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Libye: une crise qui n’en finit pas
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Libye : une crise qui n’en finit pas | L’Anticapitaliste (lanticapitaliste.org)
Depuis l’intervention française en Libye, le pays est en proie aux violences. Soutenues par des puissances étrangères, deux forces principales s’affrontent sur lesquelles s’agrègent une multitude de milices transformant le pays en une succession d’enclaves politiques.
On assiste à une activité diplomatique intense pour organiser des élections en Libye sans cesse reportées faute de consensus. La 36e session de l’Union africaine a dépêché Sassou-Nguesso, le dictateur du Congo-Brazzaville, pour organiser une conférence de réconciliation nationale. Quant aux Nations unies, son envoyé spécial Abdoulaye Bathily tente de mettre en place un panel de personnalités clefs pour définir les règles régissant les futures élections.
Un pays divisé
Il existe deux pôles d’autorité qui s’opposent. D’un côté le Gouvernement d’unité nationale (GUN) à Tripoli dirigé par Abdel Hamid Dbeibah et reconnu par les Nations unies, de l’autre celui de Syrte, conduit par Fathi Bachagha et défendu par le Maréchal Khalifa Haftar à la tête de son Armée nationale libyenne. Chacun des deux camps est soutenu par différentes milices rivales entre elles possédant leur propre agenda. Les deux gouvernements bénéficient du soutien étranger. La Turquie et le Qatar appuient le GUN, tandis que le Maréchal Haftar peut compter sur les Russes qui ont dépêché les mercenaires de la société Wagner, l’Égypte et les Émirats arabes unis (EAU). La guerre est devenue plus meurtrière par une utilisation massive des armes lourdes y compris l’aviation et par l’emploi des nouvelles technologies avec l’apparition des drones.
Ce conflit au niveau régional attire de nombreux combattants soudanais, tchadiens et syriens. Bien qu’il soit difficile de dénombrer avec précision le nombre de mercenaires, la majorité des experts estime qu’ils sont autour de 20 000, dont une moitié sont Syriens.
Ni guerre ni paix
Début avril 2019, Haftar a tenté par la force de s’emparer de Tripoli. Il comptait sur un ralliement de certaines milices ou du moins leur refus de combattre. Il estimait que la supériorité de son armement lui permettrait d’arriver à bout du GUN. Considéré comme un piètre stratège, Haftar ne va pas déroger à sa réputation. Non seulement l’ensemble des milices va défendre la capitale libyenne mais le gouvernement turc de Recep Erdogan enverra des drones armés qui seront décisifs dans cette bataille.
Désormais un consensus existe sur l’impossibilité pour un camp de l’emporter militairement. Mais, en l’absence de volonté politique de faire la paix, le pays se retrouve depuis deux ans dans un état de guerre civile de basse intensité. Cette situation engendre la pérennisation des milices qui se fragmentent de plus en plus. Elles tendent à cultiver leur pouvoir, à contrôler des territoires et à se livrer à toute une série d’activités lucratives pour la plupart illégales. Les populations civiles, en premier lieu les migrantEs, sont victimes de ce conflit larvé où l’État de droit disparait au profit de la force.
Le « en même temps » diplomatique
La France soutient officiellement le GUN et toutes les initiatives de paix qui émanent des Nations unies ou de l’Union africaine. Mais le concept macronien du « en même temps » s’applique puisque Paris appuie le maréchal Haftar. La diplomatie est prise entre plusieurs exigences : se conformer, d’une part, aux décisions de la communauté internationale, ce qui conduit à soutenir le gouvernement de Tripoli, mais aussi, d’autre part, maintenir ses relations avec les EAU — considérées comme stratégiques dans la région. En effet, depuis 2009, des troupes françaises sont stationnées dans ce pays. Environ 650 militaires des trois armes y sont présents. Autre élément : le gouvernement du Tchad, pays lui aussi stratégique pour la France au Sahel, entretient des liens très étroits avec Haftar. Enfin, le Quai d’Orsay, dans la continuité de sa politique africaine, voit officieusement dans Haftar l’homme fort capable de ramener ordre et stabilité dans le pays. Cela reste pour Paris l’objectif principal car cela permettrait un contrôle des frontières pour éviter les infiltrations de combattants jihadistes sur le continent et pour empêcher efficacement l’immigration.
L’intervention française en Libye en 2011 a déstabilisé le Sahel. Elle a également fait de la Libye un enjeu stratégique. Ainsi, les nombreuses ingérences étrangères éloignent durablement toute perspective de paix en dépit de la volonté d’une majorité de LibyenEs.