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Coolio, recalé du paradis des gangsters
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Coolio, recalé du paradis des gangsters – Gonzaï (gonzai.com)
A l’inverse de tous les rappeurs dont les rimes se rident souvent avec l’âge, Coolio était ringard depuis le départ. Et c’est certainement ce qui rend la vie de l’auteur de Gangsta’s Paradise mille fois plus passionnante que toutes les success stories du rap américain. Vingt ans après les faits, voici comment un tube a transformé sa vie en enfer.
A force de chercher, j’ai fini par la retrouver. Elle est là, perdue dans la pile de Cds qui meurent lentement en silence sous une imprimante : la pochette du Gangsta’s Paradise de Coolio. L’image est un peu jaunie, le disque pas mal rayé, le souvenir, lui, intact.
Nous sommes dans les années 90. Tous les weekends, je viens claquer à la Fnac du coin mes maigres économies dans ce qui ressemble à un début de discothèque grâce à la dernière invention de l’industrie du disque encore à son sommet : le Cd single. L’avantage par rapport au format album, c’est qu’il n’est pas cher et peut s’écouter en boucle. Un disque replay, en somme. Le pire de l’époque ? Je l’ai acheté : single de Michael Jackson (Scream, en featuring avec Janet), les Boyz II Men (désolé), Alliance Ethnik (Simple et funky), Warren G (Regulate) avouons-le, c’est la débâcle du bon goût, un Verdun G-funk. Mais bon, il faut bien commencer quelque part, non ?
En 1995. Michael Jordan vient de faire son grand retour, je vole des magazines de basket au kiosque du coin et j’écoute désormais un nouveau single après l’avoir certainement découvert en rotation lourde sur M6 : Gangsta’s Paradise d’un dénommé Coolio. Ce mec là, premier rappeur international pour les blancs, avec ses dreads ridicules et son flow pavillonnaire, a marqué mon adolescence. Comme celle de beaucoup de gamins j’imagine. Le titre est depuis entré au panthéon des chansons abominables qu’on a tant adoré quand on n’avait pas encore le cerveau gavé de bonnes références. Et même si je découvrirai plus tard, déçu, que le titre original est de Stevie Wonder, je continue encore aujourd’hui à penser, 24 ans plus tard, que la version de Coolio reste supérieure au Pastime paradise extrait du double album « Songs in the key of life » de Stevie. D’ailleurs pas besoin d’être aveugle pour être complètement paumé ; la suite de la carrière de Coolio le prouvera aisément.
Coolio comme ghetto
Si Gangsta’s Paradise s’est écoulé à 6 millions d’exemplaires dans le monde, au point qu’on en parle encore aujourd’hui, c’est d’abord grâce à un second rôle : L.V., aka Larry Sanders. Lui, j’ai acheté sa K7 l’année suivante. J’ai même tenté de la réécouter en tapant ce papier ; ça ne vaut pas tripette, c’est marrant comme certains disques semblent bien meilleurs quand on ne les écoute plus. Mais tout cela pour dire que le hit Gangsta’s Paradise, c’est d’abord le sien. Les chœurs, qui font tout le sel du single de Coolio, c’est lui. En intensifiant ceux du titre original, en les faisant sonner comme un hymne de prison entonné par des chanteurs de gospel condamnés à perpet’, LV insufflera une dimension dramatique qui sera pour beaucoup dans le succès mondial du morceau. « On trainait tout le temps dans la piaule du producteur Doug Rasheed expliquera L.V. en 2015 à Rolling Stone, un jour il est retombé sur son exemplaire de ‘’Songs in the Key of Life’’ et l’a échantilloné en me proposant de poser ma version, donc je suis venu chanter Pastime Paradise, mais je l’ai ensuite changé pour Gangsta’s Paradise. En fait, tous les coeurs que vous entendez là dessus sont de moi – j’ai fait toutes les parties, du soprano au ténor en passant par la basse. Après ça, Doug et moi on s’est demandé qui pourrait rapper là dessus; Doug a propose que j’en fasse mon morceau mais j’ai protesté : ‘’non mec, il faut un rappeur ! » Et c’est comme ça que j’ai pensé à Coolio”. A cette époque, le manager Coolio (Paul Stewart) squatte le même appartement que Doug Rasheed. L’histoire va vite s’emballer.
