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Eclatement du NPA : éléments pour un rapport d’autopsie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le week-end des 9 au 11 décembre a été marqué en France par la scission médiatisée du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Nouveau ? Pas tout à fait : ce parti était né il y a près de 14 ans, mais portait toujours un nom voué à disparaitre… En 1995, le Secrétariat Unifié de la 4e Internationale[1], après la restauration du capitalisme en URSS et en Europe de l’Est, faisait un virage stratégique et décidait de construire des partis anticapitalistes larges. Plusieurs expériences avaient commencé. Sa section française, la LCR, se dissolvait en 2009 dans le NPA, qui se voulait large. Il vaut la peine de revenir sur les derniers évènements (ici à partir du printemps 2021) et sur le logiciel politique de cette organisation, laquelle a suscité internationalement beaucoup d’intérêt voire d’admiration lors de son émergence.
Par: Michael Lenoir
La crise du NPA et le 5e Congrès
Le premier quinquennat de Macron a fait beaucoup de mal, y compris au NPA ! Le contexte général s’y est ajouté pour amplifier les difficultés du parti. Après des mouvements sociaux majeurs – finalement vaincus – en début de quinquennat (Gilets jaunes, grèves pour les retraites), la crise du Covid-19 avec ses mesures sanitaires, le recul des luttes et les difficultés de fonctionnement qu’elle induisait, poussaient un NPA très divisé à ajourner plusieurs fois son 5e congrès. Le 4e s’était tenu en février 2018, alors que statutairement, il ne doit pas y avoir plus de deux ans entre deux congrès. A un an de la présidentielle 2022, le NPA ne savait toujours pas quoi décider pour cette élection ; beaucoup dans le parti pensaient d’ailleurs qu’il était mieux ne pas y participer.
Le NPA face à la séquence électorale de 2022
C’est dans ce contexte qu’en avril 2021, le CCR[2] décide de présenter la « pré-candidature » d’Anasse Kazib pour le NPA, un choix rendu public auprès de la frange sympathisante du CCR, mais refusé par la majorité de la direction du parti. Les tensions s’avivent entre CCR et direction du NPA. En juin 2021, celle-ci pousse le CCR vers la porte, lui empêchant l’accès à certaines conférences électives du NPA pour la présidentielle d’avril 2022. Munie d’une base souvent très jeune et assez peu intéressée à débattre avec la direction d’un parti qui n’en veut pas, le CCR choisit de ne pas aller à l’affrontement (potentiellement violent), d’éviter ainsi une exclusion formelle, et quitte le NPA, l’amputant de quelque 300 militant.es, d’ailleurs très peu soutenu.es par les divers autres courants de la gauche du parti. Cette rupture restitue mécaniquement la majorité à une direction historique du NPA qui était jusqu’alors minoritaire à la base et au CPN (le « parlement » du parti). Le CCR (« Révolution Permanente ») se lance seul dans l’aventure de la présidentielle, mais Anasse Kazib ne parvient pas à obtenir les 500 signatures d’élu.es[3]. Le CCR se dirige alors vers la création d’un parti révolutionnaire des travailleurs. Celui-ci a vu le jour tout récemment, des 16 au 18 décembre derniers.
Une fois le CCR mis dehors, il restait à définir quelle politique le NPA allait mener pour la présidentielle de 2022. Finalement, une majorité se constituait autour d’une nouvelle campagne Poutou, en dépit d’un manque d’entrain assez palpable au sein du parti, et malgré la tiédeur du candidat lui-même à la perspective de rempiler pour la troisième fois. L’argument était que Poutou était déjà médiatisé et qu’une candidature inconnue du grand public pourrait compliquer encore les choses pour le NPA, notamment pour recueillir les fameuses 500 signatures. Sur ce point, alors que les choses paraissaient mal engagées pour le NPA, les signatures nécessaires arrivaient en nombre suffisant, au tout dernier moment. Pour certain.es, la candidature Poutou sur des thèmes classiques du NPA (soutien aux luttes, nécessité pour les travailleurs/ses et les citoyen.nes de prendre en main celles-ci directement, « tous ensemble », dénonciation des violences policières etc.) devait permettre de recentrer le parti autour de son identité propre, sur une base « anticapitaliste et révolutionnaire », à la gauche de Mélenchon. La candidature Poutou avait déjà assez mal fonctionné en 2012 et 2017, et ne donnait pas de meilleurs résultats électoraux en 2022. Face à Macron et Le Pen, c’est Mélenchon qui incarnait le « vote utile » de gauche, et il passait très près de la qualification pour le second tour. Poutou, malgré la sympathie accrue que recueillait sa candidature, et en dépit d’une assistance en hausse dans les meetings de campagne (et le recrutement consécutif de quelques centaines de militant.es, surtout jeunes, au NPA), en faisait les frais et n’obtenait que moins de 270 000 voix, 0,77% des suffrages[4].
Plus que ce piètre résultat, c’est surtout le choix fait pour les législatives des 12 et 19 juin qui a relancé la crise interne du NPA. Son courant dominant a compris après la présidentielle que LFI[5] constituait la représentation électorale d’une gauche en reconstitution, sur une base anti-libérale. La majorité de la direction exécutive du NPA a donc vite répondu « présente » aux appels de l’Union populaire (UP)[6] pour constituer une alliance pour les législatives. Les discussions avec l’UP et la naissance de la NUPES[7], n’incluant finalement pas le NPA[8] ; mais l’appel de celui-ci à voter pour les candidatures NUPES et à ne pas présenter de candidat.es propres, au moins là où la NUPES n’était pas incarnée par des « socialo »-macron-compatibles ; tout cela a renforcé la division des rangs du NPA entre des choix divergents. Si la direction du NPA décidait finalement de rester en dehors de la NUPES (surtout pour l’insuffisant motif de l’inclusion du PS dans l’alliance), le soutien à des réformistes, et le principe du « programme partagé » de l’alliance faisait l’objet d’un désaccord majeur avec la gauche du parti. Dans son « bastion » des Hauts-de-Seine (à l’ouest de Paris), A&R[9], en particulier, présentait ses propres candidatures NPA dissidentes, contre des candidatures NUPES soutenues par la direction du parti.
Pendant et depuis cette séquence électorale, ce que nous appellerons le « canal historique » du NPA (ou plutôt ce qui en restait après les scissions et départs antérieurs) a poursuivi dans le rapprochement avec la NUPES, et tout particulièrement avec son aile LFI.
La « gauche de combat » et l’approche du 5e congrès
La direction « historique » du NPA veut bâtir une « gauche de combat » avec LFI pour faire face aux échéances de la période : attaques de Macron sur l’indemnisation du chômage et les retraites, défense du pouvoir d’achat des salarié.es, crise écologique, nouvelle poussée de l’extrême droite etc. etc. Comment cette construction est-elle envisagée ? Quelle part d’indépendance ou d’autonomie le petit appareil du NPA devrait y conserver, ou à l’inverse, jusqu’à quel point celui-ci devrait s’y dissoudre ? Ce n’est pas encore clair (y compris pour ses promoteurs/trices).
Mais deux choses sont certaines. En premier lieu la notion de « gauche de combat » (tout comme celle de « gauche radicale ») est parfaitement floue – quel(s) combat(s) ; mené(s) comment ; jusqu’à quel point ? – et donc contribue à obscurcir encore un peu plus non seulement les enjeux programmatiques et stratégiques, mais même les données politiques de la période. En second lieu, c’est autour d’une majorité d’éléments réformistes, opportunément et généreusement baptisés « radicaux », que cette nouvelle structuration pourrait voir le jour. Les militant.es les plus en vue de LFI auxquel.les s’adresse le NPA obéissent à une logique institutionnelle et réformiste : pas question, même en pensée, d’insurrection, de choc brutal avec la bourgeoisie, ni même en général d’expropriation de cette classe nuisible ; ces questions sont ignorées. Comme la direction du NPA n’a jamais trop aimé en parler, ce silence entretenu sur des questions décisives peut permettre de faire croire à un « programme partagé »… sauf que ce programme, dès lors, ne peut être révolutionnaire. En fait, une fois de plus, le courant dominant du NPA se mue en une sorte de « poil à gratter » bienveillant, ou un conseiller politique courtois à la gauche de cette mouvance néoréformiste. Avec ce nouvel œcuménisme « radical », et sous prétexte de « front unique » – concept historico-politique joyeusement galvaudé par la direction du NPA – cette dernière veut nous amener à avaler elle une vilaine bouillie politique déjà goûtée ailleurs, sur la base d’une confusion accrue, idéologique, stratégique et programmatique.
Ces derniers mois ont vu la multiplication des tensions internes et même des prises de parole de cadres ou de dirigeants du NPA en faveur d’une séparation – « à l’amiable » précisait-on souvent – entre le NPA « canal historique » et les fractions de gauche du parti. D’autres élaboraient une discussion pour forcer les trublions d’A&R, de DR[10], de la Fraction[11], à agir avant tout comme membres disciplinés du parti, et à en finir avec une « double appartenance » qui se traduisait par une expression publique indépendante, des finances séparées, des recrutements spécifiques, etc. L’idée avancée était que le NPA devait avoir une politique cohérente et que ce fonctionnement en juxtaposition de petits partis était inefficace, et conduisait même à la paralysie.
Les plateformes en présence
C’est dans ce contexte qu’a été décidée la convocation du 5e Congrès du NPA. Trois plateformes se sont annoncées. A l’initiative de la direction de la tendance ARC[12], la plateforme A (PfA) se mettait en place, avec une contribution initiale intitulée « Ni marasme, ni scission, un congrès pour la refondation »[13]. La direction « historique » du NPA, essentiellement issue de la LCR, s’incarnait dans la PfB, qui voulait un NPA « unitaire et révolutionnaire (…) utile face aux ravages du capitalisme »[14]. Pour la PfC, lancée à l’initiative des deux plus gros courants de la gauche du NPA depuis le départ du CCR (la Fraction et A&R), il fallait « refuser l’éclatement du NPA » et mettre au cœur de celui-ci l’« actualité et l’urgence de la révolution »[15]. La PfC allait aussi être soutenue par DR et « Socialisme ou Barbarie »[16]. La Tendance Claire[17] défendait majoritairement une tout autre option : rejoindre l’UP et y défendre ouvertement une politique communiste révolutionnaire d’opposition ; dans ce contexte, au-delà de contributions où elle exposait ses désaccords avec l’ensemble des plateformes du NPA, la TC décidait de ne pas s’investir dans ce 5e Congrès du NPA, parti dont elle était encore – formellement – membre. Précisons encore qu’une minorité de l’ARC s’alliait avec une minorité de la TC pour s’opposer aux orientations de leurs directions respectives, et ce petit groupe (dénommé Regroupement pour la refondation révolutionnaire du NPA) appelait à un soutien critique à la PfC.
La PfA : arbitre neutre et bienveillant ?
Ce congrès a soulevé la question de « refonder le NPA », souvent complétée par la formule « sur une base révolutionnaire ». La « refondation révolutionnaire du NPA », cheval de bataille de la TC pendant des années, a donc été laissée de côté cette fois par la majorité de cette tendance, mais elle a été mise en avant par l’ARC et en particulier par sa majorité, via la PfA. Comment ? D’abord en affirmant de fausses évidences, à moins qu’il s’agisse de vastes ambiguïtés, comme celle-ci : « il faut d’abord acter que le NPA n’est plus un parti large, occupant l’espace à gauche du social-libéralisme, mais un parti révolutionnaire »[18]. Qu’il faille un parti révolutionnaire, c’est une évidence pour nous. Mais cette formulation de la PfA est très ambiguë, du fait de l’utilisation – dont nous avons du mal à croire qu’elle n’est due qu’à un hasard malencontreux – du verbe « acter ». Deux interprétations sont ici possibles : soit le NPA est déjà un parti révolutionnaire, et il faut l’« acter », au sens d’en tirer toutes les conséquences ; soit il manque au NPA un certain nombre de caractéristiques – sans doute assez peu pour les rédacteurs/trices de la PfA – pour le devenir, et alors le NPA doit changer pour acquérir les caractéristiques manquantes. Dans le premier cas, la PfA se garde bien de démontrer que le NPA est un parti révolutionnaire, et nous verrons plus loin ce qu’il faut en penser ; surtout, comment ne pas se dire que cette logique est parfaitement loufoque : il faudrait refonder (sur une base révolutionnaire) un parti… déjà révolutionnaire ! Dans le second cas, il faudrait que le NPA puisse devenir ce parti révolutionnaire. Est-ce possible ? C’est une question cruciale, mais force est de constater que dans toute sa trajectoire, faite d’oscillations, un tel pas – de géant, selon nous – n’a jamais été sérieusement à l’ordre du jour. Surtout, aujourd’hui, sa direction « historique » tourne le dos à une telle démarche.
