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    Freud et le socialisme

    Lien publiée le 8 septembre 2022

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Freud et le socialisme : une histoire méconnue - Entretien avec Florent Gabarron-Garcia (lvsl.fr)

    À l’occasion de la publication de son livre Histoire populaire de la psychanalyse, nous avons rencontré Florent Gabarron-Garcia. Maître de conférences à Paris 8 au département de sciences de l’éducation où il enseigne la psychanalyse, membre de la revue Chimères, formé à la clinique de la Borde, sa pratique analytique s’entrelace à la théorie critique. Dans cet entretien, il revient avec nous sur son livre qui lève le voile sur une partie oubliée de l’histoire de la psychanalyse et qui permet ainsi d’envisager une psychanalyse impliquée, au service des plus démunis, à rebours de la pratique institutionnelle dominante à l’œuvre aujourd’hui. Entretien réalisé par Julien Trevisan et Simon Woillet.

    LVSL – Dans votre dernier livre Histoire populaire de la psychanalyse, on apprend que Freud était favorable à la révolution russe à ses débuts. Comment expliquer cette prise de position ?

    Florent Gabarron-Garcia – Alors, effectivement, l’image que l’on a de Freud c’est plutôt celle que j’appelle l’image du Freud au gros cigare. Avec son veston, avec son regard qui vous fixe, ses yeux noirs plantés et un peu grimaçants, de grands bourgeois, plutôt conservateur. Dans mon livre, c’est une autre image qui apparaît. Freud est très engagé politiquement dans les années 20, puisqu’il soutient Victor Adler qui est le fondateur de la seconde internationale et qu’il participe à une campagne du parti socialiste viennois qui fait scandale à l’époque puisqu’il s’agit de distribuer des layettes aux bébés des familles de chômeurs. Freud est inscrit à cette campagne. Cette image-là, elle manque dans l’historiographie traditionnelle, qui insiste toujours sur son supposé conservatisme raisonnable. Ce sont des faits historiques méconnus, oubliés, refoulés et qui manquent en fait au tableau du parcours freudien.

    Freud en 1926

    LVSL – Quels ont été les acquis sur le plan clinique et sur le plan de l’éducation sexuelle des révolutions d’Europe de l’Est et de la révolution russe ? Ont-ils été durables ?

    Florent Gabarron-Garcia – Ce que je déploie dans le livre, c’est que les mouvements analytiques ne sont pas des avant-gardes, c’est l’Europe entière qui regarde vers l’Est puisque là-bas il s’ouvre la révolution et dans l’idée des acteurs de l’époque c’est une révolution mondiale. Cela va être le cas aussi en Hongrie puisqu’après la révolution des conseils, l’empire austro-hongrois s’effondre et Freud, comme ses collègues, est pris là-dedans. Les Russes initient un tas de réformes, notamment sexuelles, et pas seulement politiques. Pour l’émancipation et les droits des femmes, pour la socialisation du travail domestique… c’est l’une des premières fois de l’histoire mondiale où une femme est nommée à la tête d’un ministère : Alexandra Kollontaï !

    Le psychanalyste viennois regarde tout cela avec un grand intérêt. Sur la question des femmes, ce qu’il avait remarqué très tôt c’est que le refoulement sexuel produit de la crainte de penser, de l’inhibition de penser. D’où l’enjeu pointé très tôt par le hongrois Sandor Ferenczi dans son article sur la pédagogie, de changer les conditions de l’éducation. C’est un des buts affichés en Russie révolutionnaire puisqu’il s’agit de faire un homme nouveau et donc une femme nouvelle aussi. Et donc les mouvements féministes sont intéressés à la psychanalyse et à ce qu’elle dévoile sur le développement psychique humain. Qu’est-ce qui fait que les femmes n’ont jamais de responsabilité au pouvoir politiquement ? La thèse misogyne de l’époque, c’est qu’il s’agit d’une affaire de constitution, de formation du cerveau : c’est la nature. Freud est très clair, il soutient dans plusieurs de ses livres, au début du XXème siècle, qu’il n’y a pas de nature anthropologique ni pour les sexes, ni pour les peuples et donc l’enjeu pédagogique est pour lui essentiel. Ne serait-ce que parce que l’analyste en écoutant l’adulte qui souffre a affaire avec l’enfant dans l’adulte. Du coup la question politique et sociale rebondit là-dessus. Les patients de Freud sont d’abord des patientes, là aussi. C’est elles qui ont les symptômes les plus forts. Donc oui, il y a un rapport entre leurs souffrances d’adultes et le type d’éducation qu’elles ont reçue et qui font qu’elles ont des symptômes terribles comme des paralysies de bras, des épilepsies, des inhibitions à penser. Cela n’est pas dû uniquement à leur constitution biologique, mais d’abord à leur conditions d’éducation. La clinique freudienne le conditionne particulièrement à la dimension profondément politique du développement psychique. 

