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THE OLD OAK DE KEN LOACH – La solidarité des exploités
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
THE OLD OAK DE KEN LOACH - La solidarité des exploités - L'insoumission (linsoumission.fr)
Ken Loach. L’Insoumission.fr publie un nouvel article de sa rubrique « Nos murs ont des oreilles – Arts et mouvement des idées ». Son but est de porter attention à la place de l’imaginaire et de son influence en politique avec l’idée que se relier aux artistes et aux intellectuels est un atout pour penser le présent et regarder le futur.
Pour ce nouvel article, l’Insoumission.fr vous parle du dernier film de Ken Loach, The Old Oak. L’histoire se déroule en 2016, 30 ans après la révolution libérale de Margaret Thatcher, celle là même qui cassa l’immense grève déclenchée en 1984 par le syndicat des mines, en les brimant, réprimant, et les qualifiant d' »ennemis de l’intérieur ». Trente ans après « There is no alternative« , qui enfantera Reegan et Macron, l’histoire raconte le lien qui se noue entre une jeune réfugiée de 20 ans et le patron d’un bar rafraichi.
C’est l’histoire d’une solidarité concrète, immense, porteuse d’espoir entre ceux que les puissants aimeraient se voir s’entretuer plutôt que s’entraider. Une œuvre politique et universelle qui parle de la puissance du collectif et de la solidarité. Notre article.
La solidarité des exploités
« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » dit le renard au Petit prince de Saint-Exupéry. Il parait que Ken Loach, le réalisateur de The old oak, perd la vue. On ne doute pas que son cœur ne lui manquera jamais pour faire des films et regarder le monde. Et, après tout, Claude Monet a peint les Nympheas au bord de la cécité, Evgen Bavcar, photographe franco-slovène, est devenu aveugle enfant, Beethoven était sourd en composant sa 9e symphonie. Comme le rappeur Sean Forbes.
Ken Loach, dans The old Oak, raconte quelques mois de l’histoire d’un village du nord de l’Angleterre, en 2016. Suite au relogement de réfugiés syriens.
La date et le lieu de l’action ne sont pas innocents. 2016, c’est 30 ans après la fermeture des mines et la grande grève déclenchée en 1984 par le syndicat minier contre Margaret Thatcher. Une génération. Les mineurs grévistes sont presque tous morts. Avant la retraite. Comme, à 57 ans, le père du tenancier du pub « The old oak », personnage principal du film. Les acteurs villageois sont presque tous leurs enfants et petits enfants. Enfermés par la crise dans leur village sinistré.
Tina commence contre les mineurs
Cette grève qui trace les habitants du village du film constitue l’affrontement majeur. La matrice du néolibéralisme. Margaret Thatcher avait en tête son « There is no alternative » (TINA). Elle a choisi pour cible les mines et anticipé le combat plusieurs années avant de le déclencher. Des réserves de charbons ont été constituées. Des importations de pétrole et de charbon anticipées. Des entreprises de transports sans syndicat créées.
La loi modifiée dans le sens de la restriction du droit de grève. Une force nationale de police mobile, autonome et dotée de matériel et d’entraînements spécifiques, formée. Les mesures pénales anti émeute aggravées. La campagne idéologique et médiatique se déroulait depuis 81. L’annonce gouvernementale de fermeture des puits programmée puis annoncée au printemps 84. Au printemps et en été on n a pas besoin de chauffage.
Les mineurs déclenchent la grève dans un contexte difficile. Le taux de chômage : 13%. Le Parti travailliste entame sa reconversion libérale incarnée par l’ascension de Tony Blair. La défaite des grèves dans la sidérurgie anglaise en 1980 puis dans les chemins de fer est dans toutes les têtes. Une forte majorité des 184 000 mineurs participe au mouvement. Majoritaires pendant les onze mois sur douze de la lutte. Avec la solidarité nationale des travailleurs d’autres secteurs. Avec l’accueil par la CGT du Nord en France des enfants de grévistes .