La PfA ne veut plus seulement un programme d’urgence pour le NPA, mais un « programme de transition communiste »[19]. Qu’il faille bien plus qu’un programme d’urgence pour faire la différence dans la lutte des classes, c’est une évidence pour des marxistes-révolutionnaires. Que la démarche transitoire soit la bonne, c’est un point fondamental pour des trotskistes. Et la propagande sur une société communiste désirable nous semble, comme à la PfA, nécessaire, même si cela ne fait pas partie d’une démarche transitoire. C’est d’autant plus vrai à un moment où l’horreur capitaliste devient de plus en plus évidente, mais où l’image d’une société alternative peine à sortir de quelques cerveaux politisés. Là où le bât blesse, c’est quand la PfA croit ou fait semblant de croire qu’il pourrait y avoir un consensus au sein du NPA autour de cette démarche… alors que, précisément, le « canal historique » a choisi dès le début d’enterrer cette approche, perçue comme « sectaire », « identitaire » ou autres noms d’oiseaux. Cette contribution de la PfA est écrite alors même qu’il est d’une clarté aveuglante que ce « canal historique » veut avoir les mains libres pour se rapprocher du réformisme de LFI, à l’opposé d’une refondation programmatique révolutionnaire. Précisons-le aussi : les courants de la gauche du NPA comme A&R, DR, la Fraction, n’ont jamais pris au sérieux (jusqu’ici ?) l’élaboration stratégique et programmatique, souvent vue comme un gadget d’intellectuel.les bien loin des travailleurs/ses, voire comme des chiffons de papier. Les congrès précédents avaient mis en lumière qu’une démarche de refondation programmatique s’opposait non seulement aux « historiques », qui prétendaient que le programme du NPA était clair, mais à des courants de gauche qui haussaient les épaules en entendant évoquer cette question ; et la TC a d’ailleurs fait chou blanc dans ce combat.
De plus, la PfA, unitaire pour trois, semble vouloir échanger cette refondation contre une « mise au pas » minimale des courants de gauche, en incitant ceux-ci à s’intégrer plus à la vie du NPA[20]. La PfA, visiblement très soucieuse d’entretenir de bons rapports avec l’appareil du parti, a voulu jouer un rôle d’arbitre entre PfB et PfC. A la première, elle demandait rien de moins que la refondation révolutionnaire du NPA (son programme, ses statuts), ne pouvant ignorer que c’était inenvisageable ; aux courants composant la seconde, de mettre un peu d’eau dans leur vin, d’être moins autonomes et de jouer plus collectif au sein du parti. Restreindre les droits des courants oppositionnels dans un contexte où il existe des divergences stratégiques majeures en son sein, c’est jouer hypocritement l’alliance avec la PfB. Celle-ci ayant un intérêt politique opposé à une refondation révolutionnaire du parti, la PfA pouvait séduire des militant.es du NPA sincèrement désireux/ses d’empêcher l’éclatement de leur parti, mais sa démarche se limitait forcément, au mieux à témoigner devant l’histoire en faisant un vœu pieux ; au pire à un unitarisme benêt refusant de comprendre qui veut quoi, de tirer les leçons de l’histoire du parti et de mettre les divers courants du NPA face à leur réalité et à leurs responsabilités dans la situation explosive à laquelle le parti en était arrivé. On se demande quels choix ce prétendu arbitre va opérer à présent, vers quelle équipe il va se tourner prioritairement, pour jouer quel match…
La PfB, ses manœuvres et ses intentions
A la lecture de la communication publique de la PfB pour ce congrès, on voit qu’elle ruse et prend des précautions pour se couvrir sur sa gauche. Pour remporter le congrès et garder sa légitimité, le « canal historique » devait éviter ou gagner son procès pour allégeance au réformisme. D’où cette insistance répétée sur la « révolution », largement présente, non seulement dans la PfC et la PfA, mais aussi dans la PfB. Pour commencer, le NPA de la PfB se veut « unitaire et révolutionnaire »[21]. Les éléments de langage sont là pour faire croire à une approche réellement marxiste-révolutionnaire : mobilisation et lutte unitaire du prolétariat ; « démarche transitoire » ; et même le « renversement du capitalisme »[22]. Quiconque ne connaitrait pas le courant à la tête de la PfB, ou n’aurait pas observé sa pratique, et/ou ne chercherait pas à saisir les contradictions entre ses propos de congrès et son objectif politique actuel, pourrait, à cette lecture, croire que les critiques venant de sa gauche ne sont que des procès d’intention sectaires. En fait, toute cette prose d’apparence trotskiste orthodoxe est un exercice imposé visant à faire avaler une couleuvre politique qui, objectivement et subjectivement, rampe, visqueuse, vers le réformisme, et donc va dans la direction opposée aux principes et aux références mis en avant. Nous avons affaire à des faussaires, quelque peu honteux toutefois. C’est un trotskisme kitsch, un simili-marxisme révolutionnaire, que l’histoire du NPA démonte largement, et que le projet actuel de la PfB désamorce totalement… Nous y reviendrons.
Mais restons encore un tantinet avec la contribution de la PfB. Pour elle, « la révolution est nécessaire, mais pas de raccourci »[23]. Comment cela, « pas de raccourci » ? On ne trouve pas de réponse dans le texte, mais on lit plus bas des considérations assez justes sur l’état des classes travailleuses, l’offensive de la bourgeoisie etc.[24]. Face à cela, quel « raccourci » faut-il donc éviter ? Le texte en vient alors à la bataille pour l’unité… tout en prétendant maintenir une démarche transitoire[25]. Ici encore, les précautions de langage sont de rigueur, mais si l’on connait l’engeance PfB, on sait qu’il faut s’attendre à des ingrédients plutôt frelatés dans la suite du texte, et surtout dans la mise en œuvre de cette politique. Bataille pour l’unité, pour des fronts unis… Lorsque l’on sait comment la notion de « front uni(que) » a été historiquement foulée aux pieds par le courant dominant de la LCR puis du NPA, l’inquiétude monte. Au lieu de batailles pour mener des campagnes autour de revendications permettant d’associer l’ensemble des organisations de travailleurs/ses, pour mobiliser la classe et la faire gagner, tout en gardant un cadre d’indépendance organisationnelle totale, englobant notamment l’interpellation et la critique des partenaires – car le front unique incorpore des traitres.ses patenté.es – le NPA « canal historique » se contente systématiquement d’appels à une « unité » imprécise, mais qui n’a pas peur d’être aussi stratégique et programmatique, cosignant fréquemment des textes trompeurs parce que parfaitement réformistes ; il s’abstient de mettre en cause les bureaucraties syndicales, de leur poser des exigences, ou d’aider à la mise en place de solutions opposées à leur politique calamiteuse, notamment des cadres d’auto-organisation. « Pas de raccourci » signifie donc qu’il faut, selon la PfB, passer par une phase de regroupement politique avec des réformistes avant que la révolution ne soit possible. Pour quels résultats prévisibles ? Nous allons y revenir.
Il y a encore tromperie sur la marchandise dans le paragraphe intitulé : « la plateforme B dans le prolongement de la campagne Poutou », dont la tonalité est présentée de façon mystificatrice[26]. Certes cette campagne a insisté sur la nécessité d’organiser la classe, avec ses propres outils, pour rompre avec le capitalisme. Mais ce n’est pas ce qui est en jeu à présent. Cette campagne était celle d’un NPA extérieur à la gauche institutionnelle ; le candidat s’est exprimé dans son style habituel, « radical » par rapport à Mélenchon, mais sans jamais toutefois s’inscrire dans une démarche transitoire ni préciser de façon systématique à quoi pourraient ressembler la révolution mondiale et un communisme désirable. Surtout, cette identité radicale du NPA ne peut que régresser beaucoup dans un cadre d’une alliance stratégique et programmatique avec des réformistes, depuis la préparation des législatives. Il y a bel et bien eu un tournant du NPA entre la présidentielle et les législatives, ce que veut masquer la PfB. Mais ce tournant ne vient pas de nulle part…
A mots couverts, la PfB veut embarquer le NPA, au mieux, dans un flirt poussé avec la gauche institutionnelle ; au pire à une recomposition organique entre le NPA et les réformistes jugé.es les plus « radicaux/les » de la NUPES, sous prétexte d’« intervenir sur le champ politique »[27]. Ici encore, on se pince le nez face aux relents d’une marchandise avariée : qu’est-ce qu’intervenir sur le champ politique ? Le NPA n’est-il donc pas intervenu dans le champ politique depuis sa naissance ? N’est-ce pas une formule ronflante pour camoufler un tournant vers les institutions de l’Etat bourgeois, dans une alliance ou un front avec Mélenchon ou ses semblables ? Tel est l’enjeu, mais peut-on croire un seul instant que ces dernier.es veulent vraiment « rompre avec le capitalisme » ou sont prêt.es à la « transformation révolutionnaire de la société » ? Mais pour aller vers ce but, la PfB doit pouvoir compter sur « un parti, pas un front de fractions »[28]. Elle accuse les oppositionnel.les d’empêcher le NPA de mener sa propre politique de parti[29]. La contribution se termine ainsi, plaidant pour « un NPA indépendant, révolutionnaire et ouvert »[30]. Dissimulant donc ici l’arrière-plan de sa politique de rapprochement avec des réformistes, la PfB conclut en faisant porter la faute de la paralysie du parti sur les « fractions », au nom d’un NPA « indépendant » producteur d’une politique « révolutionnaire ouverte ». Cela donne un texte qui, tout entier, suinte l’hypocrisie et l’embrouille.
La PfC, la révolution et l’unité du NPA
La PfC défend certaines positions avec lesquelles nous ne pouvons qu’être d’accord. C’est vrai du principe qui apparait comme central dans sa contribution, qui l’oppose frontalement à la PfB, et qui est énoncé comme suit : « Les révolutionnaires doivent (…) garder toute leur indépendance politique vis-à-vis de la gauche »[31]. La PfC critique l’appel au vote NUPES dès le premier tour des législatives de juin, et la confusion liée à l’agitation autour d’une « gauche de combat »[32]. Vouloir regrouper dans un parti large, ou un front politique, des révolutionnaires, réel.les ou prétendu.es, et des réformistes assumé.es est une lourde erreur qui a montré à quelles débâcles elle conduisait[33]. Nous exprimons aussi notre accord avec d’autres éléments du texte de la PfC, à propos de l’extrême droite[34], ainsi qu’avec le passage sur les dernières vagues de luttes à l’échelle internationale[35].
Mais la suite immédiate du texte surprend quelque peu, quand on connait les rapports des un.es et des autres à l’internationalisme dans le NPA : « Il serait vital que les groupes révolutionnaires qui ont un minimum d’implantation puissent se saisir des opportunités offertes par les situations d’embrasement social et travaillent à l’émergence d’un pôle des révolutionnaires en renforçant leurs liens à l’échelle internationale »[36]. Avec qui former ce pôle, avec quels courants organisés ? Pour créer un courant international de plus ? Sur quelle base politique et avec quel fonctionnement ? Surtout, qu’ont fait pendant des années les principaux courants politiques de la PfC pour favoriser l’émergence d’une internationale révolutionnaire ? La réponse diverge selon ces fractions, mais l’ensemble n’est pas brillant : A&R, scotchée dans le SU-CI, veut y incarner une petite aile gauche, tout en n’hésitant pas à accompagner certains coups bureaucratiques de la majorité de la direction, alors que celle-ci est en état de putréfaction réformiste avancé[37]. La Fraction « L’Etincelle » semble avoir gardé pour l’essentiel les habitudes national-trotskistes de la maison-mère, LO, qui maintient cette conception erronée : on construit d’abord dans son pays, avant de rechercher des contacts internationaux. Si la Fraction remet cela en cause aujourd’hui, c’est une très bonne nouvelle, et il faut chercher à en savoir plus. Pour DR, l’intégration dans le CI s’est faite sur une base plus droitière que pour A&R, avec davantage de recherche de compromis vers le centre de l’internationale. Mais posons une grave question : ces courants pensent-ils sérieusement à reconstruire une 4e internationale dont les principes et le programme ont été piétinés par des courants internationaux prétendus trotskistes, et surtout le SU-CI ? Nous avons peine à y croire, mais nous sommes prêts à être agréablement surpris.
La PfC propose, à l’opposé de la PfB, de « renforcer le camp des révolutionnaires »[38]. Mais la conclusion qu’en tire la PfC, s’élevant contre les menaces de dissolution des tendances et fractions proférées par la PfB, est qu’il faut « d’abord préserver le NPA, un acquis pour notre camp »[39]. C’est là la position de congrès de tous les courants à la gauche de la PfB (donc la PfA et la PfC). Mais est-il si évident qu’il faille continuer à militer dans le même parti qu’un « canal historique » surtout marqué par sa tendance « historique » à brouiller les pistes avec le réformisme ? Le NPA est-il vraiment un « acquis pour notre camp » ? Si oui, à quels moments clés de la lutte des classes cela s’est-il vu ? Le NPA s’est-il construit lors de grands mouvements sociaux ? A-t-il réellement su « rassembler des révolutionnaires de traditions différentes », alors que ces traditions différentes se sont cristallisées dans des luttes de fractions à couteaux tirés depuis des années ? N’est-il pas excessif de parler du recrutement par le NPA d’une nouvelle génération militante ? Et quid de tou.tes ces militant.es qui ont quitté le NPA depuis le début, sur ruptures politiques, par découragement ou lassitude ? Toutes ces questions mériteraient considération, mais venons-en à présent au déroulement et aux résultats du 5e Congrès.