    LVSL – Quel statut accorder selon vous, à l’aune de vos découvertes, sur la thèse du fameux « pessimisme politique » freudien de l’historiographie officielle ?

    F G-G – Bien que je ne sois pas historien de formation, au départ de ce travail, il y a d’abord le constat des manques criants de l’historiographie dominante. Le récit dominant de l’historiographie actuelle consiste à poser le pessimiste anthropologique comme l’alpha et l’oméga de la doctrine freudienne. En conséquence de quoi, il ne faudrait pas se faire d’illusion sur la possibilité de réforme politique car l’analyste sait que, selon la formule consacrée, il y a une « irréductible agressivité » qui est constitutive de la pulsion et qui fait que toutes les réformes sociales sont appelées à échouer. Cette thèse qui est effectivement présente dans Le malaise dans la civilisation date de 1929. C’est un livre dans lequel Freud procède à la généralisation de la pulsion de mort à l’ensemble du social, ce qui est un geste très fort, mais qui est généralement rapporté à sa lucidité par rapport à la guerre qui est à venir, effectivement quatre ans plus tard Hitler accède au pouvoir. On fait de cette thèse une marque de son réalisme politique et on postule trop souvent qu’elle doit inciter tout psychanalyste à une forme de distance et de méfiance permanente à l’égard de toute tentative de transformation politique des systèmes actuels. 

    Cette exégèse très particulière, qui consiste à lire tout Freud à partir du dernier Freud, autrement dit à partir de 1929, ignore complètement les conditions géopolitiques qui vont faire infléchir Freud dans cette direction pessimiste. Elle refoule l’enjeu pratique qui était celui du psychanalyste engagé et qui caractérise la séquence antérieure des années 1920. En effet, on parle généralement de son engagement en faveur des polycliniques et de la démocratisation du soin psychique, on en parle un petit peu, mais sans relier cet engagement au contexte géopolitique progressiste qui caractérise les années 1920. Du coup on recouvre le caractère politiquement subversif d’un tel positionnement, on ne voit pas toute cette séquence avec l’ampleur historique qui est la sienne. 

    « Toute l’implication politique des analystes quand elle était assumée publiquement, disparaît purement et simplement des manuels sur l’histoire de la discipline.  »

    De même on ne fait pas le lien avec le choix politique de Freud lorsqu’il soutient Adler, lorsqu’il participe au campagne du parti socialiste, lorsqu’il encourage Wilhem Reich, Hélène Deutsch qui est proche de Rosa Luxembourg, etc. on pourrait multiplier les exemples, toute cette histoire qui fait partie de la vie du mouvement analytique, toute l’implication politique des analystes quand elle était assumée publiquement, disparaît purement et simplement des manuels sur l’histoire de la discipline. 

    Il y a ici un décrochage entre l’exégèse contemporaine et la dimension politique concrète de la pratique analytique de ces époques. Or, aujourd’hui on ne met plus suffisamment en rapport les textes avec les contextes politiques promus par Freud lui-même. On opère une lecture rétrospective et fallacieusement téléologique entre le Freud politique des années 1920 et le Freud pessimiste des années 1930. 

    Évidemment ces deux types de lectures ne produisent pas les mêmes effets dans la pratique analytique et c’est cela qu’il faut penser. L’historiographie actuelle, constituée à partir du dernier Freud pessimiste, risque toujours de rater les pratiques des années 1920, de rater aussi la lecture de L’avenir d’une illusion (1927). Vous le savez, il s’agit du livre juste avant Le malaise et généralement on lit L’avenir d’une illusion à partir du Malaise… 

    Ce qui fait qu’on lit mal parce qu’on oublie de restituer la portée concrète du premier chapitre de L’avenir d’une illusion dans lequel il défend la révolution bolchevique, il parle de « grande espérance pour l’humanité ». On peut selon lui, à ce moment, attendre un projet de réformes sociales qui vont modifier le développement humain en profondeur, il a des expressions extrêmement fortes. 

    Évidemment, il a nuancé cet enthousiasme par la suite. Mais il ne faut pas occulter qu’à un moment il avait cette position. Cela produit une autre lecture possible et à mon avis plus juste de l’œuvre freudienne telle qu’elle se déploie chronologiquement et donc politiquement. Cela amène à reconsidérer la posture de Freud dans les années 30 par rapport à ses collègues. Lesquels, pour la plupart pendant toutes les années 20 ont été très engagés et pour une part significative d’entre eux vont continuer à l’être malgré la nouvelle orientation. 

