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Haut-Karabakh : quels sont les enjeux de l’offensive de l’Azerbaïdjan ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Haut-Karabakh : quels sont les enjeux de l'offensive de l'Azerbaïdjan ? (revolutionpermanente.fr)
Après une offensive militaire de 24 heures, l’Azerbaïdjan a signé un accord de cessez-le-feu avec les forces séparatistes arméniennes de la région du Haut-Karabakh. Retour sur les enjeux à l’origine des tensions dans la région.
Majoritairement peuplée d’Arméniens, la région du Haut-Karabakh est un territoire séparatiste depuis 1988. Cette année-là, alors que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont encore des Républiques soviétiques, une partie de la population de la région demande son rattachement à l’Arménie, une demande rejetée par Gorbatchev et l’Azerbaïdjan. La situation se dégrade et donne rapidement lieu à des violences interethniques, donnant lieu à une guerre ouverte qui dure six ans et fait plus de 30 000 morts et durant laquelle le Haut-Karabakh s’auto-proclame « République d’Artsakh ». Son indépendance n’est pas reconnue à l’international et le territoire appartient formellement à l’Azerbaïdjan mais était dans les faits occupé militairement par l’Arménie jusqu’en 2020, année où une nouvelle guerre éclate. Après six semaines de combat et plus de 6500 morts, des accords sont signés et marquent une victoire de l’Azerbaïdjan qui récupère une grande partie du territoire disputé. Mais l’Azerbaïdjan souhaite aller plus loin et récupérer tout le territoire. Pour ce faire, le gouvernement azerbaïdjanais cherche à pousser l’Arménie et les forces séparatistes arméniennes dans leurs retranchements par diverses opérations, à l’image de l’offensive militaire lancée en septembre 2022 et du blocage du couloir de Latchine, la seule route reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie.
Carte : HELOISE KROB / FRANCEINFO
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’offensive de ce mardi. Justifiée par les « activités antiterroristes » qui seraient menées par les forces séparatistes arméniennes et ayant pour but de ne cibler que « les installations et infrastructures militaires », cette offensive a marqué le coup final porté par l’Azerbaïdjan aux forces séparatistes arméniennes après neuf mois de blocage de la route de Latchine. Selon les forces séparatistes, le bilan de cette opération qui n’aura duré que 24 heures est de 200 morts et 400 blessés. Finalement, un accord de cessez-le-feu a été trouvé ce mercredi entre l’Azerbaïdjan et les forces séparatistes arméniennes.
Pour l’Azerbaïdjan, cet accord constitue une victoire et marque l’ouverture de négociations sur la réintégration de la région à l’Azerbaïdjan après plus de trente ans de conflit. Le texte prévoit ainsi « le retrait des unités et des militaires restants des forces armées de l’Arménie […], la dissolution et le désarmement complet des formations armées de l’Armée de défense du Haut-Karabakh ». Un premier cycle de négociations doit s’ouvrir ce jeudi.
Pour Bakou, l’ouverture de négociations constitue le fruit de sa stratégie d’opérations militaires ponctuelles combinées à des manoeuvres de pression sur les populations. En termes strictement militaires, l’Azerbaïdjan aurait eu les capacités de récupérer la région via une offensive militaire soutenue, grâce à une armée, une population et une économie plus importantes que l’Arménie. Harhad Mammedov, directeur du groupe de réflexion Center of South Caucasus à Bakou, explique en ce sens auprès du New York Times : « Ce territoire est complètement encerclé par les forces armées azerbaïdjanaises. Toute tentative de résistance serait vaine. » Mais ce scénario se heurte à plusieurs obstacles : l’Azerbaïdjan pourrait se confronter à la résistance de la population locale, aux forces armées russes présentes dans la région, et pourrait faire l’objet de condamnations de la part de la communauté internationale.