Le 5e Congrès et la scission du NPA
Les participant.es au congrès après la rupture de la PfB. Crédit photo : Libération
Pour 2000 militant.es revendiqué.es, ce sont moins de 1 500 qui ont participé aux votes du congrès. Leurs résultats et l’élection des délégué.es au congrès ont tenu un rôle déterminant dans son issue. En fait, le courant « historique » (PfB), redevenu mécaniquement majoritaire dans le parti et à sa direction nationale après le départ du CCR, n’a obtenu que le même score (48,50%) qu’au congrès de 2018. Son influence dans le NPA a donc reculé depuis juin 2021. La PfB avait transformé le congrès en un procès des courants oppositionnels, mais n’a pas eu pas les moyens statutaires lui permettant de suspendre ou d’interdire les fractions. La PfA recueillait 6,21% des votes militants et la PfC 45,29%. Le « canal historique » est redevenu, de peu, minoritaire à ce congrès, tant sur les votes de plateformes que le nombre des délégué.es. Les deux principales plateformes (PfB et PfC) obtenaient des résultats très proches (47 voix d’écart sur l’ensemble du parti). Sur les 210 délégué.es, la PfB en avait moins de la moitié, 102 exactement, dont 100 qui allaient choisir la scission, les deux autres s’abstenant.
Beaucoup de militant.es du NPA redoutaient une scission à ce congrès. Cette perception et la volonté d’éviter cette rupture étaient sans doute plus unanimes du côté des plateformes A et C qu’au sein de la PfB, mais beaucoup de militant.es de celle-ci, surtout à la base, voulaient maintenir l’unité du NPA. Au vu des votes de plateformes et des débats de congrès, la rupture ne recueille l’assentiment que d’une minorité du parti. Dans une vaste majorité des AG électives (38 sur 43), une motion intitulée « continuer le NPA », favorable au maintien de l’unité du parti, a obtenu (sur 80% des militant.es ainsi consulté.es) 58,4% des votes, seulement 22,4% lui étant opposé.es. Même parmi les partisan.es de la PfB, la scission ne peut donc pas être justifiée par un vote majoritaire. C’est une scission sans mandat.
Au sein de la PfB, jusqu’à récemment, le débat n’était pas tranché entre deux options. La première visait à maintenir un NPA unique en modifiant son fonctionnement. Pour cette partie de la PfB, il fallait en finir avec la logique fractionnelle des courants de gauche regroupés dans la PfC, en les privant d’au moins certains des éléments suivants : leur site internet et autres organes d’expression propre ; leurs finances séparées ; leur recrutement propre sans que l’intégration des nouvelles recrues au sein du NPA ne soit toujours effective, ou du moins simultanée. Il s’agissait aussi de forcer les fractions en question à s’investir plus à l’intérieur du parti, notamment dans certaines commissions désertées par ces fractions (ou censées l’être). La seconde option était défendue notamment par deux des porte-paroles du NPA, Christine Poupin et Philippe Poutou. Celui-ci disait haut et fort en 2021 qu’il fallait se séparer du CCR ; il déplorait l’impossibilité de fonctionner dans le même parti que le courant DR, implanté dans la région bordelaise ; il estimait que les courants de gauche du parti (la PfC) n’avaient pas le même projet politique et qu’il fallait choisir une séparation à l’amiable plutôt que la paralysie et l’immobilisme. De son côté, Christine Poupin n’a jamais caché sa détestation de la gauche du NPA, et récemment, elle n’a pas hésité à faire savoir qu’elle participait à une initiative de création d’une nouvelle mouvance politique (« Rejoignons-nous ! ») avec des réformistes bon teint de la soi-disant « gauche radicale », comme l’ex-dirigeant du PCF Pierre Zarka. Une pratique tout à fait fractionnelle incarnée par une porte-parole du parti, en dehors de ses cadres et de ses instances, qui, elle, était parfaitement admise par ses camarades majoritaires de l’exécutif… Les deux options cohabitaient dans la PfB, mais sa direction a montré qu’elle voulait vraiment rompre avec les courants d’opposition.
Des militant.es du NPA de diverses obédiences ont sincèrement cherché à améliorer le fonctionnement effectivement défectueux du parti. Depuis longtemps, la PfB fait porter la responsabilité des difficultés du NPA sur les courants de la PfC. Une commission paritaire ad hoc a été mise en place sur cette question, regroupant notamment des militant.es de la PfB de la ville d’Albi, et des signataires PfC de la motion « continuer le NPA » citée plus haut, avec la participation revendiquée de la PfA. Cette démarche n’a pas pu éviter la rupture. Il semble fort qu’avant le congrès, une majorité des cadres et dirigeants de la PfB avait déjà décidé de scissionner. Sur les questions de fonctionnement, des avancées avaient été actées par la commission paritaire… Que disent les trois plateformes à l’issue du congrès sur les responsabilités des un.es et des autres dans la scission, et sur la question du mode de fonctionnement et des efforts exigés des courants de la PfC dans ce domaine?
Les explications données par les plateformes après la rupture
La PfA, défendant avec acharnement l’unité du NPA, se pose en juge et renvoie dos-à-dos les deux autres plateformes, les accusant chacune d’avoir mal agi, mais semble attribuer la responsabilité principale de la rupture à la PfB[40].
Le bilan du congrès tiré par la PfB transpire la mauvaise foi. On lit d’abord des arguments fallacieux sur « la majorité » obtenue par cette plateforme[41]. A moins de considérer qu’être la plus grosse minorité équivaut à être majoritaire, les chiffres donnés plus haut montrent clairement que le bilan de la PfB se moque du monde, en voulant donner à la scission une légitimité frauduleuse sur la base d’une majorité inexistante. La fausseté apparait ailleurs, notamment quant au respect des droits de tendance ou de fraction[42], car c’est bien, entre autres, à une remise en cause du droit de fraction, statutaire au NPA, qu’on a assisté. La PfB veut faire comme si un centralisme démocratique – qui, lui, n’est pas statutaire – pouvait exister au sein du NPA, malgré la grande amplitude des positionnements politiques permis par la conception même de ce parti, et malgré, donc, des divergences stratégiques et pas seulement tactiques. Les « historiques » refusent de remettre en question les bases du NPA qui ont conduit à ce « front d’organisations autonomes en concurrence », phénomène, bien réel, et qui mérite une explication… Mais il ne faut pas compter sur la PfB pour la fournir, car cela l’obligerait à mettre en question ses fondamentaux théoriques, politiques, programmatiques et organisationnels. Quant au projet originel du NPA, c’est surtout le flou qui le caractérisait, comme nous allons le voir.
Enfin, selon le bilan écrit par la PfC, « les discussions sur ce fonctionnement commun avaient connu des avancées considérables dans les dernières semaines »[43] et la commission paritaire du NPA chargée de faire des propositions s’estimait en gros satisfaite de ces avancées et de l’attitude de la PfC[44]. De fait, c’est la quasi-totalité des délégué.es de la PfB qui a décidé de la rupture. Le congrès n’est pas allé jusqu’à son terme, selon le planning prévu. Dès le samedi 10 au soir, la PfB le quittait définitivement et se réunissait à part. 100 de ses 102 délégué.es votaient un texte exprimant le choix de la scission, qui avait déjà commencé à être annoncée publiquement. Et la nouvelle allait vite se répandre.
Conférence de presse
Une conférence de presse donnée le dimanche 11 décembre par Philippe Poutou, Pauline Salingue, Christine Poupin et Olivier Besancenot évoquait la situation politique et cherchait à présenter la scission comme étant le meilleur moyen d’y répondre. C’est Christine Poupin, pourfendeuse de toujours des courants oppositionnels dans le NPA, qui officialise la rupture, en argumentant selon plusieurs axes : 1) il faut un NPA utile aux luttes et aux débats de la période, et son fonctionnement actuel s’y oppose[45] ; 2) la division du NPA et la cohabitation en son sein de plusieurs partis n’est pas du tout nouvelle[46] (sur ce point Poutou en rajoute)[47] ; 3) l’objectif est de s’adapter aux évolutions sociales et politiques (écologie notamment) tout en restant fidèle à l’histoire du parti[48] ; 4) en concluant que « la situation n’est pas au sectarisme, elle n’est pas au repli sur soi »[49], Poupin insiste sur l’esprit d’ouverture de la PfB, accusant implicitement la PfC de sectarisme et d’étroitesse de vues. A noter que dans ses explications, Poupin annonce d’abord une contrevérité, en prétendant que le congrès a acté la séparation de fait, puis se reprend elle-même. En fait, ce n’est pas « le congrès » qui a « acté » cette séparation, puisqu’il n’est pas allé jusqu’à son dénouement prévu sur le papier ; c’est, comme elle le corrige elle-même juste après, la seule PfB qui en a décidé[50]. La conférence de presse ajoute, par les voix de Poutou et Besancenot, des arguments de légitimité par rapport au projet initial du NPA : celui d’un parti « large, unitaire et radical en même temps » ; pas un front, ni une secte politique[51]. Notons enfin que Besancenot se targue d’appartenir à un courant qui n’a « pas de rapport fétichiste à l’outil politique. Le parti politique n’a jamais été une fin en soi. C’est un moyen pour une cause plus globale »[52]. Un moyen, certes, mais c’est pour nous un outil central. Il y a ici une claire rupture avec le léninisme et le trotskisme, pour lesquels la conception et la qualité du parti revêtent une importance cruciale.
Crédit photos : L’Humanité
Face à cela, Gaël Quirante (A&R, PfC) réagissait sur Twitter : « Les porte-parole Olivier Besancenot et Philippe Poutou rompent avec le NPA. Un acte irresponsable! »[53]. Le terme d’irresponsabilité pour qualifier la décision prise par la quasi-totalité des délégué.es de la PfB est souvent revenu dans les réactions écrites ou orales des autres plateformes, dont la PfC.
Bagarre de légitimité et lutte pour l’appareil
Avons-nous donc maintenant un, deux, ou plus aucun NPA ? Christine Poupin reconnait qu’il y a une « bagarre de légitimité » mais elle attribue cette légitimité à son courant scissionniste : une légitimité historique, de projet, explique-t-elle[54]. Cette arrogance n’est pas surprenante : les dirigeant.es du « canal historique » se sont toujours vu.es comme « propriétaires du NPA ». Comment un courant minoritaire sans mandat de congrès peut-il honnêtement quitter ce congrès et prétendre à une légitimité historique, au point de s’approprier l’identité, les moyens et le nom du parti ? Dès le départ, il y avait plusieurs projets dans le NPA, il y existait des courants et tendances organisées. Les statuts et le programme de fondation du parti permettaient des lectures différentes – on va y revenir – pour intégrer tou.te.s les anticapitalistes. La Fraction, DR, le noyau qui allait donner naissance à A&R, tous ces courants, aujourd’hui rejetés par la PfB, s’étaient engagés dans l’aventure du NPA, avec d’autres. Quel type de relations la PfB veut-elle nouer avec les membres du NPA qui ne voulaient pas la scission ? Dans la conférence de presse, Besancenot se veut plutôt bienveillant et nuancé[55]. Rien de précis n’est dit sur les rapports avec la majorité du NPA qui ne voulait pas la rupture. Mais, malgré les précautions diplomatiques de Besancenot, on peut être sûr que la bataille va être rude dans les semaines à venir.
Vu de l’extérieur, l’affaire peut sembler tragi-comique : tout le monde parle maintenant de « continuer le NPA ». La PfB annonce en haut de la page d’accueil du site du parti : « Nous continuons le NPA, pour un parti des exploitéEs et des oppriméEs, révolutionnaire et unitaire »[56]. L’unanimité des présent.es au congrès le dimanche 11 (en fait, une petite moitié du parti – la PfC – la PfA étant elle aussi absente) votait une déclaration intitulée : « Urgence et actualité de la révolution, nous continuons le NPA », invitant « tous les militants et militantes de notre parti, derrière la majorité qui s’est exprimée contre la scission, à poursuivre la construction du NPA avec nous »[57]. La bagarre ne fait que commencer, sur le mode : « Le NPA, c’est nous » ! Les chiffres, et les dires mêmes de Poupin à la conférence de presse prouvent que les scissionnistes de la PfB sont minoritaires dans le parti, même s’ils et elles se considèrent les légitimes dépositaires du projet politique du NPA initial. On ignore encore ce que va faire la PfA, mais son positionnement au congrès et son absence le dernier jour semblent donner des indications : sa situation actuelle est fort délicate… L’ARC va-t-elle scissionner aussi ?