    De ce point de vue-là, il faut aussi réévaluer la manière dont l’historiographie traite de Reich qui bien souvent est un analyste qui est dévalorisé parce qu’à la fin de sa vie il a tout simplement sombré dans le délire. Avec ses discours sur l’Orgone notamment. Mais cette lecture rétrospective et déshumanisante occulte complètement la séquence qui nous intéresse qui est celle des années 30. Reich y reste dans une position éthique qui est tout à son honneur puisque malgré l’adversité et la barbarie qui monte, il reste dans le sillage freudien des années 20 selon lequel l’analyste doit être auprès des plus démunis. Il ne doit pas être neutre et ne peut pas être du côté des dictatures et ne peut pas non plus s’abstenir d’agir. Et donc Reich va critiquer ouvertement et officiellement dans les années 30 alors même que Hitler arrive au pouvoir, va critiquer ouvertement le parti nazi, ce que lui reprochera l’establishement analytique, par l’intermédiaire d’Ernest Jones mais Freud est aussi sur cette ligne car il faut « sauver la psychanalyse », ce qui est contre-nature, car c’est tout sauf éthique, ce qui interroge beaucoup. Au regard de l’histoire, dire qu’il y a une généralisation de la pulsion de mort au niveau du social d’accord. La question c’est quelle conséquence théorique, pratique et éthique l’analyste doit en tirer. La conséquence n’est pas forcément qu’il faut être neutre et dire que l’homme est un loup pour l’homme. Au contraire, peut-être la conséquence c’est qu’il faut lutter d’autant plus et s’interroger analytiquement. Comment se fait-il que les masses vont plébisciter Hitler ? Et comment analytiquement penser cela et essayer de produire des contre dispositifs pour que la subjectivation politique ne bascule pas du mauvais bord et que l’intérêt de classe ne soit trahi par l’intérêt libidinal. Tout ça ce sont des questions de Reich. Et là Reich, du point de vue de l’histoire et de la question que pose l’histoire aux analystes de cette période, il est tout à fait décisif et il faut réévaluer cette séquence à l’aune de ces questions historiques.

    Wilhelm Reich en 1943

    LVSL – Avec les figures de Wilhelm Reich et de Marie Langer que vous désignez dans votre livre, on découvre l’existence de psychanalystes qui étaient engagés en faveur du communisme. Quelle a été, à l’époque, la réception de leurs écrits, qui allient approche marxiste et approche freudienne, par les marxistes ?

    F G-G – Dans les années 20, 30, Reich est extrêmement important. Alors ça aussi ça a disparu dans le récit historique classique, mais la formation des psychanalystes de la troisième génération passe par Reich et tout le monde y est politisé. Donc l’idée que l’analyste doit être neutre, ne doit pas s’occuper de la politique, et qu’autrement son engagement serait le symptôme d’une analyse ratée parce que l’engagement politique serait en réalité un délire de paranoïaque, ce sont des arguments après coup. Jones a promu cet argument pour dire aux nazis « on est neutre, laissez nos institutions tranquilles ». Position moralement condamnable et inefficace en pratique. Cet argument, qui circule beaucoup dans les milieux psychanalytiques, on peut en circonscrire la genèse et voir à quel point il est trouble. 

    « Reich postule que la domination politique est possible dans la mesure où l’intérêt libidinal prend le pas sur l’intérêt de classe. »

    À rebours de cette “neutralisation” historiographique, Reich est une figure essentielle et c’est la raison pour laquelle dans les années 30, quand on a cherché à le mettre dehors, car il était juif et rouge, ce qui n’était pas conforme à la doctrine nazie, ils n’ont pas pu le faire officiellement, dans l’IPA (International Psychoanalytical Association), dans l’association de Freud. Il était trop important pour que cela se fasse officiellement. Ils l’ont donc fait secrètement. Même Anna Freud, la fille de Freud, dans sa correspondance avec son père, s’interroge en disant qu’ils ne savent pas si l’avenir de la psychanalyse ne sera pas reichien. Reich a une telle importance que ses travaux, son orientation structurent le champ analytique de cette époque et cette importance-là, elle a complètement disparu dans l’historiographie, qui est largement hérité d’Ernest Jones. Comme vous le savez, Jones a fait une grande hagiographie de Freud qui est reprise par la plupart des analystes contemporains, mot pour mot. Ce sont ces représentations-là qui sont dans l’esprit contemporain. Il faut donc remettre l’histoire sur ses jambes. Les faits sont les suivants : Reich est très important à l’époque et on ne peut pas le virer comme ça du milieu analytique.

    Il va inventer l’organisation Sexpol pour contrer le basculement des masses dans le fascisme. Je parle de Sexpol car c’est important par rapport à votre question. L’idée de Reich c’est que ce qui permet la domination politique c’est que l’intérêt de classe est trompé. C’est parce qu’il y a l’intérêt libidinal qui prend le pas sur l’intérêt de classe. C’est quand la désirance pour le chef fait qu’on veut un leader, on désire un leader pour nous protéger et nous venger, indépendamment d’une analyse rationnelle de la situation socio-économique et des intérêts sociologiques propres aux groupes en présence.

