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Mélenchon : “Refondre toute la chaîne de production du livre”

Mélenchon

Lien publiée le 26 février 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Jean-Luc Mélenchon : “Refondre toute la chaîne de production du livre” (actualitte.com)

#Presidentielle2022 — Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise, est le troisième participant à l'élection présidentielle à répondre au questionnaire d'ActuaLitté sur les mesures concernant le secteur du livre et la lecture, plus généralement. Les réponses du candidat, particulièrement détaillées, sont reproduites en intégralité ci-dessous.

ActuaLitté

ActuaLitté : Quelles sont vos propositions pour améliorer la situation sociale et les rémunérations des auteurs de l'écrit ? 

Jean-Luc Mélenchon : La précarité structurelle dans laquelle sont plongé·es les artistes-auteur•rices est une honte. Pour rappel, celles et ceux dont c’est l’activité principale gagnent en moyenne 15.000 € par an — 10.000 pour les autrices. Certains domaines connaissent des taux de pauvreté encore plus exacerbés, comme dans la bande dessinée. Le rapport Racine et les travaux réalisés par les syndicats et collectifs d’artistes-auteur•rices pointent le fait que le système actuel, fondé principalement sur le revenu issu de la rente de droits d’auteur, maintient une majorité des artistes-auteur•rices, et tout particulièrement celles et ceux de l’écrit, dans une grande pauvreté. Ce système ne suffit donc pas. 

De même, il est inadmissible qu’en ce qui concerne la politique menée vis-à-vis des artistes-auteur•rices, le ministère de la Culture choisisse pour principaux·les interlocuteurs les organismes de gestion collective, qui jouissent donc d’un statut infondé de représentants des auteur•rices et donnent le « la » dans de nombreux dossiers. 

Cette situation, qui vise avant tout à préserver le système actuel et donc la grande pauvreté des auteur•rices au profit d’une industrie pourtant très rentable, ne peut plus durer. Elle véhicule de fait l’idée que l’activité d’auteur•rices (comme de nombreuses autres activités liées aux arts et à la culture) ne serait pas digne d’être reconnue comme activité professionnelle, avec les droits qui vont avec, sociaux comme d’organisation collective. 

L’image romantique, digne du 19e siècle, des artistes qui vivent d’amour et d’eau fraîche a trop souvent été un prétexte à leur précarisation accrue. Nous portons bien au contraire l’idée que le travail de l’art, sous toutes ses formes, doit être reconnu comme tel. 

C’est ainsi que, dès notre arrivée au pouvoir, nous lancerons l’organisation, avec les syndicats d’artistes-auteur•rices, pour convoquer des élections professionnelles pour les artistes-auteur•rices dès que possible. Le dispositif électoral devra permettre une participation significative afin que ces élections soient bel et bien représentatives, en s’adaptant à la situation de ces professions, principalement exercées en indépendant. 

Une fois élu·es, des concertations seront lancées avec ces représentant·es pour élaborer un régime social adapté et juste pour les artistes-auteur·rices. 

Durant ces concertations seront donc étudiées toutes les possibilités de financement, dont celle d’un prélèvement progressif des droits qui suivent le décès d’un•e auteur•rice sur une période des 15 à 70 ans après le dit décès, ainsi que celle d’une taxe sur le chiffre d'affaires des recopyright à gros bénéfices d’œuvres tombées dans le domaine public. D’autres pistes sont envisageables, notamment posées par la Ligue des auteurs, le SNAP CGT et le collectif La Buse. Le SNAP propose par exemple une augmentation de quelques pourcents et une systématisation des cotisations patronales chez les auteurs pour le financer. Pour l’ouverture de ces droits au chômage, se baser sur une quantité de revenus à percevoir sur une durée donnée comme le proposent les organisations citées plus haut nous semble également être une piste à étudier. Ce nouveau régime, comme celui des intermittents du spectacle, serait rattaché au pot commun de l’UNEDIC. 

Nous veillerons également à ce que l’ensemble des travailleur•euses discontinu•es puissent bénéficier des droits sociaux qui leur reviennent : congés maladie, congés maternité/paternité, formation, retraite. Cette couverture sociale du travail discontinu pourra concerner l’ensemble des professions culturelles et événementielles discontinues comme les installateurs d’œuvre d’art, les guides-conférenciers ou les extra de l’hôtellerie restauration, en s’adaptant aux spécificités de ces professions. 

