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    François Ruffin : "Le premier irresponsable, c’est Macron"

    Ruffin

    Lien publiée le 7 janvier 2022

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    François Ruffin : « Le premier irresponsable, c’est Macron » (reporterre.net)

    François Ruffin : «<small class="fine d-inline"> </small>Le premier irresponsable, c'est Macron<small class="fine d-inline"> </small>»

    L’hôpital public est en crise ? C’est la faute d’Emmanuel Macron, pas celle des non-vaccinés, dit François Ruffin. Le député insoumis s’inquiète de la démocratie bafouée et du tout numérique prôné par le gouvernement face au Covid.

    Après trois jours de débats agités, ponctués notamment par les propos d’Emmanuel Macron, qui a expliqué au Parisien que les non-vaccinés étaient « irresponsables » et n’étaient « plus des citoyens », les députés ont adopté, jeudi 6 janvier à 5 h 25, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire avec 214 voix pour, 93 contre, et 27 abstentions. Les sénateurs examineront le texte à partir de lundi, pendant trois jours. Pour le député La France insoumise François Ruffin, opposé au texte et à l’instauration du passe vaccinal, c’est le président qui est « irresponsable ».


    Reporterre — Comment avez-vous réagi aux propos d’Emmanuel Macron qui a déclaré vouloir « emmerder » les non-vaccinés ?

    François Ruffin – Pour l’instant, les gens qui choisissent de ne pas se faire vacciner ne sont pas dans l’illégalité. Pour ma part, je me sens député de tous les Français de mon coin et même d’au-delà : qu’ils m’aiment ou pas, qu’ils fument ou ne fument pas, qu’ils soient vaccinés ou non. Je ne trie pas. Macron lui, vient de dire qu’il n’est pas le président de tous les Français et que certains feraient l’objet d’une déchéance de citoyenneté décidée par lui tout seul. On n’est pas dans le sanitaire ; on est dans le policier, point barre.

    Il a aussi dit que les irresponsables n’étaient plus des citoyens. Mais le premier irresponsable, c’est lui. Qu’a-t-il fait de l’hôpital ? 17 000 lits ont été fermés pendant son mandat, dont 5 700 pendant l’année Covid.

    En novembre, bien avant la cinquième vague, on a lancé l’initiative « Allô Véran » : à chaque fois qu’un service d’urgences ferme, on envoie un tweet à Olivier Véran [le ministre de la Santé]. Dans mon coin, le service de Senlis (Oise), a fermé par manque de personnel. Saint-Calais, Mamers, Draguignan, Moissac... Dans de nombreuses villes, les urgences ferment complètement, ou la nuit, ou le week-end, ou sont suspendues, ou ferment leur service pédiatrique. On en est à 76. Ce n’est pas à cause du Covid ! C’est à cause de la politique de Macron et de Véran. En pleine année Covid, ils disaient que la nation devait être reconnaissante à l’égard des soignants, qu’ils étaient en première ligne, qu’ils étaient vraiment admirables et qu’il y aurait un après pour l’hôpital. Mais dans le budget qui a suivi, les soignants ont vu 5 700 suppressions de lits, un milliard d’euros d’économies sur l’hôpital et zéro poste supplémentaire de réanimateurs alors que les réanimateurs en réclamaient 67.

    Tout ça contribue aujourd’hui à faire baisser la digue face au Covid. Ce qui fait qu’on aura peut-être du mal à contenir la vague actuelle, qui n’est pourtant pas un tsunami en termes d’hospitalisations.

    Surtout, cela provoque une crise chez les soignants. Ils y ont cru. Ils ont espéré l’après qu’on leur avait tant promis. On les a valorisés, on les a traités en héros. Mais aujourd’hui, c’est le retour à l’hôpital des grands discours sur les plans de retour à l’équilibre, le déficit budgétaire et ainsi de suite. Le « Ségur de la santé » n’a pas été une réorientation mais une concession aux soignants : on leur a lâché quelque chose sur les salaires pour être tranquille sur le fond, c’est-à-dire les moyens alloués pour qu’ils fassent leur travail.

