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La grève du secteur pétrolier : une question stratégique

Lien publiée le 28 mars 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

La grève du secteur pétrolier : une question stratégique | Liga Internacional de los Trabajadores (litci.org)

Devant la raffinerie de Gronfreville l’Orcher, près du Havre (Normandie), le 24 mars 2023. LOU BENOIST / AFP

Très clairement, une nouvelle étape de la lutte a démarré le 16 mars, avec le passage en force de Macron et Borne au parlement. Depuis, ça déborde de partout, et les manifs sauvages, les actions illégales, un renforcement des grèves et une multiplication des affrontements avec l’appareil policier se sont multipliés et en partie combinés avec les initiatives de l’intersyndicale. La jeunesse est à présent entrée de plain-pied dans le mouvement, ce qui est une excellente et importante nouvelle.

Par :  Michaël Lenoir

Le 26 mars 2023.

Une situation toujours très tendue, toujours ouverte

En ce jour du 26 mars, l’issue de la bataille d’ampleur historique qui se joue en France reste ouverte. La colère populaire qui s’exprime partout en France peut encore faire plier Macron. Les manifestations du jeudi 23 mars ont été énormes et très jeunes – l’arrivée en lutte de la jeunesse étudiante et lycéenne est un fait constaté partout –, les blocages très nombreux (notamment celui du terminal 1 de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle pendant deux heures et demie, causant un bouchon estimé à 24 km). Mais les journées d’action ne peuvent pas y suffire. Il faut nécessairement élever le rapport de forces. Nous avons expliqué ailleurs que ce n’était pas la politique de l’intersyndicale nationale, et que celle-ci doit impérativement être bousculée et débordée pour nous permettre de gagner. Mais, malgré la montée de la colère populaire, les grèves reconductibles sont encore trop peu nombreuses – certaines se sont arrêtées ! – pour faire céder le freluquet de l’Elysée, pourtant de plus en plus isolé.

Source : Le Monde du 23 mars

Macron très isolé, de plus en plus critiqué au sein de sa classe

On entend des voix de plus en plus nombreuses, au sein de la bourgeoisie – internationale, et même française – pour critiquer sa gestion de la réforme des retraites. Le Financial Times, qui n’est pas n’importe quel organe de presse, critique Macron, le Conseil de l’Europe réprouve les violences policières et la gestion de l’ordre en France mettant en cause la liberté de manifester, des porte-paroles de certains secteurs économiques (tourisme, commerce) commencent à se plaindre de l’impact, à la fois de la grève du secteur de la collecte et du traitement des déchets et de son impact sur l’état des rues de Paris, que des multiples manifestations avec affrontements sur les annulations de voyages de touristes…

Et cerise sur le gâteau – ne boudons pas notre petit plaisir – l’apprenti monarque élyséen a dû renoncer à son fastueux tête à tête versaillais avec le nouveau monarque d’outre-Manche qui va bientôt recevoir sa couronne. Ce dernier commencera finalement en Allemagne ses voyages royaux à l’étranger. Pas en France : dommage pour Macron et pour les belles âmes toujours promptes à soigner « l’image de la FRANCE » et à se féliciter de la restauration de bonnes « relations entre NOS deux pays » ! L’adversité s’est acharnée contre le camp gouvernemental sur cette affaire. Les fonctionnaires travaillant sur le protocole se sont mis en grève. La police est déjà sur les dents, passant son temps à cavaler après les manifs « sauvages ». Elle est mobilisée pour matraquer et gazer, arrêter les gens, très souvent d’une façon parfaitement arbitraire, et pour réprimer des grèves. Le royal programme faisait vraiment beaucoup pour les nerfs des hommes en uniforme. Le portail de la mairie de Bordeaux, ville où devait aussi se rendre Charles III a pris feu dans la soirée du 23 mars. Le risque de perturbations du protocole qui auraient vraiment pu faire tache, en plus de la débauche de luxe à laquelle cet évènement hyper-médiatisé devait donner lieu en plein mouvement social. Tout cela a eu raison du projet de retrouvailles au sommet franco-britannique, que Macron veut reporter au début de l’été.

