[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Agenda militant

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Ukraine: Déclaration de la Tendance pour une Internationale Révolutionnaire (TIR)

Ukraine

Lien publiée le 16 mars 2022

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(20+) Facebook

Construisons un mouvement international contre la guerre impérialiste !

Non à l’intervention de l’OTAN, des USA et de l’UE !

Troupes russes hors d’Ukraine !

1°/ Le 24 février 2022, l’armée russe, sur ordre de Vladimir Poutine, a franchi les frontières ukrainiennes et lancé une invasion de ce pays particulièrement brutale, avec plus de 100 000 hommes déployés. Des bombardements particulièrement intensifs se sont abattus sur les principales villes du pays, Kiev et Kharkiev. Des cibles civiles sont délibérément visées, comme l’ont montré les missiles lancés sur la place de la Liberté et sur l’université de Kharkiev. A l’heure où ces lignes sont écrites, un convoi de blindés long d’une soixantaine de kilomètres se dirige sur Kiev, avec des armes thermobariques, des armes destinées à provoquer un maximum de pertes dans la population civile. D’après les informations qui nous parviennent, les troupes tchétchènes du président Kadyrov, connues pour leur brutalité et leurs exactions contre les populations civiles, ont rejoint les rangs des militaires russes.

2°/ Tout cela confirme bien le caractère totalement impérialiste de la guerre. Ce dernier ne s’en est pas caché : il reprend le discours nationaliste grand-russe, selon lequel l’Ukraine appartiendrait historiquement à l’Empire russe. Dans son discours du 21 février, une des cibles principales de Poutine était la politique des bolcheviks au moment de la Révolution russe. « L’Ukraine moderne a été entièrement créée par la Russie, plus précisément par la Russie bolchévique et communiste. Ce processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses associés l’ont fait d’une manière très grossière envers la Russie elle-même — en séparant, en lui arrachant une partie de ses propres territoires historiques. » Il a reproché à Lénine d’avoir « livré » le Donbass à l’Ukraine. Par ces attaques contre la politique internationaliste des bolcheviks, Poutine montre clairement qui il est et qui il représente : un représentant de la nouvelle bourgeoisie russe, née sur les décombres de l’Union soviétique, et plongeant ses racines dans l’Empire féodal tsariste.

3°/ L’invasion à grande échelle lancée par la Russie contre l’Ukraine donne une nouvelle dimension au conflit que se livrent l’impérialisme russe et les impérialismes occidentaux sur le dos des peuples de la région. Mais il serait faux de croire que la guerre actuelle a commencé le 24 février. Depuis 2014, dans le Donbass, plus de 10 000 personnes ont été tuées dans les affrontements entre l’armée ukrainienne et les combattants de Donetsk, Lugansk et de Crimée.

4°/ La colère actuelle du Kremlin plonge ses racines dans le soulèvement de 2013-2014 contre le capitaliste pro-Russe Viktor Ianoukovitch. Elu avec un score très faible, il a opéré un rapprochement avec l’Etat russe, en rupture avec les politiques menées par ses prédécesseurs, tout en poursuivant une politique libérale, antisociale, basée sur la dilapidation des services publics. La révolte de 2013-2014 était notamment venue de la colère générée par ces politiques libérales et autoritaires. Mais ce sont les classes petites-bourgeoises qui ont pris la tête de ce soulèvement, avec une orientation anti-russe et pro-Union européenne. Cette ligne politique a favorisé la présence de groupes d’extrême-droite comme Svoboda ou Pravy Sektor, un parti ouvertement néonazi se revendiquant du collaborationniste Stepan Bandera. Depuis 2014, avec l’émergence de force paramilitaires néo-nazies dans le mouvement de Maïdan (financées à la fois par l’oligarchie ukrainienne et par les occidentaux), les massacres de civils russes, de militants de gauche, d’homosexuels… ont eu lieu en Ukraine (par exemple, l’incendie criminel de la Maison des Syndicats en mai 2014, où plus de 50 personnes ont été brûlées à mort et assassinées).