Durant ces négociations, les contours et les missions d’un Centre National des Artistes-Auteur•rices, outil demandé par de nombreuses organisations représentatives d’artistes-auteur•rices, sera également abordé pour construire avec les travailleur•euses concerné•es cet outil essentiel pour avoir de la visibilité sur ces professions, avoir un espace de concertation professionnelle et simplifier leurs tâches administratives. 

Enfin, en attendant la mise en place de ce nouveau régime, un dispositif de continuité de revenus d’urgence sera mis en place, comme ça a été le cas durant le début de la crise Covid, mais avec un fonctionnement simplifié loin des démarches labyrinthiques que les artistes-auteur•rices ont dû réaliser pour percevoir les revenus des fonds de soutien covid. 

Quels seraient les principaux axes de votre politique en matière de lutte contre les infractions au droit d'auteur, notamment sur internet ? 

Jean-Luc Mélenchon : Tout d’abord, nous maintenons l’idée d’une licence globale pour la prise en compte du droit d’auteur en amont de la diffusion des œuvres. Ensuite, concernant la lutte en elle-même contre les infractions au droit d’auteur sur internet, il nous semble essentiel de remettre de la présence humaine dans le traitement des contenus litigieux sur le sujet postés en ligne. 

Cela implique donc de revenir à un traitement a posteriori et non plus a priori, dont nous avons vu beaucoup d’abus de sanction de censure dans de nombreux de cas récents. Tout ne peut pas être traité sans l’aide de logiciels, bien entendu, mais c’est un équilibre à trouver. Le choix ne peut d’ailleurs plus uniquement incomber aux plateformes en ligne qui hébergent les contenus, car ce n’est pas à ce genre d’entreprises de constater des infractions légales. Nous sommes donc favorables à étudier la piste d’une surveillance mixte, humaine et mécanique, mais également par le biais de personnes assermentées pour pratiquer cette juridiction qui travailleraient avec les équipes des plateformes. Pour financer cela, une contribution demandée aux plateformes qui hébergent, qui réalisent des bénéfices conséquents, semble être une piste pertinente à explorer. 

Enfin, concernant ces plateformes, comme pour la nouvelle ARCOM, il est indispensable qu’un débat public, ouvert et transparent puisse avoir lieu sur leur mode d’action, afin de pouvoir publiquement choisir quelles pistes, qu’elles soient techniques ou légales, sont les plus efficaces et respectueuses des droits fondamentaux en matière d’expression. 

Quelle serait votre politique en matière d'accueil des écrivains exilés car menacés dans leur pays ? 

Jean-Luc Mélenchon : Du point de vue des migrations de populations, notre projet est « d’accueillir dignement les migrants et d’agir sur les causes des migrations forcées ». Nous constatons notamment que la majorité des pays de l’Union européenne ne respectent plus le droit d’asile et considérons qu’il est à remettre au premier plan en mettant fin à des textes comme le règlement de Dublin (Europe) ou les accords du Touquet (France) qui le mettent à mal. Sur la question spécifique des artistes, nous sommes proches du réseau Icorn, auquel nous recommandons à nos élus locaux d’adhérer. Il ne s’agit ainsi pas tant de la seule qualité d’artiste ou d’écrivain qui justifierait l’asile, mais la menace que cette activité fait peser sur elles et eux, comme cela peut aussi être le cas pour les journalistes, avocats, lanceurs d’alerte, etc. Nous nous reconnaissons également dans la « doctrine Mitterrand » comme ont pu en bénéficier Milan Kundera ou Julio Cortazar. Enfin, il s’agit également de leur permettre de continuer leur activité une fois accueillis, dans la continuité de l’action de l’Atelier des artistes en exil. 

Comment proposez-vous de défendre le réseau des librairies françaises face à la concurrence de la vente en ligne et à la hausse des charges dans les villes, notamment ? 

