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Grèves, actions : à quoi ressemblera ce jeudi de colère dans l’éducation ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Grèves, actions : à quoi ressemblera ce jeudi de colère dans l'éducation ? - Rapports de Force
Déçus par les annonces du 13 janvier, offusqués par les révélations sur les vacances de Jean-Michel Blanquer à Ibiza, les travailleurs et travailleuses de l’éducation seront à nouveau mobilisés ce jeudi 20 janvier. Sans appel national et intersyndical clair à la grève, une question demeure : comment vont-ils s’approprier cette journée d’action ? Tour de France des mobilisations locales.
« Insuffisant ». « Peut mieux faire ». C’est le genre de commentaire que les enseignants auraient pu mettre sur la copie du ministre Jean-Michel Blanquer au sortir de sa rencontre avec l’intersyndicale de l’éducation dans la soirée du 13 janvier. Car, une fois la joie d’avoir été reçu en urgence par le ministre évaporée, force est de constater que les concessions faites par Jean-Michel Blanquer à la suite de la grève historique du 13 janvier sont bien maigres.
Blanquer joue avec les chiffres
Pour répondre à la pénurie d’enseignants, au plus haut du pic de la vague Omicron, Jean-Michel Blanquer a annoncé le « recrutement de 3300 enseignants contractuels ». Or, ces personnels sont en réalité déjà engagés par l’Éducation nationale. Il ne s’agit donc pas de recruter des enseignants en plus mais de prolonger des contrats à durée déterminée qui auraient dû se terminer avant la fin de l’année scolaire 2022. En clair : le nombre d’enseignant actuellement au travail reste un plafond, le ministre empêche simplement que celui-ci ne s’abaisse.
Jean-Michel Blanquer a également promis de recruter des enseignants remplaçants sur les listes complémentaires (qui classent ceux qui n’ont pas eu le concours de peu). Une revendication syndicale certes portée de longue date, mais loin de régler la question du manque de remplaçants dans toutes les académies. Ainsi, les listes complémentaires sont : « à sec dans [l’académie de Créteil] qui n’arrive même pas à recruter suffisamment de contractuel.les compte tenu de la précarité des contrats, des conditions financières et de l’impossibilité de rentrer dans le statut », rappelle l’intersyndicale du Val-de-Marne, dans un communiqué.
Le ministre a annoncé d’autres recrutements de précaires : 1500 assistants d’éducation (AED), ces surveillants de l’éducation secondaire qui luttent de longue date contre des conditions de travail indignes. Et 1500 agents administratifs pour aider les directeurs et directrices du premier degré. Un chiffre relativement faible dans un pays qui compte près de 50 000 écoles (environ 3 agents supplémentaires pour 100 écoles).
Enfin, même les promesses de Blanquer en matière sanitaire ne parviennent pas à rassurer. Ainsi, l’annonce de 5 millions de masques FFP2 supplémentaires dans les écoles couvre à peine 40 jours de classe en maternelle, alors que les syndicats demandaient « un masque FFP2 pour tous ceux qui le souhaitent », rappelle le Café pédagogique.
Syndicats : fin de l’union sacrée
Pourtant, si tous les syndicats s’accordent à dire que les promesses du ministre de l’Éducation nationale sont insuffisantes, l’union sacrée syndicale, qui avait permis la très forte mobilisation du 13 janvier, n’est plus à l’ordre du jour.
D’un côté, la FSU, SUD-Éducation, la FNEC-FP FO, la CGT Educ’action, les organisation lycéennes (FIDL, MNL et VL) ainsi que la FCPE (fédération de parents d’élèves) appellent à continuer la mobilisation ce jeudi 20 janvier et à rejoindre massivement la grève interprofessionnelle du 27 janvier. De l’autre l’UNSA, le Snalc, la CFTD, la FSU et le SNE, réaffirment, dans un communiqué commun « leur volonté de rester mobilisés sous des formes diversifiées pour le respect des mesures annoncées », sans se joindre à l’appel du 20, ni du 27 janvier. A souligner : la FSU, syndicat majoritaire dans l’enseignement, a bien signé ces deux communiqués, remplissant ainsi à la perfection son rôle de syndicat majoritaire dans l’éducation et de centre de gravité syndical.
Toujours est-il qu’une date est posée dans le paysage : le 20 janvier. Et si l’intersyndicale qui l’organise n’appelle pas clairement à la grève mais – et les mots sont importants – « à s’engager dans une nouvelle journée d’action le 20 janvier, y compris par la grève », ce 20 janvier servira bien à montrer que la colère des travailleurs de l’éducation ne s’est pas éteinte.