Photo : Rue89Bordeaux.

Dans ce contexte, on peut sans doute encore compter sur la massivité et la radicalité croissante du mouvement. Mais plus concrètement, il faut aller vers ce qui est le plus stratégique, ce qui fait le plus mal au capital. L’accumulation des déchets dans les rues de Paris est un bon exemple, et il est indispensable de continuer à soutenir celles et ceux qui se battent encore dans ce secteur, comme les travailleurs/ses de l’incinérateur d’Ivry sur Seine, juste à côté de Paris.

La grève reconductible se poursuit à la SNCF, perturbant le trafic dans plusieurs régions – notamment dans le sud-ouest[1] ou en Bretagne[2]. Une grève sauvage reconductible a démarré le vendredi 17 au soir au technicentre de Chatillon (banlieue sud de Paris) qui assure – en temps normal – la maintenance des TGV Atlantiques, justement vers l’ouest et le sud-ouest de la France. Arrêter, par la grève, la maintenance des rames empêche les TGV de circuler, purement et simplement. Rapidement, la circulation à partir de la gare Montparnasse en souffre, de plus en plus. On comptait 110 TGV (sur 136) supprimés au 24 mars. Ces ateliers de maintenance revêtent donc un poids majeur dans la lutte[3].

Petite cartographie de l’industrie pétrolière

La question de la grève des industries pétrolières est d’une actualité brûlante dans un domaine hyper-stratégique pour l’économie. Commençons par quelques rappels simples sur les structures de ces industries en France. Sur le territoire métropolitain, on compte aujourd’hui huit raffineries. Il en existait une petite vingtaine de plus au début des années 1980, qui ont fermé depuis, dont cinq depuis 2010.

Parmi les huit raffineries actuelles, cinq appartiennent à TotalEnergies : la Raffinerie de Normandie, près du Havre ; celle de Donges, près de Nantes ; celle de Feyzin près de Lyon ; la Plateforme de la Mède, non loin de Marseille ; et la Raffinerie de Grandpuits à l’est de Paris. Les deux dernières sortent du domaine pétrolier, pour entrer dans celui que Total appelle d’un terme critiquable le « biogazole » (la Mède depuis 2018 ; et Grandpuits s’étant arrêtée en 2021, aujourd’hui en reconversion vers une « bio »-raffinerie). Donc seules les trois premières produisent des produits pétroliers raffinés (gazole, essence, kérosène…). Deux raffineries appartiennent à la multinationale étatsunienne ExxonMobil (Esso en France) : à Port Jérôme-Gravenchon entre Rouen et Le Havre, et à Fos-sur-Mer, non loin de Marseille. Et la Raffinerie de Lavéra (région marseillaise aussi) appartient à l’entreprise sino-britannique PetroIneos (Petrochina et Ineos).

Les raffineries pétrolières ne sont donc plus qu’au nombre de six aujourd’hui : 3 pour Total, 2 pour Esso et celle de PetroIneos. Dans la lutte des classes déterminante qui se joue aujourd’hui, il ne faut pas oublier le vaste réseau de dépôts pétroliers, qui sont souvent le résultat de la reconversion de raffineries aujourd’hui disparues. Il existe environ 200 dépôts pétroliers à ce jour. Beaucoup d’entre eux ont été ou sont bloqués par des grévistes ou par des mouvements interprofessionnels dans la lutte contre la « réforme » de Macron. Le nombre de ces blocages est fluctuant, augmentant en particulier les jours de grande mobilisation. Et les flics interviennent souvent pour les débloquer, comme par exemple celui de Port-La-Nouvelle dans le sud du pays.