La stratégie que l’Azerbaïdjan a donc choisi à la place a consisté ces dernières années à lancer l’offensive militaire soutenue de 2020, puis intervenir militairement pour la durée de quelques jours en septembre 2022, bloquer le couloir de Latchine pour faire pression sur la population locale et asséner un dernier coup par une offensive militaire de 24 heures dans le but de pousser les forces séparatistes arméniennes à accepter des pourparlers. Stratfor anticipait cette possibilité : « La baisse de l’influence de l’Arménie due aux attaques répétées de l’Azerbaïdjan la poussera probablement à conclure un accord de paix en faveur de Bakou d’ici 2025. » De fait, la capitulation des forces séparatistes arméniennes de rouvrir la route de Aghdam, fermée depuis 30 ans dans le but de limiter l’influence des forces azerbaïdjanaises, en échange de la fin du blocage du couloir de Latchine, montrait déjà une évolution de la situation en faveur de l’Azerbaïdjan.
Mais la guerre en Ukraine, qui a déstabilisé la région et provoqué un affaiblissement du rôle d’arbitre de la Russie dans le Caucase, a ouvert la porte au dégel des conflits régionaux et l’ouverture de négociations ne permettent pas totalement d’exclure un scénario plus extrême dans le cas où les tensions dégénéreraient. Alexander Iskandaryan, politologue à Erevan, affirme en ce sens auprès du New York Times que l’attaque de ce mardi n’était pas simplement « une escalade à petite échelle », rappelant que « rien de tel ne s’est produit depuis la guerre de 2020 ».
La Russie remise en cause dans son rôle d’arbitre de la région
Après la dissolution de l’URSS en 1991, la Russie a cherché à conserver son hégémonie dans la région du Caucase et en Asie centrale grâce à des accords économiques et militaires passés avec les anciennes Républiques soviétiques. Mais certains États ont pris leurs distances vis-à-vis de la Russie et ont essayé de se rapprocher des puissances occidentales. Or, l’Asie centrale et le Caucase restent des régions stratégiques pour les intérêts russes, notamment pour la défense. C’est en ce sens que la Russie cherche à maintenir des bonnes relations avec les pays de la région. Ainsi, alors même que la Russie et l’Arménie sont toutes les deux membres d’une alliance militaire visant à garantir la défense des États membres en cas d’agression, l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), Moscou s’efforce de maintenir de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan, auquel elle a déjà vendu des armes par exemple. Pour la Russie, il s’agit d’un jeu d’équilibriste difficile à tenir : elle ne peut pas laisser l’Arménie se faire humilier sans rien faire pour la défendre, mais elle ne peut pas non plus s’opposer trop fermement à l’Azerbaïdjan.
En 2020, cette position ambiguë et ce rôle d’arbitre avait déjà montré ses limites, puisque qu’en refusant d’intervenir militairement, la Russie avait permis à l’Azerbaïdjan de faire une démonstration de force auprès de l’Arménie, aux dépens de ses relations avec cette dernière. Les accords de paix de novembre 2020 conclus sous son égide n’ont ensuite pas empêché un nouveau conflit d’éclater en 2022 et l’Azerbaïdjan de bloquer le couloir de Latchine, pas plus que les 1960 militaires russes déployés pour les faire respecter, montrant l’affaiblissement de la Russie.
Or, l’Arménie est lucide sur les difficultés de la Russie et cherche à s’en distancier depuis que cette dernière a refusé d’empêcher l’Azerbaïdjan de mener son offensive militaire en 2020. Il y a quelques jours, le premier ministre arménien affirmait ainsi auprès de Politico que « les capacités de la Russie [avaient] changé du fait de la guerre en Ukraine », assumant la nécessité de l’Arménie de « diminuer sa dépendance » vis-à-vis de Moscou. Ces déclarations, que la Russie n’a pas appréciées et qu’elle a qualifiées de « déclarations agressives », font suite à plusieurs éléments de distanciation de la part de l’Arménie : des journalistes russes ont ainsi été expulsés d’Arménie, la femme du premier ministre arménien s’est rendue en Ukraine et l’Arménie a envoyé des aides humanitaires à Kiev. Plus encore, le pays s’est adonné à un exercice militaire conjoint avec les États-Unis et a décidé de ratifier le statut de Rome, le texte fondateur de la Cour pénale internationale, laquelle a émis un mandat d’arrêt contre Poutine pour « crimes de guerre » en mars dernier.
