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Avec l’inflation, les fonctionnaires seront-ils presque tous au SMIC en 2027?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Avant 2000, le point d’indice à la base du traitement des fonctionnaires était indexé sur l’inflation. Depuis 2000, il a augmenté de seulement 10,4% alors que l'inflation a été de 36.2%. Ainsi, le pouvoir d’achat moyen des fonctionnaires en 2022 est d’environ 20 % inférieur à ce qu’il était en 2000. Si le gel du point d’indice se poursuit jusqu’en 2027, la perte supplémentaire sera de 10 à 20%.
Candidats à l'élection présidentielle, quelle sera votre politique pour le pouvoir d'achat des fonctionnaires?
La forte reprise de l’inflation inquiète une écrasante majorité de citoyens français. De nombreux appels à rehausser les salaires ont été émis récemment, y compris par des responsables politiques en exercice, de façon à préserver le pouvoir d’achat de nombreuses catégories de salariés du secteur privé.
Le secteur public emploie majoritairement des fonctionnaires que l’on retrouve, hommes et femmes, dans divers métiers au cœur du fonctionnement de la nation : personnel de santé, enseignants et personnels de l’éducation, personnel des services sociaux, agents de l’état et des collectivités territoriales, militaires, chercheurs, policiers, professeurs d’université, magistrats, gardiens de prison, douaniers …
Pour un fonctionnaire, le salaire varie principalement selon un nombre de points d’indice individuel. Celui-ci dépend de son niveau de recrutement initial et progresse selon sa carrière (ancienneté, prises de responsabilité, mobilité, réussite de concours internes, promotions, appréciation de la hiérarchie). Le montant de son salaire mensuel est égal au nombre de points d’indice acquis multiplié par la valeur financière de ce point d’indice, fixée par l’État. Des primes peuvent s’y ajouter.
Avant les années 2000, la valeur financière du point d’indice était réajustée chaque année par les gouvernements en fonction de l’inflation. Ainsi, une année donnée, si un fonctionnaire ne gagnait pas de nouveaux points d’indice, il ne perdait pas de pouvoir d’achat. S’il progressait dans sa carrière cette année-là, il gagnait alors systématiquement du pouvoir d’achat.
Depuis les années 2000, les gouvernements successifs ont introduit un « gel » de plus en plus strict du point d’indice, si bien qu’un fonctionnaire ne peut désormais maintenir tout ou partie de son pouvoir d’achat une année donnée que s’il bénéficie d’une promotion. Le "gel du point d'indice" ayant été systématique depuis 2017 et les fonctionnaires ne bénéficiant de promotions dans leur immense majorité que tous les 2 à 4 ans, la plupart d’entre eux ont perdu chaque année du pouvoir d’achat, à mission et responsabilité équivalentes. Pendant cette période, lorsqu’un fonctionnaire a pu, une année donnée, progresser dans sa carrière, son salaire a augmenté mais c’était en grande partie un simple rattrapage du pouvoir d’achat perdu les années précédentes à cause de l’inflation.
Entre le début 2000 et la fin 2021, l’inflation officielle s’est élevée à 36.2% (Source principale INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2418131) tandis que le point d’indice a augmenté seulement de 10,4% (Source principale : https://www.fonction-publique.gouv.fr/connaitre-point-dindice)
La conséquence directe est qu’un fonctionnaire qui exerçait il y a 22 ans, d’un âge et d’un niveau de carrière donnés, avait un pouvoir d’achat au moins 20% supérieur à un fonctionnaire exerçant actuellement de même âge et de même niveau de carrière. Des revalorisations pour certaines catégories, en particulier en début de carrière, font que ceci est plus marqué pour les salariés entre le milieu et la fin de carrière. Pour les plus jeunes, la perte est un peu plus faible. Comme les primes ne sont quasiment pas prises en compte dans le calcul de la retraite, la baisse est encore plus forte (près de 25%) pour le pouvoir d’achat des retraites prises ces dernières années par un fonctionnaire, par rapport à la retraite dont bénéficiait un fonctionnaire de même carrière il y a 22 ans. Pour les fonctionnaires dont la progression de carrière ne permettait même plus de maintenir leur pouvoir d’achat des années précédentes, l’État a dû mettre en place une indemnité de garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA). Une prime leur est alors versée pour que la partie du salaire basée sur le nombre de points suive tout juste l’inflation, sans plus aucun progrès de leur revenu réel malgré la poursuite de leur ancienneté et sans prise en compte pour leur future retraite.
Seuls les fonctionnaires et les contractuels du secteur public ont subi une telle baisse de leur pouvoir d’achat dans la société française, dévalorisant au sens propre du terme leur travail. Ceci n’a pas engendré de grèves massives ni d’attention politique ou médiatique forte, sans doute parce que les 22 dernières années ont connu une inflation relativement modérée (plus de 36% néanmoins) et que cette très forte baisse s’est accumulée progressivement au fil des ans, sans à-coups majeurs. Les conséquences se font sentir sur plusieurs plans :
- même en progressant dans leur carrière, la plupart des fonctionnaires maintiennent tout juste le pouvoir d’achat des années précédentes, sans perspective de voir leur revenu réel progresser durant leur parcours professionnel.