Le 22 février 2014, la Rada (parlement) ukrainienne destitue Viktor Ianoukovitch, qui s’enfuit en Russie, et nomme Oleksandr Tourtchynov, un ultraconservateur homophobe, président par intérim. Une des premières mesures du nouveau gouvernement est l’abrogation de la loi sur les langues régionales, retirant le russe des langues officielles (mais également le hongrois, le moldave et le roumain). Concrètement, cela implique que tous les documents officiels seront rédigés désormais uniquement en ukrainien, mais également que les noms de ville et les noms propres doivent suivre l’orthographe et la prononciation ukrainienne.

5°/ Face à ces mesures de discriminations contre les populations russophones de l’est du pays, le 23 février, des manifestations massives éclatent dans les villes de Donetsk, Kramatorsk, Louhansk, Marioupol et Sloviansk, dans le Donbass, et sur la presqu’île de Crimée. Les manifestants demandent le respect de leurs droits, c’est-à-dire l’abrogation de la loi sur les langues régionales, mais également une décentralisation du pouvoir de Kiev dans les régions, et davantage d’autonomie. Ces manifestations mettent une véritable pression au gouvernement et la loi sur les langues régionales ne sera finalement jamais appliquée.

Mais profitant de cette situation de division provoquée par les décisions réactions du gouvernement de Kiev, Poutine déploie les mercenaires de la milice Wagner et finance des combattants séparatistes en Crimée, à Donetsk et à Lougansk. Le 11 mars 2014, le parlement de Crimée déclare l’indépendance de la République de Crimée. Le 16 mars, une parodie de référendum effectuée sous occupation militaire russe, officialise le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie. Dans le mois suivant, les combattants séparatistes du Donbass, soutenus financièrement et militairement par la Russie, proclament l’indépendance de la République populaire du Donetsk et de Lougansk. Cette intervention militaire de la Russie est clairement un dévoiement des manifestations des russophones et n’a rien à voir avec le droit à l’autodétermination des populations du Donbass et de Lougansk : il est une manifestation des volontés agressives de l’impérialisme russe à l’égard de l’Ukraine.

5°/ Le 25 mai 2014, Petro Porochenko, un milliardaire ayant fait fortune dans l’industrie du chocolat, est élu président avec 54,7% des voix, 18 millions d’Ukrainiens seulement ayant participé au scrutin, qui n’a pu se tenir en Crimée et dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Immédiatement, Porochenko a développé une politique ultra-nationaliste et révisionniste : reconnaissance du pays pour les combattants des milices de Bandera ayant participé à l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, reconnaissance de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, loi prévoyant que l’ensemble de la scolarité dans le pays se fasse en ukrainien… C’est sous son gouvernement que des milices d’extrême-droite ayant manifesté sur Maïdan puis ayant combattu dans le Donbass sont intégrées dans l’armée ukrainienne, sous la houlette du chef du parti Pravy Sektor, Dmytro Iaroch, nommé conseiller au ministère de la Défense en avril 2015 (un poste qu’il a depuis quitté). Avec un soutien total des Etats-Unis et des pays membres de l’OTAN, il a fait passer le budget du secteur de la défense et de la sécurité de 1% du PIB à 5%. En novembre 2018, il proclame la loi martiale à la suite d’un incident armé entre des navires ukrainiens et la Russie.

Dans le même temps, il poursuit une politique d’austérité économique : sous la pression du FMI, qui critique la lenteur des réformes, il procède à de nombreuses privatisations, attaque le système de retraites, pendant que les prix du gaz et des produits alimentaires explosent. L’impopularité de Porochenko grandit dans le pays. Lors des deux dernières années de son mandat, l’institut Gallup indique que l’Ukraine est dans le monde le pays accordant le plus faible taux de confiance à son gouvernement[1]. A la suite d’une série de scandales financiers (sa fortune aurait augmenté de 400 millions de dollars entre 2012 et 2020), Porochenko est largement défait lors des élections de 2019, qui voient la victoire de Volodymyr Zelensky, un comédien jusque-là essentiellement connu pour ses rôles dans des séries télévisées.