    C’est l’analyse exacte des conditions de l’asservissement politique à venir. L’idée simple de Reich c’est qu’il faut lever le refoulement sexuel sur lequel repose le pouvoir fasciste et ainsi à nouveau il y aura une possibilité de penser en conformité avec son intérêt de classe. De ce point de vue-là, il fonde Sexpol, qui est la combinaison de sexe et politique, dans la continuité pour lui de l’enjeu des policliniques freudiennes. 

    Il va tout simplement faire des conférences où il répond aux questions des ouvriers, des questions ordinaires que ces gens modestes se posent par rapport à leur misère sociale et sexuelle et il y répond avec vérité et franchise. Par ailleurs, il impulse un mouvement d’éducation sexuelle et de prévention, de promotion des méthodes contraceptives, à destination des plus jeunes. Sexpol est un peu l’ancêtre du planning familial. Il va dans la Ruhr, une région particulièrement sinistrée et qui est acquise au national-socialisme, et il fait ses conférences sur la sexualité des adolescents, l’avortement etc. et il va rencontrer un grand succès puisque des centaines de femmes national-socialistes changent de bord et rejoignent ou s’inscrivent au parti communiste. Il vérifie sa thèse in situ, dans la pratique. 

    La difficulté, évidemment, c’est que pour la plupart des partis communistes de l’époque, la révolution, elle doit être rationnelle, historique mais pas sexuelle. La question sexuelle est encore à l’époque, une question bourgeoise. Évidemment, ça ne répond pas à leur doctrine et s’ils sont encore plus embêtés les PC quand des étudiants commencent à se révolter parce qu’ils veulent chacun leur chambre et pas être tous dans un dortoir car ils veulent pouvoir vivre leur sexualité. Il y a des résonances avec ce qu’il se passera plus tard dans les années 60. Toute révolution contient une part sexuelle ou de jouissance et même toute forme d’oppression, et ça l’analyste le sait toujours et doit se positionner politiquement par rapport à cette dimension. Reich a très tôt cette intuition, qui est déjà une intuition chez Freud mais sa question c’est de pouvoir s’en servir pour éviter un basculement de la jouissance dans une jouissance collective fasciste pour le dire rapidement. En dépit de l’efficacité de son action, la réception du PC est une réaction outrée et du même coup l’alliance que lui et ses partisans avaient faite avec le PC va s’arrêter net et Reich va être chassé. La révolution prolétarienne n’a pas débouché sur une révolution sexuelle.

    Marie Langer en 1979

    LVSL – Par ailleurs, ces deux figures ont constaté que la misère sociale, en particulier pour les femmes pauvres pour Marie Langer, était une condition essentielle de la misère psychique. Du côté du mouvement dominant de la psychanalyse actuelle, que vous désignez par le terme « psychanalysme », conteste-t-on ce lien ?

    F G-G – Je pense qu’on ne l’étudie pas assez. Ce sont des questions que tout sociologue a en tête mais face auxquelles de nombreux analystes sont dans une forme de résistance ou d’oubli. C’est étrange car la pratique en institution confronte obligatoirement les praticiens à la dimension socio-économique. Et pour beaucoup de mes collègues cette question n’existe tout simplement pas. Soit par déformation à cause d’une certaine psychanalyse trop étriquée, qui s’intéresserait qu’au sujet en tant que sujet familial, mais d’une famille étonnement déconnectée de la vie sociale et économique. Soit par méconnaissance, tout simplement, parce que nombre d’entre eux ne lisent pas les autres disciplines, ce qui arrive aussi. 

    Évidemment que la misère sociale – et je travaille beaucoup en banlieue – a des effets psychiques graves et donc ce que les psychiatres appellent la maladie mentale, frappe inégalement les classes sociales. De fait, nous manquons d’une orientation générale des études sur les maladies mentales comme rapport au social. Cela c’est toute la question de la psychopathologie. 

    Ce que je classe dans le psychanalysme, c’est la réduction du malaise à des dimensions psychiques, individuelles seulement. Freud l’a abordé, Reich davantage, Langer aussi et je dirais tout analyste un peu honnête qui travaille avec des gens plus pauvres ne peut pas échapper à cette question et quand il y échappe, il fait du psychanalysme. C’est-à-dire qu’il pathologise un symptôme qui est d’abord social, ce qui est grave. Puisque cela revient à se mettre au service du pouvoir politico-économique. La psychopathologie idéaliste est une erreur théorique, éthique et politique.

    LVSL – Un des points cruciaux de la pratique psychanalytique de la clinique de La Borde et du Sozialistisches Patientenkollektiv (SPK), le « Collectif socialiste de patients » d’Heidelberg, a été de décloisonner la psychanalyse. Celle-ci ne doit pas seulement relever du médecin, mais être exercée par tous les agents de l’institution. Y a-t-il aujourd’hui des cliniques en France, ou ailleurs dans le monde, où subsiste une telle pratique de la psychanalyse ?

    F G-G – Cela existe. Alors à la Borde, dans une certaine mesure, et ailleurs, dans une certaine mesure. Mais oui, des expériences de ce type existent toujours.