L’enjeu, au-delà des arguments de bonne et de mauvaise foi, c’est essentiellement le contrôle de l’appareil du NPA, ainsi que la propriété de son nom. De ce point de vue, la PfB a en mains presque toutes les cartes maitresses : ce sont des membres de ce courant qui sont, de loin, les plus nombreux dans les domaines clés que sont : porte-paroles, trésorerie, gestion des locaux, gestion du journal L’Anticapitaliste, du site du parti (qui reproduit depuis lors le discours de la PfB et son interprétation biaisée des évènements)… Indubitablement, malgré les prétentions des scissionnistes, la légitimité se situe bien plus du côté de celles et ceux qui n’ont pas quitté le congrès, et qui ont été, en majorité, mis.es devant le fait accompli d’une séparation décidée par une minorité et annoncée par conférence de presse. Mais les moyens matériels, le nerf de la guerre, sont du côté de la PfB, qui continue à parler au nom du NPA. La PfC possède, elle, des forces militantes significatives : la jeunesse du NPA, presque unanime ; l’implantation dans des entreprises publiques et privées : industrie automobile, transports, poste, notamment ; et la direction de fédérations aussi importantes que Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, ou Rouen. Cette « séparation » loin d’être à l’amiable, est crasseuse et bureaucratique ; elle émane d’une fraction minoritaire qui agit autoritairement pour se maintenir à la tête de l’appareil d’un parti qu’elle pouvait de moins en moins contrôler et dont l’évolution ne lui plaisait pas.
Eléments de bilan de l’expérience du NPA
Pour qui connait le NPA, cette rupture n’est guère surprenante. Certes, il existait au sein du parti une sorte de symbiose centriste, d’équilibre – tendant à la sclérose – avec un partage des rôles, au-delà des coups de gueules et des postures. Cela faisait système : des courants oppositionnels très activistes servaient de caution gauche à la direction droitière, laquelle justifiait à son tour ces oppositions par sa politique opportuniste, facilement critiquable. Mais la scission était « dans l’air » depuis longtemps, et des dirigeant.es du parti en parlaient, même publiquement, depuis des mois. Ce n’est que l’issue fatale de difficultés qui, de fait, ont commencé peu après la naissance du NPA, et qui sont dues, de notre point de vue, à la nature même et aux ambiguïtés du projet initial.
Olivier Besancenot avant la fondation du NPA, en 2008. Photothèque Rouge/Milo
De la crise latente à la crise aiguë
Il serait à peine exagéré de dire que le NPA est né comme parti en crise. Son processus constituant a été très dynamique, mais une baisse d’attractivité, puis une crise latente du parti se sont vite installées après sa naissance joyeuse en février 2009. Les quelque 9 200 adhérent.es revendiqué.es au congrès de fondation n’ont cessé de fondre comme neige au soleil depuis lors. Dès les élections européennes de juin 2009, la GU[58] abandonnait le NPA et rejoignait le Front de Gauche lancée par le PG de Jean-Luc Mélenchon et le PCF[59]. En 2010, le courant C&A[60] y allait à son tour. Début 2012, la GR[61] quittait le NPA sur la pointe des pieds. La même année voyait aussi la principale saignée militante (près de la moitié du parti), avec le départ vers le FdG de la GA[62], incluant presque la moitié de la direction de l’ex-LCR.
L’outil politique NPA se voulait large et plus inclusif que la LCR, mais montrait déjà de sérieuses limites, et se rétrécissait. La scission suivante n’a eu lieu qu’en 2021 avec le départ du CCR. Mais les tensions dans le parti se sont accrues. Entre les moments de crise ouverte, une lente hémorragie militante, sur fond d’usure et de lassitude, voire de dégout, éloignait des centaines de militant.es du parti de toutes sensibilités politiques. Les anarchistes, qui avaient cru à l’aventure à ses débuts, partaient assez vite les un.es après les autres. Il en allait de même d’ex-maoïstes, mais aussi de militant.es de terrain, d’entreprise ou de quartier, qui percevaient de plus en plus mal l’utilité du parti. Certaines périodes, notamment électorales, permettaient toutefois au NPA de recruter un peu. Cela a été encore récemment le cas de la campagne Poutou 2022. Mais jamais, tendanciellement, les arrivées n’ont compensé les départs. Les effectifs ont toujours oscillé autour d’une courbe clairement descendante.
C’est dans ce contexte général que le poids des courants organisés à la gauche du parti a augmenté au sein de celui-ci. Les éléments les plus droitiers du NPA l’ayant quitté entre 2009 et 2012, et des centaines de militant.es de base (généralement non lié.es à des tendances ou des fractions) l’ayant délaissé peu à peu, le parti se réduisait de plus en plus à une juxtaposition de courants politiques, qui s’opposaient dans ses congrès et autres instances. Après la marée montante du processus de gestation du NPA, le départ de la GU, de C&A, de la GR et de la GA indiquaient que le reflux avait débuté, mais l’heure de la basse mer allait sonner plus tard, ces dernières années. Dans ce panorama, les tendances restantes apparaissant comme des îlots révélés par la marée descendante, sorte de buttes-témoins marines de la préhistoire du NPA. Car la plupart de ces courants existaient avant la naissance du défunt parti. Le CCR, dont il venait de se débarrasser, s’était constitué peu après le début. Les autres courants organisés étaient déjà là et y restaient jusqu’à la fin : la TC, affaiblie après la mésaventure de l’ARC, toujours formellement intégrante du parti mais n’y croyant plus guère ; trois des courants de la PfC ; sans oublier le courant le plus nombreux, avec diverses sensibilités regroupées aujourd’hui dans la PfB, organisé pour diriger le parti depuis son émergence, et qui vient de décider de son éclatement.
Le test des grandes luttes sociales
Qu’en a-t-il été de la participation du NPA aux luttes sociales? Celles-ci n’ont pas manqué depuis 2009; mais à aucune étape, le parti n’y a prouvé son utilité. Un parti révolutionnaire en phase avec la classe travailleuse et les mouvements populaires doit être comme un poisson dans l’eau dans les luttes : logiquement, alors, ses initiatives, sa détermination, ses mots d’ordre transitoires et ses explications révolutionnaires font croitre son influence ; il convainc et recrute, certes plus ou moins selon la force et la durée du mouvement social. Si dans de grandes luttes, son influence stagne, voire recule, comme cela a été souvent le cas du NPA depuis 2009, c’est nécessairement que sa ligne est mauvaise, et/ou que son fonctionnement est défectueux. La PfB ne s’attache qu’aux problèmes de fonctionnement et en accuse les fractions oppositionnelles, mais veut ignorer l’histoire réelle du parti et son rôle dans les luttes. Contentons-nous, dans le cadre de cet article, de quelques brèves illustrations.
Juste avant la fondation du NPA et pendant ses premiers pas, le premier semestre 2009 a été marqué par des luttes et des journées de grève générale contre l’austérité à la sauce Sarkozy et le chômage massif de l’après-crack de 2007-2008. Mais le NPA n’a pas été utile dans ce contexte : sur le plan de l’orientation, il n’a pas lutté de façon cohérente pour une grève générale prolongée : il a certes mis en avant ce mot d’ordre, mais seulement à certains moments, et à contretemps ; à l’approche d’une grande journée « carrée » de grève interprofessionnelle, il fallait insister sur la suite à donner. Cela n’a pas été fait, ou pas à la hauteur des enjeux. Il fallait exiger des initiatives en ce sens des directions syndicales (largement unies alors), critiquer sans ménagement leurs journées d’action saute-mouton, très espacées, qui ne pouvaient qu’user la combativité. De plus, le NPA n’avait pas de politique centralisée, et chaque ville ou région menait sa propre politique. Pas de quoi changer le cours de l’histoire… et l’intersyndicale pourrissait le mouvement avec le calendrier suivant: 29 janvier (forte mobilisation), 19 mars (mobilisation et grève encore plus puissantes), 1er mai (nette baisse) et 13 juin (enterrement de facto de la lutte). Certes, le NPA, petit parti, ne disposait pas du rapport de forces nécessaire pour arracher la direction de la lutte aux bureaucraties syndicales. Mais en menant bataille, il aurait pu regrouper autour de lui des secteurs combatifs et mieux préparer les combats futurs. Le même problème fondamental s’est d’ailleurs reproduit dans les phases de luttes qui ont suivi.
La lutte de septembre-octobre 2010 contre la réforme des retraites de Sarkozy répétait le même genre de scénario, en plus concentré : 8 journées d’action, la plupart avec grèves interprofessionnelles de 24 heures, certes plus rapprochées qu’en 2009, mais jamais d’appel à reconduire la grève le lendemain, au moins dans les secteurs les plus mobilisés. Les raffineries étaient à la pointe du combat, mais elles n’étaient pas épaulées comme il le fallait. Ici encore, la non-centralisation démocratique de la politique du NPA a été un problème majeur : par endroits, des militant.es du parti prenaient l’initiative d’assemblées interprofessionnelles de grève ; à l’opposé, d’autres secteurs du NPA se contentaient de distribuer les tracts de l’intersyndicale. Avec une telle incohérence et un manque de détermination à combattre la gestion misérable de la lutte par l’intersyndicale, le NPA n’a ni pu ni voulu déborder la politique de saucissonnage des luttes propre aux bureaucraties syndicales, qui ont à nouveau tué le mouvement. Faute de vouloir batailler contre la direction de l’intersyndicale, et en particulier de pousser à l’émergence d’une direction alternative auto-organisée, une fois de plus, le NPA se contentait d’accompagner cette lutte… jusqu’à sa défaite.
Le NPA n’a pas davantage montré son utilité lors de la vague de lutte de la première moitié de 2016, contre la « Loi Travail » (dite El Khomri), premier épisode de la casse du Code du travail par un certain Emmanuel Macron, alors ministre. La direction des opérations est restée entre les mains mollassonnes des bureaucrates syndicaux, avec des journées d’action saute-mouton. C’est à ce moment qu’on a vu surgir le phénomène « Nuit Debout », avec occupation des places (notamment la Place de la République à Paris), et les « cortèges de tête » dans les manifestations : des groupes combatifs, « autonomes », anarchistes, ou « black blocks » s’affrontaient régulièrement avec des forces de police de plus en plus violentes, sous la houlette du très « socialiste » ministre de l’Intérieur d’alors, B. Cazeneuve. Le NPA, très divisé sur l’orientation à adopter, comptait une fois de plus pour du beurre ! Sur sa gauche, une mouvance radicalisée grandissait, assez peu organisée et faible stratégiquement. Néanmoins, celle-ci venait témoigner du fait qu’il y avait un vide politique à combler, parce que le NPA ne jouait pas le rôle qu’il était censé jouer, celui d’un (petit) parti révolutionnaire.
Lors de la grève massive de l’hiver 2019-2020 contre la casse macroniste des retraites, les militant.es du NPA ont participé au mouvement. Mais d’une part, chaque courant du NPA menait alors sa propre politique, et aucun courant suffisamment implanté du parti ne pouvait ou ne voulait mettre en œuvre la seule orientation potentiellement gagnante : dénoncer la politique capitularde des centrales syndicales, exiger qu’elles financent les journées de grève des transports, et favoriser une direction de grève alternative, auto-organisée par les grévistes eux-mêmes, en commençant par les secteurs les plus mobilisés, la RATP et la SNCF. Le NPA accompagnait encore gentiment la lutte, jusqu’à sa défaite.
Le mouvement des Gilets jaune, survenu l’année d’avant, mérite une mention spéciale : loin d’y voir le soulèvement d’une partie – la plus précaire, la plus fragile, la moins organisée – de notre classe, la direction du NPA percevait la levée en masse du 17 novembre 2018 et les samedis suivants comme un mouvement avant tout téléguidé par la droite et l’extrême droite. Une erreur fatale, dans le sillage du rejet odieux et bureaucratique des Gilets jaunes par les directions syndicales (hormis Solidaires), que le parti a mis plusieurs semaines à corriger, et qui l’a à nouveau fait choir en dehors du mouvement réel de la société. Précisons que ce positionnement catastrophique a été le fait de la plupart des courants à l’exécutif du parti : aussi bien la direction « historique » de l’exécutif que la plupart des courants oppositionnels ne comprenaient pas, au début, la nature du mouvement. A&R, en particulier, a été le dernier courant organisé du NPA à cesser de vomir sur les Gilets jaunes. La Fraction comprenait mieux les enjeux mais ne semblait pas décidée à s’opposer à la majorité de l’exécutif. Le CCR y a d’abord vu une « jacquerie », avant, plus vite que d’autres, de saisir la nature du mouvement. La TC et la « Portion Congrue » étaient les seules, au tout début, à prendre la défense des Gilets jaunes et à préconiser de se joindre à ce grand mouvement malgré ses confusions politiques, qui allaient d’ailleurs en se dissipant. Des militant.es de terrain du NPA, localement, ont voulu et su faire ce travail d’immersion dans le mouvement et ont pu établir des contacts valables avec des Gilets jaunes, mais cela a été le fait d’individus et non du parti en tant que tel, une fois de plus resté sur le banc de touche.