Coolio comme Julio
Artis Leon Ivey Jr est né à Compton, fief des rappeurs les plus marquants des 20 dernières années. Dr Dre, Ice Cube, N.W.A. ou encore Kendrick Lamar y ont grandi. C’est le berceau du Gangsta Rap ; l’endroit où les hochets ont été remplacés par des flingues. C’est dans cette ville du comté de Los Angeles qu’Artis va devenir quelqu’un. Il a d’abord fait ses armes (sic) au sein du groupe hip hop WC and the Maad Circle (re sic) signé chez Pay Day Records (re re sic). Comme les héros Marvel, Artis Leon comprend qu’il doit endosser un costume : ayant gagné le surnom de « Coolio Iglesias » grâce à son flow west coast, le gamin met du gel sur ses dreads et c’est un peu Black Panther avant l’heure pour celui que personne n’attend encore au tournant. En 1994, le titre G-funk Fantastic Voyage lui permet de se tailler une petite place dans le Gangsta Rap, un genre musical à peine aussi grand qu’une petite cellule de prison – ses rappeurs viendront bientôt y croupir à force de règlements de compte. Pour Coolio, c’est un premier disque de platine. Mais rien de comparable avec ce qui l’attend au paradis des gangsters.
« L’autre condition de Stevie Wonder pour autoriser la commercialisation du titre, c ‘était qu’il voulait 95% des éditions ! »
Avec L.V. et Doug Rasheed, Coolio prépare secrètement ce qui va devenir le morceau de 1995. Mais pour cela, il faut d’abord clearer les droits et demander audience à Stevie Wonder. Coup de bol : la nana de Coolio connaît le frère de Wonder ! Mais l’aveugle ne l’entend pas de cette oreille : le sample de Pastime Paradise ne passe pas, la reprise est jugée trop vulgaire, trop violente (Stevie Wonder qualifiera la reprise de « hood song », chanson ghetto en V.F.). Alors Coolio revoit sa copie : « j’ai dû gommer deux passages avec le “N Word” [Nigger, Ndr] et une ligne de texte où il était écrit « Fucked in the ass » Stevie m’a finalement dit que si je retirais ça, il donnerait son accord. L’autre condition, c‘était qu’il voulait 95% des éditions sur le titre ! Si j’avais su cela, je ne suis pas sûr que je l’aurais fait.”. Après avoir revu ses valeurs à la baisse et baissé la culotte du Gangsta Rap, Coolio semble finalement prêt à passer à la caisse. Au paradis des gangsters, pas besoin d’avoir une éthique.
Coolio comme blanc de peau
Même époque, quelques pâtés de maison plus loin : Tupac envoie une lettre à Madonna pour lui signifier leur rupture. Le motif est doublement clair : elle est blanche, il est noir. Une différence notable qui, de l’aveu du futur mort, est problématique pour sa fanbase. Coolio, lui n’a pas les mêmes cas de conscience : d’abord prévu pour apparaitre sur la B.O. de Bad Boys (avec Will Smith), le titre atterrit finalement sur celle de Dangerous Minds, un film avec Michelle Pfeiffer où celle-ci incarne une prof tentant de remettre des gamins défavorisés d’une école défavorisée de Los Angeles dans le droit chemin. La comptine colonialiste par excellence, celle où des blancs éduqués apprennent à des sauvageons noirs comment se comporter. White Niggers, With Attitude. Coolio s’en fout.
« Je ne crois pas que Pfeiffer avait jamais vu autant de renois dans sa vie »
Quand Gangsta’s Paradise sort finalement en plein été, le 9 aout 1995, c’est un raz de marée. Dans le clip, Coolio interpelle, à la limite de l’agression, une Pfeiffer quelque peu terrorisée par tant de violence; il y est question de rédemption, d’ascenseur social et d’espoir mais sans gros mots dans le texte. « Je ne crois pas que Pfeiffer avait jamais vu autant de renois dans sa vie » confiera plus tard Coolio à propos du tournage du clip, elle avait l’air nerveuse avec autant de gens de couleur autour d’elle”.
Il est vrai qu’à cette époque, blanc et noir s’accordent encore mal sur la télé en couleurs. Alors un noir inconnu insultant une actrice hollywoodienne fraichement couronnée pour son rôle de tigresse dans Batman, ça la fout mal… enfin bon, les paroles ont été lissées juste ce qu’il faut et Dangerous Minds comporte une morale à l’américaine avec un message très United Colors of Benetton. En bons pères de la société du divertissement, les dirigeants du cathodique donnent leur accord pour une diffusion planétaire de ce qui va devenir le carton de 1995.
C’est bien joué pour Coolio et sa clique : Gangsta’s Paradise obtient le Grammy de la meilleure performance rap en solo et glane deux MTV Video Awards après être devenu numéro 1 dans 16 pays. Il incarnera le métissage soft et permettra au rappeur de Compton de se faire un nom pendant que le vieux Stevie s’en mettra plein les fouilles en se rachetant une caution chez les jeunes. Hasard ou pas, il sort la même année son premier album depuis 1995. Le plus drôle étant qu’au moment de l’enregistrement de Gangsta’s Paradise, Coolio connaissait « vaguement » le titre original.
