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Bizarre, qu’on puisse taxer les HLM mais pas les super profits...

Lien publiée le 10 septembre 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Bizarre, qu'on puisse taxer les HLM mais pas les super profits... | Le Club (mediapart.fr)

C'est compliqué, de taxer les super profits, vous ne voudriez tout de même pas qu'on se retrouve avec une usine à gaz comme seule l'administration française sait en produire ?!

Dans le débat sur la taxation des super profits, revient souvent l'idée que c'est compliqué, ma pauvre, et un brin démagogique, aussi, que de toujours vouloir s'en prendre à ceux qui s'enrichissent. Surtout dans un pays comme le nôtre, tellement étouffé par les impôts, les charges sociales et les cotisations, confère les États-Unis où il fait si bon vivre, surtout quand on est pauvre et malade.

Il me souvient pourtant qu'en 2018, un peu après le couac des 5€ de baisse des APL (aides personnalisées au logement) de la fin 2017, fut inventée la RLS, acronyme barbare pour désigner une mesure apparemment très généreuse : la "réduction de loyer de solidarité", ce qui est beau comme un poème du ministère de l'économie et des finances...

Mais quézaco, me direz-vous ?

Eh bien, si l'on en croit 3W-point-le-gouvernement, c'est très facile à comprendre : "La "réduction de loyer de solidarité" (RLS), c'est simple. C'est une aide de l’État mise en place depuis février 2018 afin de diminuer le montant du loyer des foyers les plus précaires."

Hum...

Une "aide mise en place", c'est déjà un peu abuser, parce que c'est plus exactement un mécanisme destiné à compenser une nouvelle baisse des APL, décidée par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2018 et dont l'objectif n'était pas tant de "réduire le loyer des foyers les plus précaires" que de dégonfler le montant des aides budgétaires, à savoir le pognon de dingue versé aux ménages. Soyons justes, alors que les 5€ n'ont jamais été compensés, l'économie de près de 800 M€ réalisée sur le montant des APL versé aux ménages locataires d'un logement social en 2018 a été plus que neutralisée : l'aide personnelle a baissé, mais d'un montant moindre (90 à 98%) que la baisse de loyer imposée aux bailleurs sociaux. En gros, c'est ça, la RLS : le montant de l'aide baisse, mais le loyer baisse au moins autant, voire un peu plus, donc pas de souci pour le locataire.

De combien ? c'est là que ça se complique. Pour déterminer le montant de la baisse, on va partir de l'économie souhaitée, par exemple 800 M€, que l'on va diviser par le total des loyers des locataires HLM touchant l'APL, en n'oubliant pas que l'aide est territorialisée en trois zones et "familialisée", ce qui donnera par exemple 52,24€ en zone 1 pour un bénéficiaire isolé mais 63,29€ pour un couple sans personne à charge, 71,33€ avec une personne à charge et 10,05€ par personne à charge supplémentaire, mais seulement 9,04€ ou 8,04€ de plus si l'on se trouve en zone 2 ou 3, le tout étant très correctement rédigé dans des décrets et des arrêtés et régulièrement mis à jour - c'est à ça que servent les fonctionnaires -, j'espère que vous suivez... Bien entendu, il faudra écrire tout ça dans les textes relatifs aux APL, dans ceux relatifs aux HLM, en n'oubliant pas toutes les consultations nécessaires et la circonstance que la baisse de loyer n'équivaut pas exactement à la baisse de l'APL, ce qui complique l'équation et fait du dispositif une usine à gaz, mais au final, c'est le jackpot : entre 800 M€ et 1,5 Mds d'économisés sur le budget de l’État. 

Petit souci, qui paye ? J'ai bien relu mes cours de microéconomie et je me souviens que, dans une optique néolibérale, il n'y a jamais de "repas gratuit" ou de "free rider"...

– Ben, c'est les bailleurs sociaux, on ne va pas les plaindre...
– Certes, mais si j'ai bien compris le mécanisme, ceux d'entre eux qui ont le plus de locataires bénéficiaires des APL, c'est à dire pauvres, vont y perdre plus que les autres, non ? Vu que les loyers, c'est quand même leur chiffre d'affaires ? Et donc, ça ne va pas les encourager à loger les plus pauvres ?
– Non mais ça, alors ça c'est pas grave, on va compenser. Si la baisse moyenne est de 4%, on ramènera tout le monde à la moyenne de la baisse, dès lors qu'ils la dépassent ou l'inverse, par une baisse équivalente, ou l'inverse, de leurs cotisations obligatoires à leur caisse de garantie et... ainsi le tour est joué.
– C'est pas un peu compliqué ?
– Mais non, juste une petite itération, vu qu'on ne connaît pas encore le montant de la baisse par organisme, et donc pas la moyenne de la baisse, mais je te sors l'équation les doigts dans le nez...
– Tu veux dire une compensation de la compensation de la diminution ? On est loin de l'optimum de Pareto, à mon avis.
– Fais pas chier, c'est pas ça, le sujet. Le sujet, c'est de racler un milliard cinq.