La grève des industries pétrolières, une lutte d’une importance stratégique

Si l’on observe ce qui se passe aujourd’hui du côté des six raffineries de produits pétroliers, on note que toutes sont plus ou moins affectées par la grève, directement ou indirectement :

  • La raffinerie TotalEnergies de Gonfreville l’Orcher, dite Raffinerie de Normandie, la plus grande d’Europe (avec une capacité de production de 12,3 Mt/an), est en grève reconductible ; nous évoquons plus précisément son cas un peu plus loin.
  • La raffinerie TotalEnergies de Donges (11 Mt/an), est aussi en grève, reconduite jusqu’au 31 mars. Mais 6 salariés ont été réquisitionnés, afin de produire du pétrole pour alimenter le dépôt de Vern-sur-Seiche, à côté de Rennes. Fabien Privé Saint-Lanne, délégué CGT, déclare au Monde : « Nos camarades étaient sous stress, sous pression ». Mais il ajoute : « A ma connaissance, aujourd’hui [vendredi] de toute façon le chargement du dépôt de Vern-sur-Seiche n’est pas d’actualité, puisqu’il y aurait un problème technique »[4].
  • Celle de Feyzin est en débit réduit.
  • La raffinerie ExxonMobil de Fos-sur-Mer tourne au ralenti. Sa direction n’avait pas hésité à recourir au mensonge le 10 mars, prétendant que la grève s’était arrêtée. Aujourd’hui, elle reconnait qu’elle fonctionne, mais au ralenti : la production est réduite au minimum et les expéditions sont bloquées[5].
  • La raffinerie de Lavéra est partie en grève suite à l’usage de l’article 49-3 et elle a été mise à l’arrêt peu après.
  • Enfin, la grosse raffinerie Esso de Port Jérôme n’est pas en grève, mais elle vient d’être mise à l’arrêt (samedi 25) faute de pétrole brut à raffiner ! Et il faut compter 10 jours pour redémarrer, une fois le pétrole brut arrivé, ce qui ne semble pas près de se produire[6].

A part Lavéra, qui a rejoint le mouvement le 16 mars, la grève reconductible a commencé le 7 mars. Les stocks de carburants avaient été maintenus élevés par le gouvernement en prévision du conflit. Mais la grève s’installe dans la durée et a déjà commencé à produire des effets. L’approvisionnement en essence est perturbé dans certains départements, notamment dans l’ouest (Maine-et-Loire, Mayenne, Loire Atlantique, Ille-et-Vilaine, Morbihan) et dans le sud du pays (Bouche du Rhône, Var, Hérault, Ariège). Selon TF1 Infos et l’AFP, ces 9 départements les plus touchés connaissaient des pénuries affectant entre 20% et 50% des stations-services[7]. Selon la chaine du groupe Bouygues :

  • « Suite aux réquisitions, l’approvisionnement en carburants a repris dans plusieurs régions françaises, menacées par les pénuries.
  • Au niveau national, 15% des stations-essence sont en situation de rupture.
  • Pour autant, des territoires sont plus concernés que d’autres par les restrictions liées à la contestation contre la réforme des retraites »[8].

Le même site faisait état de 784 stations-service en rupture totale et 1204 en rupture partielle ce week-end.

Clairement, le gouvernement cherche à briser la grève du secteur pétrolier par des réquisitions dans les raffineries et des coups de force policiers dans celles-ci et dans les dépôts bloqués. L’enjeu est très important : les réquisitions, souvent jugées illégales a posteriori, cassent le moral des grévistes et ont souvent, dans le passé, conduit à la reprise du travail. Il faut aussi se souvenir de 2010, lors de la lutte contre une précédente « réforme » des retraites, imposée par Sarkozy, lorsqu’il y a eu des réquisitions et des brutalités policières contre les grévistes de la raffinerie de Grandpuits, la solidarité n’a pas été à la hauteur, loin de là. Cela a contribué à la fin de la grève et à la défaite. On comprend, à l’inverse, l’importance du soutien organisé en faveur des raffineurs. Vu que ce secteur est en pointe dans la lutte contre Macron, sa « réforme » et son monde, il est essentiel de bien percevoir les enjeux et de soutenir très largement cette grève qui est aussi la nôtre. C’est ce que montre, en positif, l’exemple tout récent de la Raffinerie de Normandie.