« Qui fait grève ? »
Pour ce 20 janvier, les modes d’action seront donc divers. Si, sur le plan national, la fédération SUD-Éducation est la seule à appeler à une grève ce jour-là, dans certains endroits, des intersyndicales départementales (FSU-CGT-SUD-FO, parfois rejointes par la CNT ou la CNT-SO) ont également privilégié la grève. C’est particulièrement le cas en région parisienne, où les mots d’ordres locaux se sont fait plus radicaux que ceux de l’intersyndicale nationale. Différents syndicats du 75 ont ainsi, dès ce week-end, appelé à cesser le travail ce 20 janvier. Ils ont été suivis, le lundi, par des syndicats de Seine-Saint-Denis (93) et de l’Essonne (91) .
Si cette volonté de privilégier la grève est moins franche en dehors de Paris, quelques territoires font toutefois exception. En Haute-Garonne (31) une intersyndicale comprenant le Snuipp-FSU, la CGT, SUD, FO et la CNT appelait à la grève dès ce mardi 18 janvier. Son communiqué émanait d’une décision de l’assemblée générale des grévistes votée le 13 janvier. En Ille-et-Vilaine (35) une intersyndicale CGT-FO-SUD a elle aussi mis l’accent sur la grève comme mode d’action privilégié pour ce 20 janvier. Mais, cette fois, il ne contient pas la signature de syndicats de la FSU (syndicat majoritaire).
« La grève va exister en région parisienne et les grévistes pourront se retrouver à Paris pour manifester », déclarait Brendan Chabannes, co-secrétaire fédéral de Sud-Éducation, lundi 17 janvier. Pourtant la préfecture de Paris a interdit, dès mardi, que la manifestation puisse se tenir sous prétexte que « la déclaration de rassemblement de voie publique doit être portée à la connaissance du Préfet de police trois jours francs au moins […] avant la date de la manifestation. » Une interdiction de manifester plutôt inédite envers une mobilisation sociale à caractère syndical qui a fait bondir les organisations syndicales enseignantes FSU, Sud-éducation et CGT-éducation (voir notre article).
Faire preuve d’inventivité
Les appels à la grève restent toutefois exceptionnels. Le plus souvent, les communiqués des intersyndicales départementales reprennent les termes du communiqué national et incitent « à multiplier les formes de mobilisations y compris par la grève ». C’est le cas dans le Rhône (69), où une intersyndicale (qui comprend cette fois-ci le SNALC en plus des syndicats précédemment cités) appelle à un rassemblement devant le rectorat de Lyon en fin de journée, mais aussi dans le Val-de-Marne (94) ou dans le Nord (59), ainsi que dans de nombreuses villes de France.
Partout où la grève ne sera pas le mode d’action privilégié, les enseignants ont été invités à faire preuve d’inventivité et à imaginer la forme que prendra, localement, leur mobilisation. Ainsi, dans plusieurs villes, comme Blois, Perpignan ou encore Mantes-la-Jolie, des marches aux flambeaux sont organisées en fin de journée. Dans chaque école de France, le SNUipp appelle également les travailleurs de l’éducation à se mobiliser lors de la pause méridienne en affichant des pancartes et des banderoles « mon école craque ». La médaille de l’originalité revient sans conteste au Snuipp-59 qui organise un Roubaix-Paris à vélo. Les enseignants, transformés en coureurs cyclistes pour l’occasion, voyageront dans plusieurs villes du Nord pour rencontrer leurs collègues et protester contre le manque de remplaçants.
Blanquer à Ibiza, les profs dans la rue
Si la journée du 20 janvier ne devrait pas être aussi massive que celle du 13 janvier, elle pourrait néanmoins être gonflée par les récentes informations de Médiapart à propos de Jean-Michel Blanquer. Le journal en ligne a en effet révélé lundi soir que le très clivant ministre de l’Éducation nationale était en vacances à Ibiza lors de l’interview au Parisien dans laquelle il annonçait le nouveau protocole sanitaire, entré en vigueur à la rentrée 2022. Certains syndicats enseignants n’ont pas manqué de souligner l’indigence du procédé, porteur selon eux d’un grand mépris pour la profession. Une attitude ministérielle qui ne manque pas de remettre une pièce dans la machine à colère et pourrait pousser les enseignants et autres travailleurs de l’éducation à sortir dans la rue ce jeudi plus massivement que prévu.
Cette journée sera également une journée de mobilisation nationale pour les AED, déjà largement en grève le 13 janvier (80% de grévistes selon le Snes-FSU). Ces précaires de l’éducation luttent depuis le 1er décembre 2020 ( voir notre article) contre des conditions de travail qu’ils jugent indignes. Ce 20 janvier permettra enfin la préparation de la journée de grève interprofessionnelle du 27 janvier, pour les syndicats qui y appellent (à savoir la CGT, FO, Solidaires et la FSU).