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Ces méchants "putschistes" africains qui chassent nos vertueux chefs d’état

Lien publiée le 8 août 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Ces méchants "putschistes" africains qui chassent nos vertueux chefs d'état. - Mondafrique

Une vision manichéenne et fort répandue dans les medias fraçais revient à opposer des bons chefs d’état amoureux de la démocratie aux affreux militaires putschistes. Les réalités africaines sont beaucoup plus complexes, alors que les coups d’état apparaissent souvent comme le seul moyen de bousculer l’ordre ancien et de chasser des « élites » politiques qui ont failli. Du moins quand ces coups de force ne sont pas fomentés par des puissances étrangères désireuses de protéger leur pré carré ou par des gardes prétoriennes soucieuses de défendre leurs sinécures. Alexis de Tocqueville doit se retourner dans sa tombe

Un supporter tient une photo du général nigérien Abdourahamane Tchiani, le chef de la puissante garde présidentielle, alors que d’autres se rassemblent pour soutenir la junte nigérienne à Niamey le 30 juillet 2023.

La vision du monde africain, telle q’elle est affichée par notre classe politique et nos « experts », avec une mention particulière pour l’éditorial nauséabond de « l’Express » (1), a le mérite de la simplicité. L’ordre institutionnel se heurterait à l’ordre insurrectionnel, des chefs d’état démocratiquement élus s’opposeraient à des militaires « putschistes ». Cette vision binaire et simplificatrice nous conforte dans l’idée que notre bonne vieille démocratie représentative, que François Mitterrand présentait, lors de son célèbre discours de La Baule en 1989, comme un horizon indépassable, serait la seule qui vaille.

Ce monde idéalisé, fantasmé n’a pas de réalité palpable dans la plupart des démocraties d’opérette qui se sont imposées en Afrique. L’ex puissance coloniale impose son modèle? Et bien les élites africaines auto proclamées ont singé la démocratie occidentale. Le résultat, le voici: des chefs d’état vieillissants, enfermés dans leurs Palais, vivent eux et leurs clans de la corruption après avoir été élus par des scrutins fraudés ou des « achats de conscience », des votes achetés qui sont monnaie courante. Du moins quand ils ne sont pas reconduits dans l’indifférence des électeurs. adossés à des gardes présidentielles prétoriennes ou soutenus par des forces étrangères.

Bons et mauvais putschistes

Vu depuis Paris, il existe des bons et des mauvais putschistes. Ce qui choque les élites politiques occidentales, ce ne sont pas les putschs militaires en tant que tels. Rappelons nous que l’illustre Jacques Focard, le monsieur Afrique du général de Gaulle, n’avait pas son pareil pour initier quelques coups de force dans le pré carré français.  Le régime tchadien qui a inventé le putsch familial lors du décès d’Idriss Déby a vu son fils lui succéder au mépris de toutes les règles institutionnelles, mais  avec la bénédiction d’Emmanuel Macron accouru à N’Djanema. Voici aux yeux de la diplomatie française une transition exemplaire du meilleur allié de la France dans la région.

Qu’il soit maliens, nigériens ou burkinabé, les putschistes au Sahel sont jugés infréquentables par la diplomatie française pour une raison simple. C’est qu’ils affirment haut et fort leur volonté de se dégager de toute ingérence étrangère, notamment celle de l’ancienne muissance coloniale française, surfant sur un sentiment très répandu aujourd’hui chez les Africains.. .Si ces militaires prennent le pouvoir, c’est au nom d’une volonté populaire, un hommage de l’ordre militaire à la vertu démocratique. 

« Les élections valident les pouvoirs en place ».Moussa Mara, ex Premier ministre malien

  Des démocraties d’opérette

« La démocratie vécue sous nos tropiques depuis quelques décennies est devenue essentiellement électoraliste ». Ce constat sévère émane d’un ancien Premier ministre malien, Moussa Mara, connu pour son attachement à la France mais aussi pour ses positions courageuses, non formatées. »En dehors des périodes électorales, poursuit-il, les acteurs politiques sont peu actifs. Les citoyens sont peu informés. Il n’y a pratiquement pas d’interactions entre les élus et leurs mandants. La vie politique se rétrécit et se concentre uniquement autour de la compétition électorale ».

