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Alain Krivine (1941-2022)

Lien publiée le 14 mars 2022

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Alain Krivine (1941-2022) – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

Date: 13 mars 2022Author: aplutsoc0 Commentaires

Pour des milliers sinon des dizaines de milliers de jeunes, étudiants, lycéens ou ouvriers, des années 60-70, Alain Krivine fut une des incarnations politiques du souffle de la révolte qui passait alors sur la France comme dans l’ensemble de la jeunesse du monde occidental.

Il fut aussi la première figure médiatique du trotskisme en France depuis 1929 ! Avant qu’Arlette lui ravisse la place en 1974 puis que Lambert devienne l’ombre sujette à gamberges des journalistes ignorants en mal de complots. Certes la candidature impulsée par la jeune Ligue Communiste (SFQI) à la présidentielle d’avril 1969 avec ses courtes séquences télé y était pour quelque chose, mais cela n’aurait pas été possible sans le rôle joué en Mai68 par la JCR et la génération issue de la crise de l’UEC qui s’orientait vers la recherche de la voie révolutionnaire.

Issu d’un milieu fortement influencé par le PCF dans les années 50, il était, comme ses quatre frères, membre du PCF ou de ses organisations de jeunesse. De cette fratrie, trois deviendront des militants trotskistes liés au SU jusqu’à la fin (Alain, Jean-Michel et Hubert). Marqué par la lutte pour l’indépendance du peuple algérien, Krivine rencontre une délégation du FLN lors du Festival Mondial de la Jeunesse de 1957, pour lequel il avait été retenu en qualité de meilleur vendeur de l’année d’Avant-Garde, le journal des JC. Des critiques de la mollesse, sinon des obstacles, de la direction du PCF pour le soutien aux combattants algériens à l’investissement dans les réseaux de soutien à ceux-ci, il finit par rencontrer et être gagné aux idées trotskistes par le PCI de Pierre Frank.

On peut dire d’Alain Krivine, parmi sa génération gagnée dans le milieu PC par le biais de la politique entriste menée alors par le courant Pablo-Mandel-Frank, il fut en quelque sorte le fils spirituel de Pierre Frank, attaché à une vision du mouvement ouvrier tendant à être réduite au seul PCF et plus particulièrement aux ouvriers en bleu de la métallurgie. Bien évidement, après 1968 et plus particulièrement après la refondation du PS sous la houlette de Mitterrand en 1971, puis la signature du Programme commun en 1972, cette vision du monde ne sera pas particulièrement opératoire pour saisir les phénomènes de recomposition à l’œuvre dans le mouvement ouvrier.

On peut y voir aussi une des sources de l’acceptation par la direction de la Ligue de l’exigence d’un « tournant ouvrier » imposé lors du congrès mondial de 1979 de la QI par la nouvelle jeune direction du SWP américain. Cette dernière, emmenée par Jack Barnes, prend les commandes après le départ naturel des vieux trotskistes historiques des années 30, avant d’exclure au début des années 80, les vétérans restés attachés au programme historique du trotskisme, pour imposer une refondation castriste du parti qui fut pourtant le pilier central de la Quatrième Internationale à sa fondation. Ce tournant ouvrier menant à l’établissement en usine sera, dans le cas du SWP, un moyen pour sa nouvelle direction d’imposer un régime de secte où des militants épuisés par leur travail quotidien dans les secteurs les plus exploités du prolétariat US, sans les facilités minimales d’un syndicalisme fort, deviendront atomisés et départis de leur capacité de réflexion ou d’initiative. Les vieux du SWP des années 30 et 40 étaient certes rigides et adeptes de la discipline de fraction mais ils n’étaient pas une secte, ils étaient la fine fleur des ouvriers révoltés de leur génération, ils savaient capter l’air du temps, réfléchir et prendre des initiatives.

Dans le cas de la LCR, ce tournant plus limité fut un moyen qui occultait le besoin de saisir au mieux la situation et développer une ligne claire en un langage accessible aux plus larges auditoires populaires et jeunes. Donc ainsi résoudre l’équation du recrutement d’ouvriers d’industrie capables d’agir et de gagner en influence dans les secteurs clés de l’économie et du mouvement ouvrier.

