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Appel au 2 juillet, confusions et omissions, par Pascal Morsu.

Grèce

Lien publiée le 28 juin 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Appel au 2 juillet, confusions et omissions, par Pascal Morsu. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

Le camarade Pascal Morus nous a fait parvenir le texte ci-dessous qui critique l’appel « Organisons-nous pour construire l’alternative », que nous publions volontiers, sans en partager l’orientation et la méthode. Que la discussion se poursuive !

L’appel « Organisons-nous pour construire l’alternative » semble avoir suscité l’intérêt de certains camarades – plus que ne le justifie ce texte confus. D’où cette brève contribution.

La première partie du texte revient sur le mouvement visant à obtenir le retrait de la contre-réforme des retraites. Rappelons-le : ce mouvement a été un échec – Macron n’a même pas été dans l’obligation de faire la moindre concession de forme. Le moins qu’on serait en droit d’attendre d’un texte relatif à cette question serait d’en tirer un bilan au moins partiel.

Certes, la puissance du rejet de la politique de Macron a imposé à l’intersyndicale dirigée par la CFDT (un pseudo-syndicat), d’adopter le mot d’ordre de retrait du projet Borne-Macron.

Mais on ne peut que constater qu’elle s’est refusée à engager l’épreuve de force. Nulle part, elle n’a pris de dispositions pour engager la grève. La seule initiative permettant au mouvement d’avancer, de surmonter les hésitations à s’engager dans l’action, sont évidents : il fallait une marche sur Paris, pour le retrait, dirigée vers l’Assemblée ou l’Élysée. L’Intersyndicale s’y est refusée. Pourtant, il suffit de rappeler les rassemblements spontanés à la suite du 49 ter pour mesurer que ça n’avait rien d’impossible.

Au final ne subsistent qu’une succession de journées d’action menés jusqu’à l’épuisement du mouvement et au passage en force de Macron. La politique de l’intersyndicale a mené au désastre – une fois de plus.

Mais ça, le texte de l’Appel ne veut pas le dire. Au contraire : il commence par se féliciter de l’unité réalisée par des appareils plus ou moins ouvriers (sans parler de la CFDT, peut-on parler de la CGC ou de la CFTC comme d’authentiques syndicats ?). Or  justement, cette unité, c’est-à-dire l’acceptation que la CFDT dirige le mouvement, a mené à l’échec.

De tout cela, le texte ne dit pas un traître mot. Ne subsiste qu’un coup de chapeau à des mobilisations qui en nourriraient d’autres – féministes, anti-racistes, etc. – rappelons que ces mouvements ont été faméliques jusqu’ici. On prédit « des confrontations sociales de plus en plus fréquentes », « comme partout dans le monde »…. Ce qui revient à tenter d’effacer la défaite du mouvement, ainsi que le font aussi les directions syndicales.

Au final, sur ce sujet, le texte ne dit pas ce qui importe et sème la confusion sur les causes de l’échec du mouvement. On est en droit de parler de suivisme incontestable vis-à-vis des bureaucraties syndicales, de refus de s’affronter à leur politique.

Venons en à la partie purement politique du texte :

« La situation nous impose de ne pas nous contenter de revendications partielles : il faut faire face au système capitaliste, écocide, patriarcal, raciste, et renforcer l’espoir dans une autre société et nous organiser pour la lutte en vue d’une alternative populaire, radicale et démocratique, pour porter un projet de rupture et de transformation révolutionnaire de la société ».

On reviendra plus loin sur la question du racisme. Mais remarquons l’extrême timidité des formulations utilisées. Quelle est cette « alternative populaire, radicale et démocratique » ? S’agit-il d’un gouvernement ? Appuyé sur quelles classes ?

En clair, le texte reprend simplement les conceptions mouvementistes, matinées d’un zeste d’intersectionnalité – autrement dit de relativisation de la centralité de la question sociale. Rien de bien nouveau.

Par contre on ne trouvera dans ce texte rien qui pointe la seule question qui importe en définitive, la question du pouvoir, du gouvernement. Il ne cherche même pas à répondre à la question décisive : comment mettre Macron en échec ?

Ce n’est pas la seule absence. Notamment, les rédacteurs ont évidemment jugé inutile de faire référence au dialogue social, pratiqué chaque jour par les organisations membres de l’Intersyndicale (une partie des signataires de l’appel du 2 juillet ne sont d’ailleurs pas opposés à un tel « dialogue »). Or justement ce « dialogue » s’avère essentiel pour la poursuite des contre-réformes, alors que sa majorité parlementaire de Macron n’est que relative. C’est ce qu’on vient de voir avec l’accord récent relatif au « partage de la valeur », un substitut à de véritables mesures de préservation du pouvoir d’achat, qui élargit de plus les dispositifs de capitalisation des retraites. De tels accords facilitent l’émergence de majorités au Parlement comme l’explique le président du MEDEF lui-même.

Arrivent ensuite les choses sérieuses (pour les rédacteurs) :

« Nous sommes aujourd’hui face à un gouvernement de plus en plus radicalisé et autoritaire et à un appareil d’État toujours plus répressif et liberticide. La police tue dans les quartiers, mutile militant·es et journalistes dans les manifestations. L’État, (…), orchestre l’islamophobie et son lot de lois d’exception, (…) dans un pays déjà gangrené par l’antisémitisme, la rromophobie, la négrophobie et tous les racismes ».

