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Grève historique dans l’industrie automobile américaine
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Cet automne, aux Etats-Unis, plus de 46 000 travailleurs de Stellantis, Ford et General Motors ont participé à une grève d’une ampleur historique.
Ces seize dernières années, les salaires des ouvriers américains de ces trois poids lourds de l’industrie automobile ont baissé, en moyenne, de 10 dollars de l’heure. Par contre, au cours des quatre dernières années, les rémunérations des dirigeants ont augmenté de 40 %.
Ces trois entreprises utilisent une grille salariale très complexe qui pénalise particulièrement les nouveaux salariés, dans le but de faire baisser les salaires moyens et de faire pression sur le reste des travailleurs.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, cette année, l’élection interne au Syndicat des travailleurs de l’automobile (UAW) ait débouché sur la victoire d’un candidat relativement radical : Shawn Fain. Ce dernier avait fait campagne en défendant la nécessité de lutter pour mettre fin aux grilles salariales et obtenir des augmentations de salaire.
Grève massive
La grève a débuté fin septembre dans les plus petites usines et les centres de distribution de pièces, qui sont généralement les secteurs les plus précarisés. Puis elle s’est étendue aux usines les plus importantes des trois groupes. Les revendications étaient simples : des augmentations de salaire de 40 %, la fin des grilles salariales et de meilleures primes de retraites.
La mobilisation a bénéficié du soutien massif de la population américaine : 3 personnes sur 4 déclaraient soutenir le mouvement. La colère des ouvriers de l’automobile fait écho à celle d’un nombre croissant de travailleurs aux Etats-Unis. Signe de cette radicalisation, les syndicats sont plus populaires que jamais : 67 % de la population déclarent les soutenir, contre 48 % en 2009.
La classe dirigeante américaine est bien consciente de cette colère profonde et s’efforce de la désamorcer ou, à défaut, de la canaliser vers des chemins plus sûrs. Après avoir fait voter une loi pour interdire la grève des travailleurs du rail, l’an dernier, Joe Biden a décidé de jouer cette fois-ci la carte de « l’ami des syndicats » : il s’est rendu sur un piquet de grève pour apporter son « soutien » à l’UAW. Les Démocrates espèrent capter la colère des masses à leur profit lors des élections présidentielles de 2024. Malheureusement, au lieu de dénoncer l’hypocrisie de Biden, les dirigeants de l’UAW ont joué son jeu. Shawn Fain s’est même pris en photo avec le président sur le piquet de grève.
L’impact économique de la grève a été énorme. General Motors aurait perdu jusqu’à 130 millions de dollars en une semaine lorsque son usine d’Arlington s’est mise en grève. Mi-octobre, les usines canadiennes des trois groupes ont commencé à rallier le mouvement. Sous l’impulsion de l’UAW, des entreprises plus petites, comme le constructeur de poids lourds Mack Trucks, se sont aussi mises en grève pour obtenir des augmentations de salaire.
Une victoire en demi-teinte
Ford a été la première entreprise à proposer un accord. Stellantis et General Motors ont rapidement suivi et se sont alignées sur la position de Ford, qui proposait une augmentation de salaire de 25 % échelonnée sur quatre ans, la modification des grilles salariales et des primes supplémentaires pour les retraités. L’UAW a accepté ces conditions et la grève s’est achevée fin octobre.
Alors que la grève était massive et a durement touché aux portefeuilles des trois géants de l’industrie automobile, elle s’est soldée par une victoire en demi-teinte. Les grilles salariales ont été simplifiées, mais elles existent toujours. Quant aux promesses d’augmentation des salaires, elles sont bienvenues, mais ne permettront pas de compenser l’inflation de ces dernières années.
Le problème était la tactique adoptée par la direction de l’UAW. Au lieu de mettre en grève toutes les usines en même temps – sachant que 97 % des 150 000 syndiqués de l’UAW avaient voté pour la grève –, le syndicat a opté pour une grève « par appel » : certaines usines étaient appelées à se mettre en grève une semaine, puis d’autres usines la semaine suivante, etc. La première semaine de grève a mobilisé moins de 10 % des syndiqués ! L’effet principal de cette tactique fut de désorienter les travailleurs qui, bien souvent, ne savaient souvent pas s’ils feraient grève la semaine suivante. Par ailleurs, les premiers à partir en grève étaient déjà épuisés lorsque les derniers sont entrés dans la lutte. Cette dispersion a affaibli la grève et renforcé la position des patrons dans les négociations.
Cette lutte est terminée, mais d’autres se préparent. Comme l’expliquent nos camarades américains de Socialist Revolution, la classe ouvrière doit renouer avec ses traditions militantes. Dans les années 1930 et 1940, sous l’impulsion de militants communistes et trotskystes, les syndicats avaient mené des luttes très dures, marquées notamment par des grèves massives et des occupations d’usines. Seule une lutte résolue contre le système capitaliste et ses représentants – y compris Biden et les Démocrates – permettra de défendre et d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs américains.