Ce triste bilan du NPA dans les luttes de masse depuis sa naissance permet de comprendre pourquoi, loin de se renforcer numériquement, il s’est étiolé avant d’éclater sous nos yeux le 11 décembre dernier. A quoi bon rejoindre un parti qui ne sert à rien au combat, qui ne propose pas d’orientation révolutionnaire alternative à la gestion des directions félonnes des syndicats, qui cassent les luttes ?
La question électorale et l’extrême gauche
C’est dans le cadre de la séquence électorale du printemps 2022 que le sort du NPA s’est joué. On peut penser que la rupture aurait pu se produire sur d’autres questions. Mais en l’occurrence, c’est le contexte électoral qui a servi de catalyseur pour l’éclatement de sa crise latente. Mais son histoire montre que les divergences de positionnement électoral ont joué un rôle important dans les phases de crise du NPA. Tentons de comprendre cela, et de saisir les logiques politiques sous-jacentes.
Contrairement à LO, la LCR oscillait depuis longtemps entre un positionnement politique d’extrême gauche, indépendant de la gauche institutionnelle (avec des alliances avec LO par moments) et des phases de plongées dans les cadres choisis par les réformistes, quitte à apparaitre comme leur « poil à gratter » de gauche. Cette bipolarité et ces oscillations se sont installées comme marque de fabrique du NPA. Son programme, dans la conception duquel la direction de la LCR a joué un rôle dirigeant, était censé permettre à des « anticapitalistes révolutionnaires », à des « anticapitalistes » plus soucieux/ses de représentation politique dans les institutions, et à des militant.es peu féru.es de théorie et plus axé.es vers les luttes de terrain, de cohabiter dans le même parti. Retour en arrière.
Les choix électoraux ont presque toujours été un terrain d’affrontement et de division à l’extrême gauche (entre la LCR et LO, entre la LCR et le PCI (puis le PT)[63], entre LO et ce dernier…)… mais aussi au sein même de la LCR puis du NPA. Certes, la LCR des dernières années, puis le NPA avaient mené des campagnes présidentielles, parvenant toujours in extremis à remporter la redoutable et chronophage épreuve de recherches de signatures d’élu.es nécessaire à la présentation d’un.e candidat.e. Mais tout cela s’est produit dans des contextes très variés, avec des issues différentes selon les périodes.
La dynamique électorale des dernières années de la LCR
En 2002 puis 2007, la LCR avait réussi à imposer son candidat, le jeune postier Olivier Besancenot, comme une figure politique significative et réellement populaire, voix minoritaire certes, mais écoutée et respectée, voire redoutée au sein de la gauche française. Le facteur de 27 ans avait réuni plus de 1,2 millions de bulletins au premier tour de la présidentielle de 2002 (4,25% des votants). En 2007 il recueillait 4,08% des voix, très près de 1,5 millions de suffrages, et il devançait largement toutes les autres candidatures « à la gauche de la gauche » (à gauche du PS). Ces deux campagnes présidentielles avaient alors renforcé le réel dynamisme de la LCR, une organisation présente dans les luttes, munie dès lors d’un porte-parole médiatisé ; mais malgré tout, ses effectifs restaient limités (3 300 militant.es lors de sa dissolution début 2009). Il y avait un « effet Besancenot » sans « effet LCR », c’est-à-dire sans organisation capable de peser davantage sur la situation politique.
La direction de la Ligue en a tiré la conclusion que c’était le moment de « changer de braquet », c’est-à-dire de dépasser la LCR, et de construire une organisation anticapitaliste plus large. Ainsi, les avancées électorales d’une petite organisation d’extrême gauche conduisaient celle-ci à se dissoudre dans une aventure politique nouvelle, visant à regrouper « tous les anticapitalistes », toute la « gauche radicale » : des réformistes « radicaux », des écologistes de gauche, voire même des « démocrates sincères », des trotskistes plus affirmés, des anarchistes, des maoïstes critiques… C’est ce rafiot de « gauche radicale » qui quittait le port en février 2009, ne trouvant pas mieux que de s’affubler du nom (quasiment imposé par la pratique médiatique dominante…) de Nouveau Parti Anticapitaliste. Très vite, on l’a vu, cette embarcation allait commencer à prendre l’eau.
La naissance du NPA et la question électorale
Mais concentrons-nous ici sur les présidentielles. Besancenot ayant décidé de passer la main, c’est Philippe Poutou, ouvrier automobile, syndicaliste CGT, qui allait faire office de candidat, en 2012 et 2017. Il avait à son actif une rude lutte, temporairement victorieuse, pour maintenir les emplois dans son usine Ford à Blanquefort (près de Bordeaux). Son franc-parler, son style simple et populaire, son mépris affiché des conventions politiciennes, lui ont valu de la sympathie lors des deux échéances présidentielles, et plus particulièrement en 2017. Malgré tout, les scores réunis par Poutou étaient bien inférieurs à ceux de Besancenot (411 000 voix, soit 1,15% des votants en 2012 ; 394 000 voix, soit 1,09% en 2017).
L’explication de ce recul ne résidait sans doute pas dans un différentiel des qualités d’orateur de ces deux candidats, mais bien plutôt dans un contexte politique qui avait changé. Pour le dire vite, dans les années 2000, Besancenot incarnait une gauche qui ne renonçait pas au combat, alors que le PS imposait sa propre sauce de l’austérité voulue par la bourgeoisie, entrainant à ses côtés PCF, Verts et autres pièces du puzzle de la « gauche de gouvernement ». Puis la droite approfondissait le sale boulot avec Chirac puis avec Sarkozy. Mais en 2008, au même moment où le NPA allait être porté sur les fonts baptismaux, le PS était quitté par son aile gauche ; le PG se formait autour de Mélenchon. Puis, en 2009, ce parti anti-néolibéral lançait avec le PCF le Front de Gauche, sirène réformiste à laquelle allaient succomber – on l’a vu – la GU dès les élections européennes de 2009, puis C&A en 2010, et la GA pour les présidentielles de 2012. L’autre moitié de l’ex-direction de la LCR, restée au NPA, faisait le choix de l’indépendance avec Poutou et allait mener sa propre campagne, hors du giron réformiste, à la présidentielle de 2012. Cette démarche était soutenue par les courants de gauche de ce parti. Pour 2017, la seconde campagne Poutou était voulue par une majorité du NPA et ses fractions de gauche.
Du côté de l’électorat de gauche, ce qui primait en 2012 était le souci d’en finir avec Sarkozy. Ceci amenait cet électorat à choisir en premier lieu un Hollande (28,6% des votants du 1er tour) dont on n’espérait pourtant pas grand-chose ; et en deuxième lieu, Mélenchon (11,1%). Depuis 2009, un nouveau contexte avait émergé, faisant apparaitre une gauche réformiste antilibérale à la gauche du PS, et celle-ci reprenait la première place aux courants d’extrême gauche. La présidence Hollande (2012-2017) achevait de discréditer le PS, qui explosait à la présidentielle de 2017. Son candidat, Benoit Hamon, en sortait avec 5,36% des voix, abandonné par une grande partie de l’appareil. Mélenchon avec LFI manquait le second tour mais, avec 15,58%, amplifiait son ascendant sur l’électorat de gauche. Le discours de Poutou, plus radical (pour le désarmement de la police par exemple), plus combatif, plus axé sur les luttes, mais sans pour autant être clairement révolutionnaire, attirait des sympathies mais celles-ci n’étaient pas suivies du geste électoral espéré, car le vote Poutou ne semblait pas en mesure de contribuer à battre Sarkozy (en 2012) ou de faire le poids face à Mélenchon (en 2017).
En d’autres termes, la gauche réformiste était dans les cordes dans les années 2000, payant le prix de sa complicité avec les attaques (social)-libérales du PS, et laissait à l’extrême gauche la pole position pour défendre les intérêts des classes populaires. Rappelons que les trois candidats se revendiquant du trotskisme à la présidentielle de 2002 avaient réuni ensemble plus de 10% des suffrages, mais ce résultat inédit n’a été que peu commenté, occulté par la défaite de Jospin (PS) au premier tour et un second tour Jacques Chirac-Jean-Marie Le Pen. Mais à partir de 2009, les rapports de forces s’inversaient à la gauche du PS : une gauche réformiste pur jus se refaisait une santé sur le dos d’une extrême gauche qui avait visiblement laissé passer le coche. C’est cela qui explique pour l’essentiel le net recul des scores de Poutou par rapport à ceux de Besancenot, même si cela n’épuise pas le sujet.
Derrière les questions électorales, la relation avec le réformisme
Pourquoi l’extrême gauche ne s’est-elle pas montrée capable, dans les années 2000, de devenir une force politique majeure ? Pourquoi s’est-elle fait damer le pion par des forces réformistes ? Impossible de traiter ces vastes questions ici. Mais celles-ci ont rebondi dans les années 2010, se transformant en un nouveau casse-tête, de nature à diviser le NPA et l’extrême gauche : quels types de rapports cette dernière doit-elle entretenir avec la gauche réformiste ? C’est une question-clé, des plus lancinantes, au cœur des crises du NPA tout au long de son existence, et de la rupture qui vient d’avoir lieu. Celle-ci révèle, ou confirme, des désaccords majeurs au sein du parti sur la question de sa délimitation politique. Dès le départ, cela était manifeste dans le parti en gestation et au tout nouveau NPA. Certains n’ambitionnaient guère plus que de miser sur la disparition du PCF et de le remplacer dans le paysage politique par un parti de « gauche radicale » plus sympathique et dynamique. A l’opposé, d’autres voyaient dans le NPA un vrai parti révolutionnaire. Mais ce qu’on a vite constaté, c’est que pour une vaste majorité du parti, sa véritable délimitation politique, sa ligne de démarcation, était en rupture avec le PS social-libéral, et non pas avec le réformisme en général. Et cela explique beaucoup des crises, scissions et remous dans l’histoire du parti. Et cette question reste d’actualité.
Aujourd’hui, pour les un.es (PfC), il faut regrouper les révolutionnaires en dehors des organisations réformistes. Pour les autres (PfB), cette séparation serait identitaire et sectaire, et il faut construire « une gauche de combat » avec des réformistes qualifié.es de « radicaux/ales », en taisant généralement qu’ils ou elles sont réformistes. Les premier.es oublient parfois la nécessité de la politique de front unique, qui oblige à passer des accords avec des réformistes et des bureaucrates syndicaux pour construire les luttes et se donner les meilleures chances de les gagner. Les second.es sont prêt.es à construire un parti politique avec des gens, notamment à LFI, qui sont bel et bien réformistes ; et – on vient de le voir – à rejeter pour cela les premier.es hors d’un parti, le NPA, qu’ils et elles ont construit ensemble. Le NPA « canal historique » excelle, comme la direction de la LCR avant lui, dans le brouillage des pistes et la confusion entre réforme et révolution. Cela s’est souvent traduit par la signature de textes et de divers accords fondés sur une logique réformiste, institutionnelle. Cela se concrétise plus fondamentalement par des statuts, un programme et une stratégie politiques concoctés, à la naissance du NPA, par une direction ex-LCR dont environ la moitié est passée avec armes et bagages au réformisme (via le FdG puis « Ensemble ! » et LFI). De là, les flous et ambiguïtés : pour la direction majoritaire de la LCR avant la fondation du NPA, il fallait bâtir un parti permettant à des réformistes « sincères » de s’y sentir à l’aise. Depuis, ces textes fondateurs n’ont pratiquement pas changé ; le logiciel politique est resté le même ; et l’autre moitié de l’ex-direction de la LCR en est maintenant arrivée à faire le même choix fondamental que les scissionnistes de la GA en 2012 !
Le programme du NPA : révolutionnaire ou pas ?
Le programme du NPA « n’est pas un programme complet »[64], reconnait-il dès le second paragraphe. Mais il ne s’agit pas de lacunes secondaires. Certes, on y lit des passages et des termes qui semblent indiquer une logique révolutionnaire, « renversement du système », « transformation révolutionnaire de la société », mise en cause de « la propriété privée des grands [ou « principaux »] moyens de production », « expropriation sans indemnisation des grands groupes capitalistes » à commencer par ceux du CAC 40 », « fin de l’exploitation ». Même si l’on peut juger que l’accent n’est pas assez mis sur le projet à plus long terme d’abolition complète de la propriété bourgeoise, lucrative, capitaliste, et à la fin de l’existence d’une classe capitaliste, il est logique de s’en prendre d’abord à la grande propriété dans une phase de socialisation. Et il y a là des éléments d’un programme révolutionnaire[65].