6°/ Le président actuel, Zelensky, est un populiste, élu sur la base d’un programme confusionniste, mêlant défense de la démocratie directe et de la lutte contre la corruption, du moins en paroles, et mesures ultra-libérales, comme la libéralisation du marché foncier. Depuis 2001, un moratoire a bloqué la privatisation des terres publiques et empêché presque toutes les transactions portant sur des terres privées. Cette libéralisation du marché agricole, a provoqué des manifestations de petits agriculteurs. En effet, la création d’un marché des terres agricoles en Ukraine permettra aux oligarques et aux grandes entreprises agricoles de continuer d’accaparer la terre, tout en satisfaisant les intérêts des investisseurs étrangers et des banques[2].

Paradoxalement, une des bases sur lesquels Zelensky a été élu est le desserrement de l’étau avec la Russie[3]. Il a obtenu ses meilleurs scores dans les régions russophones, considérées comme pro-russes. Lui-même russophone, il a critiqué les lois élargissant l’usage de l’ukrainien dans l’audiovisuel et introduisant des examens de maîtrise de la langue ukrainienne pour les fonctionnaires. Dans le même temps, Zelensky a déclaré vouloir l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne, et mettre en place un référendum sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.

7°/ Depuis 2014, l’impérialisme américain et l’impérialisme russe se livrent une guerre interposée sur le dos de l’Ukraine. Avant même le franchissement de la frontière ukrainienne par l’armée russe, cette guerre avait déjà causé 14 000 morts dans la région du Donbass. Alors que les « protocoles de Minsk » signés par la Russie, l’Ukraine, les représentants des républiques autoproclamées du Donetsk et de Lougansk, sous la houlette de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), étaient censés assurer un cessez-le-feu, aucune des parties n’a respecté ces accords. Entre février et mars 2021, l’OSCE a observé une augmentation de 30% de la violation du cessez-le-feu. Alors que la Russie massait ses troupes aux frontières ukrainiennes et finançait les combattants séparatistes au Donbass, dans le même temps les Etats-Unis accéléraient les livraisons d’armes à l’armée ukrainienne. Entre 2018 et 2021, les Etats-Unis ont livré 77 lance-missiles Javelin ; ce chiffre a considérablement augmenté en 2022 puisque 300 lance-missiles ont été livrés rien que sur le mois de janvier. En 2021, les Etats-Unis ont fourni plus de 450 millions de dollars d’aide à l’armée ukrainienne[4].

Ces livraisons d’armes massives à l’armée ukrainienne sont la continuité de la logique d’expansion de l’OTAN poursuivie depuis les années 2000 par l’impérialisme américain. Contrairement aux engagements de l’Allemagne et des Etats-Unis en 1994, le 29 mars 2004, 7 pays (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) adhèrent à l’OTAN. Ils seront rejoints en 2009 par l’Albanie et la Croatie, en 2017 par le Monténégro, et en 2020 par la Macédoine. Ces adhésions s’accompagnent évidemment de déploiements de troupes et d’exercices militaires de grande ampleur, suivant la logique impérialiste d’expansion des blocs, et ont conduit à l’établissement de bases militaires pratiquement sur toute la frontière russe, à l’exception de l’Ukraine et de la Biélorussie. L’OTAN et les impérialismes européens portent donc la plus lourde responsabilité dans l’escalade militaire.

La guerre du Donbass, pendant longtemps totalement tue dans les médias occidentaux, a fourni un formidable terrain d’entraînement aux militants d’extrême-droite de tous les pays : des deux côtés de la frontière, du côté pro-russe comme du côté pro-ukrainien, des milices racistes, antisémites, se réclamant explicitement du nazisme, participent aux combats[5].

