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Macron 1, le président aux poches percées
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Macron 1, le président aux poches percées | Le Club (mediapart.fr)
Par Luis Alquier, macroéconomiste, Boris Bilia, statisticien, Julie Gauthier, économiste dans un ministère économique et financier.
Un Robin des bois à l’envers ! La politique fiscale du quinquennat Macron 1 s’appuie sur des poncifs économiques libéraux les plus éculés, telle que la fameuse mais fumeuse « théorie du ruissellement ». En dehors des politiques de soutien d’urgence pendant la crise sanitaire, les choix ont été simples : baisser les impôts, mais surtout ceux du capital, c’est-à-dire des entreprises et des ménages les plus aisés. En se privant de recettes et en affichant un déficit public historique, le quinquennat Macron 1 profile des politiques austéritaires futures et un nouveau chantage à la dette : casse voire privatisations massives des services publics. Le président des riches l’est à double titre : il baisse les impôts des riches et pour payer cet appauvrissement volontaire va vouloir détruire le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, les services publics. En votant pour l’Avenir en commun et la NUPES les 12 et 19 juin prochains, il est urgent de bloquer Macron 2.
Le quinquennat qui s’achève nous a coûté cher, très cher. Il ne s’agit pas ici de se concentrer sur la politique du « quoi qu’il en coûte » mise en place pendant la crise sanitaire. Cette politique a permis de faire à face à une crise d’une ampleur et d'une nature jamais vue. Avec un peu d’ironie, on pourrait dire que les aides mises en place rapidement correspondent à ce que Bercy et les économistes à gages voyaient comme impossible. Certes les recettes libérales ne sont pas oubliées et « Un nouveau monde est empêché de naître» [1]. Mais comme rarement, les besoins sont passés avant la sacro-sainte dette, alors qu’en 2017, les éditorialistes des Échos ou du Figaro titraient sur « le délirant projet» de Jean-Luc Mélenchon qui prévoyait une hausse des dépenses publiques de 270 milliards, soit peu ou prou ce qu’a réalisé Emmanuel Macron en cinq ans ! La parenthèse du Covid n’est pas en question ici car elle correspond à un aperçu d’un monde où l’on débranche l’économie capitaliste pour mettre au centre la vie humaine. Au-delà de cette réponse nécessaire face à une pandémie mondiale et aux conséquences des politiques de confinement, le quinquennat qui s’achève a mis à mal nos finances publiques, et ce pour des mauvaises raisons.
La fête au capital du président du patrimoine
Si l’on croit l’Institut des Politiques Publiques, les mesures fiscales décidées « pour soutenir le pouvoir d’achat » par la majorité sortante amputeront – chaque année, de manière pérenne – les recettes fiscales de 28 milliards d’euros. L’impôt pour les libéraux, c’est comme les chasseurs, il y aurait le bon, celui payé par les ménages et le grand nombre, et le mauvais, celui payé par les entreprises et les riches. En effet, ces mesures de « pouvoir d’achat » comme la hausse de la Prime d’activité arrachée par le mouvement des gilets jaunes sont le cache-misère d’autre chose : la fête du capital. La création du Prélèvement forfaitaire unique retire les revenus du capital financier du barème de l’impôt sur le revenu financier et profite uniquement aux ménages très aisés. La suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune ne répond même pas aux objectifs d’investissements que la majorité avait fixés, et se concentre sur les ménages les plus riches. Quant à la suppression de la Taxe d’habitation sur les résidences principales, elle ne devait pas concerner les ménages les plus aisés selon le programme d’Emmanuel Macron en 2017. Or, le Conseil Constitutionnel ayant soulevé des doutes sur l'égalité de traitement des contribuables devant l'impôt, les 20% de ménages les plus aisés seront finalement complètement exonérés eux aussi à horizon 2023. Finalement, qui profite donc de cette mesure ? Les indépendants, les plus aisés, les propriétaires immobiliers et de patrimoine financier !
Ces trois mesures coûteront à elles seules chaque année 10 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’ouverture du RSA aux 18-25 ans. Selon les calculs de l’Institut des politiques publiques, les 10 % plus riches concentrent un quart des mesures en faveur des ménages de la majorité sortante, soit plus de deux fois leur poids démographique.
Les réformes de la fiscalité des ménages ont ciblé les revenus du capital. Mais les cadeaux ne se sont pas arrêtés là. Le capital a également été favorisé du côté de la fiscalité sur les entreprises, pour plus de 20 milliards d’euros ! Cette baisse inclut la baisse de l’impôt sur les sociétés et la baisse des impôts sur la production, alors qu’elle n’était pas dans le programme du candidat Macron. Or, selon les travaux de l’Insee, compte tenu de la distribution des dividendes, ces baisses d’impôts bénéficient essentiellement aux 10 % les plus riches. À travers leurs sociétés, ils s’acquittent de 30 % des impôts sur la production et 90 % de l’impôt sur les sociétés. Ainsi, toute baisse de l’impôt sur les sociétés bénéficie à 90% aux 10% les plus aisés.
