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Argentine. Le funeste retour du FMI: 1ère partie

Argentine

Lien publiée le 2 février 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Argentine. Le funeste retour du FMI (I) – A l'encontre (alencontre.org)

Par Claudio Katz

Enfin, le gouvernement d’Argentine a signé un accord avec le FMI qui valide la dette frauduleuse contractée par Mauricio Macri. Le président Alberto Fernández a atténué l’effet de l’annonce en promettant d’éviter l’ajustement et en laissant entendre qu’il s’agit de la meilleure option possible. Mais il a écarté les alternatives à une telle reddition et a oublié que le pays n’est jamais sorti en meilleures conditions de ces engagements avec le FMI.

Légitimer une escroquerie

L’accord légalise les irrégularités d’un prêt qui a violé toutes les règles du FMI et qui a financé la fuite des capitaux, sans apporter un seul dollar aux entreprises productives. Toutes les dénonciations de cette fraude par le pouvoir [«péroniste» d’Alberto Fernández] sont désormais caduques et les procès contre les responsables de Cambiemos [«Changeons», coalition électorale à la tête de laquelle Mauricio Macri, fondée en juin 2015] n’ont plus aucun sens. Il n’est pas vrai que «Fernández résout le problème créé par Macri». Le président ratifie les abus de son prédécesseur et entérine l’endettement forcé des générations suivantes.

Le président a donné quelques détails sur ce qui avait été convenu pour les deux ans et demi à venir, mais n’a rien dit du scénario futur. A partir de 2025, la totalité de la charge des 45,5 milliards de dollars dus au Fonds monétaire international (FMI) réapparaîtra. À ce moment-là, l’impossibilité de paiement et l’obligation qui en découle de conclure un autre accord, plus pesant, refont surface.

Pour cette raison, Martin Guzmán [ministre de l’Economie] a cette fois-ci éludé la formule qu’il préfère, à savoir «accord durable». Il a accepté une façon immédiate de se débarrasser du problème en le repoussant, répétant le délai déjà négocié avec les détenteurs d’obligations privées. Il a accepté une trêve relative pour les deux prochaines années, ce qui aboutit à maintenir l’explosivité de la bombe de l’endettement.

Si le report fonctionne, à la fin de la période de grâce, il faudra faire face à la même montagne d’échéances impayables. Les 19 milliards de dollars pour 2022 et les 20 milliards pour 2022 exigés par le FMI [dans l’accord passé par Macri] n’apparaîtront pas non plus à l’avenir. Or, après cette date, le FMI reviendra avec ses exigences habituelles en matière de réforme du travail et des retraites [pour dégager les marges pour le remboursement]. Martin Guzmán se vante d’avoir réussi à éliminer ces abus de l’accord passé dans l’accord actuel, mais il cache le fait qu’ils referont surface lors du prochain refinancement.

Certains responsables affirment que le pays sera en mesure de négocier avec plus de force dans deux ans. Mais ils n’expliquent pas comment se manifestera la capacité redoublée de l’Argentine à tenir tête au FMI. Les inspecteurs du FMI seront déjà confortablement installés au ministère de l’Economie et à la Banque centrale, et l’atout puissant de l’illégitimité du passif [de la dette] aura été perdu.

Aucun fonctionnaire ne pourra s’opposer à l’avenir à l’escroquerie qui est en train d’être validée. Ils ne pourront pas alléguer la responsabilité de Macri, Trump et Lagarde [elle était dirigeante du FMI lors de l’accord avec Macri en 2018, son mandat s’est étendu de juillet 2011 à septembre 2019] dans un accord de crédit ratifié par Fernández, Biden et Kristalina Georgieva [à la direction du FMI depuis octobre 2019].

Toutes les allégations de dette honteuse iront finir dans les tiroirs. Il en sera de même avec les demandes d’intervention de l’ONU et de la Cour internationale de justice pour déclarer la nullité d’une opération financière irrégulière.