Coolio comme blaireau
C’est le chapitre nommé “La descente”. Dans la foulée de l’album “Gangsta’s paradise”, où aucun titre ne se hissera au niveau du hit éponyme, Coolio publie en 1997 “My Soul”, un disque de trop (ce n’est que le deuxième) qui se fait voler la vedette par celui de Puff Daddy, où l’on trouve encore une fois un pillage (le Every breath you take de Police qui donne naissance à I’ll be missing you). En moins de deux ans, les dreads de Coolio ont fané, le G-Funk est dead, comme Tupac. Même la reprise du canon de Pachelbel, en clôture sur C U when U get there, est un flop. Pour tromper l’ennui et certainement évacuer sa frustration, Coolio et sept potes dévalisent un magasin la même année en tabassant au passage le propriétaire. Rise & fall of a butterfly. Coolio est coulé.
Comme pour Doc Gyneco – auteur d’un seul véritable album dont la rumeur prétend qu’il aurait été écrit par un dealer chez EMI – Coolio était un one-hit wonder. L’homme d’un seul tube. La suite, ce sera une succession d’errances. D’abord avec la star de la télé-réalité Afida Turner, puis dans une emission de cuisine nommée Cookin’ with Coolio, plus tard adaptée en livre. Comme tous les participants de ce genre d’émissions, et plus globalement comme tous les chanteurs en plastique ayant au moins une fois goûté au succès, le rappeur enchaîne les apparitions pour éviter de se retrouver hors-champ, d’abord dans Celebrity Big Brother aux côtés de LaToya Jackson et du nain d’Austin Power, puis en 2013 dans Wife Swap où la seule règle du jeu consiste à échanger sa femme avec celle d’un autre candidat. La même année, coïncidence ou pas, Coolio est arrêté le 1er avril après avoir être rentré au domicile conjugal avec une autre femme que la sienne. Sa petite amie officielle, forcément un peu énervée par cette infidélité nocturne, se verra rouler dessus par la voiture de Coolio, et tout cela sous les yeux de l’enfant de cette dernière. Dans son élan, le rappeur accepte trois ans plus tard une participation à la tournée des vieilles gloires dans I love the 90’s ; une espèce d’incinération de son vivant où l’ex idole apparaît gras, ridé et chauve avec deux petites couettes qui sortent de sa casquette. Sur scène, plus aucune limite : Coolio profite d’un break pour s’administrer une dose de spray contre l’asthme. C’est tellement moche que c’est beau.
Coolio comme héros
Arrivé à ce stade d’une histoire qui n’aura finalement duré que deux mois, le temps d’un tube mondial, tout porterait à croire qu’on a définitivement touché le fond. Mais non, une trappe était dissimulée dans la carrière de ce gamin sans casier qui avait décidé de vivre comme dans sa chanson : refusant encore et toujours le retour à l’anonymat, Coolio se fait choper en 2016 à l’aéroport de Los Angeles pour un port d’arme illégal (le pistolet était chargé et qui plus est volé) qui lui vaudra 45 jours de travaux d’intérêts généraux ainsi qu’une période de 3 ans de probation. Sur le coup, pas sûr qu’Artis Leon Ivey Jr ait compris toute l’ironie psychanalytique de son comportement : c’est ici même, à l’aéroport de Los Angeles, qu’il fit ses débuts 20 ans plus tôt en tant que vigile.
« As I walk through the valley of the shadow of death / I take a look at my life and realize there’s nothin’ left ». Ca, ce sont les deux premiers vers de Gangsta’s paradise, et ils disent tout de l’enfer vécu toute sa vie par Coolio, aujourd’hui 55 ans et toujours otage d’un morceau qu’il n’a même pas écrit. Mais les vrais tubes sont plus forts que leurs auteurs ; ils vous tuent et vous rendent immortels, c’est leur force et leur faiblesse. Ces jours-ci, notre rappeur au destin digne d’une tragédie grecque est finalement revenu à la vie grâce à un personnage qu’on n’a pas vu arriver. Et pour cause : c’est Sonic le hérisson, dont la future adaptation au cinéma a permis à des millions de gamins de redécouvrir Gangsta’s Paradise dans le trailer du film. Pour Coolio, c’est l’équivalent d’un shoot d’héroïne après sevrage : grâce à cette résurrection le nombre d’écoutes de son morceau aurait augmenté de 237 % sur Spotify (soit 11 millions de streams en une semaine). Et tout cela grâce à un super-héros imaginaire. Avec des cheveux en pic.