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Pourquoi les émeutes de 2023 et de 2005 n’ont-elles rien à voir ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Pourquoi les émeutes de 2023 et de 2005 n’ont-elles rien à voir ? | Le Club (mediapart.fr)
Un peu partout en France, des commissariats brûlent. Toute la soirée, malgré quelques ripostes isolées, la police est apparue curieusement passive. Une analyse « à chaud », le jeudi 29 juin, 2h53 du matin.
Un peu partout en France, des commissariats brûlent, des épaves de voitures sont retournées sur la chaussée, et des dizaines de milliers de jeunes sont pris d’une soudaine ivresse pyromane.
Toute la soirée, malgré quelques ripostes isolées, la police est apparue curieusement passive. Des commissariats ont été envahis et de nombreuses voitures de police ont été incendiées sans grande opposition apparente. Comme si le pouvoir redoutait plus les conséquences irréparables d’une nouvelle bavure, que la facture —déjà fort salée— des innombrables dégradations de la nuit.
Rumeurs
Malgré tout, la rumeur enfle: la police aurait fait une seconde victime. Si l’information reste pour l’instant à vérifier (edit 11h37: il s'agirait en fait d'une blessure à la jambe), il est de toute manière peu probable que la France sorte de cet épisode sans déplorer de nouveaux décès du côté des émeutiers, de la police ou de ceux qui vivent dans les quartiers qui brûlent.
Or si, la réaction du pouvoir dans les jours qui viennent sera évidemment cruciale, les stratégies d’apaisement et de diversion seront-t-elles cette fois suffisantes? Nul n’est devin, mais une chose est sûre: ce serait une erreur d’appréhender les émeutes de juin 2023 à la lumière des émeutes de 2005, sauf pour montrer comment tout les sépare.
Un contexte insurrectionnel
En 2005, la France sortait d’un épisode démocratique remarquable avec le référendum sur le projet de constitution européenne qui s’était soldé par une victoire du peuple face aux élites médiatiques et politiques qui défendaient très majoritairement le oui. En 2023, le peuple sort au contraire humilié par une interminable série de répressions et de privations sur lesquelles il serait inutile de revenir.
Les émeutes de 2023 interviennent alors que le souvenir des gilets jaunes est encore chaud, que les immenses manifestations contre la réforme des retraites sont à peine terminées et que certains manifestants de Sainte-Soline sont encore à l’hopital. Dans ce contexte, la puissance des images du meurtre de Nael suscitent un dégout sans commune mesure avec la révolte suscitée en 2005 par Zyed et Bouna. Le risque insurrectionnel étant déjà élevé, il est difficile de feindre la surprise face à ce nouvel embrasement et encore plus difficile d'en anticiper les conséquences à court et moyen-terme.
Injonctions contradictoires
En outre, bien que la grande majorité de la population française “condamne toutes les violences”, suivant en cela l’injonction répétée des éditorialistes fardés qui définissent l’alpha et l’omega de la morale républicaine sur les plateaux-télé, elle condamne également les dérives autoritaires du pouvoir en place et l’usage qu’il fait de son monopole de la violence légitime.
Les statistiques sont accablantes puisque le nombre de personnes tuées par la police a considérablement augmenté ces dernières années comme le montre sans ambiguïté l’enquête de Basta. En outre, seuls quelques illuminés issus les syndicats de police les plus radicaux ou de l'extrême-droite la plus crasse sont prêts à défendre ici l'action du tireur.
Le rôle inédit des réseaux sociaux
Enfin et surtout, la différence fondamentale avec les émeutes de 2005, c’est l’existence des réseaux sociaux. Nul doute que leur rôle catalyseur sera amplement discuté dans les semaines qui viennent, et qu’il faudra un certain temps pour prendre la mesure exacte de la situation. Cette nuit, nombreux sont les groupes Telegram, les boucles Whats’App et les lives TikTok qui ont totalisé, chacun, des millions de vues. Et des centaines de milliers de Tweet comportant les hashtags #emeutes et #nanterre ont alimenté tout au long de la nuit une surenchère inédite, jamais vue auparavant.
Dans cette immense foire d'empoigne, chaque quartier a pu partager son (ou ses) coup(s) d’éclat. Dammarie-les-Lys et son invasion du commissariat, Montreuil et son incendie de la mairie et bien d’autres ont publié des vidéos virales valorisant aux yeux de tous les autres l’engagement de ses jeunes habitants et leur solidarité avec Nael. A n’en pas douter, l’émulation puissante des réseaux sociaux continuera à produire des effets dans les semaines voire les mois qui viennent. Des quartiers peu en vue monteront sur le devant de la scène à la faveur d’actions plus tardives mais mieux préparées et plus spectaculaires.
Intervilles du mortier?
Le mouvement contre la réforme des retraites a accouché des “Intervilles du zbeul”, sorte de concours délocalisé hiérarchisant les différentes villes suivant le nombre et l’originalité de leurs actions contre la réforme. En extrapolant la tendance, il y a donc fort à craindre que le meurtre de Nael n’aboutisse à un concours bien plus destructeur hiérarchisant les quartiers en fonction de leurs actions contre la police ou l’État. La frénésie inédite de feux d'artifice et les commentaires hilares qui ponctuent de nombreuses vidéos donnent en tout cas à voir une colère presque festive.
Mais il est plus de 4h du matin et c’est maintenant le centre ENEDIS de Nanterre qui brûle. Il est temps de laisser la main aux journalistes qui se lêvent tôt. Nul ne sait de quoi demain sera fait, mais il est dors-et-déjà clair que tous ceux dont la prosperité et le pouvoir dépendent du maintien indéfini du statu quo auront de bonnes raisons de claquer des fesses dans les temps à venir.
Instabilités
Car au-delà des écrans de fumée médiatiques, les murs qui séparent les différents segments de la population sont de moins en moins étanches, et le risque d’une convergence des luttes contre les forces conservatrices, racistes et réactionnaires qui maltraitent notre société apparaît de plus en plus tangible.
Même désorganisée et pétrie de contradictions, cette convergence constitue l’unique menace qui pèse réellement contre l’ordre social tel que nous le connaissons.
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