Alberto Fernández répète la même acceptation de la fraude que tous les gouvernements des quatre dernières décennies. Cette succession de ratifications a transformé la dette en un flot ingérable. Pour la énième fois, une administration «progressiste» blanchit les abus de son prédécesseur de droite, avec la même répétition de la division du travail. Les engagements scandaleux assumés par les équipes économiques orthodoxes sont bénis par leurs pairs hétérodoxes.

Tandis que le pays encaisse les coups, les responsables du FMI poussent un soupir de soulagement. Ils ont fait de l’Argentine le plus grand débiteur de l’organisation et n’auront pas à expliquer pourquoi aucune autre nation n’affronte une telle situation. Les deux autres mauvais payeurs (l’Egypte et l’Irak) doivent des montants incomparablement plus faibles.

La même aide officielle est accordée aux grands capitalistes locaux, qui ont transféré les fonds octroyés par le FMI sur leurs propres comptes déposés à l’étranger. L’enquête déjà menée par la Banque centrale a permis d’identifier les bénéficiaires de ce vol, qui approuvent naturellement la validation de la manœuvre gouvernementale. Les principales entités de l’establishment ont déjà anticipé leur soutien enthousiaste à l’accord.

Martin Guzmán avait sur son bureau la liste complète des personnes enrichies. Il a gelé l’enquête. Il n’a même pas autorisé le recoupement avec les registres de l’AFIP (Administración Federal de Ingresos Públicos) pour évaluer si les dollars expatriés ont été déclarés aux autorités fiscales.

Les fonctionnaires n’ont émis que de vagues demandes de collaboration au FMI, afin que celui-ci contribue à la récupération des dollars cachés dans les paradis fiscaux. Evidemment, le principal complice de l’escroquerie, le FMI, n’a fourni aucune information et la mise au placard de l’enquête a anticipé l’accord privilégié par Washington.

Une réduction sans ajustement?

Le gouvernement va remplacer le prêt signé par Macri par un autre qui refinance le défaut de paiement de ce prêt. Le FMI assure le recouvrement de ce qui est dû avec l’extension des délais de remboursement et le maintien de la politique économique. Cet audit sera réalisé par le biais de dix revues trimestrielles, qui garantissent au FMI une cogestion stratégique pendant les prochains mandats présidentiels.

Martin Guzmán présente la présence renouvelée du FMI dans le pays comme une mesure «raisonnable» qui contribuera à réduire «l’incertitude». Mais il omet le fait que cette ingérence va réactiver le mépris affiché pour l’Argentine par tous les émissaires du FMI dans les 22 accords signés au cours des six dernières décennies. Tandis que Kristalina Georgieva affiche un visage de circonstance et partage des messages indulgents avec le pape François [allusion à la présence Kristalina Georgieva lorsque le pape, le 5 février 2020, a appelé «le monde riche à mettre fin à la pauvreté»], les véritables directeurs de l’organisation – David Lipton [qui a assuré la direction par intérim du FMI entre juillet et octobre 2019] et Ilan Goldfajn [ancien président de la banque centrale du Brésil et à la direction du FMI depuis janvier 2022] – sont de vieux complices de Macri, qui exigent une opération chirurgicale majeure de l’Argentine.

Pour cette raison, ils ont démoli toute demande de bienveillance. Ils ont rejeté la possibilité d’une allégement ou d’une suppression du principal de la dette, ainsi que la conversion de la dette en obligations climatiques ou l’extension des échéances à 20 ans. Ils ont même maintenu l’application d’un supplément inhabituel pour le volume exorbitant de crédit qu’ils ont eux-mêmes placé. Ils ont également opposé leur veto à l’octroi éventuel de fonds supplémentaires par d’autres membres de l’institution.

