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La guerre sociale en France, de Romaric Godin
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La guerre sociale en France, de Romaric Godin | L’Anticapitaliste (lanticapitaliste.org)
La Découverte Poche, 222 pages, 12 euros.
Les articles économiques de Romaric Godin sur Mediapart sont parmi les plus intéressants disponibles, et ses références à Marx sont fréquentes. Dans cet ouvrage, il vise à explorer les sources économiques du tournant autoritaire des régimes communément qualifiés de de démocratiques, et notamment de la France qui constitue l’objet principal de sa réflexion.
Néolibéralisme autoritaire
Au niveau idéologique, le néolibéralisme lui apparait comme le responsable principal de cette évolution. Il rappelle que le néolibéralisme économique, contrairement à la doctrine libérale du 19e, n’est pas un adversaire permanent de l’intervention de l’État dans l’économie. Au contraire, pour les néolibéraux, l’État doit intervenir quand c’est nécessaire pour permettre au marché de fonctionner et entreprendre les réformes nécessaires à cet effet. La distinction entre libéralisme et néolibéralisme permet d’éviter un certain nombre d’erreurs d’analyse : en particulier, celle de ceux qui ont vu dans les centaines de milliards dépensés pendant la pandémie une conversion de Macron au keynésianisme. En fait, il ne s’agissait que de sauver l’entreprise privée : à aucun moment Macron n’a remis en cause une seule des réformes structurelles déjà faites (mesures Travail, suppression de l’ISF, réduction des APL, etc.) et s’est toujours tenu prêt à relancer la machine dès que ce serait possible (cf. réforme de l’assurance chômage et, à venir, des retraites).
Godin qualifie d’« hybride » le système économique et social français jusqu’à ces dernières années. Le néolibéralisme n’a pas eu en France le même effet « rouleau compresseur » qu’ailleurs car il a dû composer avec des résistances sociales et politiques tenaces. Pour Godin, l’État français, jusqu’à la période récente, n’est pas l’État du capital mais une sorte d’arbitre plus ou moins neutre. Cette analyse de l’État est sans doute la plus importante des limites de son livre. Si le système est demeuré « hybride », c’est en fonction des résistances sociales fortes que l’État du capital, dont les « élites » dirigeantes sont depuis des décennies converties au néolibéralisme, n’est pas arrivé pas à briser complètement
Il décrit le changement de situation à partir de la crise de 2008-2009 : les néolibéraux sont décidés à pousser leur offensive et ils vont vraiment le faire à partir de 2015 (loi El Khomri sous Hollande) et surtout de la présidence Macron. Les dirigeants sont désormais décidés à briser les résistances. Et pour cela, deux moyens sont mis en œuvre. D’abord, le recours massif à l’instrument police. Ensuite, la diversion au débat économique et social en créant des controverses sur l’immigration, la laïcité, le wokisme, l’islamo-gauchisme, etc. La guerre sociale se durcit et l’État devient donc de plus en plus autoritaire.
On a ici résumé ce qui nous semble être les éléments les plus intéressants du livre de Romaric Godin La faiblesse (étonnante pour un bon connaisseur du marxisme) de son analyse de l’État a déjà été signalée. Le mouvement ouvrier, ses combats, 1936, 1968… tout cela est aussi largement absent de son livre.