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Mort de Nahel et révolte de la jeunesse

Nahel

Lien publiée le 9 juillet 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Mort de Nahel et révolte de la jeunesse - Parti Communiste Révolutionnaire de France (pcrf-ic.fr)

Ci-dessous, en version téléchargeable puis en intégralité, la déclaration du Comité central du PCRF, à la suite de l’assassinat du jeune Nahel par un policier, et analysant les révoltes qui ont suivi ce drame.

Mort de Nahel et révoltes de la jeunesse en juin – juillet 2023 :

Déclaration du Comité central du Parti Communiste Révolutionnaire de France

Le Parti Communiste Révolutionnaire de France (PCRF) exprime sa solidarité avec la famille et les proches de Nahel, jeune de 17 ans assassiné par un policier dans la matinée du 27 juin 2023. L’évènement nous rappelle combien les violences policières sont la règle dans les quartiers populaires, avec une police aux prérogatives renforcées depuis déjà plusieurs années par les gouvernements au service de la grande bourgeoisie française.
Peu après cet évènement, la révolte a éclaté dans de nombreuses villes en France, avec une intensité qui a dépassé les émeutes de 2005 suite à la mort de Zyed et Bouna.

Le PCRF propose d’établir une analyse de cette révolte, ainsi que des pistes de réflexions afin d’en tirer un bilan politique.

Rappelons tout d’abord que le capitalisme reste indissociable des diverses oppressions nationales et ségrégatives de classe. La France a été une grande puissance coloniale, avec le recours aux tortures, guerres et massacres (comme les « enfumades » en Algérie...) pour tenter d’écraser le mouvement de libération nationale. Ces guerres coloniales, conduites au nom de « l’unité de la nation », ont engendré des tendances racistes, chauvines, y compris dans certains secteurs du mouvement ouvrier français, et une tradition aggravée de violences de classe. Aujourd’hui, 9000 soldats continuent de mener les guerres de l’impérialisme français avec Rafales et autres missiles, porte-avions, blindés... La France, sous l’égide de ses gouvernants bourgeois de droite et de gauche, est devenue un pays de ségrégation et de discrimination nationale et raciale. L’appareil répressif qui constitue le noyau de l’État bourgeois (son dernier rempart) est porteur de racisme : police, gendarmerie, armée. Une telle situation est grosse de révoltes, de colères. La bourgeoisie monopoliste encadre les jeunes sans emploi des cités par les opérations de police, les contrôles incessants d’identité, les arrestations parfois arbitraires, des violences et impunités de la police. Des plaintes en action de groupe contre le contrôle au faciès ont été lancées par des associations. De plus, depuis Sarkozy, a été mise en avant une politique de communautarisme, en poussant les chefs cléricaux à encadrer la population. La loi sur le séparatisme en est un prolongement.

Depuis 2005, les souffrances, la colère et la frustration des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse populaire, se sont accentuées sous le poids de l’aggravation de la crise capitaliste. Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont pas réglé mais amplifié les problèmes quotidiens du peuple-travailleur, avec des réformes antipopulaires de casse des services publics et des conquêtes sociales, mais aussi avec le renforcement de la répression juridique et policière comme outil privilégié pour le maintien de la domination de la classe capitaliste. Ainsi, les lois sécuritaires se sont multipliées dans un contexte de crise sociale et de batailles sociales de grande envergure (CPE, Loi Travail, Pacte ferroviaire, Gilets Jaunes, Pass sanitaire, réforme des retraites). Depuis une dizaine d’années, la classe capitaliste a pour credo le refus de tout « dialogue social », dans le sens où c’est la logique de confrontation qui prime, sans trop d’illusions pour tromper les travailleurs, au détriment de l’ancienne conception d’« État-providence » qui prenait en compte les rapports de force (y compris internationaux avec l’existence de l’URSS) et créait l’illusion d’un État bourgeois à l’écoute des besoins populaires.
La colère contre l’État français s’est par conséquent accentuée ces dernières années et la révolte de la fin juin 2023 s’est principalement tournée contre cet État, par le ciblage des forces de l’ordre et des bâtiments publics.