    Manifestation de soignants contre la casse de l’hôpital public en février 2020, à Paris. © Mathieu Génon/Reporterre

    Le mot qui revient chez tous les soignants, c’est le découragement. Ils se disent qu’ils seront toujours maltraitants et maltraités. Des infirmiers de l’hôpital de Péronne, dans la Somme, m’ont raconté que, faute de lits, ils avaient fait passer la nuit à six personnes de plus de 80 ans sur un brancard dans le couloir. Être formé à soigner les gens, à bien les traiter, et avoir le sentiment de les maltraiter produit une déchirure morale qui provoque des départs de l’hôpital. C’est un échec spirituel.

    Aujourd’hui, le tour de passe-passe vaccinal de Macron consiste à faire croire que la crise de l’hôpital est 1) à cause du Covid et 2) à cause des non-vaccinés. Non ! C’est à cause de sa politique et de celle de Olivier Véran. Ils refont des promesses, mais comment voulez-vous que les gens y croient ?



    Que pensez-vous du projet de loi sur le passe vaccinal ?

    Je vois deux mesures centrales : la première est que si l’on n’est pas vacciné, on ne pourra plus fréquenter un certain nombre de lieux — restos, cafés, cinémas, etc. — même si l’on a un test négatif. La deuxième est que les serveurs, les vigiles, les ouvreurs pourront être habilités à contrôler non seulement le passe vaccinal, mais aussi les papiers d’identité.

    Je regarde le Covid comme les prémices des crises écologiques à venir. La question est : comment réagit-on à ça ? En passant la démocratie par-dessus bord, en misant sur le tout-numérique, par l’exclusion d’un certain nombre de nos concitoyens ? Ou en cherchant les meilleures solutions collectivement ? Là, depuis deux ans, un homme, Emmanuel Macron, décide de tout, tout seul. 

    Si les gouvernants décident d’entrer dans la République du QR code pour les bistrots, ça veut dire qu’on l’aura demain pour d’autres crises écologiques. Une nouvelle norme est en train de s’installer. Une fois qu’on a fait sortir le dentifrice du tube, on ne le fait plus rentrer. On est en état d’urgence depuis des années et on n’a jamais fait machine arrière. Ça deviendra un réflexe de faire appel au numérique pour contrôler les populations.

    Se pose aussi la question du rapport à l’urgence. Les décisions se prennent toujours du jour au lendemain. On réunit le conseil des ministres entre Noël et le Jour de l’an. L’Assemblée nationale doit valider le texte en un jour. Cette crise est vécue comme une urgence permanente avec une incapacité de penser en termes de stratégie. Et à partir du moment où l’on est dans l’urgence, on est dans le solutionnisme technologique. Même si je ne dis pas que la technologie ne peut pas être un instrument.


    Que pensez-vous du vaccin ?

    Je considère qu’il s’agit d’un outil intéressant dans la boîte à outils contre le Covid-19. Le vaccin évite un certain nombre de formes graves. Je me suis bagarré pour qu’un centre de vaccination s’installe à la campagne, au milieu de ma circonscription, pour que les gens n’aient pas à aller à Amiens ou à Abbeville. Je suis pour qu’on produise des doses de vaccin en France et je suis pour la levée des brevets au bénéfice des pays du Sud.

    Mais le vaccin ne doit pas être le seul outil. D’ailleurs, une tribune signée par des centaines d’universitaires, parue dans le British Medical Journal qui est un journal de référence dans le milieu médical, dit qu’il ne faut pas tout miser sur le vaccin. C’est pourtant ce qu’on fait depuis un an.

    Je ne suis pas d’accord pour qu’on mette la seringue sous la gorge des personnes non vaccinées. Je pense qu’il faut continuer à discuter avec eux et à les convaincre.