Revenons d’abord sur la situation réelle. Il est absolument certain qu’affaibli par la faiblesse de sa couverture parlementaire, le gouvernement Macron-Borne a eu recours à tous les dispositifs autoritaires fournis par les institutions de la V° République, en premier lieu le 49 ter, mais aussi l’article 40, etc. Il est aussi certain que contre les manifestants, la police de Darmanin a eu la main lourde, allant jusqu’à agresser des cortèges syndicaux.

Or ce qui frappe justement, c’est que le texte évacue cette question (pas la moindre référence à la V° République !) alors qu’elle est justement compréhensible par des millions de travailleurs. Trop trotskyste pour les rédacteurs de l’appel, sans doute…

Autre absence significative : rien sur la question sociale ! A l’heure où des services publics essentiels – éducation, santé… – sont en crise ouverte, où explosent les inégalités, il y avait pourtant matière. Ce choix de rédaction est donc significatif des préoccupations des rédacteurs – en clair de leur désintérêt pour les revendications ouvrières.

Par contre, il est notable que l’appel reprend les outrances de Mélenchon pour qui « la police tue ». Il suffira de se reporter aux statistiques pour prendre la mesure du caractère outrancier de tout ceci. De même, peut-on vraiment parler comme le fait l’appel, de la France comme d’un pays gangréné par le racisme ? Mais c’est le prix à payer pour espérer avoir le soutien des milieux communautaristes, d’ailleurs fort peu présents parmi les signataires de l’Appel.

Enfin, le texte reprend à son compte les fables d’un « racisme d’État » et de son « islamophobie », c’est-à-dire un autre marqueur indiquant que l’appel soutient tous les opportunismes vis-à-vis de l’Islam, une idéologie dont le caractère réactionnaire, patriarcal, est indiscutable (au même titre que les autres religions, d’ailleurs).

« Le Parti ouvrier (…)  s’efforce de libérer les consciences de la fantasmagorie religieuse » écrivait Marx. Visiblement, les rédacteurs de l’appel ne sont pas sur cette longueur d’onde.

Partant de là, l’appel affirme :

« Dans cette perspective, nous pensons que les organisations actuelles ne suffisent pas et que nous avons besoin de nous organiser d’avantage, de nous réunir pour construire, à terme, une nouvelle force démocratique et pluraliste ».

En quoi, en vrac, le PCF, la FI, LO voire le PS ou EELV ne suffisent-elles pas ? Se demandera le lecteur… Quelle étrange (ou hypocrite) façon de poser les questions… Il faut le rappeler : une organisation ne peut se constituer qu’en se délimitant, c’est-à-dire en expliquant à quoi elle sert. Dans le cas de cet appel, on reste dans un vague prudent… et ça garantit l’échec du forum du 2 juillet.

La même remarque s’applique d’ailleurs à la NUPES, à propos de laquelle on nous informe que « le débat est ouvert »…

En tous cas, ce flou n’empêche évidemment pas les rédacteurs d’appeler à ce que se constitue

une nouvelle force démocratique et pluraliste, pour la justice, l’égalité et la démocratie, pour les solidarités internationales – de la Palestine à l’Ukraine -, pour la solidarité avec les migrant·es, ainsi que leur accueil digne et inconditionnel, pour résister systématiquement au libéralisme et à l’extrême- droite, pour porter ensemble une véritable alternative.

Toujours pas un mot de la question sociale. Décidément… Rappelons à titre de comparaison que l’Adresse inaugurale de la I° Internationale, là encore rédigée par Marx commençait par

« C’est un fait très remarquable que la misère des masses travailleuses n’a pas diminué de 1848 à 1864, et pourtant cette période défie toute comparaison pour le développement de l’industrie et l’extension du commerce ».

Et puis il faut  dire un mot du « pluralisme » revendiqué par l’appel. La majorité de ces rédacteurs viennent du NPA, expérience que personne ne présentera comme un succès remarquable. Ce parti « nouveau » s’est en fait avéré être surtout le cercueil politique de l’ex LCR, des traditions trotskystes qui y subsistaient.

En tous cas, ce NPA se revendiquait de ce « pluralisme », ce qui a abouti à un parti d’une hétérogénéité spectaculaire, regroupant des réformistes avérés (type RM Jennar) aux militants de groupes sectaires singeant LO, voire aux simples barjots. Au final, ce fut la cacophonie et la paralysie.

Avant de remettre une pièce dans la machine, on serait en droit de comprendre pourquoi les mêmes causes ne reproduiraient pas les mêmes effets.

Au final, on a affaire à un texte très pauvre, structuré par l’aile droite de l’ex-LCR – version NPA ou Ensemble (pour sa partie qui se refuse à sombrer dans la France Insoumise).

Sur le fond, la ligne prônée n’est guère différente de ce que défend la FI. Même l’anticapitalisme n’est pas le socle du texte.

C’est pourquoi cette initiative est probablement sans avenir – le texte ne vise en fait qu’à faire la politique de la FI sans sa direction actuelle. Mais la place est prise. Le rejet certes légitime des mœurs du groupe Mélenchon, de son bureaucratisme, ne saurait justifier à lui seul l’existence d’une organisation distincte. Pour cela, une orientation alternative serait nécessaire.

En tout cas, pas besoin d’être devin pour prédire que tout ceci n’ira pas bien loin.

Pascal Morsu.