Le programme présenté se veut donc révolutionnaire. Ce n’est certes pas « un programme minimum au rabais » mais il est d’abord confus lorsqu’il confond programme révolutionnaire (avec une logique transitoire), et programme d’urgence[66]. Ce n’est pas une mince différence, car un programme transitoire tel que celui écrit par Trotski débouche, à partir des revendications immédiates, sur la prise du pouvoir par les travailleurs/ses, la mise en place de leur gouvernement, « brève étape » avant la dictature du prolétariat. Un programme d’urgence peut regrouper dans l’action des réformistes et des révolutionnaires autour de revendications immédiates, même d’un niveau élevé. C’est un outil de front unique, pas un programme pour en finir avec la tyrannie du capital. Celle-ci est d’ailleurs largement organisée au niveau de l’Union européenne, question où le NPA n’a jamais été clair. Il a répandu les pires illusions sur le passage à une « autre Europe, démocratique, écologique et sociale », alors que les institutions de l’UE, arme tournée contre les travailleurs/ses, sont conçues pour l’empêcher.
Autre point crucial, où le programme du NPA est confus, en associant des exigences révolutionnaires et une logique réformiste : la question de la légalité, de l’Etat et de ses appareils répressifs. D’un côté on lit qu’il ne faudra pas « hésiter à sortir du cadre étriqué de la légalité pour obtenir satisfaction »[67]. C’est parfaitement juste, parce que cette légalité est fondamentalement faite pour la bourgeoisie. Mais que se passera-t-il alors avec la justice, la police et l’armée, si la légalité est rompue dans l’intérêt des travailleurs/ses ? Même si pour des raisons de légalité bourgeoise, on ne peut pas écrire certaines choses dans un texte programmatique, les principes fondateurs ne disent pas tout ce qu’un programme révolutionnaire devrait dire. Ils confondent par exemple la lutte contre les « excès et dérives » des appareils répressifs et le fait que ces appareils doivent être démolis pour construire le socialisme[68]. Une chose, juste, est de participer à des campagnes, éventuellement unitaires, contre les violences policières. Mais cela se joue tant que l’ordre bourgeois est en place, et s’y limiter ne suffit pas : un programme révolutionnaire doit dénoncer la nature bourgeoise de ces appareils et appeler à leur remplacement par des institutions faites pour notre classe : milices ouvrières et populaires, peuple en armes… qui seront nécessaires pour se défendre contre une bourgeoisie qui cherchera par tous les moyens à empêcher sa dépossession, y compris la violence. Dans ce sens, la « rupture avec l’État et les institutions dont il s’est doté »[69] est une exigence juste mais la nature de cette rupture doit être précisée et elle ne l’est pas dans le texte. Il est également correct de proclamer le droit à l’auto-défense: « nous chercherons à organiser l’auto-défense des travailleurs, pour que le coup d’État militaire et la répression massive qui ont eu lieu au Chili en 1973 ne puissent pas se reproduire »[70]. Mais l’auto-défense ne suffit pas : il faut chercher la fraternisation avec les membres des forces répressives, neutralisant certains secteurs et faisant passer d’autres secteurs du côté de la révolution. Cela nécessite une ambitieuse préparation. Le texte n’en dit pas assez sur ce sujet capital.
Sur la question du gouvernement à mettre en place pour le changement révolutionnaire, le texte laisse entendre qu’il faudra un haut niveau du « rapport de forces issu de la mobilisation »[71] pour permettre l’arrivée d’un « gouvernement qui imposera des mesures radicales en rupture avec le système et engage une transformation révolutionnaire de la société »[72]. Mais comment émergerait un tel gouvernement ? Dans des élections ? Sur la base de l’auto-organisation ? Quelle serait sa nature de classe ? Ce n’est pas précisé. On ressent ici que le texte a été écrit sur la base d’influences politiques contradictoires, mais qu’a prévalu le souci de ne pas exclure explicitement le contexte d’une victoire électorale dans un cadre démocratique bourgeois. Certains écrits de ce qui est devenu la GA avant de quitter le NPA abondaient d’ailleurs en ce sens : pour certain.es, les élections devaient jouer un rôle crucial dans une « révolution ». On sait aussi que les dirigeants de ce courant avaient joué un rôle clé dans l’élaboration de ce programme. Celui-ci permet donc aussi de garder les mains libres pour « gouverner » autrement, dans un cadre d’alliances… Les confusions et la volonté de ne pas se délimiter clairement d’une approche gradualiste et réformiste, de minimiser le fait qu’il faut au contraire préparer le choc avec la bourgeoisie sont palpables. Or ces ambigüités prennent tout leur sens dans l’explosion du NPA aujourd’hui. Soyons clair : le programme fondateur n’est pas révolutionnaire, c’est un programme centriste : il hésite et louvoie entre une logique de changement social graduel par des élections et par les institutions existantes, et un scénario insurrectionnel. Du coup, en permettant l’accès au parti de membres tournés vers la démarche électorale et institutionnelle, le programme n’est pas cohérent et permet des interprétations opposées. Sur sa base, les membres et courants opportunistes sont logiquement amenés à des négociations d’appareil avec des réformistes pur jus. Cela a été au cœur des scissions de 2009, 2010, 2012 et… 2022.
Quelques mots sur les statuts du NPA
Le NPA ne fonctionne pas selon le centralisme démocratique, tel que notamment défini par Lénine et Trotski : le débat démocratique dans le NPA ne débouche pas sur la mise en œuvre disciplinée des choix faits par le parti. Des expérimentations locales existent, et des positions contradictoires sont défendues publiquement. D’un côté, curieusement, les statuts justifient une centralisation[73], sans toutefois en préciser clairement l’ampleur et le contenu ; d’un autre côté, tout ce qui a existé dans le parti depuis ses débuts va en sens inverse du centralisme, à commencer par les choix électoraux diamétralement opposés réalisés selon les régions de France dès les élections européennes de 2009.
Pour nous concentrer sur la scission, les statuts disent que le congrès du NPA « élit à la parité un conseil politique national (CPN) » à la proportionnelle des résultats obtenus[74]. Il autorise le droit à l’existence des tendances et fractions[75]. Ces statuts n’empêchent en rien l’existence de courants oppositionnels organisés dans le parti, et ceci quelles qu’en soient les conséquences sur son fonctionnement. Or, l’existence puis la cristallisation de courants séparés dans le parti, en dehors même des périodes de congrès, est, dans un cadre politique relativement démocratique, une conséquence logique de l’hétérogénéité programmatique et stratégique et du flou entretenu par les textes fondateurs. Plus un parti est large politiquement, plus il tend à s’y former des courants différents, susceptibles de coaguler au lieu de se dissoudre après les congrès. Cela est générateur de sclérose, les divergences stratégiques majeures conduisant chaque courant à camper sur son quant-à-soi pour définir sa politique. C’est pour ainsi dire inscrit dans une logique programmatique et statutaire de parti large. C’est vers un tel parti que voudraient à nouveau se diriger maintenant les scissionnistes de la PfB[76]. C’est pourtant ce fractionnement, conséquence sournoise de la logique de parti large permise par projet initial de la LCR et le programme de fondation, qui vient d’être remis en question par le « canal historique ».
Un autre passage des statuts précise le caractère non seulement inclusif, mais proportionnel de la composition de l’exécutif du NPA[77]. Ce point doit être mis en lien avec les rapports de forces au sein du NPA ces dernières années. Au 4e Congrès, la PfU (nom de la plate-forme du « canal historique » en 2018) n’avait obtenu que 48,5% des voix. Cela lui a donné droit à 41 des 83 membres du CPN. Les courants de gauche du NPA, tous réunis, sont sortis majoritaires d’une voix au CPN (42 membres). Selon les statuts, le CE aurait dû être élu à la proportionnelle des tendances. Mais le premier CPN (mars 2018) après ce congrès a vu, d’une part, les « historiques » de la PfU s’indigner, sur un mode à la fois criard et théâtral, du fait que certain.es (surtout la TC) remettaient en cause leur droit « sacré » à diriger l’exécutif du parti (la PfU se sentait clairement « propriétaire du NPA »); d’autre part, la quasi-totalité des courants de « gauche » du NPA n’ont pas voulu s’allier contre la PfU et ont préféré être minoritaires dans l’exécutif que majoritaires ensemble, conformément aux statuts. Certes, il existait de fortes divergences entre ces courants oppositionnels, rendant difficile leur direction commune du NPA. Mais comment ne pas conclure que ces oppositions, face à l’opportunisme de la direction historique, relevaient plus, pour beaucoup, de la posture (voire du folklore) que d’une rigueur révolutionnaire conséquente ? En tout cas, c’est de cette situation interne incohérente (minorité au CPN jusqu’à 2021, mais majorité au CE) que la direction « historique » (PfB) a voulu sortir définitivement à ce nouveau congrès. Comme elle n’y est pas parvenue par un vote majoritaire, elle a rompu de façon boueuse, gardant ainsi la main sur un appareil qu’elle n’avait pas voulu lâcher en 2018, alors que les statuts auraient pu lui imposer de le faire… si ses oppositions l’avaient toutes voulu.
Derrière la PfB, le SU-CI
Il faut avoir bien conscience que le choix que vient de faire le « canal historique » (PfB) ne tombe pas du ciel. Il s’agit du courant le plus directement en lien avec la direction de la 4e Internationale, version Pablo-Mandel-Bensaïd, donc le SU, aujourd’hui CI. Ce courant incarne, de façon empirique depuis les années 1980, et systématique depuis 1995, la rupture avec la volonté de Trotski de former une internationale et des partis révolutionnaires ancrés dans le prolétariat et fondés sur un programme de transition pour parvenir à des gouvernements des travailleurs/ses et à la dictature du prolétariat. Dès 1995, le SU a écarté la perspective de la révolution socialiste pendant toute une période historique ; en conséquence, il a modifié son programme, qui ne pouvait plus être celui de la prise du pouvoir, et écarté logiquement, de ce fait, le parti de type léniniste, au profit des « partis larges ». Daniel Bensaïd l’a résumé avec sa formule, « nouvelle période, nouveau programme, nouveau(x) parti(s) ». Pour ce courant international, le NPA devait être un tel parti. D’ailleurs, certains dirigeant.es du SU dans le NPA en gestation n’hésitaient pas à expliquer que le nouveau parti n’était pas conçu comme un parti pour la prise du pouvoir. Mais si on ne construit pas un parti « pour la prise du pouvoir », que construit-on, si ce n’est un parti qui ne pourra ni ne voudra faire la révolution socialiste ? Si ce parti ne prend pas le pouvoir, qui le prendra ? Ou plutôt qui le gardera ? La réponse est tristement claire : la bourgeoisie ! Tout cela est cohérent : c’est parce que le SU-CI a cessé de croire à l’actualité de la révolution socialiste qu’il a adopté le principe de partis non conçus pour la prise du pouvoir par le prolétariat, et maintient cette orientation. Cette prise de pouvoir est ainsi remise logiquement aux calendes grecques…
La Grèce, nous allons y venir, justement ! Le SU-CI préconise donc depuis 1995 des « partis larges » regroupant toute la « gauche radicale », autrement dit en cherchant à gommer la ligne de démarcation entre réformisme et révolution. Mais une union stratégique et programmatique avec des réformistes assumé.es se construit nécessairement sur une base réformiste. L’intersection d’un programme révolutionnaire et d’un programme réformiste n’est pas un programme révolutionnaire. Il peut avoir des traits hésitants, centristes, mais fondamentalement, c’est un programme réformiste, tout simplement parce que les réformistes avec qui on s’allie ne veulent pas entendre parler de grève générale insurrectionnelle, ou de gouvernement des travailleurs/ses, sans même évoquer le gros mot de « dictature du prolétariat ». Depuis bientôt 30 ans, le SU-CI fait donc endosser par ses sections un programme « large », c’est-à-dire réformiste, pour pouvoir cohabiter dans les mêmes partis que des réformistes assumé.es dès le départ. Et lorsque dans un pays, la section du SU-CI est hostile à cette dérive, la direction de l’internationale n’hésite pas à la « bypasser ». C’est ce qui s’est passé en Grèce avec l’OKDE-Spartakos. Le SU (soutenu par le courant dirigeant du NPA) a fait le choix de s’engager dans Syriza, soutenant ouvertement (quoique de façon critique) la direction totalement néoréformiste de ce parti, pourtant décrit comme un exemple de parti anticapitaliste, ainsi que son gouvernement, présenté comme un exemple de gouvernement d’une nouvelle gauche transformatrice anti-austérité. Mais la vie est bien dure pour le SU-CI ! Syriza (avec toutes ses incohérences réformistes) se transforma bientôt en nouvel exécuteur des plans criminels de l’UE et de la « troïka » pour la semi-colonisation de la Grèce. Et la « gauche de Syriza » (incluant les défenseurs/ses de la politique du SU-CI), n’a pas su ni pu se dégager clairement et à temps de cette « gauche radicale » qui s’est mise à attaquer les travailleurs/ses.