Au final, les montants définis furent seulement de 800 M€ en 2018 et 2019, puis de 1,3 Mds€ en 2021 et 2022. Pour 2023, on verra bientôt.

Les conséquences, je ne sais pas. Comme l'écrivait la Cour des comptes dans un référé de 2021"Trois ans après le vote de la disposition, l’ensemble des impacts de la réduction de loyer de solidarité ne peut être encore complètement mesuré."

J’ajoute que ça n’a choqué personne, à la différence des cinq euros, parce que c’était beaucoup trop difficile à comprendre. Il faut dire que les organismes HLM, quel que soit leur statut (offices publics, SA Hlm, coopératives), ainsi que les sociétés d'économie mixte qui font du logement social, sont des entreprises comme les autres, à la différence près qu'ils ne versent pas de dividendes à leurs actionnaires et qu'ils fonctionnent en quelque sorte en circuit fermé : tout ce qu'ils gagnent est réinvesti, soit dans la réhabilitation du parc de logements, soit dans la construction. Leur structure financière est également spécifique, en ce sens qu'à part les loyers, qui déterminent largement leur autofinancement, ils peuvent compter sur des subventions publiques à l'opération (de l’État, de moins en moins ; des collectivités locales, de plus en plus) et, surtout, sur les prêts à très long terme que leur accorde la Caisse des dépôts et consignations (CDC) grâce aux ressources à très court terme de nos livrets A. Résultat, si leur autofinancement baisse sous l'effet d'une taille de 1,3 Md€ de leurs loyers, c'est forcément plus de subventions publiques ou plus d'endettement, pour un même niveau de réhabilitation et de construction ou, à défaut, une baisse de la production ?

Ben oui, à moins que...

Si l'on en croit l'argumentaire du ministère de l'économie et des finances en réponse au référé de la Cour, tout est dans le "à moins que...". Dans ce très joli poème daté de février 2021, on peut lire que la réforme a contribué à "réduire les inefficiences du secteur" et qu'une telle rationalisation constitue "une source pérenne d'économies". Le sous-jacent est que les bailleurs sociaux sont assis sur un tas d'or et, quant à la baisse des investissements en 2019, elle est surtout liée au cycle électoral, tandis que les retards du programme de renouvellement urbain s'expliquent par "les modalités de déclenchement inhérentes à ces projets", ce que l'agence qui en est chargée s'attache d'ailleurs à "fluidifier".

C'est en partie vrai, reconnaissons-le. Il existe bien un cycle électoral, que l'on peut résumer simplement par l'adage "Maire bâtisseur, maire battu", et différents rapports vont même jusqu'à parler d'une "dévalorisation de l'acte de construire", ce que la suppression de la taxe d’habitation ne risque pas d’améliorer. Puisque cela ne rapporte plus rien, pourquoi se fatiguer à augmenter le nombre de logements ? Les gens pleurent beaucoup tant qu’ils cherchent le leur, mais une fois bien assis dans leur « havre de paix », ils n’ont aucune envie que des hordes de nouveaux habitants viennent troubler leur sommeil. Les modalités d'instruction des dossiers de rénovation urbaine sont particulièrement complexes et l'on ne saurait expliquer les résultats décevants de la construction et de la réhabilitation de logements sociaux uniquement par des soucis de financement. Dans le même temps, il est clair que les bailleurs sociaux ont fait des efforts de gestion et on ne peut que les en féliciter, au regard de la surcomplexité liée à la réforme. Il n'en demeure pas moins que justifier la captation annuelle d'un milliard d'euros par de la "réduction d'inefficiences", faut du souffle, ça relève du catéchisme. Surtout quand la réforme s'est traduite par une telle avalanche de complexité de gestion. Surtout quand on le lit sous la plume de jeunes gens, certes brillants, mais qui, à mon avis, n'ont jamais géré une queue de cerise, pas plus dans le privé que dans le public.

D'où ma grande perplexité, à lire le catéchisme à l'envers.
N'est-ce pas, Bruno Le Maire ?

Je ne sais pas ce que c'est qu'un super profit.
Je sais que les entreprises doivent être profitables, c'est tout ce que je sais.
Taxer plus, c'est produire moins...

Comme chacun le sait, la géométrie, c’est variable.