Face à la suppression des aides sociales pour les grévistes. Face à la substitution, comme instance de négociation, d’une cellule gouvernementale aux entreprises charbonnières de peur de leur faiblesse. Face à la campagne médiatique nommant « ennemis de l’intérieur » et « terroristes » les travailleurs en lutte. Les affrontements avec la police sur les piquets de grève firent des centaines de blessés. Un an de combats. Devant l’intransigeance, la fin de la grève fut votée le 3 mars 1985 sans que les mineurs n’aient rien obtenu.
« Vous ne reverrez plus jamais une chose pareille » déclara Arthur Scargill du syndicat des mineurs à l’issue du conflit. Il avait raison. Thatcher était le fer de lance de la contre-révolution libérale. Reagan marcha sur ses pas. Jusqu’à Emmanuel Macron aujourd’hui, l’intransigeance sociale et la culpabilisation des pauvres est la règle.
Tout pour les dividendes. Les territoires miniers anglais sortirent exsangues. Aujourd’hui il y a plus de 3000 banques alimentaires tenues par des bénévoles dans ce pays des plus riches du monde. Comment ne pas penser les séquelles longues dans les villes et villages, dans les familles et les corps, dans les têtes ? Dans l’Histoire. C’est ici que commence The old oak.
Les branches vertes du vieux chêne
Dans le film de Ken Loach, The old oak – le pub qui lui donne son nom- reste le seul lieu collectif du village. Il survit grâce aux pintes de ceux qui peuvent encore se le permettre. Après la fermeture des services publics, des commerces et de la salle paroissiale. Pas grand chose à manger. Rien à faire. Les enfants de salariés précaires livrés à eux mêmes… La pauvreté règne. Les descendants des mineurs, survivent sans emploi ou presque, face aux magnifiques paysages de la Mer du nord. Qu’on sent tentant, dès le début du film, pour les investisseurs étrangers. Et qui font baisser la valeur immobilière. Des militants solidaires rares se démènent et quelquefois se découragent.
Tout y est anglais : la bière, les accents et les gueules, les maillots de foot, le climat et le parapluie… Ken Loach localise son histoire. Mais on ressent très vite son universalisme. Ce Nord de l’Angleterre ressemble à la Pologne du père Ubu d’Alfred Jarry : « Nulle part, c’est à dire n’importe où ». Certains spectateurs reprochent à Ken Loach son misérabilisme. On leur conseillerait de se rendre à quelques kilomètre de chez eux pour rencontrer des contextes similaires.
Les premières images, déconnectées du son, montrent l’arrivée d’un car de réfugiés syriens. Femmes et enfants. On ne nous raconte pas grand chose de leurs tragédies, de la guerre et de la dictature. On en voit juste quelques bribes via les moyens de communication des familles avec leur pays. Et les meurtrissures. Tout de suite, la concurrence des misères est là. Les réfugiés sur le territoire anglais sont débarqués massivement dans le nord pauvre.
A l’écart. Parce que les puissants préfèrent ne pas les avoir sous leurs yeux. Antonio Gramsci le dit très bien dans ses Lettres de prison « Le malheur a habituellement deux effets: souvent il éteint toute affection envers les malheureux, et, non moins souvent, il éteint chez les malheureux toute affection envers les autres ». Ce n’est pas là le cas des syriens.
L’histoire du film, c’est la construction de la solidarité et de l’hospitalité. L’Etat les a tous abandonnés. Plus même, l’opposition des démunis entre eux est son viatique. Le gouvernement anglais ne cesse de stigmatiser ceux qui n’ont rien en charge pour les autres. Suella Baverman sa ministre de l’Intérieur vient de tester la sortie du pays de la Convention de 1951 des réfugiés. La rencontre des deux mondes – le village et les réfugiés- est délicate de distinctions, de résonance de l’un vers l’autre et de connivences. Du thé à l’architecture. Des yeux qui ne se croisent pas. Ou pas encore. Des regards portés sur les enfances jusqu’au deuil.
S’il y a un moteur du film, c’est l’amitié qui lie Yara une jeune réfugiée de 20 ans et Ballantyne, le patron du bar défraîchi. Dans un rapport qui noue leurs récits individuels. Pas seuls. Dans un collectif. Autour d’un bar comme lieu de croisement et de rassemblements. Autour d’un appareil photo aussi. Un appareil d’espoir dont le travail contribue à se regarder, se revaloriser, s’améliorer. Un peu comme le cinéaste Medvekine l’avait voulu avec son train cinéma qui circulait filmait et projetait comme dans un miroir la vie des kholkozes. Et que raconte parfaitement Chris Marker.