Analysons rapidement les réactions au sein de la sphère médiatique et politique, avant d’aborder les formes multiples de l’engagement durant cette révolte populaire.

Sans grande surprise, les médias bourgeois n’ont pas attendu pour déployer leur désinformation. Plusieurs déclarations et insinuations, qui ne sont ni des erreurs de communication ni des propos isolés, révèlent la fascisation constante de l’appareil d’État bourgeois. Alors qu’on évoque le « passé judiciaire » de Nahel, on va jusqu’à relativiser voire légitimer son assassinat par l’argument de « présomption de légitime défense ». Mais la vidéo montre l’évidence de l’assassinat. Et si la scène n’était pas filmée, les médias auraient rapidement traité l’affaire en évoquant le cas d’une « racaille » qui commet des infractions au code de la route. La délinquance est le sujet de prédilection des journalistes bourgeois depuis plusieurs années (la multiplication des feuilletons et des documentaires à la télévision est assez révélatrice) et fait partie d’une double stratégie de diversion / division du peuple-travailleur et d’amalgame / criminalisation des actions de contestation (on pensera à l’assimilation des grévistes aux « preneurs d’otage »).

Quant à la révolte qui suit, le « maintien de l’ordre », tant vanté par les politiciens et par les journalistes de garde du système capitaliste, est un outil pour maintenir la domination de classe capitaliste et taire les contestations. Ce n’est donc que l’expression d’un rapport de force qui nie tout dialogue social, préférant réprimer et abattre de sang-froid pour maintenir coûte que coûte un ordre hostile aux intérêts des travailleurs et des travailleuses, dans les quartiers populaires particulièrement. On ne saurait ici insister sur le fait que les habitants des quartiers populaires sont considérés depuis plusieurs décennies comme des citoyens de seconde zone : l’État français a conservé des restes de pratiques coloniales dans la gestion des populations dans les banlieues avec les contrôles au faciès, le tutoiement, les coups de pression, les provocations, les discriminations à caractère raciste. Les banlieues ont par ailleurs été les laboratoires de gestion de foule et de répression avec l’usage d’armements semi-létaux comme les LBD, étendu désormais à l’ensemble des manifestations.

Au sein de la sphère politique se sont révélés une fois de plus les défenseurs de l’ordre bourgeois. L’extrême-droite s’est gargarisée en dénonçant l’immigration, la délinquance et le terrorisme, tout en appelant au décret de l’état d’urgence, à renforcer les lois sécuritaires et à mettre en place un « bouclier migratoire » (Zemmour). Des groupes d’extrême-droite et fascistes se sont déployés en milice pour porter soutien aux policiers lors des interpellations (usage de Serflex pour arrêter des émeutiers et les ramener à la police) et pour agresser physiquement les populations révoltées (certains parlent de « reconquête »). Les Républicains (LR) n’ont pas hésité à s’aligner rapidement sur l’extrême-droite, révélant l’état de décomposition et de recomposition politiques de la droite traditionnelle en France. À gauche, c’est le républicanisme petit-bourgeois qui domine avec la défense de l’apaisement, de l’« ordre » et de la « réconciliation nationale » (Fabien Roussel, PCF). Ces « apaiseurs » n’offrent pas de perspectives au peuple-travailleur en dénonçant l’expression de leur colère et en appelant à respecter l’« ordre » qui n’est autre que l’ordre bourgeois, celui de l’exploitation, de la précarité et du chômage.

Il convient de rappeler que, dans un pays dont la Fête nationale repose sur la destruction d’un bâtiment public et d’un symbole de l’autorité de l’État (la prison de la Bastille), la condamnation de la violence populaire permet d’identifier les ennemis de classe, mais aussi les sociaux-traîtres réformistes qui font en dernière instance leur politique sur la misère des travailleurs et des travailleuses. Le silence des centrales syndicales est par ailleurs révélateur de la coupure entre les bases militantes et les directions syndicales, celles-ci étant ce que nous nommons « aristocratie ouvrière », c’est-à-dire une couche sociale qui s’accommode bien de l’existence des problèmes sociaux et qui vit de la corruption de l’impérialisme. Comme pour la révolte des Gilets Jaunes et lors des manifestations anti-Pass sanitaire, les syndicats se coupent des luttes nouvelles et radicales qui ont pourtant pour source commune la crise du capitalisme.

