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    Ce qui fonde la valeur

    économie

    Lien publiée le 27 février 2023

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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    Quels sont les arrangements institutionnels, les configurations sociales, les croyances partagées et les outils qui sous-tendent la fabrication de la valeur ?

    Avec
    • Jean-Marie Harribey économiste, coprésident du conseil scientifique de l’association Attac

    Peu de concepts ont été tant discutés par les économistes que celui de “valeur”. En effet, cette notion polysémique pose plusieurs questions centrales. Depuis Adam Smith, ceux qui ont pensé la création de richesses ont cherché à déceler ce qui fonde la valeur d’une chose. Est-ce son utilité, la quantité de travail nécessaire à sa production, sa rareté ? A chaque économiste sa théorie. Quelles sont les origines de cette notion incontournable ?

    D'abord, c’est Aristote qui, le premier, aborde le concept de valeur. Il différencie ce qu’il désigne comme l’ “utilité”, ou la “valeur d’usage”, de la “valeur marchande”. Cette distinction fondatrice met en lumière la dimension polysémique du terme. En effet, la "valeur" peut renvoyer tant au domaine économique qu’à celui de la politique ou de la philosophie. L’usage du pluriel ou du singulier peut lui aussi faire varier le sens du concept. Alors, de nombreux économistes et philosophes étudient les problèmes que pose la notion : “c’est avec Adam Smith qu’en 1776, cette question de la valeur va resurgir sous une forme à la fois conforme aux intuitions d’Aristote et en même temps sous une forme nouvelle”, souligne Jean-Marie Harribey.

    Conceptions des économistes classiques et critique de Marx

    Dans un premier temps, Adam Smith opte pour un “raisonnement circulaire”, qui va “poser les soubassements de ce qu’on va appeler la théorie de la 'valeur-travail'”, comme l’explique Jean-Marie Harribey. Ce raisonnement est notamment mis en évidence par l'hiatus entre l’eau et le diamant : "c’est ce qui permet à Smith d’introduire l’idée que la valeur d’échange des marchandises est liée à la façon dont on l’a produite, par le travail”, ajoute Jean-Marie Harribey. Ricardo vient compléter cette réflexion, et tranche en faveur de “l’idée que c’est le travail incorporé qui va déterminer la valeur des marchandises. Le travail incorporé est la quantité de travail nécessaire à la fabrication des outils, des matières premières, dans l’ensemble des moyens de production. Le travail direct, lui, est le travail de celui qui va transformer ces moyens de production en produit fini. C’est la somme des deux qui déterminera la valeur d’échange des marchandises.”, nous explique Jean-Marie Harribey.

    Adam Smith est alors le premier à fonder la valeur sur le travail, mais il livre également une réflexion sur la répartition de la valeur. Selon lui, comme l’explique Jean-Marie Harribey, “il y a une répartition de la valeur créée par le travail qui est effectué entre ces trois classes : les salariés, les capitalistes, les rentiers. Smith n’hésite pas à dire que le profit du capitaliste et la rente que retire le propriétaire foncier viennent d’un prélèvement sur le fruit du travail (...) Il y a une confrontation des classes entre les trois grandes classes qui vont se “partager”, se “disputer” le produit du travail.”. Smith et Ricardo considèrent alors que les lois de l’économie sont naturelles : Marx vient critiquer cette conception. Selon lui, “elles sont le produit de rapports sociaux à un moment donné de l’histoire humaine”. Avec Marx, on va donc être amenés à comprendre différemment cette économie capitaliste du début du XIXe siècle. En effet, il introduit, comme le précise Jean-Marie Harribey, le “concept de la validation sociale par la vente sur le marché”, mais aussi celui d’”exploitation”, aussi désigné comme le “sur-travail”. Marx accorde alors une importance majeure, et originale par rapport à ses prédecesseurs, aux rapports sociaux.

    La vision des économistes marginalistes

    Ces différentes théories de la valeur vont être remises en cause par les économistes du XIXe siècle. En effet, les économistes "marginalistes" (L. Walras, W. Jevons et C. Menger notamment) proposent les fondements d’une nouvelle théorie de la valeur. Jean-Marie Harribey détaille : “Ils vont agir simultanément en partant du paradoxe que Jevons va énoncer un peu différemment d’Adam Smith : celui de la perle et du caillou. Si deux plongeurs plongent dans la mer et que l’un remonte avec une perle et l’autre avec un caillou, les deux n’ont pas produit la même valeur puisqu’ils ont plongé pendant le même temps de travail. Le renouvellement de ce paradoxe permet de développer une branche alternative autour de l’utilité, qui avait été exclue par les classiques.”.

    Cette conception de l’utilité renvoie, comme le met en lumière Jean-Marie Harribey, “à un rapport individuel, alors que le travail renvoie aux rapports sociaux. (...) Pour les économistes marginalistes, c’est l’utilité du consommateur qui compte. (...) Sur le plan de la philosophie politique, la société n’est pour eux qu’une agglomération d’une somme d’individus. Le marché va fixer en fonction des rapports entre les utilités marginales et les prix un équilibre, un optimum.“ Cette conception est critiquable, comme l’explique Jean-Marie Harribey, qui insiste sur l’idée que “faire disparaître le concept de valeur ne serait pas dommageable si on avait une théorie des prix concrète, mais c’est dommageable si on fait disparaître par la même occasion les rapports sociaux. Dans la théorie néoclassique aujourd’hui, il n’y a plus de rapport social antagonique entre la classe bourgeoise et la classe des travailleurs salariés. En faisant disparaître les rapports sociaux, on peut donner une figure de l’économie qui se résumerait uniquement à ce qu’il se passe sur le marché. Mais ça ne permet pas de comprendre les problèmes à résoudre sur le plan social, ni les problèmes nouveaux qu’on doit résoudre aujourd’hui qui relèvent de l’environnement et de l’écologie.”

    Pour aller plus loin

    Références sonores

    • Extrait du film "Un Indien dans la ville" réalisé par Hervé Palud avec Thierry Lhermitte (1994)
    • Extrait du film "Le trésor de la Sierra Madre", réalisé par John Huston (1949)
    • Lecture sur Mocke et Half Quartet

    Références musicales

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