Jean-Luc Mélenchon : La nouvelle vague de démocratisation culturelle et la réinstitution de l’action publique dans les arts et la culture que nous proposons a pour axe important le maintien et le développement de l’ensemble des lieux physiques dédiés aux arts et à la culture, structures publiques comme petits commerces indépendants. 

Le réseau des librairies françaises en est une composante essentielle, par l’importance de conseil, d’accompagnement, de découverte et donc de lien humain qu’elles permettent, antithèse même des grandes plateformes de vente en ligne (nous ne comptons ici pas les dispositifs de vente en ligne des réseaux de libraires, qui sont un prolongement utile de leur activité essentielle). 

Dans les détails techniques, cette action passera par l’extension et des dotations supplémentaires au label LIR, un plan Culture à Loyer Modéré qui plafonnera les loyers des locaux de structures culturelles, la revitalisation des centres-ville et l’encouragement matériel à y installer ce type de commerces lorsqu’il n’y en a pas dans un périmètre donné. La commande publique devra également privilégier les librairies, notamment de proximité. Cela suppose de désobéir aux règles européennes, ce que l’Avenir en commun prévoit. Il s’agira également de refondre la chaîne du livre afin de permettre des conditions commerciales plus justes à l’égard de ses composantes les plus fragiles (et les plus précieuses pour la diversité) comme les librairies indépendantes. Nous souscrivons également aux propositions du Plan d’urgence de l’Autre livre, qui propose notamment un tarif postal préférentiel pour l’envoi de livre. 

Librairie Eureka Street, à Caen (illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)

Nous veillerons aussi sur l’INFL et accompagnerons ses diplômés dans leur insertion professionnelle et leur installation, et augmenterons les moyens de l’ADELC. 

Enfin, indirectement les librairies bénéficieront de notre lutte contre l’hégémonie d’Amazon et autres plateformes de vente en ligne et la construction de nouveaux entrepôts de ces entreprises. 

Maintiendrez-vous le prix unique du livre ? D'autres mesures de régulation seront-elles introduites ? 

Jean-Luc Mélenchon : Remettre en question le prix unique du livre est totalement inenvisageable dans le projet de société que nous portons. Nous sanctuariserons la loi Lang sur le livre, mais irons surtout plus loin. Les problèmes rencontrés par les librairies et le reste de la chaîne du livre dépassent aujourd’hui la seule problématique du prix unique du livre. Les mécanismes pervers de la grande distribution ont désormais pour but de faire perdre l’utilité sociale des librairies pour ne faire reposer le rapport au livre que sur l’achat pur et simple. Ce pourquoi nous agirons concrètement pour remettre en avant cette utilité déjà citée des librairies, et que nous consoliderons également l’ensemble de la chaîne (voir les autres réponses à ce sujet). 

Quels seront les moyens mobilisés pour que les bibliothèques assurent leurs missions, notamment en matière de budgets et d'effectifs ? 

Jean-Luc Mélenchon : Nous sanctuariserons les bibliothèques publiques et soutiendrons (via les DRAC et DAC) les créations de nouvelles bibliothèques par les collectivités. Nous nous opposerons à toute fermeture d'établissement, totale ou partielle, dictée par des considérations budgétaires de collectivités, ainsi qu'à toute restriction de fonctionnement, comme la réduction des effectifs, leur redéploiement ou leur mutualisation entre bibliothèques d'une même collectivité. 

Nous augmenterons également les effectifs là où c’est nécessaire, et plus spécifiquement de personnel formé au métier de bibliothécaire. Pour cela, nous sommes favorables à l’obligation de la compétence culturelle pour l’ensemble des collectivités et l’État accompagnera financièrement celles qui en auront besoin pour accomplir cette ambition. Enfin, nous prendrons également en compte les revendications des récentes mobilisations dans les bibliothèques, qui militaient autant pour l’abrogation du passe sanitaire/vaccinal pour accéder à leurs structures (ce que nous partageons) que pour de meilleures conditions de travail et mettre fin à la précarité structurelle et les conditions de travail dégradées dans de nombreuses bibliothèques (notamment d’envergure nationale comme la BPI ou la BNF). 

Le service de la culture et de la lecture requiert de la présence humaine et de la transmission : c'est ce principe qui guidera notre action. Les bibliothèques sont de précieux lieux de commun qui doivent pouvoir se développer dans les meilleures conditions possibles pour accueillir l’ensemble des citoyen•nes. 

