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Causette dévoile le plan de lutte contre les féminicides du candidat Mélenchon
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Exclu Causette. Après avoir annoncé, comme d'autres candidat·es de gauche, sa volonté de mettre un milliard sur la table pour lutter contre les violences faites aux femmes s'il est élu président de la République, Jean-Luc Mélenchon publie le plan Comment nous allons en finir avec les féminicides, dont nous révélons ici le contenu.
C'est un plan ambitieux, qui s'appuie à la fois sur les revendications des associations de lutte contre les violences faites aux femmes et les bonnes pratiques, qu'il s'agisse d'initiatives publiques locales ou de politiques publiques ayant fait leurs preuves à l'étranger. Avec Comment nous allons en finir avec les féminicides, un document-cadre de 25 pages que Causette a pu consulter, Jean-Luc Mélenchon présente la politique, qu'il mettrait en place s'il était élu président de la République pour lutter contre les féminicides, lignes budgétaires à l'appui. En 2021, encore 113 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon les chiffres du gouvernement.
Pour le candidat de la France insoumise (FI), l'argent est le nerf de la guerre en matière de politiques publiques visant à prévenir les féminicides. Comme d'autres candidat·es de gauche s'appuyant sur les revendications des associations féministes, Jean-Luc Mélenchon a d'ailleurs prévu d'allouer un milliard d'euro à la lutte contre les violences faites aux femmes. « Ce milliard mis sur la table est la mesure phare de notre plan, explique la députée FI Clémentine Autain à Causette, experte des sujets droits des femmes dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Contrairement au premier ministre de l'époque [Edouard Philippe, ndlr] qui avait ouvert le Grenelle des violences conjugales en expliquant que la lutte contre les féminicides ne relève pas "d'une question budgétaire", nous assumons que si. Il faut mettre fin à l'austérité budgétaire dans les politiques publiques en général et vis-à-vis de celles-ci en particulier. » Priorités du budget alloué : financer à la hauteur de leurs besoins les associations qui aident les femmes victimes de violences conjugales (notamment l'indispensable 3919) et créer 40 000 places d'hébergement d'urgence dédié afin de se mettre à la hauteur de ce qui est exigé par la Convention d'Istanbul, signée par la France.
Deuxième mesure emblématique, la France insoumise veut créer un « Haut-commissariat à la lutte contre les violences sexistes et sexuelle » (et conjugales, ndlr), « orchestre de cette stratégie » explique le document fourni à Causette. Il sera chargé de veiller de façon indépendante au gouvernement à la mise en place des lois et des mesures prises pour réduire effectivement le nombre de féminicides, ainsi que de travailler à de la prospective : sur les 1,107 milliards d'euros du plan, 10% (soit 100,6 millions d'euros) seraient consacrés à la recherche. « Nous avons à disposition des solutions immédiates connues, souligne Clémentine Autain, et en même temps, on a besoin de continuer à chercher. Notamment des réponses contre la récidive des hommes violents ou encore contre les différents traumatismes. »
Les « solutions connues » déjà mises en place en France doivent être déployées et systématisées, aux yeux de la France insoumise. « L'urgence est de créer une égalité réelle en droit pour les femmes victimes de violences, ce qui n'a pas été fait par le précédent gouvernement, avance Clémentine Autain. Il est insupportable que, selon où elle vit, une femme soit moins protégée qu'une autre, en raison de disparités territoriales, qu'il s'agisse de l'accueil qui leur est réservé dans les commissariats ou dans le maillage des places d'hébergement d'urgence. » Dans un contexte où des milliers de victimes de violences ont témoigné sous le hashtag #DoublePeine à l'automne du mauvais accueil qui leur était réservé par les forces de l'ordre et où des féminicides ont mis en lumière les manquements de policier·ères pour les protéger, la FI s'aligne sur les demandes des associations féministes.