    LVSL – C’est plus limité comme expérience désormais ? Y a-t-il eu une évolution dans les pratiques ? Un rétrécissement ?

    Le contexte se rétrécissant, tout se rétrécit partout. Ce sont des phénomènes systémiques. Si vous voulez, dans les années 70, les hôpitaux, même ceux qui ne se revendiquent pas de la psychothérapie institutionnelle, les hôpitaux psychiatriques ont ouvert leurs portes. Aujourd’hui l’État met des gardes-chiourme à l’hôpital et paie des sociétés de vigile plutôt que de mettre plus d’infirmiers formés parce qu’il y a un contexte politique extrêmement régressif. Les conditions institutionnelles se dégradent et il est plus compliqué d’avoir une pratique ouverte et même une pratique analytique dans une institution psychiatrique. Mais cela existe, cela existe toujours à la Borde et dans de nombreux endroits. 

    « Tout l’enjeu pour les gens qui se sont lancés dans le champ de la psychiatrie institutionnelle, c’était de partir de la marge, l’hôpital psychiatrique, les prisons, pour modifier ces endroits coercitifs de l’intérieur, de telle sorte qu’à la fin les conditions institutionnelles soient tellement transformées que la révolution à venir parte de là. »

    Le champ de la psychothérapie institutionnelle a un dispositif très particulier. C’est notamment par le club, qui est un opérateur institutionnel pour subvertir l’établissement psychiatrique puisqu’il est remis au club la responsabilité d’organiser la vie quotidienne. Le club est donc une association, qui existe légalement, et à qui on donne la tâche d’organiser la vie quotidienne et dans lequel il y a le soignant et le soigné. Donc déjà si vous faites ça dans l’hôpital psychiatrique, cela va modifier toute la structure et tout l’établissement, les règlements. Après la question c’est jusqu’où on la pousse, cette orientation. Puisqu’à la fin des fins, dans la version de Guattari, c’est la fin du psychiatre. Le psychiatre c’est quand même au départ le personnage à qui l’État – dans son utilisation répressive – donne le pouvoir légal pour gérer les troubles dans l’ordre bourgeois. N’oublions pas que c’est un décret de 1838 qui fonde conjointement la police et la psychiatrie. Si vous faites du bazar dans la rue parce que vous entendez des voix, on vous met en psychiatrie. Si c’est parce que troublez l’ordre public pour des raisons politiques, là où on vous met en prison. La psychiatrie au départ c’est pour préserver l’ordre bourgeois, cela concerne les limites de l’ordre capitaliste. 

    Tout l’enjeu pour les gens qui se sont lancés dans le champ de la psychiatrie institutionnelle, c’était de partir de la marge, l’hôpital psychiatrique, les prisons, pour modifier ces endroits coercitifs de l’intérieur, de telle sorte qu’à la fin les conditions institutionnelles soient tellement transformées que la révolution à venir parte de là. C’est un projet qui est à mon avis tout à fait pertinent et audacieux mais qui n’a pour l’heure pas beaucoup avancé et sans doute reculé bien qu’il existe toujours. D’où la critique de la fonction politique du psychiatre et l’idée que par le biais de club et d’autres instances similaires il doit déléguer son pouvoir décisionnaire.

    À cette occasion elles vont supporter le fantasme d’éclatement que va ressentir le psychiatre et vont se désaliéner de la place dans laquelle l’autre social l’a placé, c’est-à-dire la place de chef tenant de l’ordre institutionnel bourgeois. Ce dispositif où l’on éclate sur le collectif soignant-soigné les décisions qui étaient autrefois dévolues à un seul, va permettre une resubjectivation des acteurs qui font partie des institutions sur un mode non hiérarchique, ou plutôt moins hiérarchique. Un ordre dans lequel la psychanalyse a toute sa place, du point de vue d’une analyse dite institutionnelle justement. 

    Ce que je vois par ailleurs en ce moment c’est qu’il y a des nouveaux chefs qui sont mis en place dans une idéologie managériale par le biais des agences régionales de santé, il y a la même chose partout, c’est systémique. C’est la vision de l’ordre néolibéral qui met en place ces dispositifs qui produit des effets de subjectivation, des effets sur l’inconscient, des burn-outs et des manières de penser les groupes de façon utilitariste. Ces gens-là arrivent, n’ont aucune connaissance de la maladie mentale et des terrains et donc ils se retrouvent en position de chefs et ils sont par ailleurs eux-mêmes maltraités puisqu’on leur donne une tâche impossible, qui est de traiter managérialement des structures qui n’ont pas vocation à être traitées comme ça. Ils ne tiennent pas. Ils tiennent un an ou deux. Dans les structures dans lesquelles je suis, ça fait huit ou neuf ans que j’interviens, et j’ai déjà vu quatre chefs différents. Ils sautent. Le malaise dans le champ social, comme à l’hôpital, frappe les travailleurs ordinaires, les infirmiers, les assistantes sociales etc. mais il frappe aussi les directeurs locaux qui sont en réalité formés sur le mode managérial qui ne peut pas fonctionner à cet endroit. Et du coup ils font des burn-outs les premiers. Au passage, ils ont bien entravé et fait souffrir les gens de l’institution mais c’est eux en fait qui sautent d’abord. 