Nous devons analyser l’expression de la colère populaire lors de la révolte de fin juin et nous pouvons observer la multiplicité des formes d’engagement.

D’abord, il convient de rappeler que ceux qui ont participé à la révolte sont des jeunes et des très jeunes (l’âge médian serait de 17 ans, et de nombreux collégiens - de moins de 15 ans – y participaient), ainsi que des travailleurs précaires et des privés d’emploi. C’est là une spécificité qui semble révéler une colère ancrée dès le très jeune âge, dans un contexte où la jeunesse n’est pas épargnée par la précarité et les inégalités sociales. Au ciblage de l’État à travers ses bâtiments publics et ses agents du maintien de l’ordre, se mêle une colère festive avec l’usage de feux d’artifice, d’incendies et de dégradations de biens publics (notamment les transports en commun) et de biens des travailleurs (les voitures), mais aussi de pillages de magasins (les plus grandes marques et les supermarchés). De là, nous pouvons observer des formes d’action plus et moins conscientes d’un point de vue politique, mais qui révèlent à la fois la révolte contre la précarité et l’abandon des institutions ressenti par de larges segments de la jeunesse populaire, et un ancrage de l’idéologie bourgeoise qui distille depuis plusieurs décennies l’idée d’un argent-roi, dont le slogan récent, « mettre la daronne [la mère] à l’abri  » (Winamax) est le paroxysme médiatique (voir à ce sujet l’article de l’Union de la Jeunesse Communiste, sur le site de l’UJC https://www.unionjc.fr/).

Dans un contexte de crise capitaliste, la domination de classe de la bourgeoisie française passe principalement par l’idéologie : l’argent-roi et l’argent facile permettraient de se sortir de la misère et d’obtenir une valorisation sociale que le travail salarié ne fournit plus (précarité croissante, faibles salaires, conditions de travail dégradées). L’idée d’accéder aux marchandises de luxe est caractéristique de cette idéologie bourgeoise et elle atteint les très jeunes. Ce phénomène est accentué par l’effet de groupe qui existe particulièrement dans les banlieues, et la colère explose lorsque la classe capitaliste rappelle, par la violence de classe et l’usage de la force physique, que chacun doit rester à sa place – autrement dit que les prolétaires des quartiers populaires ne peuvent pas accéder à la valorisation sociale.

L’assassinat de Nahel est ici la négation de l’individualité d’un jeune d’un quartier populaire, et cela aurait pu se passer pour n’importe quel autre individu de la jeunesse populaire : c’est un assassinat qui touche toute la classe des travailleurs et des travailleuses. Et c’est toute la classe des travailleurs et des travailleuses qui est en colère contre un système capitaliste qui précarise et aliène le travail ; la révolte a trouvé sa légitimité et un certain soutien dans une large partie de la population, à l’aune d’un contexte de tensions sociales croissantes, d’une colère anti-État et anti-riches qui s’amplifie à mesure que les capitalistes attaquent nos droits démocratiques et nos conquêtes sociales.

La révolte de la fin juin révèle en cela un potentiel extraordinaire et insurrectionnel que les médias et politiciens bourgeois rejettent et vilipendent en l’assimilant à la délinquance et à la criminalité. Nous rappelons à ce titre que les fauteurs réels de délinquance ont « pignon sur rue », sont devenus chefs d’entreprises dans les beaux quartiers avec des comptes bien remplis en France, en Suisse ou ailleurs ; ce sont les mêmes qui dirigent les plus grands trafics et trichent en refusant la participation à la « solidarité nationale » (impôts, cotisations). Ceux-là ne sont pas arrêtés par la police française qui n’est au final qu’une police de classe. Notre Parti dénonce cet amalgame cité/banditisme/délinquance, tandis que les sources et responsables du crime organisé sont ignorés ! Nous condamnons la dérive sécuritaire qui assimile tout jeune des cités au lumpenprolétariat. La face trop cachée des cités, c’est le travail permanent qui est accompli par ses habitants eux-mêmes souvent sans moyens. Cahiers revendicatifs, crèches organisées par les femmes au foyer, cours d’alphabétisation, clubs... ; oui, nous sommes solidaires des habitants des cités pour leur droit à mieux vivre au quotidien, pour l’égalité des droits y compris citoyens, pour la création de services publics de proximité. Les syndicalistes de classe, les marxistes-léninistes doivent se battre dans leur syndicat, association, afin de conduire la bataille pour le droit à l’emploi des jeunes des cités, leur droit une école de qualité, la prise en compte, par des actions, du refus de toute discrimination ségrégative et raciste.