Face à l’exacerbation des tensions dans le Caucase, la Russie voit son rôle d’arbitre remis en cause et apparaît comme une puissance incapable d’assurer la stabilité qu’elle avait promise.
La position ambiguë des puissances occidentales
Du côté des puissances occidentales, Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, a immédiatement appelé à un cessez-le-feu, imité par Antony Blinken, chef de la diplomatie américaine, qui a appelé l’Azerbaïdjan « à cesser immédiatement » son offensive. Charles Michel, président du Conseil européen, a appelé ce mercredi l’Azerbaïdjan à « garantir les droits et la sécurité » des populations de la région suite au cessez-le-feu. Une prise de position indirecte pour l’Arménie qui montre la difficulté pour les puissances occidentales, qui ne peuvent pas s’opposer totalement à l’Azerbaïdjan.
En effet, l’Occident se trouve dans une situation de dépendance importante vis-à-vis du pays pour le pétrole, le gaz et le transit de marchandises en provenance du Kazakhstan et de la Chine via le « couloir du milieu ». En septembre 2022, Bakou avait ainsi annoncé l’augmentation de 30% de ses exportations de gaz vers l’Union Européenne. Or, à l’heure où l’UE cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie, ces relations sont appelées à se renforcer puisqu’en juillet 2022, la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s’est accordée avec le président azéri pour que l’Azerbaïdjan double « en quelques années » les exportations de gaz à l’UE. Par ailleurs, le plus proche allié de l’Azerbaïdjan est la Turquie, qui est membre de l’OTAN, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour le bloc OTAN/UE. En effet, la Turquie entretient des relations économiques avec l’Azerbaïdjan, qui constitue son principal fournisseur de gaz, et les deux pays sont impliqués dans un projet d’exportation de gaz vers le marché européen à travers réseau de pipelines depuis la Mer Caspienne, jusqu’en Italie, le South Caucasus Pipeline Expansion Project (SCPX).
La France, elle, a une position plus affirmée et a expliqué condamner « avec la plus grande fermeté le lancement par l’Azerbaïdjan d’une opération militaire au Haut-Karabagh. » Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, le gouvernement français affirme : « Aucun prétexte ne peut justifier une telle action unilatérale [...]. La France appelle l’Azerbaïdjan à cesser immédiatement son offensive et à revenir au respect du droit international. Elle tiendra l’Azerbaïdjan pour seul responsable du sort des populations civiles du Haut-Karabagh. » Ces déclarations, qui montrent de manière limpide le parti pris par la France, s’inscrivent dans la continuité de la politique de l’Hexagone, qui avait par exemple décidé en août d’envoyer un convoi humanitaire à destination des populations de la région souffrant du blocus du couloir de Latchine. En réalité, derrière ses déclarations humanistes, la France vise avant tout la Turquie, qui menace ses intérêts en Méditerranée. Si l’Hexagone possède des intérêts limités dans la région du Caucase, les tensions présentes sont une opportunité pour affaiblir ses rivaux, et notamment la Turquie, qui devient un obstacle pour l’impérialisme français dans le bassin méditerranéen.
Une fois de plus, ce sont les populations d’Arménie, d’Azerbaïdjan et du Haut-Karabakh qui font les frais de ces tensions et conflits réactionnaires qui ne font qu’attiser les sentiments nationalistes dans chaque pays. Face à l’intensification des tensions guerrières à l’international, et à la militarisation des pays impérialistes pour s’y préparer, il s’agit de refuser de s’aligner sur l’un ou l’autre des deux blocs dessinés par la guerre en Ukraine et de réaffirmer haut et fort notre solidarité avec les peuples du monde entier.