Belle victoire de la solidarité au Havre

Vendredi 24, la journée avait mal commencé pour les travailleurs/ses de la raffinerie de Gonfreville l’Orcher. Tôt le matin, les CRS ont pénétré dans l’entrée principale de la plateforme de TotalEnergies, évacuant les quelques grévistes tenant le piquet de grève pendant la nuit. Ce mauvais tour était prévisible dès le mercredi 22 après l’annonce des réquisitions par le préfet de Seine Maritime. Quatre réquisitions ont ainsi été ordonnées pour le vendredi 24.

Mais à la mi-journée le rapport de forces s’est inversé. Les sales coups avaient été anticipés par l’équipe syndicale locale et son appel à la solidarité a été vite et bien entendu. Environ 500 personnes ont afflué sur le site et ont entouré les grévistes de leur soutien, rendant les robocops présents sur place nettement minoritaires en nombre. Des soutiens venus de divers horizons : du Havre et de ses environs, du département voisin de l’Eure, et de Paris et de la région parisienne. Une partie était des syndicalistes (on observait des chasubles CGT, FO, CFDT, Solidaires) mais on rencontrait aussi des Gilets jaunes, et de simples citoyen.nes solidaires des grévistes et déterminé.es à mettre en pièces la « réforme » de Macron. Quelques figures connues aussi : l’actrice Adèle Haenel, le philosophe Frédéric Lordon, le rappeur havrais Médine, le député PCF Sébastien Jumel, la députée LFI Alma Dufour. Des gens de tous âges, souvent joyeux et déterminés. De belles rencontres, des discussions spontanées. Une chaude ambiance qui a certainement bien regonflé le moral des grévistes après les rudes évènements du petit matin.

A noter la forte présence du Réseau pour la grève générale, qui a fait la démonstration de son efficacité, en lien avec le syndicat CGT de la raffinerie et le réseau syndical local. Des appels à être présents sur place à partir de 12h45 avaient été lancés par le Réseau et par la CGT Total Normandie. Deux cars de manifestant.es ont été mis en route, en provenance de St Denis, et de nombreux covoiturages ont été organisés, notamment depuis la région parisienne. D’où l’affluence de la mi-journée et de l’après-midi auprès des grévistes. Des soutiens locaux étaient déjà là plus tôt, à partir de 11h. Parmi ceux-ci, on remarquait la présence de dockers, d’éboueurs, de travailleurs/ses de la centrale nucléaire de Paluel (située à quelques dizaines de kilomètres du Havre), de militants des unions locales CGT du Havre, de Harfleur, de travailleurs du dépôt pétrolier de la CIM juste à côté. Puis les cars et les parisien.nes covoituré.es sont arrivé.es : de nombreux/ses étudiant.es, mais aussi des cheminot.es, agent.es RATP, postier.es, enseignant.es… Sur l’avenue juste devant l’entrée principale de la raffinerie, une masse humaine déterminée et solidaire s’agglutinait, bloquant la circulation. Mais les flics empêchaient toujours l’accès à la boite aux grévistes et aux soutiens.

Suite à quoi le rapport de forces a basculé en faveur des travailleurs/ses. Le nombre, la détermination y a fait beaucoup. Une discussion a eu lieu entre Alexis Antonioli, secrétaire du syndicat CGT de la raffinerie, un commissaire de police présent sur place, et des contacts téléphoniques ont été établis avec le sous-préfet du Havre. En plus du nombre de personnes en soutien présentes sur place, une menace supplémentaire en provenance de notre camp semble avoir fait pencher la décision du bon côté. Selon Mediapart qui cite les propos d’un syndicaliste, « Les portuaires ont menacé de bloquer le port si on ne pouvait pas passer »[9]. On a alors assisté à un spectacle fort réjouissant : les robocops se sont écartés et ont laissé entrer les grévistes et les soutiens sur le site. Les grévistes reconstituaient ainsi leur piquet et une assemblée pouvait se tenir.

