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Guerre en Ukraine. En tirent profit les firmes de combustibles fossiles et les négociants agricoles

Ukraine

Lien publiée le 7 mai 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Guerre en Ukraine. En tirent profit les firmes de combustibles fossiles et les négociants agricoles – A l'encontre (alencontre.org)

Par Joseph Baines

Alors que la Russie continue d’infliger des souffrances et des ravages indicibles en Ukraine, nombreux sont ceux qui, dans le monde entier, tirent profit de cette effroyable effusion de sang.

Malheureusement, compte tenu de la spirale de la crise climatique, les entreprises de combustibles fossiles – et leurs investisseurs – sont les grands gagnants de la guerre, récoltant les bénéfices de la flambée des prix de l’énergie et des nouvelles mesures gouvernementales visant à accroître la production de pétrole.

Les entreprises charbonnières et les services de forage en mer ont le plus profité de la crise géopolitique, enregistrant tous deux une hausse étonnante de 42% de leur valeur boursière.

Mais qui d’autre tire profit de l’économie de guerre émergente? Pour le savoir, il faut examiner de plus près les données relatives à la capitalisation boursière, qui révèlent les anticipations des investisseurs quant aux capacités bénéficiaires des différentes firmes.

Plus la valeur boursière d’une entreprise augmente, plus elle s’élève dans la hiérarchie mondiale des entreprises. Dans cette optique, le graphique ci-dessous montre les 20 secteurs d’activité qui ont connu la plus forte augmentation de leur valeur boursière – dépassant 153 autres – depuis le début de l’invasion russe le 24 février.

Liste des secteurs mentionnés: Charbon – Services de forage offshore – Carburants alternatifs – Engrais – Production de pétrole brut – Déchets et traitement – Production d’armes – Composants électriques – Electricité renouvelable – Equipements et services – Infrastructure et investissement dans le gros œuvre – Bois et investissement immobilier – Raffinerie et distribution – Prestataires de services financiers – Négociants en produits agricoles – Gestionnaires du secteur de la santé – Services financiers – Hôtellerie et immobilier – Recherche, production, distribution pétrole et gaz – Pipelines.

Outre les entreprises impliquées dans l’extraction, le traitement et la distribution de combustibles fossiles – qui, singulièrement, sont directement liées à sept des 20 secteurs les plus performants – les fabricants d’armes sont, comme on pouvait s’y attendre, les autres grands bénéficiaires.

Ces entreprises ont vu leur valeur boursière augmenter de 15% en raison de la demande accrue de matériel militaire et de l’engagement des gouvernements de l’OTAN à accroître leurs dépenses militaires.

Les négociants en produits agricoles ont également vu leur capitalisation boursière augmenter de 10% au cours des deux derniers mois, profitant largement de l’instabilité du marché et de la hausse des prix des produits de base provoquée par le conflit.

Cela a conduit les critiques à affirmer que, à bien des égards, ces traders (opérateurs) favorisent en fait la perturbation des systèmes alimentaires dont ils profitent ensuite.

La situation est décidément bien sombre. Dans un contexte de guerre en Ukraine, d’escalade des tensions entre la Russie et l’Occident, de l’augmentation des prix et de leurs effets sur le pouvoir en Europe et dans le monde, et de réchauffement climatique, les investisseurs privilégient les firmes qui profitent directement des conflits géopolitiques, de l’instabilité du marché des matières premières et de la dépendance aux combustibles fossiles.

Il existe toutefois quelques «lueurs d’espoir». Les entreprises spécialisées dans les carburants alternatifs – qui opèrent dans des domaines allant de l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques à la production de bioénergie et à la fabrication de piles à hydrogène – ont vu leur valeur boursière augmenter de 38%.

Les entreprises qui produisent de l’électricité à partir de sources renouvelables, comme l’énergie éolienne et solaire, ont également connu une hausse de 15%.

Cela indique que les investisseurs sont généralement disposés à soutenir les énergies renouvelables dans le contexte de leur part croissante dans le mix énergétique global, même s’ils persistent à soutenir les entreprises de combustibles fossiles qui profitent de la croissance continue du volume d’hydrocarbures consommés dans le monde.

Mais même si les entreprises du secteur de l’énergie verte avaient été les grands gagnants de ces deux derniers mois, cela n’aurait pas été une véritable aubaine.

Ces entreprises provoquent des coûts environnementaux et sociaux, tels que la déforestation massive en Asie du Sud-Est pour répondre à la demande accrue d’huile de palme pour le secteur du biodiesel. Ou encore les grandes quantités de cobalt – un composant clé des batteries qui stockent l’énergie renouvelable et alimentent les voitures électriques – qui sont extraites dans des conditions d’exploitation extrême et de destruction écologique en République démocratique du Congo.

Compte tenu de ces préoccupations, les gouvernements devraient jouer un rôle plus important en investissant directement dans les énergies renouvelables, plutôt que de s’en remettre aux marchés boursiers qui privilégient avant tout les profits à court terme. Ce faisant, ils doivent également faire respecter les normes relatives aux achats de matériaux et aux conditions de travail dans les chaînes d’approvisionnement en énergies renouvelables. De même, ils doivent s’attacher à réduire l’extraction de combustibles fossiles plutôt que de permettre son expansion.

Dans l’ensemble, si les choix boursiers présents des investisseurs sont de sinistre augure pour l’avenir, c’est finalement l’action politique des gouvernements qui pourrait déterminer si nous nous engageons sur la voie de la justice et de la restauration écologique. (Article publié sur le site openDemocracy, le 6 mai 2022; traduction rédaction A l’Encontre)

Joseph Baines est maître de conférences en économie politique internationale au King’s College de Londres.