8°/ Les puissances impérialistes se disputent les richesses de l’Ukraine. Ce pays se trouve en effet à la quatrième place mondiale en valeur totale des ressources naturelles : première réserve européenne de minerais d’uranium, une des principales réserves mondiales de manganèse, de fer, de mercure et de charbon. L’Ukraine est aussi le grenier à blé de la Russie et de l’Europe : premier exportateur de tournesol, deuxième producteur mondial d’orge, troisième producteur mondial de maïs… Et surtout, ce pays concentre le deuxième plus grand réseau de gazoducs d’Europe (142,5 milliards de mètres cubes de capacité de débit de gaz dans l’Union européenne). Ainsi, le blocage de la mise en service du gazoduc Nord Stream II, reliant la Russie à l’Allemagne, risque de rebattre les cartes parmi les pays exportateurs de gaz. Or, parmi les principaux exportateurs de GNL – outre le Qatar, la Russie, l’Algérie ou le Nigeria –, les Etats-Unis écoulent une partie de leur gaz de schiste[6]. Ce qui motive la guerre en Ukraine n’est donc pas la défense de la démocratie dans un pays, comme nous le dit la propagande médiatique. C’est simplement une guerre pour défendre les intérêts économiques de la Russie ou des Etats-Unis. Ces derniers sont les principaux bénéficiaires de la rupture des échanges entre l’Europe et la Russie, car ce sont eux qui remplaceront la Russie pour l’exportation de gaz vers l’Europe. Actuellement, 40% du gaz naturel consommé en Europe provient de Russie.

9°/ La guerre en Ukraine est le dernier soubresaut, le plus brutal, de la crise mondiale du capitalisme, qui voit les impérialismes historiques fragilisés alors que d’autres puissances impérialistes tentent de s’imposer. Alors que l’administration Trump avait fait porter les efforts principaux de l’impérialisme américain sur le continent asiatique et la sphère pacifique, la défaite historique qu’il a subi en Iraq et en Afghanistan l’ont porté à redéplacer ses efforts sur le continent européen. C’est ce qui explique en grande partie la rhétorique particulièrement agressive et belliciste de Biden à l’égard de la Russie.

En Europe, la France est confrontée à une contestation historique de sa domination sur le continent africain. Le retrait des troupes françaises du Mali, même si elles ne sont pas immédiates et s’accompagnent d’un redéploiement dans les autres pays du Sahel, constitue pour Macron une défaite aussi importante que celle de l’Afghanistan pour Biden.

Face à ces impérialismes historiques en difficulté, l’impérialisme chinois a commencé à montrer les dents avec Taïwan. Les projets de développement des « nouvelles routes de la soie » montrent les velléités d’expansion de cet impérialisme sur l’ensemble du continent asiatique.

Dans ce cadre, la Russie, en tant que puissance impérialiste, tente de jouer sa partition. Au moment où les impérialismes occidentaux sont confrontés à des contradictions, elle joue un rôle certain de gendarme contre-révolutionnaire : intervention en Syrie, déploiement des milices Wagner sur le continent africain, financement de l’extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis… Mais, face au géant chinois et aux impérialismes occidentaux, la Russie reste une puissance impérialiste de seconde zone. Hormis l’exportation de pétrole et l’économie d’armement, l’économie russe, essentiellement mafieuse et dominée par des capitalistes issus de la bureaucratie stalinienne, reste très faible[7]. De plus, Vladimir Poutine est confronté, depuis 2 ans, à une forte contestation sociale et politique.  En février 2021, suite à l’empoisonnement de l’opposant nationaliste libéral Alexei Navalny, des dizaines de milliers de russes ont manifesté[8]. Mais c’est surtout dans ses pays frontaliers que le régime a été le plus contesté. Fin 2020, c’est le régime de Loukachenko qui a fait face à des grèves ouvrières et des manifestations. Pour réprimer cette contestation, Loukachenko a dû faire appel à Moscou. En janvier 2022, c’est au Kazakhstan que de très puissantes grèves à caractère insurrectionnel ont éclaté. Pour les réprimer, la Russie a pour la première fois fait intervenir les forces militaires de « l’Organisation du traité de sécurité collective », alliance militaire regroupant la Russie et les pays d’Asie centrale. A l’époque, tous les dirigeants bourgeois occidentaux, qui se font aujourd’hui les plus grands défenseurs de la démocratie et des droits des peuples, n’avaient absolument rien dit.

10°/ La dynamique des puissances régionales dans ce cadre n’est pas à négliger non plus. Ainsi, la Turquie d’Erdogan, qui ces dernières années avait opéré un rapprochement avec la Russie, notamment avec leur coopération dans le conflit syrien, a dénoncé ce qu’elle qualifie de passivité de l’OTAN face à l’invasion russe, et a fait fermer le détroit du Bosphore aux navires russes. A l’opposé, l’Iran, qui elle aussi combat aux côtés de la Russie et de la Turquie dans le conflit syrien, s’est rangée derrière Moscou. Dans le cadre de sa rivalité avec la Turquie, la Grèce est aussi en train d’essayer de prendre l’avantage et d’apparaître comme le partenaire le plus dévoué de l'impérialisme US dans la région, en mettant à disposition des aéroports clefs pour de possibles raids de l’OTAN et en envoyant des armes à l’armée ukrainienne.

