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    Jean-Jacques Marie, Des gamins contre Staline

    histoire

    Lien publiée le 1 avril 2023

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Jean-Jacques Marie, Des gamins contre Staline, Paris, Don Quichotte / Seuil, 2022, 304 pages, 20 € pour l’édition papier / 14,99 € pour l’édition numérique. | Dissidences : le blog (hypotheses.org)

    Jean-Jacques Marie, Des gamins contre Staline, Paris, Don Quichotte / Seuil, 2022, 304 pages, 20 € pour l’édition papier / 14,99 € pour l’édition numérique.

    Un compte-rendu de Jean-Guillaume Lanuque

    Le précédent livre de Jean-Jacques Marie, Vivre dans la Russie de Lénine, arborait déjà des enfants en couverture. Cette fois, c’est la question des opposants juvéniles à Staline qui a retenu toute son attention, à partir d’un travail sur documents d’archives en particulier. Au fil des chapitres, les exemples les plus divers se succèdent. Anna Khrabova, par exemple, écrivit à 15 ans, en 1935, une lettre à Staline (qui ne l’a probablement jamais lu) le comparant à un vampire. Elle ne fut condamnée qu’à deux ans d’assignation à résidence, une peine relativement légère. À l’inverse, la jeune Engeslina Markyzova, fille d’un bureaucrate, qui servit largement la propagande stalinienne en offrant des fleurs au Guide suprême, subit finalement la répression, ses parents étant envoyés en camp durant la grande vague de la répression des années 30, où ils moururent.

    L’un des grands intérêts de l’ouvrage est en effet d’offrir quelques déconstructions de mythes, ainsi de celui de Pavlik Morozov, utilisé pour vanter (ou vilipender !) la dénonciation de ses parents, censés être contre Staline, par un enfant : en réalité, le NKVD utilisa la séparation des parents du jeune Pavlik puis son assassinat jamais élucidé pour charger les koulaks. En se concentrant sur le thème des enfants sous Staline – mais sans proposer de développements spécifiques sur l’éducation, par exemple – Jean-Jacques Marie en use comme un prisme de la réalité stalinienne, un pouvoir mu par la peur, principalement, et la propagande, qui n’hésite pas à rendre la peine de mort possible pour les plus de douze ans à compter de 1935. Car Staline craint chez des enfants épris d’idéalisme et d’espoir, dont plusieurs sont d’ailleurs des enfants de condamnés, la montée en puissance de futures oppositions à son pouvoir. Des touches d’humour émaillent malgré tout le propos, ainsi du rendement de la justice durant les grandes purges (une minute par affaire jugée), ce qui alla jusqu’à mettre mal à l’aise Vychinski, ou de cette paysanne accusée d’être trotskyste, un mot qu’elle ne connaissait pas et qu’elle prit pour traktoriste, c’est-à-dire… conductrice de tracteur !

    Pour autant, si certains groupes de jeunes opposants sont d’apparentes reconstructions, ainsi de celui des Quatre Matous (sic), et si des cercles de poésie se retrouvent aussi visés, d’autres révèlent un rejet bien réel du pouvoir autoritaire de Staline, perçu comme anti-communiste ; les difficultés de la vie quotidienne et le contraste avec les discours de la propagande expliquent aussi souvent le basculement dans l’opposition. La Société des jeunes révolutionnaires de Saratov, née en 1943 autour d’enfants de 11 à 13 ans, le Parti panrusse contre Staline, le Parti populaire léniniste, les Communistes authentiques, le Parti démocratique pansoviétique ou le Parti communiste de la jeunesse, qui émergea en 1947, en témoignent, sans emballement quantitatif : le dernier exemple cité, le plus massif, ne comprenait qu’une cinquantaine de membres… Quant à l’Union de lutte pour la cause de la révolution, constituée d’étudiants juifs, elle fut victime, à la charnière des années 40 et 50, du virage antisémite de la politique stalinienne (son principal fondateur étant même fusillé, un cas rare). Souvent victimes de l’accusation rituelle de terrorisme, leurs membres se cantonnaient à des actions isolées et limitées, finissant en prison ou en déportation.

    Les plus éveillés politiquement renouaient avec les enseignements de Lénine, et qualifiaient l’URSS de Staline de “fascisme” ou de “capitalisme d’État”. Si l’ouvrage n’évite pas toujours certains développements annexes, ainsi de cette mention d’exécutions de masse dont furent victimes des civils tchétchènes – dont des enfants – pendant les déportations de peuples durant la Seconde Guerre mondiale, il demeure clair sur sa mise en accusation de Staline et de son appareil bureaucratique.