    Quand il n’y a pas ce genre de relation verticale arbitraire, je constate que l’institution va beaucoup mieux. C’est-à-dire que les gens travaillent mieux, du moins dans le champ associatif (ce qui représente une partie essentielle du secteur médico-social). Cela c’est ce que je vois concrètement. Même dans le champ de la psychothérapie institutionnelle, cette question ne fait pas l’unanimité et dans la pratique, dans le champ de la psychothérapie institutionnelle, qui est mille fois plus désirable que le champ de la psychiatrie ordinaire ultra-violente qui est aujourd’hui réapparue et bien il y a toujours un chef. 

    Félix Guattari © Na5069wv

    Et je pense que ce n’est pas une bonne chose, en tout cas dans la version qui me semble être la plus guattarienne et la plus intéressante. Dans ce champ, l’idéal c’est de se passer de chef. Et institutionnellement, dans le champ associatif, quand il n’y a pas de chef, il y a des problèmes mais il y en a beaucoup moins que quand il y en a un. Analytiquement, quand il y a un chef, la personne en-dessous, le subalterne, a toujours affaire au symptôme du chef ce qui est un problème. Cela produit plein d’effets d’aliénation, plus ou moins conscients et là l’analyse institutionnelle, la psychanalyse appliquée à l’institution, a une carte à jouer pour défaire ces enjeux. Mais à la fin des fins, vers laquelle on va progressivement, on ne supprime pas tout d’un coup, l’idée c’est qu’on organise un collectif soignant dans lequel il y a un véritable partage des salaires et des responsabilités.

    LVSL – Il y a un texte de Mélanie Klein qui parle de la bonne autorité tout comme elle parle de personnalités fortement intégrées plutôt que de personnalités autoritaires. Elle dit que c’est comme un tuteur sur lequel le lierre peut pousser parce que la bonne autorité permet sa contestation et donc est-ce que l’on pourrait imaginer une reformulation de la théorie de l’autorité, y compris en politique, qui va dans ce sens-là ? Est-ce que c’est souhaitable comme direction de recherche ?

    F G-G – Pour l’expérience de La Borde, et de ce que j’en ai compris, il y a des exemples concrets et micro-institutionnelles qui sont très intéressants. Au départ dans l’après-guerre où personne n’avait d’argent là-bas, ils employaient le tout-venant : des paysans du coin, des femmes de ménage. C’était le docteur, l’infirmier et les gens du coin. Sauf que comme ils avaient un horizon politique révolutionnaire la question c’est comment, l’horizon était très audacieux puisqu’il s’agissait de commencer la révolution maintenant, il n’était pas question d’attendre un grand chef ni le grand soir. 

    Maintenant là qu’est-ce qu’on fait ? En tant que psychiatre, chef, qu’est-ce que l’on fait pour faire aboutir ce projet ? Et même plus : comment faire pour que ce projet parte de la marge, de l’hôpital et de la prison. Donc qu’est-ce qu’on fait ? Il dit : je délègue mon pouvoir. Il faut que tout le monde soit formé à l’analyse : le jardinier, l’infirmier. Mais aussi il faut que le psychiatre aille faire la cuisine, passe le balais puisque là vous voyez on travaille la dimension d’une aliénation sociale qui est aussi une aliénation imaginaire qui est inscrite dans l’inconscient. La désimaginarisation des rôles sociaux par l’acte, c’est-à-dire on déplace les gens de leur fonction, va produire déjà un effet subjectif et inconscient. Ce qui va permettre du coup à une femme de ménage de ne pas faire que femme de ménage, de s’autoriser davantage de relations avec le patient. Car dans l’hôpital d’aujourd’hui les femmes de ménage ne font que le ménage, elles ne parlent même plus au patient. Il y a le cas paradigmatique de Georgette, dont je parle dans le livre, qui donne les médicaments, qui est comme une infirmière et ça c’est valable pour tout le monde. Dans la mise en pratique d’une autorisation aux membres de l’institution et même d’un encouragement à sortir de la fonction et des rôles qui va permettre de subjectiver autre chose et qu’à un moment c’est acté dans la pratique et que du coup on peut le décréter au niveau d’une organisation plus formelle.

    LVSL – L’autorité c’est celle qui met en place ce genre d’organisation.

