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Années de plomb : la cour d’appel refuse l’extradition des anciens militants italiens d’extrême gauche
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La cour d’appel de Paris a prononcé un avis défavorable à l’extradition de dix anciens militants d’extrême gauche italiens vivant en France. Les autorités italiennes réclamaient ces six anciens membres des Brigades rouges et quatre anciens militants de groupes armés condamnés pour terrorisme lors des «années de plomb».
A l’annonce de la décision, leurs soutiens, massés dans le couloir attenant à la salle d’audience, ont exulté. A l’intérieur, l’annonce de cette décision commune a été accueillie par des témoignages étouffés d’intense émotion. Les dix anciens militants sont tombés dans les bras de leurs proches présents à leurs côtés. Ce mercredi après-midi, la cour d’appel de Paris a prononcé un avis défavorable à l’extradition de dix anciens militants d’extrême gauche italiens réclamés par l’Italie pour des faits de terrorisme commis lors des «années de plomb» dans les années 1970-1980.
Âgés de 61 à 78 ans, ces anciens militants d’extrême gauche risquaient d’être rattrapés par la justice italienne, après des années passées à vivre sur le territoire français. Finalement, la chambre de l’instruction statuant sur les extraditions a justifié sa décision en s’appuyant sur le respect de la vie privée et familiale et le respect du jugement par défaut, prévus par les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, a expliqué la présidente. «Je suis très content pour mon client, j’avais peur qu’il finisse ses jours en prison», a réagi l’avocat d’Enzo Calvitti. Né à Mafalda en Molise dans le centre de l’Italie, Calvitti était membre des Brigades rouges et avait été condamné par contumace à 18 ans de réclusion criminelle pour la tentative d’enlèvement du directeur adjoint de la division antiterroriste de la police à Rome en 1982. En 1990. La justice française avait accepté son extradition, mais le décret n’a jamais été signé. Marié, il est désormais retraité après avoir été psychothérapeute en France.
Depuis des années, les autorités italiennes réclament ces six anciens membres des Brigades rouges et quatre anciens militants de groupes armés condamnés dans leur pays pour terrorisme. «Il y a plusieurs leçons à tirer pour Sergio Tornaghi», a assuré son avocat Antoine Comte. «Ça fait trois demandes d’extradition qui ont toutes été rejetées par des cours d’appel en France. De mon point de vue, il faut que les Italiens puissent régler leur histoire en face et examiner leur passé». Sergio Tornaghi, né à Milan en mars 1958 est un ancien brigadiste, membre de la colonne milanaise Walter Alasia, accusé d’avoir joué un rôle dans le meurtre d’un dirigeant de son usine à Milan en 1980. Condamné à la perpétuité, la justice française a émis par deux fois (1986 et 1998) un avis défavorable à son extradition. Père de deux enfants, ce chef de projet informatique à la retraite vit depuis en Dordogne.
Des demandes d’extradition relancées par Matteo Salvini
Une vie en France menacée depuis plus d’un an et le passage de l’extrême droite au sein du gouvernement italien. Les demandes d’extradition ont été relancées en 2019 par l’ex-ministre de l’intérieur d’extrême droite Matteo Salvini. Après le départ du gouvernement de l’ancien leader de la Ligue du Nord, Paris a répondu favorablement à sa demande, engageant des discussions avec le gouvernement Conte, qui se sont accélérées après l’arrivée de Mario Draghi, en février 2021. A la surprise générale, après des mois de tractation, le président Emmanuel Macron avait décidé au printemps 2021 de favoriser la mise à exécution des demandes d’extradition renouvelées récemment par l’Italie. «Nous allons attendre de savoir si le parquet général forme un pourvoi en cassation contre la décision» et de connaître les motivations de la chambre de l’instruction dans le détail, a indiqué ce mercredi après-midi William Julié, l’avocat de l’Etat italien.
La décision de la justice française était attendue « depuis longtemps par les victimes et le pays tout entier, concernant une page dramatique et encore douloureuse de notre Histoire », a commenté la ministre de la Justice italienne, Marta Cartabia. Cette décision est une « gifle », s’est indigné le responsable politique d’extrême droite italien Matteo Salvini.
« Ces meurtriers n’ont jamais payé leur facture à la justice italienne et à la lumière de la décision d’aujourd’hui, ils ne le feront probablement jamais », a regretté Giorgia Meloni, dirigeante des Frères d’Italie, déplorant une décision « inacceptable et honteuse ».
Lors des audiences, qui se sont déroulées entre le 23 mars et le 15 juin, les anciens militants ont tour à tour raconté leur vie menée en France depuis parfois quarante ans. Assurant se croire protégés sur le sol français grâce à la doctrine Mitterrand. Le président socialiste avait pris l’engagement de ne pas extrader les anciens activistes ayant rompu avec leur passé. Fin 2008, alors qu’elle devait être extradée, Marina Petrella, ancienne dirigeante de la «colonne romaine» est finalement restée en France grâce au blocage par le président Nicolas Sarkozy du décret pour motif de santé. Se laissant mourir, cette assistante sociale condamnée à perpétuité, notamment pour complicité du meurtre du commissaire Sebastiano Vinci ainsi que pour la tentative d’enlèvement d’un vice-préfet de police, avait alors déclaré à son marie : «Ils n’emporteront que mon cadavre».
Epoque de violentes luttes sociales en Italie, les «années de plomb», ont été marquées par une surenchère entre l’extrême-droite et l’extrême gauche composée d’une myriade de groupuscules révolutionnaires, dont les Brigades rouges. Une période qui s’est soldée par plus de 360 morts attribués aux deux bords, des milliers de blessés, 10 000 arrestations et 5 000 condamnations.