Dans ce petit jeu des impérialismes mondiaux et des puissances régionales, les camps prétendument opposés peuvent ainsi se retrouver de façon éphémère du même côté lorsqu’il s’agit de préserver leurs intérêts financiers et économiques. Ainsi, le conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 28 février, avec le soutien de la Russie, une résolution étendant à l’ensemble des rebelles houthis l’embargo sur les armes au Yémen. Cette résolution est un blanc-seing pour la coalition menée par le Yemen et l’Arabie Saoudite, à qui des pays comme l’Etat espagnol ou la France livrent des armes.

Ce vote est une nouvelle démonstration que les puissances impérialistes occidentales ou russes, aux côtés des puissances régionales, forment un arc fondamentalement contre-révolutionnaire.

10°/ Tous ces événements montrent l’actualité de la théorie de la révolution permanente. A l’époque impérialiste, les tâches démocratiques bourgeoises sont indissociables de la révolution socialiste. « Pour les pays à développement bourgeois retardataire et, en particulier pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, la théorie de la révolution permanente signifie que la solution véritable et complète de leurs tâches démocratiques et de libération nationale ne peut être que la dictature du prolétariat, qui prend la tête de la nation opprimée, avant tout de ses masses paysannes.[9] »  Plus que jamais, ce qu’écrivait Trotsky en avril 1939 est valide : « Il faut un mot d'ordre clair et précis, qui corresponde à la situation nouvelle. A mon avis, il n'existe à l'heure actuelle qu'un seul mot d'ordre de ce type : pour une Ukraine soviétique, ouvrière et paysanne unie, libre et indépendante ! Ce programme est tout d'abord en opposition inconciliable avec les intérêts des trois puissances impérialistes, Pologne, Roumanie et Hongrie. Il n'y a que les indécrottables imbéciles pacifistes pour croire que l'émancipation et l'unification du l'Ukraine puissent être réalisées par des moyens diplomatiques pacifiques, des référendums, des décisions de la Société des Nations, etc. Ils ne valent naturellement pas mieux les uns que les autres, tous ces « nationalistes » qui proposent de résoudre la question ukrainienne en utilisant un impérialisme contre l'autre. Hitler a donné une leçon hors de prix à ces aventuriers en livrant (pour combien de temps?) l'Ukraine subcarpathique aux Hongrois, qui se sont empressés de massacrer un grand nombre de ces Ukrainiens pleins de confiance. Pour autant que l'issue dépende de la force militaire des Etats impérialistes, la victoire de l'un ou l'autre bloc ne peut signifier qu'un nouveau démembrement et un asservissement plus brutal encore du peuple ukrainien. Le programme de l'indépendance ukrainienne à l'époque de l'impérialisme est directement et indissolublement lié au programme de la révolution prolétarienne. Il serait criminel d'entretenir en la matière quelque illusion que ce soit. (…) Après toutes ces expériences, il n'y a plus que des cadavres politiques pour continuer à placer leurs espoirs dans l'une des fractions de la bourgeoisie ukrainienne en tant que dirigeant de la lutte nationale pour l'émancipation. Seul le prolétariat ukrainien est à même, non seulement de résoudre cette tâche - qui est révolutionnaire par son essence-même - mais aussi de prendre une initiative pour la résoudre. Le prolétariat et le prolétariat seul peut rallier autour de lui les masses paysannes et l'intelligentsia nationale authentiquement révolutionnaire. (…) La guerre qui vient va créer une atmosphère favorable à toutes sortes d'aventuriers, faiseurs de miracles et chercheurs de toison d'or. Ces messieurs, qui aiment particulièrement se chauffer les mains aux questions nationales, ne doivent pas être admis à portée de canon dans le mouvement ouvrier. Pas le moindre compromis avec l'impérialisme, qu’il soit fasciste ou démocratique ! Pas la moindre concession aux nationalistes ukrainiens, qu'ils soient réactionaires-cléricaux ou pacifistes-libéraux ! Pas de « Fronts Populaires » ! Indépendance totale du parti prolétarien en tant qu’avant-garde des travailleurs ![10] »

11°/ C’est à partir de ces critères de classe que les marxistes-révolutionnaires doivent apprécier la situation et les tâches qui en découlent.