Création d'une cellule d'urgence
Ainsi, indique le plan « Comment nous allons en finir avec les féminicides », deux circulaires seront émises par les ministres de l'Intérieur et de la Justice « dès leur prise de fonction » : l'une à l'adresse des forces de l'ordre et du parquet sur l'obligation de communiquer ses droits à la victime de violences conjugales et l'autre adressée au parquet pour qu'il propose « systématiquement aux victimes une ordonnance de protection ». « C'est très important, souligne Clémentine Autain, puisque sur les 102 victimes de féminicides de 2020, une sur cinq avait déjà porté plainte. »
Par la suite, la FI souhaite d'une part créer une cellule d'urgence avec un personnel spécialisé dans chaque commissariat (pour porter plainte mais aussi se voir proposer soutien psychologique et examen médical) et d'autre part systématiser l'utilisation dans les commissariats et les gendarmeries d'une fiche de procédure et d'une grille d'évaluation du risque pour que les dossiers soient bien traités. En matière d'utilisation des téléphones grave danger et des bracelets anti-rapprochement, le plan prévoit de les déployer en augmentant leurs financements.
Systématiser la formation
Sur le plus long terme, le parti s'engage d'une part à systématiser la formation des forces de l'ordre et des magistrat·es dans la prise en charge des victimes de violences de genre et d'autre part à renforcer durant la formation initiale (qui passerait à deux ans au lieu d'un an actuellement) les cours en la matière. « Il faut changer d’échelle, plaide Clémentine Autain. Les neuf petites heures actuelles ne sont pas suffisantes pour comprendre ce que sont les violences conjugales. » La France insoumise entend aussi empêcher les agents des forces de l'ordre mis en examen pour violences conjugales de pouvoir exercer auprès des victimes – une disposition déjà annoncée cet été par l'actuel ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à la suite du féminicide de Chahinez Daoud.
Pour conclure ce volet policier, Comment nous allons en finir avec les féminicides prévoit enfin de s'attaquer au port d'arme des personnes suspectées de violences conjugales, en donnant pour consigne aux autorités de déterminer si elles en ont et de les saisir. Le permis de port d'armes sera lui, en cas de dépôt de plainte pour violences conjugales, suspendu puis supprimé en cas de condamnation.
Renforcer la protection des femmes et des enfants
En matière de protection des femmes, l'ambition est de « leur donner à toutes le moyen de partir du domicile si elles en éprouvent le besoin », selon les mots de Clémentine Autain. La création des 40 000 places d'hébergements d'urgence s'accompagnera d'une « application stricte de la loi » en ce qui concerne la priorité au logement (stable, hors structure d'urgence) donnée aux femmes sous ordonnance de protection. Mais la FI souhaite aller plus loin et permettre « des procédures simplifiées pour que les femmes victimes soient reconnues prioritaires suite au dépôt de plainte, et avant même l’ordonnance de protection ».
Le plan s'est aussi doté d'une politique de « reconnaissance du statut de co-victime » des enfants dont la mère est morte par féminicide, explique Clémentine Autain. En leur octroyant un « statut identique à celui de pupille de l'Etat » et en créant un fonds dédié pour les dédommager, la FI veut « leur permettre d'appréhender leur vie d'adulte avec une assise matérielle ». Elle veut aussi renforcer « le droit de l'enfant victime à être libéré de l'autorité parentale du parent meurtrier dès la mise en examen [et] de l'obligation alimentaire [qui oblige un enfant devenu majeur à subvenir aux besoins de ses parents en cas de nécessité, ndlr] prévue par la loi. »
Enfin, question prévention et éducation, le plan envisage une grande campagne de communication nationale. La FI promet aussi une stricte application de la loi Aubry de 2001 qui prévoit qu'une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Selon une enquête du collectif Nous Toutes menée sur les réseaux sociaux et publiée début février, les 10 090 répondant·es n'ont bénéficié que de 13% du nombre total de séances qu'ils et elles auraient dû avoir.