Un appauvrissement volontaire : qui va payer ?
Au total, le quinquennat qui s’achève a appauvri les caisses publiques de 48 milliards d’euros par an ! Parmi cette somme, 19 milliards (40 %) bénéficie aux 10 % à plus fort niveau de vie ! En attendant un ruissellement fantasmé, la puissance publique manque de ressources. Ce manque à gagner permettrait par exemple de financer le plan d’investissement engagé par le programme l’Avenir en Commun pour la bifurcation écologique sans besoin d’augmenter le déficit public. Les ressources dont nous avons besoin sont précisément celles qu’Emmanuel Macron a offertes au capital lors du quinquennat précédent. En 2022, le président en campagne veut accélérer l’appauvrissement de la puissance publique avec un nouveau cadeau aux rentiers avec l’abaissement des droits de succession (3 milliards d’euros) et la suppression de la redevance télé (3 milliards d’euros).
Les chiffres peuvent donner le tournis : en laissant appliquer le programme de Macron, les recettes de l’État seraient amputées de 54 milliards d’euros par an de façon permanente ! Et c’est sans compter l’accroissement de l’endettement de 20 milliards d’euros pour cause d’année double de CICE, dispositif particulièrement inefficace pour quoi que ce soit d’autre que d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires. Ces moyens manqueront pour reconstruire les services publics, faire la bifurcation écologique et faire la politique sociale nécessaire pour réparer les dégâts de 30 ans de libéralisme débridé. Imaginons un monde où ces cadeaux au capital n’auraient pas été faits : la casse de l’hôpital public comme celle de l’Éducation nationale était évitable, les salaires des fonctionnaires pourraient avoir suivi la hausse des prix [2].
Mais la rengaine de l’austérité ne va pas tarder à revenir avec les « maîtres chanteurs de la dette » [3]. Alors une question essentielle est de se demander qui va payer pour rassurer les créanciers ? Car tant que la France se finance sur les marchés et qu’on ne revient pas sous une forme ou une autre à un circuit du Trésor et à un financement direct des États [4], cet appauvrissement volontaire dissimule des prochaines privatisations ou suppressions de moyens des services publics.
Bloquer Macron 2 pour sauver les services publics
Pour en finir avec la politique des caisses vides et les cadeaux aux plus riches, il devient urgent de bloquer les ambitions de Macron pour les cinq prochaines années. Gabriel Attal, ministre du Budget a montré son ambition lors de la passation de pouvoirs : « nous devons tenir la voie du désendettement ». À nous de jouer les 12 et 19 juin pour qu’il soit un ministre temporaire et en finir avec cet aveuglement libéral et destructeur. Après 54 milliards d’euros de cadeaux fiscaux concentrés sur les plus riches, nous savons qui subira la soudaine « responsabilité fiscale des hiérarques » : les classes populaires. Le quinquennat qui s’achève montre bien que les budgets sociaux (assurance chômage, HLM, système de santé) sont les premières victimes de la foudre jupitérienne. Pour le prochain quinquennat la première cible des coupes des droits est déjà annoncée : le système de retraites par répartition [5]. À terme, pour tenir l’objectif de réduire les déficits publics par l’austérité, ce sont la dépense publique et les services publics qui passeront à la trappe. Pourtant, la dépense publique est un levier fondamental de redistribution des richesses comme l’attestent les travaux de l’Insee, et comme le démontrent les économistes, Mathilde Viennot, Elvire Guillaud et Michaël Zemmour [6].
La petite musique de l’austérité recommence à se faire entendre en France et dans l’UE. Après la fête du capital, viendra l’heure de faire les comptes. Comme toujours ce seront les droits du plus grand nombre qui en feront les frais. Nous devons stopper Macron avant qu’il ne soit trop tard ! Il est urgent de revenir sur les cadeaux fiscaux des précédents quinquennats, notamment les dispositifs inefficaces comme le Pacte de responsabilité de François Hollande et autres exonérations de cotisations. Que ce soit par le levier fiscal ou la reprise des profits dans le partage de la valeur ajoutée [7], la fête du capital se fait au détriment de notre capacité d’action collective et des droits sociaux. Le choix est clair : le président des riches ou le parlement des droits sociaux. Normalement, c’est assez simple.
[1] L’insoumission hebdo, mai 2020.
[2] voir Intérêt général, « Services publics, les biens communs de la République – Épisode II : le libéralisme contre l’intérêt général», note #6, mai 2020.
[3] voir Benjamin Lemoine, Le Monde diplomatique, janvier 2022.
[4] voir Intérêt général, « Dette publique : en finir avec les manipulations – épisode III, Financer mieux et sortir de la coupe des marchés », note #15, mars 2021.
[5] voir le billet sur ce blog « Retraite à 60 ans : les diseurs de mauvaise aventure ».
[6] «Les enjeux d’efficacité et d’égalité plaident pour un renforcement du service public » (Le Monde, février 2022)
[7] voir le billet sur ce blog «Partage de la valeur ajoutée : il est temps de faire les poches au grand patronat !».