    F G-G – Peut-être qu’au départ il faut au moins un projet ou une perspective parce que ce n’est pas inné. Sauf si tout le monde a lu la théorie politique, la critique sociale, ait compris ce qu’est l’inconscient. Il y a à initier ou bien alors on reste entre gens cultivés avec un horizon politique. L’enjeu d’une désaliénation c’est d’abord la mise en pratique concrète de dispositifs dans lesquels les acteurs sociaux ont des marges beaucoup plus grandes pour faire autre chose que ce qu’on leur a dit que normalement ils devaient faire, il faut qu’ils le supportent, cela peut être angoissant. Il y en a qui partent, ils se fâchent : “Oh non moi je suis que jardinier, ne m’emmerdez pas avec les symptômes du patient, c’est bon hein, ça c’est le truc des docteurs”. Et d’autres qui au contraire vont à cette occasion s’émanciper. On constate cela lorsque les règles hiérarchiques et disciplinaires sautent. Par exemple lors d’un mouvement de grève. Par exemple chez les Lip, ou à Nuit debout, ou pour les Gilets Jaunes. Les gens, d’un seul coup, subjectivent autre chose et s’éveillent à eux-mêmes dans des dimensions qu’eux-mêmes n’avaient pas parfois soupçonnées. Et cela c’est la question des groupes-sujets, des groupes émancipés c’est-à-dire comment un groupe, contrairement aux groupes hiérarchiques où la subjectivité n’est pas émancipé et c’est organisé pour qu’elle ne le soit pas, la question c’est de créer des conditions favorables à une subjectivation politique émancipée. La plupart des acteurs, lorsque cela arrive, parle d’un avant et d’un après. Par exemple lorsque vous regardez les film sur la grève des Lip, c’est très clair. Il y a quelque chose qui se passe dans le groupe et qui précipite la subjectivation des gens qui participent à l’expérience.

    LVSL – Les gilets jaunes aussi oui …

    F G-G – Oui, l’enjeu c’est de produire les conditions institutionnelles qui vont permettre cette émergence subjective. On ne peut pas le décréter mais on peut faire des choses qui vont favoriser l’émergence de ces transformations dans les autres pratiques. Voyez, un psychiatre qui fait les chiottes c’est très très rare et on ne l’imagine pas mais cela produit un effet, aussi d’angoisses peut-être pour certains, qui ont besoin d’une puissante figure symbolique, cela rend compte aussi de leur histoire personnelle. Et tout cela s’analyse et peut être modifié et c’est tout le pari d’une transformation où les acteurs participent de la transformation groupale elle-même. C’est la question des conditions qui est posée plutôt que la question d’une décision. Et il faut que le chef renonce in fine à son pouvoir au profit du pouvoir du collectif. L’enjeu c’est que l’on doit pouvoir généraliser l’analyse institutionnelle à tous les secteurs socio-économiques et politiques.

    LVSL – Christopher Lasch (1932-1994), dans La Culture du Narcissisme : la vie américaine à un âge de déclin des espérances, explique que, dans la civilisation occidentale, le narcissisme n’est plus seulement un trait de caractère, mais un trait de la culture. L’individu, confronté perpétuellement à des angoisses, qu’elles soient d’ordre personnelles ou collectives, chercherait, par le plaisir éphémère que procure la consommation de la marchandise, à se distancier de celles-ci, bloquant toute idée d’altruisme et in fine toute transformation libératrice de la société. Cette thèse est d’ailleurs reprise par l’extrême droite. Comment vous situez-vous par rapport à cette thèse ? Le désespoir est-il notre seule issue ?

    F G-G – Ce n’est pas étonnant que Lasch soit repris par l’extrême droite. Le pessimisme, je crois, est une faute éthique. Je n’y ai pas pensé avant mais plus j’y pense, plus c’est ce que je me dis. Et encore plus pour un analyste ! Si l’homme est un loup pour l’homme, alors abandonnez tout ! C’est une posture honteuse. Cela ne veut pas dire qu’il faille être benoîtement optimiste. Mais face à la pulsion de mort qui peut se déchaîner dans une société, il n’y a pas à succomber au pessimisme. Il y a à continuer de lutter. Dans un cas on cède et on alimente la pulsion de mort par le pessimisme, dans l’autre on cherche à maintenir et renouveler la cohésion sociale. 

    « C’est très problématique je trouve, qu’un analyste se revendique d’un tel pessimisme fondamental. Pour sa pratique mais même par rapport à la production du savoir analytique. Car en fait, par ces opérations, on nourrit l’impasse. »

    En vérité, ce n’est pas du tout être neutre. Il faut tenir comme Gramsci le disait, pessimisme de la raison, mais optimisme de la volonté, c’est le minimum. Mais personne n’oblige même à un pessimisme théorique. À la rigueur, ce n’est même pas le problème. La question c’est quelle attitude concrète on adopte dans la relation à la société, par rapport à sa propre activité professionnelle et politique. Ce n’est pas une question théorique, ce n’est pas la question métaphysique de l’optimisme et du pessimisme. Plus le temps passe, plus je reçois des gens qui vont mal, j’ai des équipes qui reçoivent des gens qui vont très mal, c’est affreux, ce que j’entends est affreux. Bon. Est-ce que je vais en déduire une nature humaine ? Qu’est-ce que c’est que cette posture pontifiante sur la fin de la civilisation ? Ce sont des curés ! C’est une faute éthique. 