Cette politique de confusion avec le réformisme est calamiteuse. On l’avait déjà vu avec Rifondazione (Italie), et on allait le voir avec Podemos (Espagne) et le Bloco de Esquerda (Portugal). Elle englue les militant.es révolutionnaires dans des partis ou des fronts incapables d’aider les travailleurs/ses à avancer vers la prise du pouvoir, car ce n’est pas l’objectif de ces forces politiques. Lorsque certain.es en leur sein s’en rendent compte, c’est trop tard, la défaite est consommée (comme avec Syriza) ; et/ou le parti a dégénéré en un appareil pour opportunistes et politiciens professionnels perdus à jamais pour la révolution (Portugal). Mais de tout cela, le CI ne veut tirer aucune leçon. Et – quel dommage pour lui, semble-t-il ! – une telle funeste expérience n’a pas pu avoir lieu en France car le NPA a connu l’évolution narrée plus haut avant d’être poignardé par son « canal historique ». Le NPA, fierté du SU au début, était donc devenu un contre-exemple, un parti large raté ! L’opération réalisée par Poutou, Besancenot, Poupin et consorts « normalise » donc la situation du NPA par rapport aux autres sections européennes du SU-CI et à la volonté de sa direction internationale. Ajoutons que le SU-CI a une section en France, avec des adhérent.es appartenant à Ensemble !, à LFI et au NPA. Tou.tes dans le même bain ! On sent venir de façon imminente d’émouvantes retrouvailles avec celles et ceux de la GA puis « Ensemble ! » (qui ont tenté de piquer la caisse du NPA en 2012 pour s’en servir dans le FdG) ! Cette fois-ci encore, les membres du NPA qui prennent un chemin analogue sont pour beaucoup dans le SU-CI. Le rapprochement entre ancien.nes et nouveaux/elles opportunistes en rupture de NPA a commencé, cela se constate déjà notamment dans des manifestations. Il n’y aura donc pas eu refondation du NPA, mais scission ET marasme, contrairement aux souhaits de la PfA…
Comme disait Einstein, « LA FOLIE, c’est de toujours faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». La politique de l’union avec les réformistes et des partis larges a – largement – montré son caractère calamiteux. Mais il semble que pour le SU-CI il faille la poursuivre à tout prix et partout ! La direction du SU-CI est-elle folle, ainsi que celle de la PfB ? A en croire Einstein, on pourrait le penser. Mais le psychologisme n’est pas d’une grande aide ici. A quoi est due cette persévérance dans l’échec ? Cela mériterait une solide étude. Disons simplement ici que le SU et la LCR avaient entamé il y a longtemps une trajectoire vers la droite, et un point de non-retour est maintenant atteint avec les groupes qui composent la section française du CI. Son centrisme droitier, pataugeant de plus en plus dans le réformisme, annonce d’autres mauvaises nouvelles, en France cette fois. Malheureusement.
Une forte divergence que nous avons avec la PfC, c’est que le NPA n’est pas, contrairement à ce qu’elle prétend, un parti révolutionnaire. « Continuer le NPA » n’a donc aucun sens progressiste selon nous. Il était, dès le départ, et est resté, un parti centriste, vite en crise, et maintenant mort. Non pas parce que c’était un petit parti révolutionnaire (qui aurait pu, même petit, être dynamique). Non pas parce que c’était un gros parti « large » centriste (qui aurait pu être attractif par son nombre). Mais parce que c’était un petit parti centriste, ayant vite perdu toute attractivité. Face à un parti néoréformiste de masse comme LFI, le NPA tel qu’il était ne faisait pas le poids. Nous espérons sincèrement que les courants issus de la PfC sauront tirer toutes les leçons de ce triste congrès. Pour celles et ceux qui veulent toujours faire la révolution, il faut chercher à reprendre des forces ailleurs que dans le cadre moribond de ce parti. Il nous semble essentiel de le faire dans un cadre international. La révolution ne peut être que mondiale, et doit être préparée mondialement. La LIT-QI est prête à toutes les discussions sincères et bienveillantes en ce sens.
[1] Le Secrétariat Unifié de la 4e Internationale (SU ou SUQI, courant historique incarné par Ernest Mandel puis Daniel Bensaïd), a pris plus récemment le nom de Comité International (CI). Ce courant parle de lui comme étant LA 4e Internationale, ce qui est bien sûr contesté par les autres courants internationaux se réclamant du trotskisme. Cette prétention du SU-CI est d’autant plus frauduleuse que ce sont des pans entiers du trotskisme qui ont été jetés par-dessus bord, depuis fort longtemps dans la pratique, mais tout particulièrement après 1995 dans la théorie.
[2] CCR : Courant Communiste Révolutionnaire. Courant interne du NPA lié à la Fraction Trotskiste (FT-QI). Formé peu après la naissance du NPA, il a été poussé vers sa sortie en juin 2021. Courant surtout connu par le nom de son site Internet : Révolution Permanente, ou RP.
[3] Il s’agit d’une particularité de la loi électorale française pour les présidentielles. Chaque candidat, pour pouvoir se présenter, doit recueillir au moins 500 signatures de maires (ou autres « grands électeurs », député.es, etc.). C’est une tâche très chronophage et dépolitisante imposée par une volonté anti-démocratique, et qui pénalise les petites formations politiques sans forte présence institutionnelle.
[4] Seule parmi les candidat.es, celle de Lutte Ouvrière (LO), Nathalie Arthaud, faisait moins bien (moins de 200 000 voix, 0,56%).
[5] LFI : La France Insoumise. Formation politique néoréformiste fondée autour de Jean-Luc Mélenchon.
[6] Union Populaire, ou UP, nom électoral choisi par LFI pour les élections de 2022.
[7] NUPES : Nouvelle Union Populaire, Ecologiste et Sociale. Alliance électorale créée pour les législatives de juin 2022 et regroupant des partis de gauche réformiste (LFI, PCF) et la gauche bourgeoise (PS, et une grande partie d’EELV).
[8] Pour plus de détails sur cette séquence politique et électorale, voir : https://litci.org/fr/2022/05/05/macron-reelu-et-maintenant/ centré sur la réélection de Macron et les premières étapes de la formation de la NUPES ; et https://litci.org/fr/2022/07/06/france-quelle-situation-apres-les-legislatives/ centré sur la réalité de la NUPES et les élections législatives.
[9] A&R : Anticapitalisme et Révolution : un courant oppositionnel appartenant à la gauche du NPA, issu de la LCR.
[10] DR : Démocratie Révolutionnaire. Courant de la gauche du NPA, à l’origine chassé de Lutte Ouvrière en 1999, qui a rejoint la LCR en 2000 et a participé au NPA à partir de 2009. Ce courant est surtout implanté dans la région bordelaise.
[11] « La Fraction » : il s’agit de la Fraction « L’Etincelle » du NPA, encore appelée FLO (Fraction de LO), surtout à ses débuts. Son origine réside dans l’exclusion de Lutte Ouvrière dont ce courant, qui dialoguait avec la gauche de la LCR auparavant (notamment avec le journal Convergences Révolutionnaires), a fait l’objet. Il a rejoint le processus donnant naissance au NPA, dès avant la fondation en 2009.
[12] ARC : Alternative Révolutionnaire Communiste : Tendance formée en 2019 après le 4e Congrès du NPA, regroupant la Tendance Claire, un petit groupe intitulé « Portion Congrue » présent dans la plateforme Y de ce congrès, et quelques membres du NPA de diverses origines. La TC était la composante la plus nombreuse à l’origine de l’ARC, mais la direction de la tendance lui a échappé, et après une crise prolongée, la direction de l’ARC a obtenu l’expulsion des membres les plus fidèles aux orientations de l’ex-TC.
[13]https://nouveaupartianticapitaliste.org/arguments/vie-interne/contributions-des-plateformes-pour-le-5e-congres-du-npa
[14] Idem.
[15] Idem.
[16] Socialisme ou Barbarie : petit groupe présent dans le NPA, membre du regroupement international du même nom.
[17] Tendance Claire du NPA, ou TC : tendance présente dans le NPA depuis ses débuts, puis dissoute dans l’ARC en 2019, et, après son exclusion de l’ARC, redevenue indépendante en 2021. Aujourd’hui, elle défend majoritairement la participation critique à l’Union Populaire, et la défense d’un programme communiste révolutionnaire en son sein.
[18]https://nouveaupartianticapitaliste.org/arguments/vie-interne/contributions-des-plateformes-pour-le-5e-congres-du-npa
[19] Idem : « La refondation révolutionnaire du NPA, c’est aussi reprendre le travail d’élaboration programmatique. Ne nous contentons plus d’un simple programme d’urgence comme aujourd’hui, mais popularisons un véritable programme de transition communiste, crédible et désirable, qui articule notre stratégie à des mesures concrètes de rupture avec le capitalisme ».
[20] Idem : « Si nous ne souhaitons pas fermer les sites des courants, nous souhaitons qu’ils priorisent la presse et le site « officiels », en proposant d’abord leurs articles à ces organes. En contrepartie, ils doivent pouvoir disposer de tribunes régulières dans ceux-ci, et de leurs propres onglets sur le site, qu’ils seraient libres d’alimenter comme ils l’entendent. Ces conditions remplies, les courants devraient revoir leur politique éditoriale pour mieux l’articuler à celle du parti, en s’intégrant aux comités de rédaction chargés de l’hebdo, de la revue et du site ».
[21] Idem.
[22] Idem : « Détruire l’Etat bourgeois, construire une société de transition basée sur l’auto-organisation, vers une société sans classes et sans État, va de pair avec la socialisation de toutes les sphères de l’économie, et la bataille contre toutes les oppressions » ; il est écrit que : « la révolution est objectivement à l’ordre du jour » ; La PfB vise à « contribuer à la mobilisation du prolétariat dans sa diversité, à son unité dans la lutte pour une autre société, tout en travaillant à construire une force pour le renversement du capitalisme et la transformation révolutionnaire de la société ».
[23] Idem.
[24] Idem : « aujourd’hui, les classes travailleuses sont disloquées, le prolétariat en pleine reconfiguration sur le plan social, sous les coups des crises comme des offensives pour maintenir les taux de profit. Le développement de l’extrême droite et de ses idées, l’aggravation des politiques discriminatoires et autoritaires sont un obstacle majeur à l’organisation des classes populaires et à la défense de leurs intérêts ».
[25] On lit exactement qu’il faut « combiner la bataille pour l’unité, pour des fronts unis, politiques et sociaux, avec une démarche transitoire, un programme comportant un ensemble de propositions qui tracent une réponse anticapitaliste globale ».
[26] Idem : « (…) perspective de la reconstruction des outils d’organisation et de défense de notre classe, y compris sur le plan politique. La campagne a également permis de défendre à une large échelle la nécessité de la rupture avec le capitalisme, pour construire une autre société débarrassée des oppressions et de l’exploitation ».
[27] Idem : « Notre parti doit en outre être capable de « faire de la politique », autrement dit d’intervenir sur le champ politique, dans les débats qui agitent et traversent notre camp social, et de poser la perspective, au-delà du développement des mobilisations, de la construction d’un outil politique pour la rupture avec le capitalisme et la transformation révolutionnaire de la société ».
[28] Idem : « Nous avons besoin de souplesse tactique, d’expérimentation, mais aussi de mise en commun de nos expériences pour en tirer collectivement les enseignements. Ce qui n’est pas le cas dans le NPA aujourd’hui »
[29] Idem : « l’existence de fractions permanentes est en réalité la juxtaposition d’organisations distinctes porteuses de projets politiques différents, voire contradictoires, et constitue un obstacle à la construction d’un véritable parti. Les fractions ont jusqu’à présent opposé un refus à toute discussion sur le rétablissement d’un fonctionnement collectif ».
[30] Idem.
[31] Idem.
[32] Idem : pour la PfC, cela « a contribué à brouiller de nouveau les lignes qui nous séparent des organisations qui ne sont pas révolutionnaires » ; elle précise : « Vouloir construire en même temps « un outil révolutionnaire » et une « gauche de combat », comme le proposent les camarades du regroupement des « 3 et 4 octobre » à l’initiative de la plateforme B, participe du même brouillage ». A notre avis, cela devrait être formulé un peu autrement, car regrouper et construire une gauche de combat au niveau (inter)-syndical, dans les luttes, serait fort bienvenu. C’est dans la sphère politique qu’il existe un problème majeur.
[33] En ne prenant que des exemples assez récents, on pense ici, en particulier, à la débâcle de Rifondazione en Italie, au naufrage de Syriza en Grèce en 2015 (dont nous disons plus bas quelques mots), à la « normalisation » de Podemos en Espagne, et à l’intégration du Bloco de Esquerda dans les institutions bourgeoises au Portugal.
[34]https://nouveaupartianticapitaliste.org/arguments/vie-interne/contributions-des-plateformes-pour-le-5e-congres-du-npa On lit : « Une course de vitesse est engagée : en finir avec l’extrême droite nécessitera de renverser ce système. Mais cela ne nous exonère pas de lutter pied à pied contre son influence idéologique, notamment au sein de notre camp social et de nous préparer à des situations d’affrontement avec elle ».
[35] Idem : « Ce n’est pas l’énergie contestatrice ni révolutionnaire des masses qui fait défaut. Par contre, il manque des partis révolutionnaires capables de disputer la direction politique de ces mouvements d’émancipation aux partis bourgeois et/ou aux bureaucraties syndicales et de pousser à la constitution d’organes de double pouvoir ».
