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URSS : Le plan russe pour liquider l’Union soviétique

histoire Russie

Lien publiée le 11 janvier 2022

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» URSS : Le plan russe pour liquider l’Union soviétique (les-crises.fr)

L’effondrement de l’Union soviétique est souvent perçu comme une prise d’indépendance des petites nations vis-à-vis de la Russie. En réalité, les événements d’il y a 30 ans étaient très différents, la Russie jouant un rôle de premier plan dans le démantèlement de l’URSS.

Paul Robinson est professeur à l’Université d’Ottawa. Il écrit sur l’histoire russe et soviétique, l’histoire militaire et l’éthique militaire, et est l’auteur du blog Irrussianality. Il tweete à @Irrussianality.

Source : Russia Today, Paul Robinson
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev, le président du Soviet suprême de la RSFSR Boris Eltsine et d’autres dirigeants de l’État, de la RSFSR (République socialiste fédérative soviétique de Russie) du PCUS (Parti communiste de l’Union soviétique) à Moscou, à la tête d’une colonne de manifestants. Sputnik / Alexei Boitsov

Le 7 décembre 1991, il y a trois décennies cette semaine, les chefs des républiques soviétiques de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie (aujourd’hui Bélarus) – Boris Eltsine, Leonid Kravchuk et Stanislav Shushkevich – se sont rencontrés dans un pavillon de chasse de la forêt biélorusse de Belavezha. Le lendemain, ils signaient un accord, démantelant ainsi l’URSS.

Pour certains, il s’agissait d’un acte héroïque qui a assuré la défaite finale du communisme, débarrassé la Russie de son héritage impérial et enfin donné l’indépendance aux nations de l’Union soviétique qui souffraient depuis longtemps. Pour d’autres, en revanche, il s’agissait d’une trahison qui a inutilement brisé une union que la plupart des citoyens chérissaient encore, et qui a laissé des millions de Russes vivre en dehors de leur propre pays, jetant les bases de conflits futurs, comme la guerre qui sévit aujourd’hui dans l’est de l’Ukraine.

La destruction de l’URSS n’était pas dans l’esprit de Shushkevich lorsqu’il a invité ses collègues russes et ukrainiens à Belavezha en décembre 1991. Il espérait plutôt résoudre la crise énergétique à laquelle était confrontée sa République socialiste soviétique de Biélorussie. L’économie soviétique était tenue par la main dirigeante du Parti communiste de l’Union soviétique. Lorsque le pouvoir de ce dernier s’est effondré à la suite du programme de réforme de la perestroïka du dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, l’économie planifiée et centralisée a sombré dans le chaos. Shushkevich, inquiet des pénuries de pétrole et de gaz pour l’hiver, a demandé aux Russes et aux Ukrainiens de venir à Belavezha pour discuter des efforts communs à déployer pour résoudre leurs problèmes économiques.

Cependant, dès le début de la réunion, le représentant russe, Gennady Burbulis, a proposé de manière inattendue que les dirigeants signent une déclaration selon laquelle « l’URSS en tant que réalité géopolitique et sujet du droit international met fin à son existence. » Les Biélorusses et les Ukrainiens acceptent, et c’est ainsi que l’accord de Belavezha est signé, déclarant que le traité de 1922 sur la création de l’Union soviétique est nul et non avenu. Par cet acte, l’URSS était dissoute.

Deux choses ressortent de tout cela. Premièrement, les autres républiques de l’Union n’ont pas été consultées pour savoir si elles souhaitaient ou non sa destruction. Des républiques comme le Kazakhstan et l’Ouzbékistan ne demandaient pas l’indépendance, mais on la leur a imposée, qu’elles le veuillent ou non.

Deuxièmement, la partie qui a pris l’initiative de détruire l’Union est la Russie. L’Union soviétique aurait pu survivre sans les trois États baltes – Estonie, Lettonie et Lituanie – qui avaient déclaré leur indépendance en août 1991. Elle aurait peut-être même pu survivre sans l’Ukraine, qui a organisé un référendum sur l’indépendance six jours seulement avant la réunion de Belavezha. Mais elle ne pouvait pas survivre sans la Russie. Dès que la Russie a décidé qu’elle ne voulait plus faire partie de l’Union, l’URSS était condamnée.

