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    Où va Cuba ?

    Cuba

    Lien publiée le 20 février 2022

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Où va Cuba ? | LIT-QI (litci.org)

    Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro, 1960

    La situation à Cuba est redevenue une ligne de fracture dans la gauche du monde entier. Depuis la mobilisation populaire du 11J (juillet), on assiste à une tentative de l’ensemble de l’appareil stalinien mondial pour défendre l’indéfendable : la répression de la dictature castriste sur son propre peuple. Une première question se pose aux militants du monde entier : est-il juste de défendre les travailleurs en lutte à Cuba, de la même manière que nous les défendons dans tous les pays capitalistes ?

    Par Eduardo Almeida

    La défaite de la mobilisation du 15N (novembre), en raison de toute la répression qui s’est exercée, ouvre une autre question : où va Cuba ? La victoire de la répression légitime-t-elle la dictature castriste ?

    Cela ravive les discussions théoriques et programmatiques. Cuba est-il toujours un État ouvrier, même s’il est bureaucratisé ? Ou s’agit-il d’un État capitaliste ? Ou bien s’agit-il d’un capitalisme d’État ?

    La polémique sur Cuba, d’une certaine manière, actualise la discussion sur le stalinisme, trente ans après la dissolution de l’URSS.

    Nous voulons ici présenter une évaluation de Cuba d’un point de vue marxiste, depuis la révolution de 1959 jusqu’à aujourd’hui, en revisitant les polémiques théoriques en jeu.

    1- La révolution cubaine a généré un état ouvrier déformé

    La révolution cubaine de 1959 a été la première et la seule révolution socialiste victorieuse en Amérique latine. Comme dans d’autres processus, elle a généré un État ouvrier déformé, profondément bureaucratique, sans aucun degré de démocratie ouvrière.

    La définition de Cuba comme un État ouvrier, même bureaucratique, repose sur la définition marxiste de ce type de société, s’appuyant sur trois caractéristiques :

    – les principaux moyens de production étaient nationalisés ;

    – la planification de l’économie : la quantité et la qualité des produits n’étaient pas déterminées par les lois du marché, mais par un plan économique central, auquel toutes les entreprises étaient subordonnées ;

    -le monopole du commerce extérieur. Tout ce que le pays achetait et vendait sur le marché mondial était défini et monopolisé par l’État.

    Avec ces caractéristiques, l’État ouvrier cubain a connu une grande avancée économique et sociale, d’une importance énorme. Nous montrons souvent avec fierté les avancées en matière de santé et d’éducation apportées par l’expropriation de la bourgeoisie et la planification de l’économie.

    Certains secteurs de la gauche cubaine nient que Cuba ait pratiqué la planification de son économie. C’est une discussion intéressante. Il peut s’agir d’une discussion sur des faits, ou d’une discussion sur des concepts.

    Tout d’abord, les faits : un organisme d’État a été créé en mars 1960, appelé Junta Central de Planificación, qui était chargé de planifier l’économie. Cette institution a été dissoute dans les années 1990.

    Fidel Castro, 1957. (Photo by CBS Photo Archive/Getty Images)

    Deuxièmement, sur les concepts. Il nous semble indéniable qu’il a existé à Cuba une économie dans laquelle les entreprises d’État étaient le moteur de l’économie. Et comment ces entreprises décidaient-elles de ce qu’elles devaient produire, en quelle quantité, et dans quoi elles devaient investir ? S’il s’agissait d’une économie capitaliste, la réponse serait évidente : chaque entreprise décide en fonction de son taux de profit, de la loi de l’offre et de la demande, de sa capacité d’investissement. Mais à Cuba, cela n’existait pas, tout comme cela n’existait pas en URSS ou dans les autres États ouvriers. Les entreprises étaient subordonnées à cette planification de l’État. La planification de l’économie permet de surmonter l’anarchie de la production engendrée par la spécificité de sa définition dans le capitalisme, entreprise par entreprise.

    Il y a évidemment une différence qualitative selon que cette planification est décidée dans une démocratie ouvrière ou qu’elle est définie de manière bureaucratique. Dans la démocratie des soviets, au cours des sept premières années de la révolution russe, les options étaient définies et assumées démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes.

    Lorsque la planification est effectuée par la bureaucratie, les erreurs sont plus fréquentes et la créativité et l’énergie des masses en mouvement sont supprimées. En outre, la planification bureaucratique fait en sorte que la production serve également les intérêts matériels et politiques des bureaucraties. Cela a historiquement conduit à de grands désastres, comme l’industrialisation forcée par la bureaucratie stalinienne dans les années 30 en URSS, le « grand bond en avant » de Mao en 1958, ou le « plan de dix millions de tonnes de canne à sucre » de Fidel en 1970.

    Mais la planification associée à la nationalisation de l’économie a déjà démontré ses avantages sur le capitalisme avec le développement gigantesque des forces productives en URSS, et aussi à Cuba.

    Dans tout processus d’évolution d’une économie capitaliste vers une économie non capitaliste, il y a une combinaison inégale de facteurs. L’économie capitaliste est régulée par la loi de la valeur, le marché, l’offre et la demande. La nationalisation et la planification de l’économie introduisent une autre loi, qui pointe vers le socialisme, à partir de cette planification de l’économie.

    C’est l’évolution contradictoire et le choc de ces deux lois qui déterminent l’évolution de la société non capitaliste, comme l’a démontré Preobrajenski dans son livre « La nouvelle économie » sur l’URSS. Dans la mesure où le poids de l’économie nationalisée et de la planification de l’économie augmente, le poids de la loi de la valeur diminue, jusqu’à ce que le poids de l’économie planifiée détermine la globalité de la société comme étant non capitaliste, c’est-à-dire évoluant vers le socialisme.

    A partir de la nationalisation des entreprises, de la planification de l’économie et du monopole du commerce extérieur, Cuba a commencé à avancer vers une économie non capitaliste et à sortir de la loi du marché. Mais Cuba n’a jamais atteint le socialisme. Et ce pour deux raisons majeures.

    La première est que le socialisme implique un développement beaucoup plus important des forces productives, uniquement possible au niveau international et non dans un seul pays, ce que nous développerons plus loin.

    La deuxième raison est que pour progresser vers le socialisme, il faudrait un régime politique complètement différent de la dictature castriste. Une véritable démocratie des travailleurs serait nécessaire, comme celle qui a existé pendant les sept premières années de la révolution russe, à l’instar de la Commune de Paris.  En d’autres termes, il faudrait que le nouvel État soit réellement une démocratie ouvrière, dans laquelle les travailleurs décideraient de la direction du pays.

    Nous avons toujours critiqué la dictature stalinienne de Fidel Castro, et nous avons montré comment cela limitait énormément les avancées à Cuba. Il n’y a jamais eu de démocratie des travailleurs dans l’île.

    La révolution cubaine n’a pas eu pour sujet social le prolétariat organisé par la base, comme en Russie en 1917. C’est le mouvement de guérilla du 26 juillet, fonctionnant avec une centralisation bureaucratique de fer, qui a pris le pouvoir. Il n’y a pas eu d’organismes de front unique comme les soviets en Russie, les comités d’usine de l’Allemagne de 1918, ou les conseils de la révolution espagnole. Le nouvel État est apparu, déjà marqué par la poigne de fer des chefs de la guérilla, sans aucune tradition de démocratie ouvrière.

    Dans les premiers temps qui ont suivi la révolution, il y a eu une certaine participation populaire, notamment la prise des syndicats des mains de la bureaucratie pro-Batista.

    « La démocratie syndicale était une demande très importante des travailleurs cubains. Après la fuite d’Eusebio Mujal, dirigeant suprême de la CTC, et d’une partie de la bureaucratie syndicale mujaliste avec la chute de Batista, la prise de contrôle révolutionnaire des syndicats par les militants du M26J a lieu. Ces nouveaux dirigeants allaient être entérinés lors des élections syndicales organisées au début de l’année 1959. Lors de ces élections syndicales, le M26J a triomphé dans plus de 1 800 syndicats. Les communistes ont ainsi payé le prix de leur attitude ambiguë pendant la dictature de Batista. […] La position affaiblie des communistes dans le mouvement ouvrier après les élections dans les syndicats de base et pour les congrès des fédérations syndicales s’est révélée lors de la réunion en septembre 1959 du Conseil national de la Confédération des travailleurs cubains. Seuls 3 des 163 délégués à la réunion étaient communistes (Alexander 2002, p. 191). »

    « Mais comme la plupart des dirigeants syndicaux élus du M26J s’opposaient à la demande du gouvernement de s' »unir » sur des listes communes avec les dirigeants syndicaux du PSP, lors du dixième congrès de la Centrale des travailleurs de Cuba, qui s’est tenu en novembre 1959, Castro et le nouveau ministre du Travail, Augusto Martínez Sánchez, sont intervenus personnellement pour imposer à la CTC un nouveau comité exécutif qui a procédé à une vaste purge syndicale, à la suite de laquelle « en avril 1960, les dirigeants élus de 20 des 33 fédérations de la CTC et quelque 2 000 syndicats avaient été expulsés des postes auxquels ils avaient été élus en 1959. » (Daniel Gaido et Constanza Valera)

    Après les deux premières années, un modèle stalinien a été imposé, celui d’un parti unique, sans démocratie ouvrière, avec une répression violente à la base, persécutant tous les opposants ou critiques. Les syndicats ont été incorporés dans le contrôle de l’État.

    Dans le cadre du même modèle stalinien, avec cette dictature, il y a toujours eu la continuité des oppressions raciste, sexiste et LGBTI-phobe (n’oublions pas les terribles UMAP, camps de travail forcé dans lesquels bien des homosexuels ont été envoyés). Ce n’est pas un hasard si l’élite dirigeante cubaine est blanche, de la famille Castro à Díaz-Canel aujourd’hui. Ce n’est pas non plus un hasard, une dure répression s’est exprimée tout au long de l’histoire cubaine, notamment l’interdiction de la marche LGBTI en mai 2019. Ce n’est qu’aujourd’hui, après des années de lutte du mouvement LGBTI et la pression du 11J, soixante-deux ans après la révolution, que l’approbation du mariage entre personnes de même sexe est discutée à Cuba.

    2- Nous dénonçons le blocus nord-américain

    Dès le début, nous avons dénoncé le blocus nord-américain contre Cuba, imposé en 1960.  Le blocus a causé et cause encore de graves préjudices au peuple cubain. C’est une attaque du pays impérialiste le plus important du monde contre une petite île.

    Le blocus empêche les Américains de se rendre directement sur l’île et rend difficile pour les Cubains vivant aux États-Unis d’envoyer des dollars à leurs familles à Cuba. La loi Helms-Burton de 1996 a considérablement aggravé le blocus en pénalisant les entreprises faisant des affaires à Cuba. Les mesures aggravées par Trump n’ont pas été modifiées par Biden.

    John Kennedy a décrété le blocus total de Cuba

    Pourquoi la bourgeoisie impérialiste américaine ne fait-elle pas la même chose que la bourgeoisie européenne, qui a fait et fait encore partie de la restauration capitaliste de l’île ?  L’explication réside dans la bourgeoisie cubaine basée à Miami, qui a été expropriée par la révolution en 1959. Ces bourgeois se sont intégrés à la bourgeoisie impérialiste américaine, ayant un poids considérable dans les partis républicain et démocrate. Il y a une partie de la bourgeoisie impérialiste des États-Unis qui est contre le blocus. Mais le secteur pro-blocus est encore majoritaire et veut renverser la dictature castriste et récupérer ses entreprises expropriées.

    Nous nous joignons à ceux qui dénoncent tous les gouvernements des États-Unis, qu’ils soient républicains ou démocrates, qu’il s’agisse de Trump ou de Biden, qui parlent de « démocratie », alors que ce qu’ils veulent, c’est la restitution des propriétés confisquées en 1959 et la colonisation de l’île. Pour cela, il leur importerait peu que Cuba soit dirigé par une autre dictature.

    Pour ces raisons, nous nous battons depuis plus de cinquante ans contre ce blocus. De même, nous avons été du côté de Cuba contre toutes les tentatives d’intervention militaire de l’impérialisme, comme lors du débarquement raté de la Baie des Cochons.

    La propagande stalinienne attribue tous les problèmes de l’île au blocus impérialiste. Nous ne sommes pas d’accord avec cela. Il y a aussi les effets de la restauration du capitalisme à Cuba, ainsi que les résultats désastreux des plans économiques du gouvernement sur le niveau de vie des Cubains. Mais nous n’ignorons pas les graves effets du blocus sur Cuba.

    3- Le socialisme dans une seule île ?

    Le trotskisme a développé toute une polémique avec la dictature stalinienne de l’URSS sur le concept de « socialisme dans un seul pays ». La tradition marxiste n’identifie la possibilité de construire le socialisme qu’au niveau international, dans le cadre d’une planification économique entre pays permettant le plein développement des forces productives.

    Cette polémique s’est avérée correcte vu l’évolution tragique de l’URSS qui, malgré tous les progrès produits par l’expropriation de la bourgeoisie et la planification de l’économie, n’a pas avancé vers le socialisme. Au contraire, l’isolement de la révolution a permis la bureaucratisation de l’URSS, avec la contre-révolution stalinienne. Et ensuite, cette même bureaucratie a conduit la restauration du capitalisme en URSS.

    Mais si Trotsky s’opposait au « socialisme dans un seul pays » en URSS, un pays de dimension continentale, que dire de cette même discussion à propos d’une petite île comme Cuba ? Il n’y avait pas et il n’y a aucune possibilité que cela se produise. La seule façon pour Cuba d’avancer vers le socialisme serait le développement de la révolution mondiale et, en particulier, en Amérique latine. Mais cela n’a pas eu lieu.

    La régression sociale actuelle de l’île n’est pas seulement due à la fin du soutien économique de l’URSS, ni au blocus américain, mais également à la politique adoptée par la dictature castriste. Le castrisme n’a jamais essayé de développer une stratégie révolutionnaire internationale basée sur les luttes des masses.

    En premier lieu, alors qu’il ne faisait pas encore partie de l’appareil stalinien mondial, le gouvernement cubain a fait une tentative désastreuse d’étendre les foyers de guérilla en Amérique latine dans les années 60 du siècle dernier. Cela a entraîné la mort de milliers de militants et a facilité la répression du mouvement de masse dans son ensemble par les gouvernements bourgeois.

    Plus grave encore, après avoir intégré l’appareil stalinien en 1972, il a pris un virage à droite, cherchant le soutien des « bourgeoisies progressistes » d’Amérique latine. À titre de meilleur exemple, le gouvernement castriste, confronté à la poussée révolutionnaire de la fin des années 1970 en Amérique latine, s’est opposé à ce que la révolution au Nicaragua devienne un « nouveau Cuba » en 1979, même après la défaite de la Garde nationale de Somoza et la prise du pouvoir par le Front sandiniste.

    Castro a influencé la direction sandiniste pour qu’elle ne mène pas l’expropriation de la bourgeoisie au Nicaragua (AP Photo/Arturo Robles).

    « Les dirigeants sandinistes se considéraient comme des disciples de Fidel Castro. Après avoir pris le pouvoir, la direction du FSLN s’est rendue à Cuba pour s’entretenir avec Fidel, qui l’a félicitée et lui a donné un conseil : « Ne faites pas du Nicaragua un nouveau Cuba ». (Martin Hernandez, « Cuba, de la révolution à la restauration »)

    Ensuite, Castro a soutenu les accords de Contadora et d’Esquipula au début des années 1980, qui ont canalisé l’essor révolutionnaire dans l’impasse des élections, mettant en échec le processus révolutionnaire dans toute l’Amérique centrale.

    En outre, la dictature castriste a soutenu des gouvernements bourgeois « progressistes » comme Lopez Portillo et Luis Echeverria (Mexique) et bien d’autres. Cette politique a été poursuivie avec les « progressistes » Lula, Evo Morales, Bachelet, Cristina Kirchner, etc. Elle a même cherché à se rapprocher des gouvernements démocrates des États-Unis, comme ceux de Carter et d’Obama.

    Enfin, la dictature de Castro a aidé les dictatures du MPLA en Angola et du Frelimo au Mozambique à suivre la même voie que le Nicaragua. Dans ces pays, après la défaite des forces armées portugaises, ces mouvements ont imposé des dictatures bourgeoises qui existent encore aujourd’hui.

    L’isolement de Cuba n’est pas seulement le résultat de la force de l’impérialisme. Il est également le produit d’une politique contraire aux processus révolutionnaires, assumée consciemment par la dictature castriste, dans le cadre de l’appareil stalinien, de « coexistence pacifique » avec la bourgeoisie. Lorsque les dictatures staliniennes d’Europe de l’Est sont tombées, Cuba a subi les conséquences de cette politique, en se retrouvant extrêmement isolée.

    Le stalinisme justifie la politique de la dictature castriste par cet isolement mondial, y compris ses plans de restauration. Cela nous semble totalement erroné. La politique pour rompre l’isolement n’est pas le soutien aux « bourgeoisies progressistes », mais le soutien aux luttes des travailleurs, indépendantes de ces mêmes gouvernements, en visant de nouvelles révolutions socialistes.

    4- La restauration du capitalisme

    La réalité cubaine a radicalement changé pour le pire avec le processus de restauration du capitalisme dans les années 90 du siècle passé, juste après la restauration dans les États d’Europe de l’Est. La partie la plus dynamique de l’économie a été privatisée, le monopole du commerce extérieur et la planification de l’économie ont pris fin.

    Cuba a traversé un processus de restauration capitaliste présentant certaines caractéristiques similaires, et d’autres assez différentes, de celui de la Chine.

    Dans les années 1990, la même direction castriste qui a dirigé la révolution de 1959 a commandé la restauration du capitalisme sur l’île. Cela facilite le fait que les militants du monde entier puissent se tromper à ce sujet. Après tout, ce sont les partis communistes chinois et cubains qui restent au pouvoir.

    A la suite de ce qui s’est passé en Chine après 1978 et dans l’ex-URSS après 1986, la bureaucratie castriste a entamé la restauration du capitalisme en prenant une mesure après l’autre.

    Le Conseil central de planification, qui dirigeait l’économie planifiée, a été dissous. Dans le même temps, le monopole d’État sur le commerce extérieur a pris fin.

    En septembre 1995, la loi sur les investissements étrangers a été adoptée par l’Assemblée nationale. Ainsi, le troisième pilier de l’économie de l’ancien État ouvrier, la propriété publique des principaux moyens de production, a été détruit, secteur par secteur.

    Les entreprises d’État ont été confiées au capital étranger, fondamentalement celui de l’impérialisme européen, notamment par le biais de joint-ventures (sociétés mixtes). Aujourd’hui, ces entreprises dominent le principal secteur de l’économie cubaine, le tourisme, les multinationales espagnoles comme Meliá et Iberostar contrôlant les grands hôtels et stations balnéaires destinés aux touristes européens, nord et sud-américains de classe moyenne qui peuvent se permettre leurs coûts élevés.

    En outre, les sociétés mixtes contrôlent l’exploitation du pétrole, du fer, du nickel, du ciment ; la production de savon et la parfumerie, de lubrifiants ; les services téléphoniques, et la majeure partie de l’agro-industrie. Le rhum cubain est contrôlé par la société française Pernod. Les cigares cubains sont commercialisés par une joint-venture entre la société d’État cubaine et Altadis, du groupe anglais Imperial Tobacco Group PLC. L’aéroport international de La Havane a été privatisé au profit de la société française Aéroports de Paris.

    Une fois de plus, l’appareil stalinien tente d’embellir la restauration capitaliste qui a eu lieu à Cuba comme étant l’expression du « socialisme d’aujourd’hui », distinct des temps passés. Il n’y a rien de marxiste là-dedans.

    La même direction politique qui a mené la révolution a été le fer de lance de la restauration du capitalisme à Cuba.

    L’État garantit aux multinationales une main-d’œuvre qualifiée qui n’a aucune possibilité de se mobiliser contre les bas salaires. Il leur garantit également la possibilité d’envoyer les profits à leur maison mère sans restrictions. Est-ce là le « modèle de socialisme » d’aujourd’hui ? Il s’agit, en fait, d’un modèle bien connu, mais c’est celui des dictatures bourgeoises des pays semi-coloniaux.

    Une nouvelle grande bourgeoisie cubaine est née dans les échelons supérieurs des forces armées, issue et concentrée autour des joint-ventures avec les firmes impérialistes du GAESA (Grupo de Administración Empresarial SA.), dirigé par le gendre de Raúl Castro. Cette haute bourgeoisie, associée au capital étranger européen, contrôle entre 40 et 70% de l’économie, selon les sources que l’on étudie.

    5- La restauration du capitalisme est-elle terminée ?

    Il y a tout un secteur de la gauche mondiale, critique du castrisme, qui admet l’existence d’un processus de restauration capitaliste à Cuba. Mais ils affirment que ce processus n’est pas terminé et que Cuba continue d’être un État ouvrier bureaucratique, et qu’il est nécessaire de « défendre les conquêtes de la révolution cubaine ».

    Beaucoup de ces secteurs se réclament du trotskisme, comme le PTS argentin. En général, ces secteurs commettent deux erreurs d’analyse.

    En premier lieu, ils admettent le processus de restauration du capitalisme à Cuba, mais ils concentrent leur étude sur les petites entreprises de production et de commerce qui se développent dans l’île. Ils ont tort. Cette petite bourgeoisie ne détermine pas les orientations de l’État et de l’économie cubaine. C’est la haute bourgeoisie, issue du GAESA (Grupo de Administración Empresarial S.A.) et la famille Castro, constituée à partir de l’État, qui ont dirigé la restauration du capitalisme et en tirent profit.

    Deuxièmement, ils affirment que le capitalisme n’a pas été restauré parce qu’il y a encore beaucoup d’entreprises d’État à Cuba, et qu’il existe encore des conquêtes dans les domaines de l’éducation, de la santé, des sports, etc.

    Entrons dans le débat. Commençons par la façon dont nous caractérisons l’État. Selon Lénine et Trotsky, le caractère de classe de l’État est déterminé par sa relation avec les moyens de production, avec les formes de propriété que l’État défend et préserve. Comment définir un État qui défend et préserve les entreprises associées au capital européen ? Selon nous, il s’agit d’un État bourgeois.

    Il y a une inégalité dans le temps entre le changement de caractère de l’État qui s’est produit dans les années 1990, et celui de l’économie dans son ensemble, qui est devenue essentiellement capitaliste de nombreuses années plus tard.

    Cela s’est également produit en URSS. Gorbatchev a changé le caractère de l’État en 1985, lorsqu’il est arrivé au pouvoir et a commencé la restauration du capitalisme. Mais la restauration ne s’est achevée que dans les années 1990. En Chine, Deng Hsiao Ping a changé le caractère de l’État en 1979, lorsqu’il a entamé la restauration, qui n’a elle aussi été achevée que de nombreuses années plus tard.

    On constate ici un processus symétrique et inverse à ce qui s’est passé dans la révolution russe : les bolcheviks ont pris le pouvoir et ont modifié le caractère de l’État en 1917, mais que l’économie ne changera de manière centralisée qu’à partir de 1918, lorsque les nationalisations ont progressé.

    Comment un État peut-il être défini comme un État ouvrier si les trois piliers qui le caractérisent n’existent plus ? Autrement dit, sans la planification centrale de l’économie, sans le monopole du commerce extérieur, sans les entreprises d’État au centre de l’économie ? Il s’agit d’un État bourgeois, qui promeut et développe la restauration du capitalisme. Si ce n’est pas le cas, quel est le critère marxiste par lequel l’État cubain est défini ?

    L’existence de nombreuses entreprises d’État à Cuba n’est pas un critère marxiste. Dans de très nombreux pays capitalistes, il existe des entreprises d’État, en quantité variable. Il est fondamental de répondre à la question de savoir si ces entreprises d’État sont régies par une planification de l’économie, ou si elles servent l’accumulation capitaliste, comme dans les autres pays capitalistes.

    Il existe encore de nombreuses entreprises d’État en Chine. Même les grandes banques chinoises appartiennent à l’État, et elles servent directement le processus d’accumulation capitaliste des grandes entreprises privées chinoises.

    On ne peut pas utiliser une définition linéaire, quantitative et mécanique pour définir une économie uniquement par le nombre d’entreprises d’État.

    Il existe un critère marxiste, qui définit la globalité de l’économie. Comme nous le disions au début de l’article : si l’économie est régie par la loi de la valeur, par le marché, l’offre et la demande, il s’agit d’une économie capitaliste. Si l’économie est régie par la planification de l’économie nationalisée, il s’agit d’une économie non capitaliste, à un moment donné de son évolution vers le socialisme ou de retour au capitalisme.

    Aujourd’hui, Cuba est une économie régie par le marché, dont l’évolution est déterminée par la loi de la valeur. Prenons une comparaison historique pour le démontrer.

    Pendant la dépression de 1929, l’économie de l’URSS – un État ouvrier, même s’il était dirigé par la bureaucratie stalinienne – a connu des taux de croissance supérieurs à 10 % par an. En 2020, lors de la récession mondiale, Cuba a connu une baisse de son PIB de 11 %. Pourquoi ? Parce que son économie est déterminée par le marché, en l’occurrence par la chute du tourisme mondial, qui a fortement affecté le principal secteur de l’économie de l’île.

    Certains diront que le problème est que Cuba est une petite île, sans la dimension de l’URSS. Alors pourquoi les reflets du marché mondial sur l’économie cubaine ont-ils été complètement différents dans les années 70 du siècle dernier, alors qu’il y avait aussi une récession mondiale qui était le produit de la fin du boom de l’après-guerre ?  Il n’y a pas eu de récession de cette ampleur à Cuba. La misère actuelle du peuple cubain n’existait pas.

    La conséquence programmatique de cette discussion théorique est énorme. Ceux qui caractérisent Cuba comme étant toujours un État ouvrier ont pour programme une révolution politique qui ne ferait que modifier le régime politique. Ceux qui, comme nous, caractérisent Cuba comme capitaliste, défendent une nouvelle révolution socialiste, qui exproprie les entreprises privatisées aux mains du capital étranger, restaure la planification de l’économie et le monopole du commerce extérieur. Et qu’elle rompe avec la dictature stalinienne et construise une nouvelle démocratie ouvrière.

    Nous voulons demander à ces secteurs qui continuent à défendre Cuba comme un État ouvrier, ce qu’ils pensent qu’il faut faire avec le secteur le plus important de l’économie cubaine, le secteur du tourisme, avec les grands hôtels privés ? Faut-il les exproprier ou non ? L’aéroport cubain, la production et la commercialisation du rhum, doivent-ils être renationalisés ou non? Faut-il ou non reprendre la planification de l’économie ? Est-il indispensable de revenir au monopole du commerce extérieur ? S’ils répondent à ces questions par l’affirmative, cela signifie qu’ils proposent une nouvelle révolution socialiste à Cuba. S’ils nient ce programme, ils s’orientent vers le maintien de la misère des travailleurs cubains.

    L’ancien État ouvrier cubain bureaucratisé a disparu, seule son apparence subsiste, avec le PC à sa tête, comme en Chine.

    Les réalisations de la révolution dans les domaines de la santé et de l’éducation, qui ont été affichées avec fierté par les militants de gauche dans toute l’Amérique latine, sont en recul évident. Un exemple en est la terrible situation d’effondrement des soins de santé à Cuba avec la recrudescence de la pandémie, très similaire à ce qui s’est passé dans les pays d’Amérique latine. Cela a même conduit le gouvernement à blâmer les médecins du pays, générant des manifestations par le biais de vidéos et de lettres dans toute l’île.

    La conséquence la plus terrible de la restauration du capitalisme est la misère du peuple cubain. Il n’y aurait pas de base matérielle pour le 11J, ni pour l’explosion qui est en train de se produire à Cuba, sans les conséquences économiques et sociales de la restauration du capitalisme.

    6- La polémique avec les staliniens

    Le stalinisme, en tant qu’appareil mondial, s’est beaucoup affaibli avec la chute des dictatures d’Europe de l’Est. Mais il est encore très fort aujourd’hui. Il dispose de PC dans de nombreux pays, dont certains ont un poids important. Ils défendent tous Cuba comme le « seul bastion socialiste d’Amérique latine ». De nombreux partis réformistes non staliniens, comme le PT et le PSOL au Brésil, soutiennent la dictature castriste.

    Le stalinisme est bien plus qu’un autoritarisme bien connu et répudié. Il a une idéologie réformiste qui a une portée beaucoup plus large que les PC eux-mêmes. Ils remplacent la méthode marxiste d’analyse des classes sociales par celle des « camps progressistes ».

    D’un côté, il y aurait les « camps progressistes », qui comprennent les « gouvernements de gauche » et les « bourgeoisies progressistes ». De l’autre côté, il y aurait l’ennemi, l’impérialisme nord-américain.

    Ainsi, tous ceux qui s’opposent à ces gouvernements progressistes sont des « agents de l’impérialisme nord-américain ». Dans ces pays dirigés par ces « gouvernements de gauche », il n’y aurait pas de véritables classes sociales, ni de lutte des classes. Il n’y aurait que les gouvernements progressistes et leurs ennemis, les agents de l’impérialisme.

    Pour la propagande stalinienne, Cuba et la Chine, en plus d’avoir des « gouvernements de gauche », sont des pays « socialistes » jusqu’à ce jour. Dès lors, les PC ont soutenu le massacre de la Place de la Paix Céleste en 1989. Même face aux milliers de jeunes gens tués lors d’une manifestation pacifique à Pékin, l’appareil stalinien a continué à parler d' »agents de l’impérialisme ». Il n’est pas surprenant qu’ils soutiennent la répression du 11J à Cuba.

    La Chine, contrairement à la propagande stalinienne, est une puissance capitaliste. Depuis le début de la restauration dans les années 70 du siècle dernier, de grands investissements y ont été réalisés par les entreprises multinationales. Avec des salaires très bas et une dictature qui réprimait toute menace de grève, on a imposé le « nouveau modèle de socialisme », qui a été présenté par l’impérialisme mondial comme un exemple, créant un nouveau paradigme salarial, contribuant à abaisser le niveau de vie des travailleurs du monde entier.

    L’appareil stalinien affirme que c’est le « socialisme » d’aujourd’hui, différent de l’époque de Marx et d’Engels. Le marxisme, lui, définit le passage du capitalisme au socialisme sur la base de la nationalisation des grandes entreprises, de la planification de l’économie et du monopole du commerce extérieur. Ceci est toujours valable aujourd’hui. L’économie chinoise est régie par le marché. Son secteur le plus dynamique et le plus important comprend les grandes entreprises privées de la bourgeoisie nationale chinoise et des multinationales. Le monopole du commerce extérieur a pris fin au siècle dernier et il n’y a pas de planification de l’économie.

    En fait, il ne reste qu’un semblant de « socialisme », avec le PC chinois à la tête du gouvernement. Mais maintenant à la tête d’une dictature policière, expression de la grande bourgeoisie chinoise. Aujourd’hui, la Chine s’est développée en termes capitalistes, au point de disputer des espaces à l’impérialisme nord-américain, dans le cadre de la « guerre commerciale ».

    Avec cette méthodologie d’analyse des « gouvernements progressistes », les PC et leurs partisans soutiennent Assad, le dictateur syrien, qui a tué 500 000 habitants pour rester au pouvoir.  Ils soutiennent les dictatures bourgeoises de Maduro au Venezuela et d’Ortega au Nicaragua. Mais, contrairement à la propagande stalinienne, ceux qui dirigent ces pays sont les nouvelles bourgeoisies issues de l’appareil d’État. Et dans ces pays, il y a des travailleurs, qui luttent contre la misère capitaliste imposée par ces gouvernements.

    L’impérialisme agit-il sur ces pays ? Oui, c’est vrai. En général, il agit par l’intermédiaire de ces gouvernements et avec eux. Y a-t-il eu, oui ou non, de grands investissements impérialistes en Chine? Qui a mis en œuvre les réformes néolibérales en Syrie et au Nicaragua ? Assad et Ortega. Maduro, malgré les frictions actuelles avec l’impérialisme nord-américain, maintient l’exploitation du pétrole dans le pays en association avec les multinationales impérialistes. Pour les staliniens, cependant, ces gouvernements sont « anti-impérialistes ».

    Le stalinisme mondial affirme que Cuba est, comme la Chine, un exemple de « socialisme actuel », avec des investissements étrangers et des salaires très bas. Encore une fois, tout ce qui existe du « socialisme », c’est la présence du PC en charge de la dictature, tout comme la Chine. Si cela définissait le caractère de l’État et de la société, pourquoi ne pas qualifier également de « socialistes » les pays capitalistes gouvernés par des « partis socialistes », comme en Europe ?

    Nous, nous restons marxistes, analysant les classes sociales et leurs relations avec l’Etat et l’économie. Cuba est aujourd’hui une dictature capitaliste, contrairement à ce que disent ses partisans dans le monde entier.

    7-Deux stratégies pour combattre le blocus

    Comme nous l’avons déjà dit, nous nous sommes battus contre le blocus américain sur Cuba depuis le début. En ce sens, nous avons un point d’accord avec le gouvernement cubain et l’ensemble de l’appareil stalinien mondial.

    Mais c’est un accord tactique. Nous avons, également sur ce terrain, une différence globale et stratégique avec les appareils staliniens. Nous voulons la fin du blocus dans le cadre d’un processus anti-impérialiste révolutionnaire, en soutenant les luttes des travailleurs latino-américains contre leurs gouvernements et l’impérialisme.

    Nous ne luttons pas seulement contre l’impérialisme américain, mais aussi contre l’impérialisme européen, qui semi-colonise l’île. A-t-on jamais vu le stalinisme mondial dénoncer l’impérialisme européen à Cuba ?

    Le gouvernement cubain veut la fin du blocus pour que les entreprises impérialistes nord-américaines puissent venir à Cuba, comme le font aujourd’hui les entreprises espagnoles, françaises et italiennes. Le gouvernement cubain veut la fin du blocus pour faire avancer la semi-colonisation de l’île.

    8- Y a-t-il un capitalisme d’État à Cuba ?

    Certains secteurs de l’avant-garde cubaine affirment que depuis la révolution de 1959, il existe un capitalisme d’État à Cuba.

    Nous voulons signaler que, même si nous avons des différences importantes, nous avons avec ces secteurs deux accords partiels, qui doivent être mis en valeur.

    Le premier est qu’à Cuba, le socialisme n’a jamais été atteint. Comme nous l’avons déjà dit, pour avancer vers le socialisme, nous avons besoin d’un développement planifié des forces productives à l’échelle internationale, ce qui n’a pas eu lieu. Ni en termes de régime politique : avant, Cuba était une dictature bureaucratique dans le cadre d’un État ouvrier, et maintenant c’est une dictature bourgeoise.

    En ce sens, nous sommes partiellement d’accord avec l’image utilisée par David Karvala selon laquelle à Cuba il n’y a jamais eu de « socialisme à partir d’en-bas » (« desde abajo« ).  (Cuba : por el socialismo y la libertad). En fait, il n’y a jamais eu de socialisme à Cuba.

    Cette définition de Karvala n’est pas précise parce que la stratégie marxiste de la dictature du prolétariat, en tant que démocratie des travailleurs, dans la tradition de la Commune de Paris et des sept premières années du régime soviétique dans la révolution russe, n’est pas seulement « desde abajo« . La stratégie marxiste inclut nécessairement une direction révolutionnaire du processus, comme l’a été le parti bolchevique dans la révolution russe. Nous revendiquons la construction d’un parti révolutionnaire, avec des critères léninistes, tout comme nous nous réclamons des quatre premiers congrès de la Troisième Internationale, une partie fondamentale, selon nous, de l’héritage de la révolution russe et de sa stratégie de révolution mondiale. Mais disons que nous sommes partiellement d’accord avec cette définition.

    Deuxièmement, nous sommes d’accord sur le fait que Cuba est aujourd’hui capitaliste et qu’une nouvelle révolution socialiste est nécessaire sur l’île.

    Mais il y a une différence globale avec la définition du « capitalisme d’État » défendue par Karvala et d’autres socialistes, qui se revendiquent de l’analyse de Tony Cliff pour l’URSS.

    Cette vision, tout d’abord, embellit le capitalisme. Après tout, le capitalisme d’État est une forme de capitalisme.

    Selon ce point de vue, ce serait le capitalisme qui aurait rendu possible la transformation de la Russie, du pays européen le plus arriéré à la deuxième puissance économique et militaire du monde en quelques décennies. Ce serait le capitalisme qui aurait rendu possibles les conquêtes économiques et sociales des travailleurs cubains depuis la révolution jusqu’aux années 90 du siècle dernier. En d’autres termes, le capitalisme d’État serait une forme supérieure de capitalisme, qui rend possible un grand développement des forces productives et une amélioration qualitative de la situation des masses. Si tel était le cas, cette étape du capitalisme serait nécessaire et souhaitable.

    Cela se heurte à la conception du capitalisme comme frein au développement des forces productives et comme origine de la paupérisation du prolétariat contenue dans le Manifeste communiste. Cela se heurte à l’évaluation de Lénine de l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme. Cela se heurte à la théorie de la révolution permanente de Trotsky, qui repose sur la même compréhension que le Manifeste communiste et l’évaluation de Lénine. Et s’il existe un tel stade suprême du capitalisme, le « capitalisme d’État », notre stratégie socialiste n’est-elle pas remise en question ?

    Trotsky répondait à ceux qui qualifiaient l’URSS de capitalisme d’État :

    « Face à des phénomènes nouveaux, les hommes se réfugient souvent dans des mots anciens. On a tenté de dissimuler l’énigme soviétique sous le terme de capitalisme d’État, qui a l’avantage de n’offrir à personne une signification précise. Elle a d’abord servi à désigner les cas où l’État bourgeois prend en charge la gestion des moyens de transport et de certaines industries. La nécessité de mesures similaires est l’un des symptômes qui montrent que les forces productives du capitalisme dépassent le capitalisme et le nient partiellement dans la pratique. Mais le système survit et reste capitaliste, malgré les cas où il en arrive à se renier lui-même…

    … La première concentration des moyens de production dans les mains de l’État connue dans l’histoire a été accomplie par le prolétariat à travers la révolution sociale, et non par les capitalistes à travers les trusts nationalisés. Cette brève analyse suffira à montrer combien sont absurdes les tentatives d’identifier l’étatisme capitaliste au système soviétique. Le premier est réactionnaire, le second permet de réaliser de grands progrès.

    Qualifier le régime soviétique de transitoire ou d’intermédiaire revient à écarter les catégories sociales finies, telles que le capitalisme (y compris le « capitalisme d’État ») et le socialisme.

    Mais cette définition est en soi insuffisante et risque de suggérer l’idée fausse que la seule transition possible du régime soviétique mène au socialisme. Cependant, une régression vers le capitalisme est encore parfaitement possible. Une définition plus complète serait nécessairement plus longue et plus lourde.

    L’URSS est une société intermédiaire entre le capitalisme et le socialisme, dans laquelle : (a) les forces productives sont encore insuffisantes pour donner à la propriété étatique un caractère socialiste ; (b) la tendance à l’accumulation primitive, née de la société, se manifeste par tous les pores de l’économie planifiée ; (c) les normes de distribution, de nature bourgeoise, sont à la base de la différenciation sociale ; (d) le développement économique, tout en améliorant lentement la condition des travailleurs, contribue à la formation rapide d’une couche de privilégiés ; e) La bureaucratie, en exploitant les antagonismes sociaux, est devenue une caste incontrôlée, étrangère au socialisme ; f) La révolution sociale, trahie par le parti au pouvoir, vit encore dans les rapports de propriété et dans la conscience des travailleurs ; g) L’évolution des contradictions accumulées peut conduire au socialisme ou précipiter la société dans le capitalisme ; h) La contre-révolution qui marche vers le capitalisme devra briser la résistance des ouvriers ; i) Les ouvriers, en marchant vers le socialisme, devront renverser la bureaucratie. Le problème sera définitivement résolu par la lutte de deux forces vives sur le terrain national et international.

    Naturellement, les doctrinaires ne se contenteront pas d’une telle définition hypothétique. Ils voudraient des formules catégoriques ; oui et oui, non et non. Les phénomènes sociologiques seraient beaucoup plus simples si les phénomènes sociaux avaient toujours des contours précis. Mais rien n’est plus dangereux que d’éliminer, pour obtenir une précision logique, les éléments qui contredisent aujourd’hui nos schémas et qui demain pourraient les réfuter. Dans notre analyse, nous craignons surtout de violer le dynamisme d’une formation sociale inédite et sans analogie. L’objectif scientifique et politique que nous recherchons n’est pas de donner une définition achevée d’un processus inachevé, mais d’observer toutes les phases du phénomène et d’en dégager les tendances progressistes et les tendances réactionnaires, de révéler leur interaction, de prévoir les diverses variantes du développement ultérieur et de trouver dans cette prévision un point d’appui pour l’action. » (La révolution trahie)

    Nous présentons cette longue citation de Trotsky pas seulement pour préciser son rejet de cette catégorie de « capitalisme d’État » pour analyser l’URSS. Nous voulons également montrer comment sa caractérisation de l’URSS comme un processus transitoire et contradictoire était beaucoup plus précise et dialectique que la formulation de « capitalisme d’État ». Cette caractérisation a permis à Trotsky de laisser ouverte l’évolution de l’URSS, y compris la possibilité de la restauration du capitalisme, qui a finalement eu lieu.

    C’est exactement la deuxième contradiction majeure de la définition de Cuba comme capitalisme d’État. Avec l’utilisation de cette catégorie, il n’y aurait pas eu de restauration du capitalisme dans les années 1990 à Cuba. C’était du capitalisme d’État, ça reste du capitalisme d’État. Il n’y aurait pas eu de changement qualitatif.

    Cette catégorie ne peut pas analyser cette transformation. Et le marxisme présuppose l’union de la théorie avec l’analyse de la réalité concrète. Ne s’est-il rien passé à Cuba depuis les années 1990 ? Il est vrai que la dictature du PC cubain existe toujours, mais ce n’est qu’une partie de la réalité.

    N’y a-t-il pas eu une transformation complète avec l’entrée des capitaux européens, et le tournant de l’économie cubaine vers le tourisme mondial avec les grands hôtels privés, l’émergence d’une nouvelle grande bourgeoisie à travers le GAESA ?

    N’y a-t-il pas eu un appauvrissement général du peuple cubain ? La misère actuelle du peuple cubain et le recul des conquêtes de la révolution cubaine n’existent-ils pas ? Est-ce que ça a toujours été comme ça ? Les avancées que les Cubains ont connues avec la révolution, même dans le cadre d’une dictature, et qui leur ont permis de résister aux offensives impérialistes du passé, n’ont-elles pas existé ?  Et comment expliquer l’appauvrissement des masses russes avec la restauration du capitalisme dans ce pays ?

    La seule façon de parler du capitalisme d’État à Cuba est de nier la réalité, que ce soit dans le passé ou dans le présent.

    Les défenseurs de cette théorie du capitalisme d’État pourraient soutenir que la décadence de Cuba et la crise actuelle ne sont dues qu’à la fin de l’aide économique de l’URSS et au blocus économique des États-Unis. Mais cela n’explique pas les transformations sociales qui sont apparues à Cuba depuis les années 1990, notamment la genèse d’une nouvelle grande bourgeoisie. C’est d’ailleurs le même argument du castrisme qui explique tout par le blocus américain et la fin de l’aide de l’URSS.

    La troisième grande méprise de la théorie du capitalisme d’État est la négation de l’économie marxiste. L’économie capitaliste, dans la conception marxiste, est régie par la loi de la valeur, par le marché, l’offre et la demande. Était-ce le cas dans l’URSS des années 30, de la même manière qu’en Russie aujourd’hui ?

    Tony Cliff, ne pouvant répondre à cette question, a tenté un tour de passe-passe théorique en disant qu’il y avait la loi de la valeur « dans les relations de l’URSS avec le marché mondial ». Oui, mais qu’en était-il à l’intérieur de l’URSS ? Cliff ne répond pas à cette question parce que cela lui serait impossible de répondre. Il est impossible de se réclamer de l’économie marxiste fondée sur la loi de la valeur, et en même temps de la théorie du capitalisme d’État.

    Nous revenons encore une fois à la comparaison entre l’URSS pendant la dépression mondiale de 29, période où elle connaissait de forts taux de croissance (parce qu’elle n’était pas régie par la loi de la valeur), et Cuba pendant la récession mondiale de 2020 (régie par la loi de la valeur, avec un capitalisme déjà restauré), avec une baisse de 11% du PIB.

    En définitive, la théorie du « capitalisme d’Etat » ne permet d’évaluer ni l’évolution historique ni la situation concrète de Cuba aujourd’hui.

    9-La réalité actuelle de Cuba

    Contrairement à ce que dit la propagande stalinienne, le peuple cubain vit dans la misère et déteste la dictature castriste.

    En décembre 2020, le gouvernement de Díaz-Canel a imposé le plan « Tâche Ordonnance » (« Tarea Ordenamiento« ), très similaire aux plans néolibéraux du monde entier.

    Ce plan visait à unifier les monnaies en vigueur à Cuba. Mais le résultat pour les travailleurs a été désastreux. Le salaire minimum à Cuba est aujourd’hui de 33 dollars par mois, les produits étant vendus à des prix similaires à ceux de l’ensemble de l’Amérique latine. Les prix du gaz et de l’électricité ont connu une hausse très brutale. Cela s’est accompagné d’une hyperinflation et d’une terrible pénurie de fournitures.

    Les seuls qui ont bénéficié de ce plan sont les grandes entreprises multinationales installées à Cuba… et la nouvelle bourgeoisie cubaine associée.

    C’est la base matérielle de l’explosion populaire du 11 juillet. C’est pourquoi il y avait dans les rues beaucoup de Cubains pauvres, issus des quartiers ouvriers. Rien à voir avec les mobilisations de la classe moyenne de droite, issue des quartiers plus riches, qui se produisent parfois dans nos pays, pour soutenir les propositions de la bourgeoisie et de l’impérialisme.

    Nous soutenons les luttes des travailleurs contre les plans néolibéraux en Colombie et au Chili et dénonçons la dure répression des gouvernements. Nous soutenons le 11J et dénonçons la répression du gouvernement cubain.

    11J à Cuba

    Il est vrai que la répression du 11J a été moindre que celle qui a eu lieu en Colombie et au Chili. Il en a été ainsi parce que les mobilisations ont également été moins importantes, étant interrompues le 11 juillet même. Si elles avaient été plus importantes, la répression aurait également été plus importante. Elles seraient également dénigrées par l’appareil stalinien. Après tout, ceux qui sont descendus dans la rue seraient tous des « agents de l’impérialisme »…

    La mobilisation du 15N n’a pas été spontanée comme celle du 11J. Elle a été appelée par la plateforme Archipel, soutenue par des secteurs de la gauche et de la droite pro-impérialiste, et a également été durement réprimée. La dictature a déployé un appareil militaire très lourd, qui a empêché les organisateurs de descendre dans la rue, par crainte d’un nouveau 11J.

    La « démocratie populaire » de Cuba, dont les staliniens font la propagande, est une farce. Cette dictature sait qu’elle est détestée et a donc peur de son propre peuple. Il ne permet aucune forme de démocratie, ni ouvrière ni bourgeoise. L’autoproclamée « démocratie populaire » n’est pas une démocratie, et elle est moins encore populaire. La population subit en permanence les persécutions et la surveillance de la police. Ceux qui ne sont pas d’accord perdent leur emploi, sont surveillés et persécutés.

    Pourquoi ne permettent-ils l’existence d’aucun parti de gauche qui ne soutient pas le gouvernement? Pourquoi n’existe-t-il aucun syndicat libre à Cuba ?

    Ils répriment tout type d’opposition. Ils ont réprimé le 11J, le 15N, ainsi que la marche LGBTI de mai 2019, les manifestations artistiques indépendantes et toutes les actions qui la remettent en cause. La dure répression pousse les opposants à l’exil ou à la prison.

    S’il est vrai qu’il n’y a pas eu de répression très dure le 11J lui-même, les procès et jugements sommaires auxquels sont confrontés à ce jour les plus de 1000 personnes qui ont été arrêtées depuis ce jour, proposent des peines très lourdes, certaines dépassant 30 ans de prison pour avoir manifesté.

    10- L’action politique impérialiste sur Cuba et comment la combattre

    Il y a un fort différend entre l’appareil stalinien cubain et mondial d’une part, et la propagande impérialiste d’autre part. Les deux disent qu’il n’y a que deux camps : le « socialiste » et l’impérialiste.

    Nous luttons contre l’impérialisme. Et nous combattons également le réformisme. Pour ce faire, nous utilisons la méthode marxiste, qui ne remplace pas les classes en lutte par des « camps ». Nous évaluons les relations entre les nations dans le système mondial des États. Et nous analysons les situations concrètes de la lutte des classes.

    C’est pourquoi nous combattons le blocus impérialiste sur Cuba. C’est aussi pourquoi nous pouvons lutter contre la dictature bourgeoise à Cuba, indépendamment de l’impérialisme.

    Il est indéniable que la bourgeoisie cubaine de Miami veut profiter de la crise actuelle du gouvernement cubain. Il est également indéniable qu’elle veut disputer l’avant-garde qui émerge dans la lutte contre la dictature.