Parmi les prises de paroles face aux grévistes et aux centaines de soutiens, le premier à intervenir est Alexis Antonioli, un leader syndical combatif et plein de verve. Il commence par une adresse bien sentie aux flics qui se tiennent derrière lui : « Il y en a que je ne salue pas. Bienvenue en Macronie ! ». Au micro il déclare : « Ce qu’ils prennent chez nous, c’est que dalle, c’est pour le symbole. Mais nous, on offre un autre symbole, celui de la résistance face à ce gouvernement prêt à tout pour casser la grève». Conscient que ce conflit social en arrive à des exigences bien plus vastes que le retrait de cette réforme, il affirme : « Ce qu’on veut, c’est la fin de leur monde. Cette dynamique sociale nous permettra de conquérir de nouveaux acquis sociaux ». S’ensuivent d’autres prises de parole[10] insistant sur l’importance de la solidarité. On entend, en ce sens, s’exprimer Fabian Bourdoulous, de la CGT de la CIM ; Christophe Aubert, de la CGT d’ExxonMobil ; Johann Fortier, de la CGT des dockers du Havre ; Sylvain Chevalier, travailleur de la centrale de Paluel. Reynald Kubecki, CGT Sidel et membre du Réseau pour la grève générale, insiste sur la répression et sur la nécessité d’aller au-delà de l’orientation de l’intersyndicale. Celle-ci n’a d’ailleurs envoyé aucun représentant national. Une honte face aux enjeux !

Puis c’est le tour des prises de parole pour le Réseau pour la grève générale. Se succèdent au micro Adrien Cornet, leader CGT de la Raffinerie de Grandpuits. Pour lui : « « Les patrons ont l’Etat, la police à leur service, nous ce qu’on a, c’est la grève ! Il faut qu’on s’unisse tous et qu’on aille les plier parce qu’on n’a jamais été aussi forts ! ». Clément, cheminot gréviste au technicentre de Chatillon, s’adresse aux grévistes de Gonfreville : « Vous tenez le kérosène des aéroports et nous, on tient les TGV de la gare Montparnasse ! ». Léo, jeune militant du Poing Levé raconte sa garde à vue de plus de 50 heures et insiste sur l’importance d’être aux côtés des grévistes. Laura Varlet, cheminote au Bourget, critique à juste titre la poursuite de la stratégie saute-mouton de l’intersyndicale et lance un appel à « reprendre nos luttes en main » et à « construire des comités d’action partout pour s’organiser à la base, pour organiser nos actions, pour se défendre face à la répression, c’est comme ça qu’on va gagner ! ».

Adèle Haenel rappelle une évidence utile à garder en tête en ce moment : « Ce qui compte, c’est la question du rapport de force, et c’est ce qui se joue ici avec les raffineurs ».Pour Frédéric Lordon, « ce pouvoir est en train d’arriver à son point de rupture. Quand un pouvoir recourt à des procédés aussi bas, c’est qu’il est plus proche de la fin que du début. Macron a voulu l’épreuve de force. Pas de bol, il est tombé sur une classe ouvrière déterminée, organisée, combative. On va le plier ».

C’est ce qu’il faut absolument parvenir à faire. Pour cela, une tâche cruciale est de multiplier les expériences de solidarité concrète face aux actions – et exactions – antigrève du pouvoir. Le bel exemple offert par le 24 mars à Gonfreville l’Orcher devrait en inspirer beaucoup d’autres, dans les incinérateurs de déchets, dans d’autres raffineries, partout où les travailleurs/ses en lutte seront confronté.es à ce régime pourrissant, de plus en plus violent parce qu’aux abois.

