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Immigration, genre : quand Ruffin dévie de la question sociale… et s’isole de LFI

Ruffin

Lien publiée le 3 juin 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Immigration, genre : quand Ruffin dévie de la question sociale… et s'isole de LFI (marianne.net)

Immigration, genre : quand Ruffin dévie de la question sociale… et s'isole de LFI

Dans l’hémicycle comme dans la presse, le député LFI de la Somme ne déroge que rarement de son sujet de prédilection : le social. Et quand il le fait, cela ne plaît pas toujours à ses collègues de gauche… Florilège.

La « ligne Ruffin », c’est quoi ? Voilà une question qui ne va pas cesser de se poser alors que l'idée d'une candidature du député France insoumise élu dans la Somme à la prochaine présidentielle revient de manière de plus en plus pressante. Depuis sa première élection aux législatives en 2017, le fondateur du journal Fakir enchaîne les prises de parole publiques et les entretiens dans la presse. Prenant grand soin de rester focalisé sur son leitmotiv : la question sociale. Mais il lui arrive tout de même de dévier de temps à autre de sa défense des services publics et de sa lutte contre les bas salaires pour s'aventurer sur d'autres terrains politiques… au risque de se faire taper sur les doigts par ses collègues de gauche.

Marianne s'est donc penché sur ces rares exemples afin d'esquisser la pensée de l'ex-journaliste sur des sujets tels que l'immigration, la sécurité ou encore la bioéthique.

OPPOSÉ À LA GPA

La dernière sortie de François Ruffin hors du social remonte à ce 1er juin, au micro de franceinfo. Au terme d'un long entretien portant notamment sur la loi des députés Liot pour abroger la réforme des retraites, ou encore sur la pénurie de saisonniers à l'approche de l'été, le député insoumis a finalement été interrogé sur les mesures sociétales prises par le parti Podemos en Espagne, notamment la possibilité pour un adolescent de changer de sexe dès 16 ans sans l'accord de ses parents. « Pour moi le cœur du sujet, c’est le travail, le partage des richesses, la démocratie. On a une société qui est profondément fracturée en France et les résultats des dernières élections ne sont pas le fruit du hasard. [...] Dans ce climat de tensions, d'épuisement des esprits, il faut de l'apaisement », a-t-il assuré, estimant que dans ce cadre, la gauche ne doit pas faire « tout ce qui lui passe par la tête », même si cela peut être « bon en soi ». Relancé par son interlocuteur sur la gestation pour autrui (GPA), le parlementaire de la Somme a confié ne pas y être « personnellement favorable ».

Après ces déclarations, quelques heures seulement ont suffi pour que certains de ses collègues dans l'hémicycle montent au créneau. « Ce n’est en rien une position de la France insoumise ni du groupe parlementaire. Ce propos, en ce jour, est au mieux maladroit, au pire une faute politique. Comptez sur les Insoumis pour les combats pour la liberté », a par exemple réagi la députée de Paris Sophia Chikirou sur Twitter. « Nous portons la lutte pour que les personnes trans puissent changer la mention de genre mais surtout l'autodétermination du genre dans la constitution. Ce n'est pas sociétal, c'est fondamental », a de son côté ajouté le parlementaire LFI de Loire-Atlantique, Andy Kerbrat, affirmant également que son parti s'oppose « à la GPA marchande » tout en proposant « l'adoption sociale ».

Des recadrages ayant poussé François Ruffin à faire un vibrant mea culpa sur les réseaux sociaux... sans céder grand-chose sur le fond. « Hier matin, dès ma sortie du plateau de franceinfo, j'ai dit à mes collabs : "Ma réponse sur le genre, ça va pas. J’aurais dû rappeler des évidences". L’évidence, c’est la condamnation de l’attaque du centre LGBT+ de Tours par l’extrême droite. L’évidence, c’est de parler des vies blessées par les humiliations », a-t-il déclaré, avouant devoir « progresser » sur ce genre de sujets.

FAVORABLE AU « RETOUR DES FRONTIÈRES »

En décembre 2020, l'ancien journaliste de Fakir avait déclenché l'ire de sa famille politique lors d'un entretien accordé à France Inter. Questionné sur la réhabilitation des frontières par l'ex-ministre PS Arnaud Montebourg, le député de la Somme avait approuvé cette position. « Je suis favorable au retour des frontières aussi pour les gens du Nord qui vont voyager partout dans le monde, il faut poser des limites à la circulation tous azimuts des personnes », avait-il lâché, assurant que les frontières ne sont pas « quelque chose de négatif » et qu'elles permettent aussi de « se construire ». En 2018 déjà, il affirmait au micro de franceinfo qu'on « ne peut pas dire que la France va accueillir tous les migrants » même si un « devoir d'humanité qui doit demeurer ».

Rapidement conspué, notamment par des élus de la Macronie comme l'actuel ministre des Transports Clément Beaune n'hésitant pas à le qualifier de « nouvelle recrue de Marine Le Pen », le député de la Somme avait finalement précisé ses propos sur Facebook. « Jamais je n'ai souhaité, et aujourd'hui moins encore, une mondialisation ouverte à tous les vents. Je crois à des espaces, délimités, où l'on se fixe des règles communes », avait-il écrit, jugeant que « notre pays doit pouvoir continuer à décider qui il accueille, et selon quels motifs ».

POUR LA « TRANQUILLITÉ » DANS LES QUARTIERS

Plus récemment, en mai 2022, François Ruffin s'était exprimé sur un autre sujet ô combien sensible pour son camp à travers un long texte publié sur Facebook : la sécurité. À travers le quotidien de « Madame Latour », logeant dans un HLM de sa circonscription, le natif d'Amiens avait appelé à rétablir un climat de paix dans les quartiers. « C’est de la musique toute l’après-midi, toute la nuit, des pétards, des pots d’échappement, le quad, les rodéos… », décrivait-il à travers la voix de cette femme, évoquant également une atmosphère gangrenée par le trafic de drogue. « Être de gauche, ce n’est pas fermer les yeux là-dessus, au contraire : c’est garantir cette paix à tous les citoyens, ce droit à une intimité, à être chez soi, pas dérangé », avait alors clamé le député.

Une position qui dénote avec la plupart de ses camarades insoumis et même de la Nupes, pas franchement enthousiastes à l'idée de s’exprimer sur ce genre de thématiques. Aux législatives, le programme de l'alliance de gauche préférait plutôt mettre l'accent sur le retour de la police de proximité. La vision de François Ruffin prend aussi le contre-pied d'une certaine gauche culturelle en dénonçant par exemple les rodéos urbains, à l’inverse de la cinéaste Lola Quivoron, qui a travers son long-métrage Rodéo sorti en 2022, avait exalté cette pratique qu'elle baptise ​​​« cross bitume », part inhérente, selon elle, de la bike life (vie de motards).

La sortie de François Ruffin la plus décalée reste sans doute celle sur la marche contre l'islamophobie en novembre 2019, notamment portée par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) – dissous par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Alors que de nombreuses personnalités de gauche avaient participé à la manifestation, comme le fondateur de La France insoumis Jean-Luc Mélenchon, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez ou encore la journaliste Rokhaya Diallo, le député de la Somme avait de son côté annoncé son absence dans Libération avec un argument pour le moins… inattendu. « Je n’irai pas dimanche, je joue au foot » avait-il assuré, ajoutant qu'il ne fait « pas de médias le dimanche non plus » pour la même raison. Une chose est sûre : quels que soient les sujets, en cas de candidature à la présidentielle en 2027, le député LFI devra ranger – ou sortir – ses crampons.