Quelles seront vos mesures en matière de lecture publique et de promotion de la lecture ? 

Jean-Luc Mélenchon : Comme pour l’ambition que nous avons pour l’Éducation artistique et culturelle (EAC), la promotion de la lecture doit toucher tout le monde et tout au long de la vie. C’est pourquoi nous ferons de l’EAC le fer-de-lance du service public des arts et de la culture, en lui donnant enfin les moyens et la considération politique qu’elle nécessite. 

Cela passe bien entendu tout d’abord par l’école et l’éducation, voir à ce sujet le livret Éducation de l’Union populaire sorti récemment. 

Nous remettrons également les organismes d’éducation populaire au cœur de cette action, à la fois à travers un plan de formation et de recrutement dans les métiers de l’accompagnement et de la médiation culturelles de proximité auxquels ils seront associés. Que ce soit dans des actions plus spécifiquement axées sur le sujet ou sur l’ensemble de leurs actions, la lecture en bénéficiera toujours, par l’éveil de la curiosité propre à l’éducation populaire et le fait qu’elle est souvent un support privilégié de transmission et d’appropriation des savoirs et des pratiques artistiques et culturelles. Cette action se déploiera d’autant plus dans les quartiers populaires, les zones rurales et les départements ultramarins. 

Cela passera également par une revalorisation générale de la place des arts et de la culture dans l’audiovisuel public. Si le livre bénéficie déjà d’une grande émission sur le sujet, de qualité et assez populaire, c’est dans l’ensemble de ces canaux que le sujet de la lecture et de l’ensemble des arts doit être abordé, notamment pour favoriser encore plus la diversité dans ces domaines. 

C’est également via les événements physiques réguliers comme les salons et autres (lectures en librairie ou ailleurs) que se perpétuera la démocratisation de la lecture et de la lecture publique, que nous encouragerons et aiderons à s’implanter dans des zones à lectorat faible. Il s’agira également d’encourager la variété de registres dans ces salons, en pensant par exemple aux salons de la poésie. 

Cela passe également par la promotion de la francophonie, dont la pluralité de récits, d’imaginaires et même de maniement de la langue française sont autant de possibilités d’attirer plus de personnes vers la lecture. Cela passera par le fait de renforcer la présence des auteur•rices francophones ultramarin•es et étranger•ères dans les programmes scolaires et l’audiovisuel public, mettre en place progressivement un visa permettant la libre circulation des artistes, des universitaires, des chercheur•euses, ou encore étudiant•es au sein de l’espace francophone. À ce sujet, voir Livret Francophonie de l’Union populaire à sortir sous peu. 

Enfin, c’est également par la consommation populaire que se démocratisera plus encore la lecture, notamment par la hausse des salaires et du SMIC et l’allocation d’autonomie pour les étudiants de 1063 euros. Néanmoins, ce n’est pas par le Pass Culture que se fera la promotion de la lecture. Comme prévu, ce chèque de plusieurs centaines d’euros avec dispositif de recommandation par algorithme selon les goûts, si il a été de prime abord un effet d’aubaine pour les librairies, n’est pas un outil de découverte et de démocratisation, mais d’approfondissement dans un consumérisme marchand au profit des leaders des industries culturelles. Ce pourquoi nous l’abrogerons et réinvestirons ces 200 millions d’euros dans l’éducation artistique et culturelle à l’école. Cette consommation populaire ne passera pas non plus par des accords avec des entreprises du type de McDonald’s comme ce fût le cas lors de la précédente direction du CNL, qui perpétue l’omniprésence du marché, et qui plus est ici d’un géant de restauration rapide dont les dangers pour la santé sont reconnus, dans le rapport aux arts et à la culture. 

Comment comptez-vous défendre la diversité éditoriale et lutter contre la concentration, au moment où une possible fusion entre Hachette et Editis laisse craindre la création d'un monopole dans l'édition ? D'une manière plus générale, quelle serait votre défense de la bibliodiversité ? 