    Dessin de Jacques Lacan

    De ce point de vue là, Lacan a toujours objecté. Dans le texte Télévision, il se dénonce lui-même comme capturé par les objets de consommation et de divertissement, les écrans télévisuels notamment. Mais il ajoute que cela ne peut pas durer éternellement, le pouvoir de séduction de ces objets ne peut pas combler réellement le manque du désir humain. Pire, en renforçant le manque, la perception que « ce n’est pas cela » qui comble, ces objets et la société qui les produit suscitent de plus en plus d’angoisse et de rejet. Et nous ne sommes pas dans une société totalement atone sur le plan politique ! Il faut arrêter de dire que tout va à vau-l’eau. Lacan lui-même disait dans ce texte qu’il n’était pas pessimiste de ce point de vue. Il n’était pas optimiste non plus, mais cela ne l’empêchait pas de réfléchir à la pratique, à la posture éthique de l’analyste face à la société de consommation et aux difficultés spécifiques qu’elle impose aux individus pour entendre leurs désirs. 

    Je crois que le pessimisme freudien est vraiment à circonscrire à cette séquence très particulière, où il était malade, il avait un cancer, où il a eu trente-huit opérations, où il a cru aussi qu’il y avait une possibilité de réforme, qu’enfin on allait sortir de la guerre et que là encore il a perdu un autre fils. Face à un tel déluge de malheur personnel et collectif, on a le droit d’être pessimiste, le problème c’est que lui-même n’accordait pas beaucoup d’importance au Malaise dans la civilisation. Il le dit lui-même, le Malaise de la civilisation, « c’est une digression », « je ne suis pas sûr d’avoir raison »… En revanche, ce qu’on en a fait après, dire que c’est l’acmé de sa théorie etc. là il y a un problème. Rien ne nous dit que Freud, s’il avait vécu plus longtemps et notamment l’après-guerre, aurait maintenu une telle position. 

    C’est très problématique je trouve, qu’un analyste se revendique d’un tel pessimisme fondamental. Pour sa pratique mais même par rapport à la production du savoir analytique. Car en fait, par ces opérations, on nourrit l’impasse. Une telle posture parle surtout de la situation personnelle de celui qui la développe, plutôt que de la vérité du social. La vérité du social, on n’en sait rien, elle est toujours à discuter, à remettre en jeu. 

    L’expérience de Tosquelles de ce point de vue-là est tout à fait paradigmatique puisqu’il invente, entre guillemets, la psychothérapie institutionnelle en période de guerre. Dans les camps, à Saint-Alban, sous le régime pétainiste, vous voyez. Donc, le pessimisme intégral est une lâcheté, pas une posture raisonnable. L’analyste sait que partout où il y a oppression, il y a résistance. 
    Le problème des analystes je crois que c’est qu’ils lisent des très mauvais sociologues et que les sociologues lisent de très mauvais analystes. Ils ont une vision apocalyptique. Ils la mettent en théorie. Ils ne la questionnent pas. C’est un problème éthique car ils ne questionnent pas les effets politiques d’une telle vision du monde qui n’est pas neutre. Vous voyez c’est comme quand René Laforgue à la fin des années 1920 justifiait la violence faite aux masses parce qu’il postulait qu’il y avait un désir sadomasochiste dans les masses. C’est du psychanalysme ça. On produit une théorie très savante pour justifier la violence sociale. Cela servait à quoi d’être théoricien ? Bon peut-être à avoir plus d’argent, à être plus proche du pouvoir. Un théoricien n’est pas forcément quelqu’un de progressiste.

    LVSL – Dans le « discours de l’université », il y a aussi le « discours du maître » selon Lacan …

    F G-G – Oui mais parfois ce ne sont même pas des universitaires et c’est encore plus problématique. Ils ne parlent même pas au nom de l’université mais parfois au nom de la psychanalyse avec un grand P. Ils parlent au nom de l’inconscient. Mais de quoi parlent-ils ? Et souvent, c’est très problématique car il y a plus d’ouverture et de possibilités pour penser dans les universités que dans les écoles analytiques. Donc il y a ici un problème d’hégémonie idéologique au niveau de la production du savoir psychopathologique… Il faut interroger ces manières d’articuler les concepts analytiques pour produire des visions apocalyptiques et interroger les intérêts particuliers de ceux qui les produisent. Qu’est-ce qu’ils nourrissent en faisant cela ? Et même, on peut les interroger éthiquement, du point de vue de l’éthique analytique.

    LVSL – Merci à vous pour cet entretien.

    F G-G – Merci à vous.

    Le livre Histoire populaire de la psychanalyse de Florent Gabarron-Garcia