Martin Guzmán masque cette sévérité en vantant les quatre engagements pris avec le FMI pour les deux ans et demi à venir. Il souligne tout d’abord la réduction du déficit budgétaire, que le gouvernement a proposé à 3,3% du PIB pour l’année en cours et qui s’établira finalement à 2,5%. En 2023, il devrait être de 1,9% et en 2024 de 0,9% [les limites du déficit budgétaire sont liées à la politique d’austérité].

Ces diminutions ont été le grand étendard de l’orthodoxie de droite, qui place le principal malheur de l’économie argentine dans les dépenses publiques. Guzmán a toujours proclamé le contraire, mais il découvre maintenant les mérites de ces réductions. Il affirme que ces réductions auront des effets vertueux, puisqu’au lieu de reposer sur des ajustements de dépenses, elles proviendront de l’augmentation des recettes de la croissance et de la fiscalité.

Mais ces derniers mois, ce processus ne s’est pas affirmé, c’est pourquoi la pandémie a été privée de la subvention correspondante (IFE-allocation familiale d’urgence). En outre, le pacte budgétaire négocié avec les gouverneurs des provinces et le projet de budget pour 2022 refusé en décembre 2021 ont été conçus avec des coupes, afin de respecter le protocole d’accord exigé par le FMI.

Martin Guzmán a également présenté ce qui s’est passé au dernier trimestre de 2021 comme un exemple de réduction des dépenses grâce à la croissance et à la fiscalité. Au cours de cette période, les recettes publiques ont augmenté de manière significative, car l’économie a rebondi compensant la baisse précédente de 10%.

Le ministre généralise ces données pour l’avenir et affirme qu’il n’y aura pas d’ajustement dans les rubriques budgétaires concernées (comme les travaux publics ou la science et la technologie). Mais il ne précise pas quels taux de croissance et de collecte des impôts seraient nécessaires pour parvenir à la réduction drastique du déficit qu’il a promise pour les deux prochaines années.

Les pourcentages de cette réduction du déficit budgétaires ont été convenus avec le FMI, mais pas les montants qui la permettraient. Il n’a pas été établi dans quelle mesure les salaires augmenteront, dans quelle mesure les pensions se rétabliront ou dans quelle mesure la pauvreté diminuera et le PIB augmentera. Si ces chiffres sont des grandeurs à revoir, la réduction du déficit a été rigoureusement préétablie. Les auditeurs du FMI seront présents pour contrôler la conformité de la mise en place de l’accord.

Le deuxième engagement officiel consiste à réduire le financement budgétaire par le biais de l’émission monétaire. Cette réduction a commencé en 2020 (7,3%), s’est accentuée l’année dernière (3,7%) et s’intensifiera fortement en 2022 (1,00%), 2023 (0,6%) et 2024 (0%). Avec ce calendrier, le grand objectif orthodoxe de l’émission zéro serait atteint. Les monétaristes ont toujours rêvé de remettre l’économie sur les rails en aspirant simplement l’argent en circulation.

Aujourd’hui, Guzmán adopte ce programme et promet de réintroduire des taux d’intérêt réels positifs pour ouvrir la voie à la discipline monétaire. Il affirme que cela permettra de consolider un marché pour le financement des dépenses publiques en pesos, ce qui compensera la marginalisation continue de l’Argentine sur le marché international du crédit.

Mais le ministre omet les problèmes bien connus des gigantesques émissions obligataires locales. Avec ces placements, les banques sont incitées à spéculer avec le crédit public, au détriment du financement de l’industrie, de l’agriculture ou des services. On ne voit pas comment une croissance élevée peut être soutenue avec des taux d’intérêt positifs qui découragent l’investissement productif. (Article publié sur le site Correspondencia de prensa, le 1er février 2022; traduction rédaction A l’Encontre; la seconde partie sera publiée le 2 février)

Claudio Katz est économiste, chercheur au CONICET, professeur à l’UBA (Université de Buenos Aires), membre de l’EDI (Economistes de gauche).