Jean-Luc Mélenchon : Comme cela a été annoncé au mois de janvier, nous mettrons en place de grandes lois de déconcentration dans les industries culturelles et les médias. L’horizon de la fusion d’Hachette et d’Editis est le terrifiant exemple du danger qui se profile, dans une situation inédite de concentration dans l’histoire contemporaine. La situation est d’autant plus dangereuse que l’on sait que cette offensive de concentration de la part de Bolloré se déroule avec des objectifs politiques précis à l’extrême droite de l’échiquier politique. Nous partageons les craintes, notamment celles émises par Virginie Despentes, et si ce projet de fusion n’a pas encore connu de cas emblématique de censure politique dans l’édition, nous en avons eu un épisode récent dans l’empire audiovisuel de Bolloré où ce dernier a exigé la réécriture du scénario de la saison 2 de la série Paris Police 1900 produite par Canal+, gêné qu’on y parle de la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État et d’homosexualité. 

Ces lois de déconcentration veilleront également à empêcher à une seule personne ou un seul groupe de posséder, dans le livre comme dans les autres industries culturelles, toute la chaîne de production d’un secteur. On peut voir aussi le rôle crucial et dominant du réseau de distribution de Bolloré, et comment le fait de ne pas avoir accès aux grands réseaux distribution et la diffusion compte parmi l’un des plus grands obstacles pour l’édition indépendante. Il s’agira donc de refondre toute la chaîne de production du livre avec comme objectif principal la diversité et la pluralité des récits et des discours. 

Au-delà de la déconcentration, il s’agira également d’agir concrètement en faveur de la diversité. Pour cela, il s’agit de consolider un plancher de visibilité et même de vente pour la petite et moyenne édition. Cela passera notamment par une action publique qui veillera à reconstituer un réseau de librairies thématiques partout en France, la plus à-même de proposer des ouvrages issus de petites et moyennes éditions. Le CNL pourra aussi être un biais incitateur en prévoyant des financements spécifiquement attribués pour la mise en valeur de ces maisons d’édition. Cela se jouera également sur une action sur les réseaux de distribution afin de permettre aux petites maisons d’édition de profiter de ces services malgré des plus petits tirages. Enfin, nous envisageons également qu’un pourcentage des fonds alloués à la commande publique de livres pour les bibliothèques soit alloué à l’édition indépendante. Elles auront aussi pour incitation de privilégier la petite et moyenne édition à la grosse pour des acquisitions d’ouvrages, notamment de classiques, disponibles à la fois dans une grande maison d’édition et dans une plus petite. L’ensemble de ces mesures auraient pour but à la fois de garantir aux petites et moyennes maisons d’édition une visibilité et des ventes plus stables, mais également de mettre plus en valeur et de familiariser avec ces maisons moins connues dans les lieux de lecture du quotidien : librairie de quartier et bibliothèque. 

Enfin, des mesures déjà annoncées comme le soutien au développement des salons/festivals et la démultiplication de la place du livre et des autres arts dans l’audiovisuel public bénéficiera également à la bibliodiversité. 

Le Centre national du livre, organe central dans l'industrie, a vu son financement profondément modifié. Comment garantir une sanctuarisation des crédits qui lui sont alloués ? 

Jean-Luc Mélenchon : La bifurcation que nous entreprendrons dans la réinstitution du service public des arts et de la culture que nous proposons passera par la fin de l’austérité généralisée dans l’ensemble des domaines que l’action publique dans la culture concerne. Pour cela, nous porterons le budget consacré aux arts et à la culture à 1 % du PIB, soit une augmentation d’un tiers du budget de son seul ministère, proposition au cœur de notre programme depuis 2017. 

Le CNL est un outil précieux au rôle capital et bénéficiera des hausses de dotations nécessaires pour l’accomplissement de ses missions, et pour correspondre à l’ambition qui est la nôtre pour la lecture, les arts et la culture. Il nous est impensable que pour des raisons budgétaires le CNL se débarrasse du financement d’une institution dont il a la charge, comme ce fut le cas avec la MEL. 

(illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)

Dans la volonté d’action planifiée que nous avons, le CNL prendra toute sa place dans la politique que nous mènerons dans le livre. Le sortir de cette fragilité budgétaire lui permettra, comme toutes les autres institutions culturelles, de pouvoir envisager son action sur le temps long. 