Pourquoi alors les dirigeants russes ont-ils décidé de séparer leur république des autres républiques de l’URSS, avec lesquelles elles étaient unies pour la plupart depuis plus de cent ans, et dans de nombreux cas depuis bien plus longtemps, et qui comptaient parfois d’importantes populations russes ? La réponse se trouve dans les ambitions politiques et idéologiques du président russe, Boris Eltsine, et de ses alliés libéraux.

Lorsque Gorbatchev lance la perestroïka en 1985, l’intelligentsia russe le soutient en majorité. En 1989, cependant, beaucoup estiment que le dirigeant soviétique ne va pas assez loin, pas assez vite. Lorsque Boris Eltsine s’est imposé comme un rival de Gorbatchev, beaucoup lui ont fait allégeance, considérant qu’il était plus à même de mettre en œuvre rapidement des réformes démocratiques et de marché.

Gorbatchev contrôlait tous les leviers du pouvoir au niveau du gouvernement soviétique. Eltsine décide de le devancer en prenant le contrôle de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR), la plus grande des 15 républiques qui composaient l’URSS. Après avoir été élu en 1991 au poste de président de la RSFSR, Eltsine et ses partisans ont commencé à promouvoir une forme de nationalisme russe et ont exigé que le pouvoir soit transféré du niveau de l’Union à celui de la république russe, c’est-à-dire de Gorbatchev à Eltsine.

Plus particulièrement, au printemps 1990, le Congrès des députés du peuple de la RSFSR a publié une « Déclaration de souveraineté de l’État ». Cette déclaration annonçait la supériorité du droit russe sur le droit soviétique et déclarait que tous les actes du gouvernement soviétique qui étaient contraires aux droits de la RSFSR étaient illégaux. Cette déclaration a déclenché ce que l’on a appelé le « défilé des souverainetés », au cours duquel les autres républiques de l’URSS ont suivi le mouvement. Mais c’est la Russie qui a ouvert la voie, en grande partie pour satisfaire les désirs d’Eltsine et de ses soutiens.

Une fois l’Union soviétique disparue, Gorbatchev n’avait plus de rôle à jouer. La destruction de l’URSS a donc servi les intérêts personnels d’Eltsine en lui permettant de vaincre enfin son rival. C’est ce qui explique en partie pourquoi la Russie a provoqué les accords de Belavezha.

Il y avait une autre raison, comme l’a souligné le principal conseiller financier d’Eltsine, Yegor Gaidar. Vice-Premier ministre de Russie au début de 1992, Gaidar allait devenir célèbre en tant que concepteur d’un programme de réforme radicale du marché libre connu sous le nom de « thérapie de choc ». Lui et son équipe souhaitaient déjà introduire la thérapie de choc avant même cette date. Toutefois, comme Gaidar l’a expliqué plus tard, ils ne pensaient pas que les dirigeants des autres républiques soviétiques étaient prêts à faire de même.

Étant donné que la réforme économique en URSS devait être menée simultanément dans toutes les républiques, l’opposition des républiques non russes signifiait que la thérapie de choc était impossible tant que l’URSS existait. La seule façon pour la Russie de la mettre en œuvre était de se débarrasser des autres républiques et de devenir un État indépendant. En bref, le choix était l’Union ou la thérapie de choc. Eltsine et Gaïdar ont choisi cette dernière.

On peut soutenir que l’Union dans sa forme actuelle était de toute façon condamnée. Le parti communiste était si central dans la gestion du pays qu’une fois qu’il a été fragilisé, l’URSS s’est rapidement effondrée, obligeant les autorités locales à prendre le pouvoir en main dans un effort désespéré pour maintenir une certaine forme d’ordre. Néanmoins, une certaine forme d’Union aurait pu être maintenue si la volonté de le faire avait existé à Moscou.

Ce n’était pas le cas. L’existence prolongée de l’URSS ne convenait pas aux intérêts d’Eltsine et de son entourage, et ils s’en sont donc joyeusement débarrassés. Pour le meilleur ou pour le pire, la Russie continue d’en subir les conséquences jusqu’à ce jour.

Source : Russia Today, Paul Robinson, 08-12-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises