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    De la Sibérie au Sahel, les pièges russes pour la France

    Lien publiée le 20 février 2022

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    De la Sibérie au Sahel, les pièges russes pour la France (latribune.fr)

    POLITISCOPE. En coulisses des dossiers internationaux les plus chauds de la fin du quinquennat, des enjeux économiques lourds sont en balance. Ainsi, le complexe de GNL de Yamal en Sibérie développé en coopération avec TotalEnergies pourrait se retrouver otage des sanctions américaines. Le sujet a été abordé entre Macron et Poutine lors de leur récente rencontre. Autre enjeu, en Afrique, le Mali, mais aussi le Tchad, alors que la Russie place ses pions dans l'ancienne Françafrique.

    Sur le dossier ukrainien, Emmanuel Macron a donné l'impression ces derniers jours qu'il pouvait jouer le rôle de conciliateur entre les différentes forces en présence. Depuis le début de son quinquennat, il revendique ainsi la restauration d'un dialogue bilatéral soutenu entre la France et la Russie. C'est un peu vite oublier que la France pourrait se retrouver au coeur d'éventuelles sanctions américaines. D'abord, on le sait, le groupe français Engie est engagé dans le projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit relier directement la Russie à l'Allemagne par la mer Baltique. Surtout, la France a d'autres intérêts qui pourraient rapidement se retrouver sous le coup de menaces américaines à l'encontre de la Russie.

    Des menaces américaines contre TotalEnergies en Russie ?

    En effet, personne ne le relève dans le « débat » diplomatique et stratégique en cours, mais la société TotalEnergies a d'énormes investissements en Russie. En 2020, 17 % de sa production en pétrole et gaz provenait de la Russie, 24 % de ses réserves prouvées en pétrole et gaz se situent dans ce pays. C'est considérable pour le groupe français qui a mené un rapprochement avec la Russie depuis fort longtemps. Mais c'est sous la présidence de Christophe de Margerie que les liens se sont considérablement renforcés. Le coeur de cette coopération ? Le site de Yamal en Sibérie, où Total avec le groupe russe Novatek et des capitaux chinois, a lancé depuis 2013 un gigantesque complexe de production de gaz naturel liquéfié (GNL) pour un investissement global de 27 milliards de dollars. Ce projet est un prouesse technique (car les conditions de production dans ce grand nord sont très difficiles), et permet depuis quelques années déjà à la Russie d'exporter son gaz plus uniquement par la voie des fameux gazoducs.

    Face aux Américains qui ont développé ces dernières années leur propre filière de GNL à partir du gaz de schiste, les Russes ont donc réussi à prendre pied sur le marché mondial du GNL grâce aux Français de Total qui dispose de 20 % du capital de Novatek, deuxième producteur de gaz en Russie après Gazprom.

    Signe de l'entente entre les Français et les Russes sur ce projet industriel : en 2017, le premier méthanier russe qui effectue sa première livraison est dénommé en hommage le Christophe de Margerie. La même année, The Financial Times salue « la meilleure illustration de la résilience de la Russie face aux sanctions internationales ». Et justement, selon plusieurs sources concordantes, dans le cadre des tensions internationales autour de l'Ukraine, les États-Unis réfléchissent à d'éventuelles sanctions à l'égard du projet Yamal (et pas uniquement à l'égard de Nord Stream 2), et qui concerneraient donc directement le groupe TotalEnergies. Les Américains ont aujourd'hui de puissants arguments à faire valoir auprès de TotalEnergies, qui réalise près de 90 % de ses opérations de financement à travers des banques américaines, sans compter que 30 % de son actionnariat provient des États-Unis : avec 5,9 % des titres, la multinationale de gestion d'actifs Black Rock est son premier actionnaire. Voilà pourquoi le sujet Novatek TotalEnergies a été abordé par le président français et son homologue russe lors de leur rencontre au sommet la semaine dernière.

    L'erreur de la France au Tchad


    Mais ce n'est pas la seule fragilité d'Emmanuel Macron et de la France sur le dossier russe et de l'Ukraine. L'Afrique constitue aujourd'hui un autre « front » pour la France. Cette semaine, le président français a officialisé à quelques jours à peine de l'élection présidentielle le départ des troupes français du Mali dans le cadre d'un mini sommet organisé à Paris sur le Sahel. La junte militaire désormais au pouvoir au Mali a clairement signifié ces derniers mois que les forces françaises n'étaient plus les bienvenues. L'arrivée à Bamako de mercenaires du groupe russe paramilitaire Wagner a fini de concrétiser le divorce entre la France et le pouvoir malien. À l'heure de ce désengagement français (le retrait total prendra entre quatre à six mois), Vladimir Poutine marque donc des points sur le continent africain. Si Emmanuel Macron « récuse complètement » l'idée d'un échec français au Mali, le président français a multiplié les erreurs face aux Russes en Afrique et aux autres pays concurrents de la France, notamment la Turquie.

    La principale faute d'Emmanuel Macron dans la région concerne en fait le Tchad au printemps 2021. Après la mort brutale d'Idriss Déby (pas encore totalement élucidée), le président français s'est précipité à N'Djamena pour « introniser » un nouveau dirigeant en la personne de Mahamat Déby. À l'origine, ce dernier est en réalité le fils adoptif d'Idriss Déby, issu de l'ethnie Gorane (et non un Zagawha comme Idriss Déby). Surtout ce soutien affiché à la France à l'égard d'une solution « familiale » a amené à contourner la constitution tchadienne. Ce qui consterne un homme d'affaires habitué du Tchad, et proche de l'opposition politique du pays : « Macron avait une chance exceptionnelle après la mort de Déby, organiser des élections sous l'égide de l'Union Africaine, l'Europe et les Nations Unies. Ça devenait un modèle à répliquer, façon Sénégal. « Mais il a préféré opter pour le modèle de coup d'Etat post régime dictatorial afin de privilégier la continuité. C'est une grave faute, car les pays de la sous région ont bien compris la manip' et la France est désormais discréditée durablement ».

    Dans les faits, le pouvoir incombait au président de l'Assemblée, mais ce dernier n'a pas voulu assurer l'intérim du fait de menaces. Or, la constitution prévoit le cas et d'autres candidats étaient disponibles. L'Elysée a décidé de passer outre. Cette décision française explique d'ailleurs en grande partie pourquoi la situation s'est dégradée aussi rapidement au Mali : « Les Maliens se sont dits qu'ils allaient prendre le pouvoir par eux mêmes plutôt que d'attendre que la France leur impose quelqu'un », commente un observateur. Ce signal de la France au Tchad pourrait donc avoir des conséquences à long terme pour la France dans toute la région. Et après le Mali, le Tchad pourrait tomber dans l'escarcelle des Russes...

    Marc Endeweld