    Enfin, le fait de vacciner tout le monde fait qu’on ne cible pas les personnes les plus à risque. Par le passe vaccinal, on impose la vaccination à ceux pour qui le bénéfice n’est pas évident, comme les jeunes de 12 à 18 ans sans comorbidités. Et la France reste à la dernière place des pays d’Europe de l’Ouest avec seulement 88 % de vaccinés chez les plus de 80 ans, alors qu’ils sont 100 % en Espagne, en Belgique, au Portugal et au Danemark.


    Que faudrait-il faire ?

    En matière de vaccination, il n’y a pas suffisamment d’« aller vers ». Dans mon coin, je voulais que des centres temporaires de vaccination soient installés dans les salles municipales, village après village. Je réclamais qu’on recoure aux médecins généralistes — ils ont été mis dans la boucle depuis — et aux auxiliaires de vie qui visitent les personnes âgées pour qu’elles puissent discuter et proposer le vaccin. À la place, la start-up nation a utilisé l’application Doctolib. Mais à plus de 80 ans, qui va sur Doctolib ?

    Le deuxième outil qui n’est pas utilisé, ce sont les masques FFP2. Les masques normaux réduisent à 30 % le risque de contamination ; les FFP2, à 0,4 % [1]. Mais on est en rupture de stock. Le gouvernement n’a pas organisé de filière industrielle.

    Le camion ProxiVaccin dans les Hautes-Pyrénées va à la rencontre des personnes isolées. Twitter/Jeremie Martin

    La France a mis 30 centimes par habitant pour les purificateurs d’air. C’est 8 euros — trente fois plus — en Allemagne ; 12 euros — quarante fois plus — en Italie ; 21 euros — soixante-dix fois plus — aux Pays-Bas. Nous avions proposé — la droite et les centristes y étaient également favorables — des aides aux collectivités locales pour acheter des purificateurs. Mais La République en marche s’y est opposée.

    Je ne suis pas le seul à proposer tout cela. Les signataires de la tribune du British Medical Journal parlent eux aussi de masques FFP2 et de filtration-aération. Ils préconisent aussi la levée des brevets pour les pays du Sud. Il y a un an et demi, avant que le vaccin existe, Macron avait promis que ce serait un bien public mondial. Aujourd’hui, devant l’Organisation mondiale du commerce et l’Organisation mondiale de la santé, il refuse la levée des brevets réclamée par l’Inde et l’Afrique du Sud.


    Dans un billet vidéo mis en ligne le 3 janvier, vous dites que « la crise du Covid n’est qu’une amorce des grandes crises écologiques qu’on va traverser et que ça nous dit comment ils veulent gérer ça. Ils veulent gérer ça par le tout technologique et par le contrôle : le contrôle social, le contrôle sur nos vies par le biais du numérique ». Pourriez-vous développer ?

    Cédric O, le secrétaire d’État au numérique, a dit : « Cette crise offre l’opportunité d’une transformation plus volontaire encore. » Une transformation vers un usage accru du numérique et du contrôle par le numérique. Mais qui veut de cette transformation ? J’ai parfois l’impression d’être dans un film de science-fiction. Mi-décembre, j’ai entendu à la radio que les personnes de plus de 65 ans n’ayant pas reçu leur troisième dose allaient être désactivées. Vous imaginez ? D’un seul coup, on peut désactiver socialement des millions de personnes. Et ce n’est que le début, si on les laisse faire.

    James Lovelock, scientifique influent, a dit [2] : « Face à la crise écologique, il peut être nécessaire de mettre la démocratie de côté pour un moment. » George Steiner, essayiste, a dit qu’il fallait « peut-être évoluer vers un despotisme libéral » et qu’« il reviendra peut-être à un despotisme technologique d’affronter les grandes crises ». On a une oligarchie pour laquelle la démocratie peut être gênante et pour qui le peuple est embarrassant. Elle trouve là une opportunité d’une transformation plus volontaire encore dans la domestication de ce peuple par le biais du numérique, au nom de la santé aujourd’hui et au nom de l’écologie demain.

    Notes

    [1] Selon une étude — en anglais — des chercheurs des universités de Göttingen (Allemagne) et de Cornell (États-Unis)

    [2] En 2010, dans le Guardian.