Ce modèle démocratique perverti à éloigné le citoyen de l’exercice démocratique. Il n’y trouve pas son compte, les élites en sont les uniques bénéficiaires. Le pouvoir est devenu en Afrique un tremplin pour s’enrichir. « Cet état de fait, poursuit Moussa Mara, est paradoxalement renforcé par les organisations internationales qui, dans leurs relations avec nos pays, mettent davantage l’accent sur les élections que sur l’approfondissement de la démocratie, la promotion des libertés, le renforcement des contre-pouvoirs ou encore le soutien à la redevabilité des élites »

La conclusion de l’ex Premier.ministre malien est sans appel.  « Les élections valident les pouvoirs en place ». Entre les fichiers électoraux de temps à autres défaillants, l’utilisation des moyens d’Etat pour faire campagne, la politisation de l’administration publique, les tripatouillages des procès-verbaux et autres compilations des suffrages ou encore la vassalisation des cours de justice, le citoyen lambda est de plus en plus dubitatif.

Ce sont les élites politiques, souvent alliés aux intérêts occidentaux les plus prosaïques (2), qui ont fait main basse sur les richesses du pays et non les militaires qui sont coupables d’avoir chassé des pouvoirs discrédités. Le coup d’état est devenu l’ultime substitut à des alteernances politiques devenues impossible

   

Les coups d’État, à boire et à manger

On compte deux cent coups d’état tentés ou réussis en Afrique. Ainsi  depuis son indépendance, le 3 août 1960, le Niger à li seula connu cinq coups d’État et d’innombrables tentatives de destitution des régimes en place dont les plus récentes datent de 2021 et 2022. Or comme le constate l’universitaire  Adamou Gado Ramatou, dans un excellent article publié par le site « The Intelligence »: « les quatre premiers sont intervenus dans de contextes particuliers de crises alimentaire et socio politique graves. Lors du premier coup d’État en 1974, les putschistes ont pris le pouvoir pour reprendre en main la gestion d’une crise alimentaire laissant les populations aux prises avec une faim aiguë, puis par la suite (199619992010) pour dénouer des situations de crise sociopolitique qui paralysaient les institutions de l’État ».

Forts de ce capital de sympathie fort ancien, les militaires nigériens qui  viennent de prendre le pouvoir à Niamey bénéficient d’un soutien apparemment sans faille d’une grande partie de la population. Cette fois pourtant, le coup de force ne procède pas d’intentions aussi patriotiques que les précédents. Le Président destitué, Mohamed Bazoum, avait été élu dans des conditions relativement régulières; le régime avait pris quelques distances avec la tutelle française; le gouvernement nigérien s’était saisi courageusement de la question sociale; et enfin les forces sécuritaires avaient remprté quelques succès face aux groupes djihadistes. Il n’empêche, les gradés qui ont pris le pouvoir de peur d’être écartés de leurs fonctions par le chef de l’État bénéficient d’un chèque en blanc de la population nigérienne. 

Adamou Gado Ramatou    

« La légitimité populaire dont jouissent les juntes militaires, un peu partout en Afrique, poursuit notre chercheuse nigérienne du site « The Intelligence » , est, en réalité, basée sur le rejet de la classe politique précédente et l’espoir d’un lendemain meilleur d’une population constamment éprouvée. En outre, aux yeux de certains, l’alternance par des moyens anticonstitutionnels (putsch, révolution, etc.) offre la perspective de changement plus rapide puisqu’elle peut favoriser une transformation révolutionnaire ».

Un coup d’état, fut-il dirigé contre un régime autocratique, n’est pas une garantie de progrès social et de paix civique. D’autres putschs naturellement ont débouché sur de graves violations des droits de l’homme, avec notamment Sani Abacha en 1993 au Nigeria, Yaya Jammeh en 1994 en Gambie ou Moussa Dadis Camara en Guinée en 2008. Mais Sassou, Bongo, Biya, Déby, Sissi, Issoufou et combien d’autres -ces grands démocrates et amis de la France- n’ont pas d’avantage contribué au bonheur de leurs peuples.

(1) L’Express évoque « un quarteron de généraux mafieux à propos de la junte au pouvoir au Niger

(2) Il faut lire et relire « Une sortie honorable » d’Eric Vuillard pour comprendre à quel point les intérêts des grands groupes français est à l’origine de la présence française en Indochine, mais aussi en Afrique