indiquait plusieurs professeurs dans le cadre d’une tribune publiée dans Le Monde, « L’argument économique est souvent tangible dans les rares plaidoyers en faveur de la formation à distance. Les promoteurs de cette posture, d’inspiration néolibérale, parient sur une diminution des besoins en locaux et en personnels, associée à une augmentation du nombre d’étudiants (et donc, à des revenus supplémentaires). »
Ainsi, la fermeture des universités ne peut être une revendication pérenne des organisations étudiantes et il s’agit d’exiger les moyens suffisants pour permettre d’étudier en présentiel dans des conditions sanitaires décentes. De façon urgente, il est nécessaire de bénéficier de tests, masques FFP2, et gels gratuitement dans les universités pour assurer le respect effectif des gestes barrières. En parallèle, l’élaboration de protocoles sanitaires par les étudiants et le personnel en vue de répondre aux spécificités de chaque établissement et département est un impératif.
Mais le manque de moyens est structurel. Face aux infrastructures inadaptées, il est nécessaire de réquisitionner « le patrimoine bâti abandonné par l’Etat et sur les biens sous-utilisés des collectivités. En effet, celles-ci possèdent d’anciens tribunaux, des garnisons, voire des bâtiments ecclésiastiques qui tombent aujourd’hui en déshérence » comme l’exprime ici un collectif d’universitaires en septembre 2020. En parallèle, alors que les contrats courts se multiplient, une embauche massive d’enseignants et de personnels est la condition sine qua none pour répondre au manque de moyens.
Ce programme est en réalité la seule façon de lutter contre les racines du problème, que la pandémie vient mettre à nue dans les universités. Au bout de deux ans de crise sanitaire, le distanciel ne peut plus incarner une solution satisfaisante et s’apparente au contraire de plus en plus comme une alternative rêvée pour le gouvernement qui œuvre dans le sens d’une casse de l’université publique et la réduction de ses budgets.