La Ligue, avec l’auréole glorieuse du soutien au FLN via les Porteurs de valise, de la création du FUA en 1962, à la crise de l’UEC en 1965 débouchant sur la création de la JCR au printemps 1966, se drapant dans les couleurs du Che et du Vietcong, naquit de la politisation d’une nouvelle jeunesse massivement scolarisée dont la contestation de l’ordre existant déboucha sur les barricades du Quartier Latin, et plus encore dans et par la grève générale de mai-juin 68.

Cependant, cette rupture avec le PCF ne voyait pas au-delà de la place que ce dernier occupait dans le mouvement ouvrier. Lorsque la crise du stalinisme international, nourrie des événements tchécoslovaques de 1968, puis des grèves des ouvriers polonais de 1976 à 1980, ou des éclats des dissidents persécutés et des effets de l’intervention militaire russe en Afghanistan, eut des répercussions dans les rangs du PCF, jamais cela n’aboutit à l’émergence de courants de masse poussant vers la gauche. Si la LCR capta et saisit ce qui se passait dans la CFDT radicalisée après 1968, elle ne développa pas la même capacité d’analyse et de compréhension sur ce qui se passait au plan politique, notamment au PS. Et Krivine fut un peu la butte témoin de cette limite.

De la LCR activiste et percutante des années 70, reflet de la jeunesse contestataire, du lycée à la fac, à l’usine comme à la caserne, capable de contribuer à la naissance des mouvements féministe ou anti-nucléaire, on passa à une Ligue devant faire face à un monde inattendu.

Un monde où Reagan et Thatcher mettaient au pas les travailleurs et les syndicats du centre impérialiste, où les patrons fermaient les usines des industries traditionnelles, où les effectifs syndicaux fondaient en conséquence, où le PCF payait le prix de son stalinisme. Mais un monde où l’hégémonie institutionnelle et politique du PS restait un objet de perplexité, tandis que la direction de la CFDT amorçait la chasse aux gauchistes et aux gréviculteurs et provoquait la naissance de SUD.

Alors ce fut une période où il fallait tenir, d’autant que le Mur de Berlin en sa chute n’avait pas confirmé le pronostic historique de la révolution politique, formulé par Trotsky. Certes une insurrection inattendue au Chiappas apportait un rayon de soleil et d’espoir, mais la météo froide de novembre-décembre 95 semblait s’acharner à l’emporter sur la chaleur du puissant mouvement gréviste qui crucifia le plan Juppé et condamna Chirac à faire du surplace avant de trouver une planche de salut dans la cohabitation avec Jospin en 1997. Ce fut une période où, parmi les divers départs vers le PS, depuis Julien Dray et Henri Weber aux débuts des années 80 jusqu’au courant Filoche en 1994, on compta un nombre appréciable d’individualités faisant ce choix. On vit aussi un jeune freluquet talentueux piquer les JCR à Filoche-Matti dont la tendance disposait d’une influence certaine en leur sein et à la direction de la LCR qui s’en estimait le propriétaire indétrônable. Chapeau l’artiste !

Miracle, en 1999, amorce de redressement de la Ligue symbolisé par l’élection au Parlement européen d’Alain Krivine et de Roseline Vachetta sur un ticket LO-LCR qui gagne 5 postes de députés. L’attaché parlementaire se nomme Olivier Besancenot. Et le mouvement altermondialiste s’affirme de Seattle à Millau.

A partir de cette période culminant dans le succès électoral d’Olivier Besancenot le 21 avril 2002, c’est le début de la passation de relais aux nouvelles générations, personnifiées dans le Facteur de Neuilly. Après la disparition de Daniel Bensaid, Alain Krivine demeurait l’une des dernières figures publiques de l’avant 68 fidèles au combat révolutionnaire. Retiré de la direction de la LCR à partir de 2006, tout en demeurant un des porte-paroles de l’organisation, il fut membre du NPA dès sa fondation en 2009.

OD.