    À cette fin, le « Consejo Nacional de Transición » a été créé. Ce Conseil prône un programme démocratique bourgeois contre la dictature cubaine… et la restitution des propriétés confisquées de la bourgeoisie de Miami. Ils prônent une subordination complète de Cuba à l’impérialisme américain.

    L’action de l’impérialisme gagne une partie de l’avant-garde qui a émergé du 11J. Elle a gagné le Movimiento San Isidro. Elle a apparemment gagné Yunior Garcia, le principal dirigeant de l’appel du 15N, qui a fui Cuba et est apparu publiquement lié à la droite espagnole.

    D’autre part, l’appareil stalinien agit également pour briser cette avant-garde, avec des arrestations, des poursuites et des diffamations. Il exerce également une pression idéologique, avec cette farce selon laquelle toutes les mobilisations qui émergent « ont l’impérialisme derrière elles ». C’est pourquoi certains des militants qui ont participé au 11J ont refusé de soutenir la mobilisation du 15 novembre, parce qu’elle était « soutenue par le Conseil ».

    Heureusement, il n’y a pas que l’avant-garde qui capitule devant l’impérialisme ou le soutient, et l’avant-garde qui capitule devant la dictature stalinienne. Un secteur de cette avant-garde est contre les manœuvres impérialistes et contre la dictature castriste.

    Il est important de sauvegarder un critère marxiste d’intervention dans les luttes démocratiques. Nous sommes confrontés à des mobilisations populaires comme celle du 11J contre une dictature. Nous y intervenons, en soutenant les travailleurs et en dénonçant les manœuvres impérialistes.

    L’impérialisme va chercher à capitaliser sur ce type de crise pour ses propres intérêts. C’est ce qu’il a fait en Chine à Tian an Men, et ce n’est pas pour autant qu’il était faux de soutenir la lutte de la jeunesse chinoise contre la dictature. Il a tenté de tirer profit des soulèvements démocratiques contre les dictatures staliniennes en Hongrie (56), en Tchécoslovaquie (68) et en Pologne (80), qui ont été massacrés par la répression stalinienne.

    Le caractère démocratique progressiste de ces mobilisations ne change pas du fait des tentatives de manipulation impérialistes. La seule façon de lutter contre l’influence de l’impérialisme sur ces luttes démocratiques est de faire partie de ces mobilisations et de lutter contre ces manœuvres. L’autre alternative est de confier la direction de ces luttes à l’impérialisme. La seule façon de lutter sérieusement contre les tentatives du « Consejo de Transicion » et de la bourgeoisie de Miami de prendre la direction de ces luttes est d’y prendre part et de lutter contre le programme de la droite pour Cuba.

    Si nous nions ces luttes, nous les laissons entre les mains des grands appareils qui les disputent.  La gauche qui capitule devant le stalinisme rend service à l’impérialisme en soutenant la dictature. Cela renforce le poids de la bourgeoisie cubaine de Miami et de ses partisans dans les luttes démocratiques. Cela renforce l’idéologie selon laquelle il n’existe que deux « camps » : le « socialiste » et l' »impérialiste ».

    Les staliniens et les réformistes qui soutiennent la dictature castriste ont une cohérence contre-révolutionnaire dans leur position consistant à refuser de soutenir les mobilisations de masse comme le 11 juillet et à soutenir la répression de celles-ci.

    Mais ceux qui se réclament du trotskisme et ne soutiennent pas les mobilisations de masse contre la dictature stalinienne n’ont aucune cohérence.

    Admettons que les courants qui disent qu’à Cuba le capitalisme n’a pas encore été complètement restauré aient raison. Supposons que nous nous trouvions à Cuba dans la même situation que la Hongrie en 1956, la Tchécoslovaquie en 1968 et la Pologne en 1980 : était-il juste de soutenir ces mobilisations de masse ? Et si c’était correct à l’époque, n’est-ce pas correct aujourd’hui?

    En vérité, ne pas soutenir des mobilisations comme le 11J à Cuba « à cause des manipulations de l’impérialisme » est une rupture avec le trotskisme.  C’est en fait une capitulation devant la dictature stalinienne.

    Le gouvernement cubain a réussi à empêcher les mobilisations du 15N par la répression et l’utilisation d’un gigantesque appareil militaire. L’avant-garde qui organisait cette mobilisation a subi une défaite. L’appareil stalinien mondial jubile.

    Cependant, la réalité suit son cours. La crise économique, produit de la restauration capitaliste, continue de s’aggraver, tout comme la misère des masses. La rupture entre les travailleurs et la jeunesse cubains et la dictature castriste continue de s’approfondir.

    Les mobilisations du 11 juillet ont constitué une étape importante, avec un avant et un après. La répression sur le 15N n’a fait qu’approfondir la haine des masses contre la dictature.

    11- Où va Cuba ?

    A Cuba, une grande explosion couve contre cette dictature bourgeoise et corrompue. Nous ne savons pas quand ni comment cela se produira. Mais telle est la dynamique.

    Le soutien de la gauche pro-stalinienne à la dictature castriste jette la formation d’alternatives démocratiques à Cuba dans les bras de l’impérialisme. Cela peut conduire à ce que le renversement de la dictature castriste finisse par être capitalisé par des directions impérialistes, comme Eltsine en Russie, maintenant par la bourgeoisie impérialiste de Miami.

    Nous proposons le contraire : lutter contre la dictature cubaine dans le cadre d’une stratégie socialiste et anti-impérialiste. Nous voulons une nouvelle révolution socialiste, qui renationalise les entreprises privatisées, y compris celles qui sont aux mains de l’impérialisme européen, avec une planification de l’économie et un contrôle direct et réel des travailleurs. Nous voulons une démocratie ouvrière à Cuba, opposée à la dictature stalinienne, et dont l’essence même serait la participation des travailleurs à toutes les décisions fondamentales et stratégiques de l’île.

    Les militants de gauche qui défendent la dictature cubaine en pensant que, malgré ses erreurs, le stalinisme défend ce qui reste de la révolution cubaine, devraient réfléchir à ce qui se passe en Chine. Ils devraient repenser à ce qui conduit les PC à défendre des dictatures bourgeoises comme celles de la Chine, du Venezuela, de la Syrie et du Nicaragua. Et voir s’il n’y a pas de similitude avec ce qui se passe aujourd’hui à Cuba.

    La dictature castriste ne défend pas l’État ouvrier bureaucratisé qui n’existe plus depuis longtemps, mais son alliance avec les grandes entreprises européennes, ses profits et ses privilèges. C’est pourquoi elle est détestée par le peuple cubain. Soutenir la dictature stalinienne, c’est renforcer cette vision des « camps progressistes avec la bourgeoisie », qui ignore les classes sociales et le marxisme. Et qui prépare une nouvelle défaite à Cuba.

    Nous, la LIT, défendons le camp des travailleurs et des jeunes à Cuba. Nous pensons que leur lutte est légitime, juste et nécessaire. On ne peut nier la réalité d’une profonde inégalité économique et l’existence d’une répression des libertés démocratiques. La véritable façon de défendre le socialisme à Cuba est de défendre une nouvelle révolution socialiste contre cette dictature.