Il est indéniable qu’aujourd’hui, une résistance populaire se développe en Ukraine contre l’invasion russe. Même dans la ville majoritairement russophone de Berdiansk, les manifestants crient aux soldats russes de « rentrer à la maison ». En tant que marxistes-révolutionnaires, nous devons exprimer notre solidarité la plus totale envers cette résistance populaire.

Cependant, cela ne doit pas nous faire occulter le caractère de classe du gouvernement Zelensky, ni le fait qu’à travers cette guerre, ce sont deux blocs impérialistes qui s’opposent. La politique ultra-agressive de Poutine a précipité encore davantage le gouvernement ukrainien dans les bras des impérialismes occidentaux. Aujourd’hui, surarmés par tous les pays d’Europe et les Etats-Unis, l’armée ukrainienne est encore davantage condamnée à ne devenir qu’un supplétif de l’OTAN.

C’est pourquoi il est impossible pour des marxistes-révolutionnaires de réclamer la livraison d’armes par les Etats occidentaux à l’Etat ukrainien, parce que la livraison d’armes à l’Ukraine ne contribuera ni à pacifier la région ni à renforcer les positions de classe en Ukraine. Au contraire, cela signifie aggraver la spirale de la guerre dans la région, ce que les civils ukrainiens paieront de leurs vies, et les classes populaires d’Europe avec des politiques d’inflation et d’austérité, cela juste pour aider à renforcer les intérêts impérialistes des Etats-Unis et de l’OTAN. On nous rétorque que, sans les armes de l’Occident, l’armée ukrainienne est condamnée, alors qu’une défaite de Poutine serait un point d’appui pour les luttes révolutionnaires. Cet argument est plus que contestable. Depuis 2011, les Etats occidentaux ont déversé quantité d’armes en Libye puis en Syrie : cela a-t-il aidé en quoi que ce soit le développement des luttes révolutionnaires là-bas ? Bien au contraire, l’ingérence des impérialismes n’a bénéficié qu’aux franges les plus réactionnaires. La Libye est désormais en proie à un chaos effroyable – qui est un des champs d’affrontement des impérialismes russe et occidentaux, et en Syrie le régime de Bashar El-Assad est toujours en place.

Pour ce qui est des sanctions économiques, nous devons clairement nous y opposer car elles vont retomber d’abord et avant tout sur les classes populaires de Russie. Bien loin de détacher la population du régime de Poutine, alors que des milliers de Russes descendent dans la rue contre la guerre, ces sanctions seront un argument supplémentaire pour le régime pour tenter de ressouder la population derrière lui.

12°/ La première tâche des marxistes-révolutionnaires dans la période qui voit la multiplication des affrontements militaires et le risque grandissant d’un conflit généralisé, est la construction d’un mouvement international contre la guerre et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour cela, la multiplication de manifestations contre la guerre en Russie, défiant le régime poutinien, est un point d’appui considérable. Car c’est bien du cœur de la Russie que viendront les forces capables d’arrêter l’offensive meurtrière de Poutine. Partout nous devons prendre des initiatives qui permettent d’exprimer le refus de la guerre impérialiste en nous appuyant sur l’expérience internationale du mouvement contre la guerre en Irak.

Les mots d’ordre que les communistes révolutionnaires doivent défendre dans un tel mouvement anti-guerre sont les suivants :

-       Non à la guerre impérialiste en Ukraine : retrait immédiat des troupes russes !
-   Solidarité avec les manifestations contre la guerre en Russie ! Contre leur répression, exigeons la libération de tous les manifestants et manifestantes emprisonnés !
-     Contre les ingérences impérialistes en Ukraine ! Retrait des troupes de l’OTAN de l’est de l’Europe et du monde ! Non à l’escalade militaire et économique ! 
-       Non à l’union nationale derrière notre propre impérialisme ou bourgeoisie !
-       Pas un sou, pas un soldat, pas une arme pour la guerre en Ukraine. Contre toutes intervention de nos propres impérialismes !