- l’attractivité de la rémunération espérée dans la fonction publique pendant la carrière et à la retraite a considérablement diminué et le décrochage par rapport aux salaires du privé ou de leurs homologues européens s’accentue chaque année. Pour les cadres supérieurs de la fonction publique, le salaire espéré en milieu et fin de carrière ainsi qu’à la retraite est souvent 2 à 5 fois inférieur aux salaires du privé pour des responsabilités et des charges de travail comparables. Le décrochage par rapport aux pays européens comparables au nôtre est de plus en plus fort.
- durant ces 22 dernières années, le SMIC a été revalorisé systématiquement de façon à augmenter au moins autant que l’inflation, contrairement à la valeur du point d’indice des fonctionnaires qui a augmenté 3,5 fois moins vite que l'inflation : en conséquence le salaire normal de début de carrière de très nombreux fonctionnaires est désormais inférieur au SMIC, ce qui a obligé l’État à compenser ces premiers salaires au fur et à mesure qu’ils étaient rattrapés par le SMIC.
Il est fort probable que 2022 connaisse une inflation du même ordre que 2021, voire plus forte. Il n’est pas exclu non plus qu’une inflation forte s’installe pour plusieurs années. Si le gel du point d’indice est maintenu, un fonctionnaire pourrait, d’ici 3 ans, avoir un pouvoir d’achat 30 % inférieur à celui d’un fonctionnaire qui exerçait en 2000 une fonction similaire, de même âge et de même niveau de carrière. Quelques années de plus d’inflation conduiraient inévitablement à la quasi-pauvreté de très nombreux fonctionnaires et futurs retraités de la fonction publique.
Le gel du point d’indice de ces 22 dernières années a permis à l’État de faire des économies considérables. Plus l’inflation est forte, plus le gel du point d’indice contribue à réduire la dette de l’État car ses propres recettes augmentent automatiquement, notamment la TVA et les impôts sur le revenu. Un des principaux leviers utilisés par les derniers gouvernements pour réduire le déficit budgétaire et limiter la dette de la France a donc été de baisser le pouvoir d’achat moyen de ses fonctionnaires. Ceci est vrai pour tous les derniers gouvernements, qu’ils se réclament de droite, de gauche ou du « en même temps ». Le quinquennat 2017-2022 est le seul qui a imposé un gel intégral du point d’indice malgré la très forte inflation en cours.
Connaître la politique sincèrement voulue par le futur Président ou la future Présidente de la République vis-à-vis de l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires est essentiel pour les fonctionnaires et contractuels du secteur public ainsi que pour leurs familles qui vivent de leurs salaires. C’est également essentiel pour tous les citoyens français car le bon fonctionnement de l’État et des collectivités territoriales et la qualité des services publics ne sont pas dissociables du niveau de rémunération salariale de leurs employés. Pour éclairer le vote de tous les citoyens français intéressés par la question, il est essentiel que tous les candidats à la Présidence de la République présentent clairement et sincèrement, au-delà de slogans simplistes, quelle sera leur politique pour l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires durant le prochain quinquennat. Leur vision générale sur l’évolution et le rôle de la fonction publique intéresse également les électeurs. C’est un véritable enjeu de société, au même titre que les politiques de santé, de l’éducation ou de sécurité qui sont elles-mêmes mises en œuvre par les fonctionnaires.
Qui suis-je et pourquoi ce texte?
Cadre supérieur de la fonction publique, proche de la retraite et préférant rester anonyme, j’ai voulu me renseigner sur les conséquences réelles du gel du point d’indice depuis les années 2000.
J’ai été tout simplement effaré par la baisse considérable que cela a engendré sur le pouvoir d’achat moyen des fonctionnaires. Un peu comme un poison administré régulièrement à petite dose, la valeur du point d’indice a fini par baisser de près de 25% en 22 ans par rapport à l’inflation. Même si des primes ou quelques mesures indiciaires ont très partiellement compensé cette baisse, je mesure combien cela a engendré de dévalorisation salariale pour mes collègues qui ont des revenus bien plus faibles que le mien ainsi que pour les futurs retraités. Les conséquences sont terribles sur leur niveau de vie.
En sachant que son pouvoir d’achat sera parmi les plus bas de la société française à compétence et responsabilité équivalentes, qui acceptera dans l’avenir de consacrer sa vie professionnelle au bon fonctionnement du système de santé, de l’éducation, de la justice, de la police, de la recherche scientifique, de l’armée ou encore de la préservation de l’environnement ?
Si le gel du point d’indice se poursuit durant le quinquennat 2022-2027, ce seront au moins encore 10 à 20% de perte en plus, faisant basculer de très nombreux fonctionnaires et futurs retraités de la fonction publique dans la quasi- pauvreté.
Je n’ai pas encore décidé pour quel futur Président ou Présidente voter mais je ne voterai pas pour un candidat qui n’aura pas dit clairement, noir sur blanc, quelle sera sa politique vis-à-vis du pouvoir d’achat des fonctionnaires et assimilés.
Fonctionnaires ou non, si vous partagez également le besoin de connaître cette politique avant de choisir votre candidat, n’hésitez pas à faire circuler le texte ci-dessus auprès de vos proches et de vos collègues via le lien https://electionetpouvoirachatsecteurpublic.fr/. N’hésitez pas non plus à le partager sur les réseaux sociaux pour alerter les candidats et les médias sur l’importance de ce sujet qui est crucial pour l’avenir de la nation. J'ai espoir que les candidats finiront par s’exprimer clairement avant l’élection présidentielle sur leurs intentions en la matière.