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Contre-offensive ukrainienne. Et maintenant ?
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Contre-offensive ukrainienne. Et maintenant ? (revolutionpermanente.fr)
La contre-offensive ukrainienne tant annoncée semble en cours, avec des résultats mitigés et des chances de changer profondément le destin de la guerre qui semblent très maigres. Dernière étape avant l’ouverture de négociations ou prolongement de la guerre ?
Finalement, la contre-offensive du printemps semble être arrivée, presque en été. Les attentes sont grandes mais les incertitudes encore plus importantes. Il est en effet encore trop tôt pour dire avec certitude quels seront les résultats et conséquences pour la guerre, voire pour la situation interne des deux régimes. Et cela d’autant plus que les premiers résultats semblent plutôt mitigés pour le moment.
En effet, beaucoup d’analystes estiment que le plus cohérent en termes d’objectifs militaires pour Kiev serait de tenter de percer la défense russe et de réussir à couper le lien terrestre entre la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014, et le Donbass. Cependant, malgré les armes, les tanks, les munitions, les différents équipements modernes envoyés par les puissances impérialistes de l’OTAN, l’avancée des forces ukrainiennes est compliqué pour le moment. Certains rapportent la destruction ou l’abandon d’une partie de ces équipements après des offensives ratées, dont 4 chars d’assaut Léopard 2 et 16 M2A2 Bradley Américains. Ce lundi 12 juin, la vice-ministre de la Défense Ukrainienne évoquait une « avancée » de 6,5km en profondeur, sois la reprise de 90km² de territoire. Cela s’explique en partie par les différences qui existent entre des mouvements défensifs et offensifs, la force qui attaque étant plus exposée à des attaques de la défense sur ses blindés et équipements les plus puissants.
Ces accrocs rendent difficiles d’estimer quels sont les véritables objectifs militaires et politiques du gouvernement ukrainien. Et cela d’autant plus que les principaux partenaires de Kiev expriment publiquement des opinions qui semblent aller à l’encontre des buts déclarés par Zelensky, à savoir la reprise d’une partie du territoire Ukrainien encore sous occupation Russe. Ainsi, Antony Blinken, secrétaire d’Etat nord-américain, a déclaré souhaiter une contre-offensive victorieuse ayant pour effet de « pousser Poutine à se concentrer enfin sur la négociation d’une fin à la guerre qu’il a déclenchée ». Le président français, Emmanuel Macron, a tenu des déclarations allant dans le même sens.
Or, le gouvernement ukrainien a répété à plusieurs reprises qu’il est hors de question pour lui de négocier avec la Russie sans que ses troupes quittent le territoire ukrainien, y compris la Crimée. A nouveau : quels sont donc les vrais objectifs de cette contre-offensive ? Zelensky tente-t-il d’utiliser cette opération dans l’optique de faire pression sur les gouvernements impérialistes afin qu’ils lui donnent des garanties quant à une future intégration de l’Ukraine à l’OTAN ? Les dirigeants impérialistes essaient-ils de pousser Zelensky à négocier dès que la contre-offensive sera finie ?
Cependant, tout cela ne veut pas dire que la Russie est en position de force et ait dépassé ses propres contradictions sur les terrains militaires et politiques. En effet, les gains de son offensive d’hiver ont été très faibles. La prise de Bakhmout fait figure de maigre consolation après la perte d’énormes quantités d’armements et surtout de combattants. Ces résultats en demi-teinte font surgir des frictions au sein de l’appareil militaire et sécuritaire du régime du Kremlin.
Ainsi, depuis plusieurs semaines on observe des disputes publiques entre le patron du groupe paramilitaire privée Wagner, Yevgeny Prigozhin, et le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou. Le patron du Groupe Wagner accuse les responsables russes de la défense de boycotter ses combattants en n’envoyant pas de munitions, entre autres. La dernière dispute concerne la décision du ministre de la Défense d’exiger que les groupes paramilitaires combattant en Ukraine passent un accord avec son ministère, ce à quoi Prigozhin se refuse.
