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Récit de la manif contre la mega-bassine de Sainte-Soline
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La guerre de l’eau aura bien lieu. Samedi 30 octobre, 7000 personnes se sont retrouvées dans les Deux-Sèvres à l’appel des Soulèvements de la terre pour s’opposer à la construction d’une Méga-Bassine sur la commune de Sainte-Soline. Malgré la présence de 1700 policiers et de 6 hélicoptères, trois cortèges distincts se sont élancés et sont parvenus à percer le dispositif jusqu’à rejoindre le chantier vidé préalablement de toutes ses machines. Le lendemain, c’est un des tuyaux d’alimentation de la bassine qui a été déterrée puis démontée par les opposants. Une vigie a aussi été construite sur un terrain proche détenu par un paysan sympathisant. Elle servira à observer les oiseaux et à surveiller l’avancée des travaux. Nous avons reçu ce texte qui revient sur la journée de samedi, son déroulé et ses enjeux.
Ce week-end, nous avons complètement débordé le dispositif de maintien de l’ordre à Sainte-Soline. Son objectif était clair : nous empêcher d’atteindre le chantier de la bassine. Nous avons arraché les grilles et accédé à cet endroit tant protégé. Nous n’y avons pas trouvé grand-chose mais ce que nous avons vécu pour l’atteindre marquera nos combats à venir.
C’était annoncé et honnêtement ça paraissait compliqué, atteindre le fameux chantier. En pleine zone rouge, depuis le camp installé, on s’est réparti en trois cortèges pour y aller. Le dispositif était pourtant gros, 1700 gendarmes, 6 hélicos, mais nous l’avons fait : l’intégralité (ou presque) d’un des cortèges a atteint le site.
Pour cela, il a fallu en passer des niveaux. Level 1, première route, premier barrage, il faut se mettre rapidement en mouvement, et donner le rythme. Level 2, la départementale, celle-là on savait que ce serait compliqué. Level 3, celui du camion bâché qui fait demi-tour en panique. Level 4, la route avec le fossé à traverser. Level 5, le boss final, réussir à pénétrer sur le chantier.
C’est en fait toujours un peu la même recette qui a fonctionné. Les gendarmes tiennent le terrain mais se déplacent lentement. Dans notre cortège, environ 1500 personnes, ça prend aussi du temps. Il faut trouver l’ouverture et la tenir suffisamment pour que le cortège entier puisse passer. Au bout d’un moment, on avait trouvé le truc, on court à droite, et hop on bifurque à gauche pour les prendre de revers. Dès qu’une percée est possible, les plus rapides d’entre nous s’engouffrent. Pendant que certains attaquent les gendarmes qui arrivent d’un côté, d’autres tiennent la route et empêchent leurs collègues d’arriver de l’autre. Grosso modo, c’était ça.
Ca paraitrait presque facile, ça ne l’était pas. Il a fallu tenir et courir tous ensemble dans les champs sous les gaz, il a fallu aller au contact pour que les gendarmes nous laissent passer, il a fallu les dissuader de charger, il a fallu franchir des fossés ensemble au pas de course, il a fallu s’attaquer à leurs fourgons, il a fallu les empêcher de nous séparer. Après le niveau 3, les flics se sont mis à utiliser des grenades assourdissantes, nouvelle difficulté et pas des moindres. Les détonations et les explosions ne devaient pas nous décourager d’avancer, mais il fallait aussi nous protéger. Tout ça, toujours en courant, toujours à 1500. Les deux autres cortèges sont arrivés en soutien au moment de nous retirer du chantier, ce qui a permis de tous pouvoir sortir.
On a réussi là quelque chose de vraiment inédit, traverser à plusieurs reprises des lignes de flics. Ce qu’on a atteint est finalement assez symbolique là où notre victoire sur le dispositif ne l’était pas du tout, symbolique. Pas de chantier à saboter, pas de dégât matériel qui les empêcherait de continuer, mais un nouvel état de fait : si on veut passer, on passe. Il faut aller au bout de cette nouvelle conclusion et ne surtout pas minimiser cette victoire de notre côté.
Cet élan qui a conduit tant de gens à se surpasser dans ces champs peut, de loin, paraître incompréhensible : vraiment, tout ça pour une bassine ? Pourquoi prendre tant de risques contre cette aberration là plutôt qu’une autre ? Ce qui s’est joué là, c’est la possibilité de tenir un rapport de force, c’est la cristallisation en un point d’un refus bien plus grand. Les 1500 personnes du cortège de samedi ont vécu un de ces moments où quelque chose qui paraissait impossible advient. Une déception pourrait être rationnelle arrivés dans le « chantier » : tout ça pour ça ? Mais ce que ça ouvre pour la suite n’est pas prévisible.
Parmi nous, nombreux ont été blessés, certains se sont fait arrêter. C’est là que le jeu s’arrête, c’est là où il faut être fort et se soutenir pour que ces intimidations n’entachent pas notre détermination à venir. Tout ça n’est en rien comparable avec les blessures de ceux qui n’ont fait que leur métier. Avec des victoires comme celle de samedi, les forces de ceux qui maintiennent l’ordre vont devoir se défendre, nous continuerons d’attaquer.