[36] Idem.
[37] Au dernier congrès de l’internationale, début 2018, A&R a voulu constituer une plateforme de gauche avec des courants de l’internationale comme Socialist Action aux Etats-Unis (dont les positions politiques, notamment sur la Syrie ou le Venezuela mériteraient bien des commentaires désagréables), IZAR dans l’Etat espagnol, et la section grecque du CI, l’OKDE-Spartakos, opposée à la politique de la direction du CI. Dans ce cadre, la TC du NPA avait demandé à participer à ce regroupement en procédant à quelques amendements au texte de cette plateforme, amendements certes parvenus un peu tard. A&R a interdit l’accès à une réunion censée être ouverte sur cette base, et pris une part prépondérante dans l’expulsion de membres de la TC de la réunion parisienne élective du congrès international.
[38]https://nouveaupartianticapitaliste.org/arguments/vie-interne/contributions-des-plateformes-pour-le-5e-congres-du-npa On lit : « renforcer le camp des révolutionnaires et avancer vers la construction d’un parti doté d’une stratégie tournée vers le renversement du capitalisme, avec une implantation dans la jeunesse et le monde du travail. Le texte ajoute : « Nous ne sommes pas isolés d’un milieu jeune qui se politise et cherche du côté des révolutionnaires ».
[39] Idem. Le texte précise que le NPA « a su rassembler des révolutionnaires de traditions différentes et recruter une nouvelle génération militante ».
[40] https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/vie-interne/5e-congres-national-du-npa : « La plateforme B a choisi d’aller jusqu’au bout du processus de scission du NPA. Nous regrettons amèrement cette décision qui ne pourra entraîner qu’affaiblissement et découragement des deux côtés. La plateforme B porte ainsi une lourde responsabilité dans cette scission alors que nous avions proposé d’autres scénarios de sortie de crise. De leur côté, les camarades de la plateforme C n’ont en réalité fait que bien peu de choses pour éviter cette scission annoncée. Par leur refus de sortir d’un front d’organisations pour refaire parti et en participant à la tension permanente de ce congrès, ils n’ont malheureusement fait que précipiter une telle issue ».
[41] Idem. Après un sous-titre trompeur « Une orientation majoritaire », on lit une phrase totalement mensongère : « Les votes d’une majorité de camarades se sont portés pour un NPA unitaire, indépendant et révolutionnaire ».
[42] Idem : « Sans remettre en cause le droit de fraction ou de tendance, qui sont des acquis démocratiques de notre tradition révolutionnaire, nous refusons que des fractions qui sont en réalité des organisations séparées transforment le NPA en un front d’organisations autonomes, en concurrence les unes avec les autres. Cela n’était pas le projet originel du NPA, et ce n’est pas plus le nôtre aujourd’hui ».
[43] Idem.
[44] Idem. La PfC cite ainsi une partie de la déclaration de cette commission : « la PFC s’inscrit dans la dynamique de la commission pour établir les conditions d’un fonctionnement commun et acceptable pour tous » et ladite commission a conclu que : « les trois PF ont accepté les règles du jeu, dans une certaine transparence, ont fait des propositions pour alimenter le débat ». La PfC commente ainsi l’issue du congrès à la lumière de ce qui précède : « En quittant le congrès, les délégués de la PfB se sont assis sur le mandat des AG électives et sur les travaux de cette commission. C’est un coup de force antidémocratique, annoncé par l’intervention de Philippe Poutou sur BFM le vendredi soir, pendant les travaux d’un congrès auquel il n’assistait pas ce premier jour ».
[45] https://www.youtube.com/watch?v=kkXmX0IDc_s : Pour Poupin, le NPA doit être « un outil pour la participation à toutes les luttes, pour la participation au débat qui a lieu au sein du mouvement ouvrier, aux recompositions qui sont absolument nécessaires (…) parce qu’on voit aujourd’hui qu’on n’a pas de réponse à la hauteur ». Elle précise peu après que l’objectif est d’« avoir un outil qui soit plus utile, plus efficace, plus dynamique ; aussi plus accueillant, parce qu’il faut avouer que les disputes internes ne font pas particulièrement un cadre enthousiasmant ». Besancenot ajoute à cela une petite note qui se veut culpabilisante vis-à-vis des courants oppositionnels, mais est en réalité très hypocrite : selon lui, avec la juxtaposition de ces courants au sein du NPA, pour « discuter politique (…) on se sentait un petit peu était empêché de le faire » et il dit qu’il fallait « s’autocensurer ». Cela alors que la direction du NPA a souvent pris des décisions minoritaires dans le parti (sur des questions comme les élections, par exemple).
[46] Idem : « ce congrès a acté une séparation au sein du NPA, une séparation qui était posée déjà depuis de longs mois ». Pour elle, la séparation « existait, de fait, déjà, au sein du NPA ».
[47] Idem : « On pense qu’il va y avoir des combats sérieux (…) qu’il va se passer des choses énormes, ça va bouger. Et on a envie d’être là, d’être utile et d’être efficace ».
[48] Idem : Poupin dit qu’il s’agit d’avoir un NPA « fidèle à son histoire, de vouloir une transformation radicale, révolutionnaire de la société (… mais aussi…) capable de prendre en compte la place désormais déterminante qu’ont les luttes écolos et en particulier les luttes sur l’urgence climatique ».
[49] Idem.
[50] Idem. Ce sont, dit Poupin après s’être reprise, « la quasi-totalité de nos 102 délégué.es – sur les 102, deux se sont abstenu.es – qui ont acté que la situation dans laquelle nous vivions depuis des mois voire des années, qui était d’une certaine manière de coexistence d’organisations différentes, ne pouvait pas durer ».
[51] Idem : Poutou déclare : « on s’éloignait petit à petit de ce que nous, on avait voulu faire dès 2009. Et donc il y avait besoin à la fois de revenir à ça, de rediscuter, de remettre au centre des discussion la question d’un parti large, unitaire et radical en même temps ». Pour Besancenot, il s’agit d’un « choix politique de fond (…) renouer avec ce qu’était le NPA, dans un contexte qui a évidemment complètement changé, mais qui était une volonté à la fois radicale et unitaire. Là, le NPA a fait le choix de ne devenir ni un front de tendances et de fractions et d’organisations, ni une secte politique ».
[52] Idem.
[53] Cf. par exemple : https://www.sudouest.fr/politique/politique-les-anciens-candidats-a-la-presidentielle-du-npa-olivier-besancenot-et-philippe-poutou-font-scission-13352213.php.
[54] https://www.youtube.com/watch?v=kkXmX0IDc_s : « dans ces situations, il y a toujours une bagarre de légitimité (…) Nous, on peut dire qu’on est plus nombreux (…) Mais surtout, la légitimité historique et politique, elle est évidemment du côté de celles et ceux qui sont là, c’est-à-dire cette idée d’un regroupement non sectaire, ouvert, disponible à la fois dans le débat mais aussi par rapport à tout ce qui se passe dans la société ».
[55] Idem. Besancenot déclare : « On va quand même prendre le soin de ne pas s’adresser à eux par médias interposés, c’est-à-dire de garder un maximum de relations fraternelles et militantes, parce que ce sont des camarades, de toute façon, qu’on va retrouver parmi les premiers et les premières dans les combats (…) et parce que c’est jamais de gaîté de cœur qu’on arrive à un constat politique ».
[56] https://nouveaupartianticapitaliste.org/ et https://nouveaupartianticapitaliste.org/agir/politique/nous-continuons-le-npa-pour-un-parti-des-exploitees-et-des-opprimees-revolutionnaire
[57] Déclaration du congrès du NPA – 11/12/2022. « Urgence et actualité de la révolution, nous continuons le NPA »
[58] GU : Gauche Unitaire, courant issu de la LCR, autour notamment de Christian Picquet, participant au NPA à sa fondation, mais trouvant le projet du parti trop étriqué (pas assez ouvert sur sa droite).
[59] Après sa rupture avec le PS, Mélenchon et le groupe militant autour de lui a fondé le Parti de Gauche (PG) en 2008, et celui-ci a vite conclu un accord avec le PCF pour créer le Front de Gauche (FdG) dans lequel allaient s’agréger d’autres groupes, notamment issus du NPA.
[60] C&A: Convergences et Alternative. Courant droitier, opportuniste du NPA, déjà présent dans la LCR.
[61] GR : Gauche Révolutionnaire. Petit courant lié au CIO/CWI (Comité pour une Internationale ouvrière – Committee for a Workers’ International), qui intervient aujourd’hui dans LFI.
[62] GA: Gauche Anticapitaliste. Courant droitier représentant à peu près la moitié de la direction de la LCR lors de sa dissolution, et ayant joué un rôle dirigeant dans le NPA à ses débuts.
[63] PCI : Parti communiste internationaliste. Ancient nom du courant lambertiste en France – du nom de Pierre Lambert, dirigeant trotskiste français qui s’était opposé à l’orientation notamment défendue par Ernest Mandel –, parti qui s’est dissout dans un MPPT (Mouvement pour un parti des travailleurs), devenu PT (Parti des travailleurs). Plus récemment ce courant est devenu le POI (Parti ouvrier indépendant) qui a scissionné il y a quelques années, donnant naissance au POID (Parti ouvrier indépendant démocratique).
[64] https://nouveaupartianticapitaliste.org/principes-fondateurs
[65] Idem. On lit : « La logique du système contribue par là même à créer les conditions de son renversement, d’une transformation révolutionnaire de la société, en démontrant quotidiennement à quel point il est vrai que le bien-être, la démocratie, la paix sont incompatibles avec la propriété privée des grands moyens de production ». Le programme dit aussi : « En finir avec les crises implique d’en finir avec l’exploitation, donc avec la propriété privée des principaux moyens de production, d’échange et de communication, qui en constitue la base. Le système financier, les services essentiels à la vie, les grandes entreprises devront passer sous le contrôle des salariés et de la population, qui en assumeront la propriété et en assureront la gestion dans le cadre d’une planification démocratique ». On note aussi ce passage : « Le socialisme, l’écosocialisme, c’est le pouvoir des travailleurs et travailleuses dans tous les domaines et à tous les échelons de la vie politique, économique et sociale. C’est la démocratie des producteurs/trices associé-e-s décidant librement et souverainement quoi produire, comment et à quelles fins ».
[66] Idem : « Ce n’est pas un programme minimum au rabais, mais une série d’objectifs de mobilisation, des mesures qui remettent en cause le système et préparent le socialisme que nous voulons. Nous défendons un programme d’urgence qui, pour répondre aux besoins immédiats, met en question la propriété capitaliste des moyens de production, attaque le capital et ses profits pour augmenter les salaires, les pensions de retraite, les minima sociaux et pour satisfaire les besoins de la population ».
[67] Idem.
[68] Idem : « Notre programme comporte aussi des exigences démocratiques radicales pour s’opposer aux excès et dérives des institutions répressives (police, justice, prisons, armée…) ».
[69] Idem.
[70] Idem.
[71] Idem.
[72] Idem. On lit aussi que le programme défendu par le NPA « impliquerait la confrontation avec les classes dominantes, et exigerait une formidable mobilisation populaire, susceptible de faire émerger de nouvelles formes de pouvoir qui donneraient à un gouvernement anticapitaliste les moyens de sa politique ».
[73] https://nouveaupartianticapitaliste.org/node/38456 : Ainsi « Ce qui rend nécessaire une centralisation des activités du parti, c’est que le capitalisme dispose d’un cadre centralisé d’où s’organise sa domination : l’État, les puissances économiques et financières ».
[74] Idem. Plus précisément, le congrès « élit à la parité un conseil politique national (CPN) représentatif du parti, de sa réalité géographique comme de ses commissions nationales, et de ses sensibilités politiques. S’il existe des orientations politiques contradictoires soumises au vote du congrès, le CPN est élu à la proportionnelle ».
[75] Idem. Il est dit exactement : « Les tendances se constituent lors de la préparation des congrès ou des Conférences Nationales. A priori elles se dissolvent à leur issue. Elles peuvent se maintenir pour défendre leur orientation entre ces échéances à condition d’expliciter sa démarche par un texte. Toute fraction politique doit se déclarer sur la base d’un texte qui définit les raisons de leur mise en fraction. Un courant de l’organisation ne peut s’exprimer publiquement sans une telle déclaration préalable. Le maintien d’une fraction à l’issu d’un congrès doit faire l’objet d’un nouveau texte à l’issu de ce congrès ».
[76] Citons encore Ph. Poutou dans la conférence de presse du 11 décembre : il s’agit « de remettre au centre des discussions la question d’un parti large, unitaire et radical en même temps ». https://www.youtube.com/watch?v=kkXmX0IDc_s
[77] Les statuts précisent exactement : « Le comité exécutif est responsable de l’activité nationale : représentation du NPA, animation nationale des campagnes, réaction à l’actualité politique et sociale française et internationale, collectif de porte-parole… Le CE doit être élu à la proportionnelle des tendances ». https://nouveaupartianticapitaliste.org/node/38456