Touchés par un cinéma du réel
Les personnages de The old oak, comédiens professionnels ou non, sont divers. A l’image du rôle principal, pompier retraité et syndicaliste – Dave Turner a frôlé fort justement le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes. Les acteurs incarnent plus qu’ils interprètent leurs personnages. Parmi eux, des alcooliques, des violents, des racistes, des junkies, des voleurs, des lâches, des cons… Mais pas de salauds. Les salauds sont absents. Loin. Ils tirent les ficelles. Un personnage dira que pour les voir il faut « regarder en haut et pas en bas ».
La caméra du réalisateur est empathique. Elle aime, respecte et comprends les gens. Elle engage le spectateur au partage des sentiments éprouvés sur la pellicule. La peine et la joie. La trahison et l espoir. On rit. On pleure. On éprouve de la fierté à la solidarité. On sort bouleversé. Avec l’envie de s’y mettre.
Effectivement, contrairement à ses deux derniers films Moi Daniel Blake et Sorry I miss you – où les hommes sortaient broyés par la machine libérale -The old oak finit bien. Le chêne- the oak – a plié mais n’a pas rompu. Il s’est consolidé et élargi en puisant à de nouvelles racines.
Certains reprochent à Loach un cinéma politique. C’est comique. Croyez vous qu’OSS 117 en Afrique noire ne véhicule pas une vision du monde ? Ou que Bac nord de Cedric Jimenez et La nuit du 12 de Dominik Moll, ce soit la même vision de la police ?
L’Angleterre et la calabre
Ken Loach est un artiste anticapitaliste. Et d’engagement. Au sens où l’historien Howard Zinn le définit dans la préface de son Histoire populaire des Etats-Unis. « L’histoire de n’importe quel pays, présentée comme une histoire de famille, dissimule les plus âpres conflits d’intérêts (qui parfois éclatent au grand jour et sont le plus souvent réprimés) entre les conquérants et les populations soumises, les maîtres et les esclaves, les capitalistes et les travailleurs, les dominants et les dominés, qu’ils le soient pour des raisons de race ou de sexe. Dans un monde aussi conflictuel, où victimes et bourreaux s’affrontent, il est du devoir des intellectuels de ne pas se ranger aux côtés des bourreaux.«
Certains reprochent à Ken Loach une fiction utopique. La réalité rejoint la fiction. Et inversement. Le village du Old oaks ressemble à Riace. Riace, en Calabre se désertifiait suite à l’exil vers le nord italien et l’Europe de ses jeunes. L’hospitalité des réfugiés échoués sur ses côtes n’a pas seulement été un geste d’humanité mais efficace pour regagner une vie collective. Les réfugiés ont été logés dans les maisons vides réhabilitées.
L’école, des services publics, des commerces ont réouverts. Contre la N’dranghetta, la maffia calabraise qui exploités les émigrés sans papiers et sans droits pour ramasser les olives des grands propriétaires. Contre les gouvernements italiens et particulièrement Matteo Salvini qui avait obtenu le bannissement du maire, Mimmo Lucano, et sa condamnation à 13 ans de prison pour délit de solidarité. Le mois dernier, en appel, après deux ans de combats, Mimmo est ressorti libre.
Plusieurs films ont été réalisés sur Riace. Par Wim Wenders. Et d’autres cinéastes et documentalistes. Parmi eux, Un paese di Calabria de Shu Aiello et Catherine Catella. La dernière scène de la fiction de Ken Loach – visible dans la bande annonce – ressemble comme une jumelle à celle au cœur du documentaire. Sauf qu’en Angleterre les ballons et les bannières syndicales sont ressorties prenant la place des saints calabrais. Chez Shu aiello et Catherine Catella comme chez Ken Loach c’est tout un peuple qui se rassemble et qui éprouve à nouveau sa force pour devoir transformer le monde.
Le cinéma de Ken Loach croit au pouvoir d’un film de changer le cours des choses. Ça fait du bien. Et nous savons tous que cela ne suffira pas si on ne s’y met pas aussi.
Par Laurent Klajnbaum