Poutine, qui en général reste à la marge de ces disputes, semble cette fois prendre parti pour son ministre. Cependant, comme le rapporte le Financial Times, « tout en soutenant la décision du ministère de la défense de subordonner les milices, M. Poutine a laissé entendre qu’une grande partie des critiques de M. Prigozhin à l’égard de l’armée étaient justes, ce qui pourrait indiquer que le Groupe Wagner n’avait pas encore perdu tout à fait son soutien. "Au début de l’opération militaire spéciale, nous avons rapidement réalisé que les "généraux de tapis" [...] n’étaient pas efficaces, et c’est un euphémisme", a déclaré M. Poutine. "Des personnes que nous n’avions jamais vues ou entendues auparavant ont commencé à sortir de l’ombre, et elles se sont révélées très efficaces et se sont rendues utiles ».
Mais si la Russie n’est pas en position de force, cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas appris à profiter de certaines de ses positions conquises. En effet, des analystes occidentaux n’hésitent plus à pointer que l’armée russe a tiré des leçons de ses erreurs du début de la guerre. D’ailleurs, ils « dénoncent » que des dirigeants occidentaux ne semblent pas être à jour de cette nouvelle réalité et continuent à croire que l’Ukraine peut s’imposer sur le terrain militaire.
Ainsi, Daniel L. Davis, analyste militaire et ancien colonel de l’armée étasunienne, écrit : « en novembre 2022, on pouvait dire que l’état-major russe avait été surpassé par l’état-major ukrainien. De nombreux experts occidentaux ont conclu que les troupes et les dirigeants russes étaient profondément médiocres et incapables de s’améliorer, estimant que la Russie resterait incapable sur le plan tactique pendant toute la durée de la guerre. Ce que nombre de ces analystes n’ont pas reconnu, cependant, c’est que la Russie dispose d’une capacité de guerre largement supérieure, tant en termes de matériel que de personnel, et qu’elle est donc en mesure d’absorber d’énormes pertes tout en restant viable. En outre, l’histoire de la Russie regorge d’exemples de guerres mal engagées, ayant subi de lourdes pertes, puis s’étant redressées pour renverser la vapeur. L’Ukraine, en revanche, dispose de beaucoup moins de ressources ou de troupes et a donc moins le droit à l’erreur ».
Plus loin, le même analyste expose une vision très pessimiste quant aux possibilités de victoire militaire de l’Ukraine : « L’Ukraine est désormais confrontée à un dilemme de premier ordre : doit-elle utiliser sa dernière capacité offensive pour espérer infliger une blessure grave aux Russes qui défendent les territoires occupés ou les préserver au cas où la Russie lancerait sa propre offensive d’été ? L’une ou l’autre ligne de conduite comporte de sérieux risques. J’estime que l’Ukraine n’a actuellement aucune chance de remporter une victoire militaire. Continuer à se battre dans cet espoir peut avoir pour conséquence perverse de lui faire perdre encore plus de territoire ».
Une déroute de la contre-offensive ukrainienne pourrait en effet avoir des conséquences importantes pour le gouvernement de Zelensky concernant le soutien occidental. Cela pourrait renforcer les positions de ceux qui estiment que le temps des négociations est arrivé et plus encore renforcer les partis politiques qui expriment de plus en plus des réserves quant au montant de l’assistance militaire destinée à l’Ukraine. C’est notamment le cas des Etats-Unis qui rentre dans une année électorale et où Donald Trump et Ron De Santis, rivaux pour l’investiture du Parti Républicain, ont affirmé l’un comme l’autre que l’Ukraine ne faisait pas partie des « intérêts vitaux » du pays.
Ni la diplomatie impérialiste et encore moins la poursuite de la guerre ne sont des perspectives un tant soit peu progressiste pour la classe ouvrière et les classes populaires en Ukraine et en Russie. Au contraire, face à l’absence d’une quelconque alternative progressiste et de classe, c’est-à-dire révolutionnaire, pour les travailleurs, l’Ukraine (et la Russie) se dirige vers une période d’énormes reculs et d’attaques contre les conditions de vie de millions de prolétaires. Une période qui pourrait se révéler encore plus catastrophique que celle qui a suivi la fin de la Guerre Froide et la restauration du capitalisme dans toute la région, même si cette guerre est une sorte de suite de cette période de restauration capitaliste. Encore une fois, éviter cette barbarie retombe sur les épaules des travailleurs, de leur capacité à s’organiser et à adopter une politique d’indépendance de classe et révolutionnaire face aux plans réactionnaires des bourgeoisies nationales et des impérialistes.