Toujours est-il qu’à la Raffinerie de Normandie, la grève continue, le taux de grévistes a augmenté, et la reconduction a été votée jusqu’à lundi 27. Mediapart rapporte que selon David Guillemard, élu CSE-CGT de la raffinerie, « les quatre réquisitions ordonnées par le préfet ont eu pour effet de renforcer le mouvement de grève en cours ». Le raffineur précise : « Il n’y a toujours aucun produit qui sort. Sur les quatre salariés, l’un reste introuvable et un autre a fait un malaise. L’impact est quasi nul »[11].

Une question majeure reste posée, qui conduit à penser qu’il va encore se passer des choses très prochainement du côté de Gonfreville.

Une discussion avec deux syndicalistes locaux m’a permis de disposer d’informations chiffrées : la réquisition, finalement réduite à deux grévistes, du vendredi 24, a permis d’envoyer seulement 28 000 litres de kérosène dans le pipeline qui relie la raffinerie aux aéroports de Paris. Selon eux, cela permet de ravitailler des avions pendant une ou deux journées. Certes beaucoup de vols sont annulés (un tiers environ), ce qui limite le besoin en kérosène. Il apparait aussi que les consignes sont de faire le plein de carburant dans les aéroports de départ pour les vols vers Paris, au lieu de ne mettre que la quantité requise pour la longueur du vol, plus une marge de sécurité, comme c’est l’usage. Mais dans un espace temporel assez court, la question du kérosène à mettre dans les avions va se reposer de façon brutale. C’est sans doute ce qu’Alexis Antonioli a en tête lorsqu’il parle au micro de l’intervention qui attend les grévistes de la CIM, le dépôt voisin ou mes interlocuteurs me disent que 700 000 litres de kérosène sont stockés. On sait que l’ennemi de classe le sait. Donc il y a de fortes chances que le blocage de ce dépôt fasse l’objet, très vite, d’une intervention policière. Nous devons nous tenir informé.es, très régulièrement, pour suivre l’évolution de la situation sur les lieux[12]. La même démarche vaut bien sûr ailleurs, à Donges notamment, où des réquisitions ont été prononcées.

Les travailleurs/ses du pétrole tiennent bon. Nous leur devons la plus grande solidarité.


[1] https://www.sudouest.fr/economie/reforme-des-retraites/greve-sncf-le-trafic-toujours-perturbe-ce-week-end-14555596.php

[2] https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/greve-a-la-sncf-quel-trafic-pour-les-trains-en-bretagne-ce-week-end-7d012a64-ca70-11ed-a96e-000ee1405726

[3] https://www.tf1info.fr/conso/greves-manifestations-contre-la-reforme-des-retraites-penurie-de-carburants-2023-15-des-stations-service-en-situation-de-rupture-2252042.html

[4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/24/requisitions-de-personnels-interventions-des-forces-de-l-ordre-greve-reconduite-le-point-sur-la-mobilisation-dans-les-raffineries_6166898_3234.html

[5] Idem.

[6] Selon le délégué CGT de l’usine, Christophe Aubert, interrogé par Le Monde : https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/24/requisitions-de-personnels-interventions-des-forces-de-l-ordre-greve-reconduite-le-point-sur-la-mobilisation-dans-les-raffineries_6166898_3234.html

[7] Idem.

[8] Idem.

[9] https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/240323/la-raffinerie-du-havre-la-greve-est-reconduite-sous-les-bravos-d-adele-haenel-et-frederic-lord

[10] Plus de détails sur le site Révolution Permanente avec des vidéos et cet article : https://www.revolutionpermanente.fr/Raffinerie-de-Normandie-enorme-demonstration-de-solidarite-face-aux-requisitions

[11] Idem.

[12] Sur la page Facebook de l’UL CGT de Harfleur :

https://www.facebook.com/people/UL-Harfleur/100063771271149/

Ou sur le site de la fédération CGT :

https://fnic-cgt.fr/actualites-des-conventions-collectives/petrole