Envisagez-vous la mise en place de certaines obligations, notamment environnementales, en matière de fabrication et de distribution des livres ? 

Jean-Luc Mélenchon : Nous avons regardé avec attention les recommandations du Syndicat national de l'édition (SNE) aux éditeurs sur le sujet. Dans le cadre de la bifurcation écologique que nous portons qui touchera également les arts et la culture, il sera nécessaire que certaines recommandations deviennent des obligations. Les recommandations du SNE pourraient constituer une base pour cela. 

Plus largement, notre programme vise à porter une nouvelle vague de démocratisation culturelle, avec comme point central une écologie politique qui irriguera l’ensemble de cette action. Cela passe par la bifurcation technique dans la production, mais également par cette volonté d’une culture de proximité et du quotidien que nous avons pu développer dans les autres réponses. Concernant le livre, le rapport à la librairie de quartier est ainsi bien plus écologiquement pertinent que le fait d’aller acheter ses livres au Leclerc de la zone industrielle au milieu de nulle part à 30 kilomètres (si ce n’est plus) de chez soi. Cela fonctionne également pour les camionnettes de livraison d’Amazon. 

Il s’agit également de relocaliser l’industrie de production de livres en France et ne plus fonctionner en grande partie avec des importations. On sait par exemple le bilan carbone désastreux des livres d’art produit en Chine ou au Vietnam, qu’il s’agira désormais de produire en France. Il faut mener une politique industrielle pour faire renaître une imprimerie en France qui ne reposerait pas que sur ces deux groupes majoritaires que sont CPI et Bussière. Ici aussi, la lutte contre la concentration et le monopole est au cœur de notre action. 

Quelles seront vos propositions pour garantir la liberté d'expression ? 

Jean-Luc Mélenchon : Comme nous avons également pu le voir dans les réponses précédentes, la liberté d’expression semble aujourd’hui principalement menacée par la concentration des médias et industries culturelles aux mains d’un petit nombre de groupes ou de milliardaires pour qui la diversité des discours, qui plus est des discours critiques, et des imaginaires, qui plus est des imaginaires alternatifs au capitalisme productiviste et néolibéral, n’est pour le moins pas une priorité si ce n’est quelque chose dont on peut se passer. 

Ainsi, c’est bien le retour d’un État planificateur dans les arts et la culture, un État qui permet et accompagne (et non pas qui dicte les esthétiques) sur le temps long, en donnant les moyens nécessaires à la diversité et en agissant pour la déconcentration, qui est à notre sens la meilleure garantie pour la liberté d’expression aujourd’hui. 

Comment faciliterez-vous l'accès des citoyens aux livres ? 

Jean-Luc Mélenchon : À ce sujet, voir l’ensemble de nos réponses sur le pouvoir d’achat des ménages, l’éducation artistique et culturelle, la place du livre dans l’audiovisuel public, l’Éducation et le soutien à la Francophonie. 

Quelles sont vos propositions en matière d'enseignement de la lecture et de lutte contre l'illettrisme ?

Jean-Luc Mélenchon : L’illettrisme touche plus de 2,5 millions de Français dans l’Hexagone. 40 % de la population est concernée à Mayotte, 20 % en Martinique, Guadeloupe ou Guyane. De plus en plus de démarches s’effectuant uniquement en ligne, les personnes illettrées perdent peu à peu l’accès à leurs droits et ne parviennent même plus à régler leurs factures ou à se déplacer. Nous voulons éradiquer enfin l’illettrisme. 

L’Avenir en commun fixe l’ambition d’éradiquer l’illettrisme pour les jeunes sortis du système scolaire et les adultes à l’horizon 2027. Cela suppose de prévoir les formations pour 2,6 millions de personnes sur le mandat. 

Nous prévoyons pour cela un budget de 1,3 milliard d’euros par an. À terme, cela sera bénéfique pour l’être humain, la société, l’économie et les finances publiques.
À ce sujet, voir le livret Éducation de l’Union populaire

Autre élément important : le service national universel (voir Livret Défense) permettra également d’avoir une visibilité sur l’alphabétisation de chaque génération et de déployer de manière plus précise la lutte contre l’illettrisme dans la jeunesse.