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Hausse des prix alimentaires : la menace d’un «mars rouge» plane sur les chariots
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’expression a de quoi faire peur. Début janvier, Olivier Dauvers, spécialiste du secteur de la grande distribution, alertait sur un potentiel «mars rouge», soit une explosion des prix dans les grandes surfaces consécutives à l’application des nouveaux tarifs 2023 au 1er mars. L’expression a depuis fait le tour des plateaux télés jusqu’à être reprise par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Ce dernier signalait lundi sur BFMTV, qu’il «n’y a aucune raison qu’il y ait un mars rouge», désirant ainsi rassurer des consommateurs dont le pouvoir d’achat s’est déjà bien érodé en 2022. Mais l’élan d’optimisme affiché par Bercy ne semble pas partagé par tous.
Chaque année, fournisseurs de l’industrie agroalimentaire et grande surfaces se retrouvent pour négocier le prix de gros des marchandises vendues en rayon. Ces tractations annuelles, qui prendront fin le 28 février, reposent sur l’ensemble des produits de marque nationale (Danone, Lu, Herta…), ceux de marque distributeur (Marques Repères, Produits U ou Carrefour) n’étant pas concernés. Si les discussions sont habituellement âpres, le contexte inflationniste a attisé les tensions entre les deux camps. Les industriels, qui ont vu leurs coûts de production s’envoler (matières premières, énergie, transports), demandent une hausse des prix compris entre 10% et 40% en fonction des produits. Les distributeurs rétorquent que de telles augmentations conduiraient à une inflation difficilement supportable pour le consommateur. Conscient des effets délétères d’une pareille hausse en période de mouvement social, Emmanuel Macron a loué «l’esprit de responsabilité de nos grands producteurs et revendeurs», lors de son déplacement au marché de Rungis, ce mardi.
Hausses «délirantes» ou «justifiées» ?
«Les industriels demandent des hausses de tarifs délirantes de 20 % alors que les prix des matières premières, des transports, et de l’énergie sont désormais significativement à la baisse», s’insurgeait dans un entretien au Figaro le 14 février, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, qui présentait par la même occasion un chiffre d’affaires mondial à la hausse. «On peut être impressionné par le niveau des hausses demandées, mais chacune d’entre elles est avérée, et elles sont tout sauf délirantes, objectait auprès de l’AFP Jean-Philippe André, le président de la principale organisation patronale de l’agroalimentaire français, l’Ania. Les matières premières sont plus chères que l’an dernier et nous avons acheté l’énergie aux tarifs actuels pour toute l’année.» Malgré leurs divergences, fournisseurs comme distributeurs devraient s’entendre sur une «augmentation des prix de gros autour de 10 %», estime auprès de Libération Olivier Dauvers. Et comme les grandes surfaces n’imaginent pas (trop) rogner sur leurs marges, l’addition sera répercutée sur les consommateurs.
Bruno Le Maire a néanmoins tenu à rassurer : «Nous allons rester à des niveaux de prix qui sont très élevés […] mais il n’y a aucune raison que les prix s’enflamment à partir du mois de mars.» Le locataire de Bercy a ajouté qu’il recevra les distributeurs «dans les prochains jours» pour voir comment limiter l’impact de l’inflation «sur le panier des compatriotes», notamment avec la mise en place du panier anti-inflation. Une sortie qui est loin de faire l’unanimité, jusque dans son entourage. «J’ai eu des retours au sein de son ministère et sa déclaration a laissé dubitatif, raconte Olivier Dauvers. Il y a un risque de perdre en crédibilité car l’inflation alimentaire devrait être aussi forte sur les quatre à six semaines qui suivront ces négociations que sur l’ensemble de l’année 2022 [plus de 12,6% selon le cabinet IRI, ndlr].» Le panéliste NielsenIQ table, lui, sur une hausse des prix alimentaires de 15% en juin 2023 par rapport à 2021, soit un surcoût annuel de l’ordre de 800 euros pour un ménage avec deux enfants.
«Conséquences sociales désastreuses»
Devant ces prévisions qui n’augurent rien de bon, les Français continueront d’adapter leurs habitudes de consommations. Les marques distributeur, qui ont vu leurs parts de marché repartir à la hausse en 2022 après des années de baisse continue d’après le cabinet Nielsen, devraient en être les principales bénéficiaires. Devraient aussi se multiplier les arbitrages liés à la privation de certaines denrées. Un ménage sur quatre a déjà commencé à rogner sur l’achat de produits alimentaires. Avec le risque que la réduction du volume dans le chariot ne se traduise pas par une addition moins salée en caisse. «L’inflation printanière pourrait avoir des conséquences sociales désastreuses, souligne Olivier Dauvers. Cela me rappelle l’atmosphère pré-gilets jaunes.»
Le spécialiste du secteur de la grande distribution entrevoit toutefois une possible issue de secours : «L’année dernière, le gouvernement a imposé un nouveau round de négociations quand les coûts de l’énergie et ceux des matières premières se sont envolés afin de ne pas pénaliser les fournisseurs. On peut imaginer cette fois-ci des négociations revues à la baisse, avec le possible recul des matières premières et les prochains contrats énergétiques qui seront, eux, affectés par le repli des cours.» Pour l’heure, rien de tout cela n’est prévu.