S’il y a, dans cette révolte, un réel potentiel insurrectionnel et de luttes de classe, on ne peut toutefois pas parler de situation prérévolutionnaire.

Faisons le constat : il n’y a pas d’organisations syndicales et politiques capables de porter cette situation, l’absence d’appel à la grève générale des syndicats (tout comme lors des Gilets Jaunes) est ici significative. Face à la révolte, on voit que la bourgeoisie française poursuit sa politique de répression et accentue la fascisation de l’appareil d’État avec l’adoption récente de lois sécuritaires et anti-démocratiques (Loi de programmation militaire, loi sur l’activation des téléphones à distance…). Même si la démocratie bourgeoise reste le meilleur moyen pour duper les masses avec leur consentement, nous estimons que nous sommes dans une période qui constitue un terreau pour le fascisme et que le peuple-travailleur doit s’organiser pour contrer les prochaines offensives du capitalisme.

Les jeunes des quartiers populaires vivent un apartheid social au sens propre, ils n’ont ni les mêmes droits ni les mêmes perspectives ou avenir, ce sont des Français de seconde zone. Nous sommes solidaires de ces jeunes, qui doivent se réunir pour discuter politique, ce que craignent plus que tout les gouvernements et leur Etat. Nous nous désolidarisons des actes qui touchent aux biens des travailleurs ; faute de Parti communiste fort, l’individualisme domine, en opposition au collectivisme, à la lutte organisée et à la révolution politique.

Pour donner un impact à notre colère et pour faire face à la fascisation de la démocratie bourgeoise et aux attaques de l’extrême-droite, le PCRF réaffirme que notre combat doit être organisé dans un parti communiste  : donner une expression politique avec un discours cohérent qui porte un projet de société d’avenir (ce que nous appelons le socialisme-communisme) et coordonner nos actions qui doivent porter des coups au capitalisme, jusqu’à le renverser par une révolution qui donnera le pouvoir au peuple-travailleur et à sa jeunesse populaire. Les appels au calme et les propositions de réformer le capitalisme pour le rendre plus juste ne sont que des illusions qui trompent le peuple-travailleur et sa jeunesse populaire, qui détournent leur colère juste et légitime.

C’est pourquoi nous appelons à rejoindre le PCRF pour construire un parti politique qui sera capable de porter la voix des révoltés contre le capitalisme qui crée la précarité, le chômage, les inégalités, l’inflation et les guerres.

Parmi nos axes de luttes, nous nous battons pour une politique de prévention donnant priorité au budget de l’Education nationale, travaillant à la gratuité de l’école et du soutien scolaire, combattant la mainmise patronale sur l’école, facilitant l’accès à des emplois publics pour tous les jeunes non ou peu diplômés, combattant résolument toutes les discriminations et autres chasses au faciès, pour l’égalité des droits dans tous les domaines ! Nous renvoyons aux campagnes « Accusons le capitalisme ! » et notamment celles « Pour les libertés démocratiques » (https://pournoslibertes.wordpress.com/), ou « Pour nos emplois » (https://nosemplois.wordpress.com/).

Le PCRF exige que cesse l’impunité policière ; il réitère son soutien actif pour toutes les luttes populaires quotidiennes contre le capitalisme et contre la répression organisée de l’État français.

Le PCRF exprime sa solidarité avec les proches des victimes du capitalisme et des violences policières.

Organisons notre colère, renforçons le camp de la révolution !

Le PCRF, juillet 2023