-    Ouverture des frontières et accueil de tous les réfugiés, quel que soit leur pays d’origine ! Non au tri raciste entre « bons » et « mauvais » migrants !

Ces mots d’ordre doivent se combiner avec une dénonciation intransigeante du campisme pro-Poutine comme du campisme pro-occidental. En Russie la première tâche des révolutionnaires est de lutter contre l’invasion russe de l’Ukraine. Dans les pays impérialistes occidentaux, l’effort pour bloquer toute intervention de l’OTAN ou de l’UE doit s’accompagner de la dénonciation de l’invasion russe de l’Ukraine et aussi des crimes commis par ces impérialismes dans toute une série de pays – que ce soit par les impérialismes européens ou l’impérialisme américain. Dans tous les pays impérialistes, les révolutionnaires ont le devoir de rappeler inlassablement que « l’ennemi principal est dans notre propre pays » : ils doivent donc dénoncer les menées de leur propre impérialisme, à commencer par l’amassement sans cesse croissant de troupes aux frontières russes, et la livraison de tonnes d’armes en Ukraine.

13°/ Sur la question du soutien à la résistance ukrainienne, il est essentiel de partir de la caractérisation de classe de chacune des parties en présence. L’Etat ukrainien est un Etat capitaliste, le gouvernement Zelinsky et l’armée ukrainienne sont de fait inféodés à l’OTAN. Dans une situation où le mouvement ouvrier est terriblement affaibli, divisé entre pro-occidentaux et pro-russes, demander de livrer des armes à l’Etat ukrainien n’est absolument pas une position permettant de renforcer les forces progressistes.

Le rôle des marxistes-révolutionnaires est de bloquer toute possible intervention impérialiste de leur “propre” pays, qu’elle soit directe ou indirecte (y compris les livraisons d’armes décidées par de nombreux gouvernements comme l’Etat espagnol, l’Allemagne, le Danemark, etc) et de chercher à tisser des liens de solidarité avec les forces progressistes et ouvrières d’Ukraine et de Russie. Ainsi, le positionnement de l’organisation Sotsialnyi rukh réclamant de « nationaliser les entreprises stratégiques, ainsi que saisir les biens des milliardaires pour garantir l’accès du public aux médicaments, aux transports, au logement, à la nourriture », est un premier pas pour esquisser des revendications anticapitalistes contestant la direction de la résistance au gouvernement Zelensky.

Nous sommes en désaccord avec le communiqué du bureau de la IV qui défend la livraison d'armes à l'Ukraine et les sanctions contre la Russie. Pour nous, il s'agit d'une concession sous la pression à l'union nationale dans les pays occidentaux.

14°/ Les guerres qui se multiplient vont être le prétexte à de nouveaux plans antisociaux, anti-ouvriers et sécuritaires. Ainsi, en France, Emmanuel Macron a d’ores et déjà annoncé la hausse du budget militaire, tout en déclarant que « nombre de secteurs économiques souffrent et vont souffrir, soit parce qu'ils dépendent des importations de matières premières, soit parce qu'ils exportent vers ces pays ». Le coût des produits de première nécessité va encore exploser. Ces plans d’austérité et de casse sociale ne manqueront pas de provoquer des résistances. Dans tous ces mouvements qui vont éclater, la tâche des marxistes-révolutionnaires doit être de garder une totale indépendance vis-à-vis de leur bourgeoisie en refusant l’union nationale et de faire le lien entre la question sociale et celle de la guerre, afin de développer une position internationaliste de lutte contre la guerre et ainsi pouvoir remettre au centre la nécessité de la révolution pour un monde débarrassé des impérialistes et de leurs guerres. 

Lundi 14 mars 2022

Déclaration de la Tendance pour une Internationale Révolutionnaire (TIR), tendance publique de la IV (ex-SU)


[9] Trotsky, La Révolution permanente.

[10] Totsky, « La question ukrainienne », avril 1939 (surligné par nous).