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Les Drahi, mécènes de l’armée israélienne

Lien publiée le 22 novembre 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Les Drahi, mécènes de l’armée israélienne (blast-info.fr)

Les Drahi, mécènes de l’armée israélienne

Via sa fondation philanthropique domiciliée en Suisse, le couple Patrick et Lina Drahi s’est engagé à verser 7,7 millions de dollars au gouvernement israélien pour financer la construction d’un centre de remise en forme pour les soldats de Tsahal. Un don à l’adresse d’une armée étrangère au statut fiscal incertain, en France comme dans le Valais. Révélations.

De Patrick Drahi, on connaît la légende du tycoon, celui de Numéricable devenu magnat des télécoms (SFR) puis mogul de la presse française (RMC, BFM TV, un temps Libération et L’Express). On sait aussi l’attachement de l’homme d’affaires franco-israélien à l’État hébreu et sa défense, véritable ligne éditoriale de sa chaîne de télé i24. Mais au-delà de l’empire Altice, par-delà ses entreprises lucratives, le natif de Casablanca est également un mécène très actif.

Aux bonnes œuvres

Il n’est qu’à parcourir le site de la fondation Patrick et Lina Drahi (PLFA) pour découvrir sa générosité et l’étendue de son action. Pas moins de 39 projets « à impact » sont actuellement menés dans 5 pays sur 3 continents.

La fondation Patrick et Lina Drahi finance et soutient le projet Beresheet 2. Ce vaisseau spatial israélien doit se poser en 2025 sur la lune, sans casse espèrent ses promoteurs après l’échec de l’alunage de la première sonde Beresheet, en avril 2019.
Image PLFA

Cette effervescence embrasse de nombreux domaines en focalisant sur l’entreprenariat, la science, l'éducation, les médias, Israël et le peuple juif : soutien aux incubateurs d’entrepreneurs de l’Institut polytechnique de Paris ou de la Catolica Business School de Lisbonne, appui à l’École polytechnique de Lausanne (l’EPFL), au musée de la médecine et des sciences d’Hadera (Israël), financement du département pédiatrique et d’une maternité à l’hôpital d’Ashdod (Israël toujours), ou encore aide aux arts... La liste des bienfaits du couple Drahi s’étire sur de longues pages avec l’ambition « de partager les fruits de leurs succès avec la communauté, partout où la famille a ses racines ou des activités ».

L’initiative en réalité très classique d’un milliardaire qui veut laisser une fois fortune (très bien) faite une trace autre que monétaire et uniquement personnelle, en œuvrant dans la charité. A l’instar d’un Bill Gates ou d’un Warren Buffet, aux Etats-Unis.

Hébergements fabuleux et espaces de loisirs

Dans le lot, une opération échappe toutefois à toute classification : la construction sur la base navale militaire d'Haïfa d’un centre de bien-être destiné aux soldats de l’armée israélienne : le « Polynom ».

« Cette base, lit-on sur le site de la PLFA, abrite des éléments importants tels que des sous-marins et des bateaux lance-missiles, entre autres navires. À mesure que la flotte et les opérations se développeront dans les années à venir, cette installation offrira également des hébergements fabuleux et des espaces de loisirs aux soldats. »

Une image aérienne d’archives de la base navale d’Haïfa, la principale des forces de défense israéliennes avec ses sous-marins et ses navires lance-missiles. La fondation Patrick et Lina Drahi y finance un projet pour rendre «la marine plus forte».
Image Wikimapia

Charité militaire

En fouillant dans les Drahi Leaks, Blast a déniché le contrat de financement de la construction de ce centre de bien-être « 100% pour les soldats ». Il a été officialisé le 7 novembre 2021.

Fac-similé du contrat par lequel la fondation Patrick et Lina Drahi s’engage à verser 7,7 millions de dollars au Libi Fund, pour édifier un centre de bien être sur la base navale militaire d’Haïfa.
Document Blast

Les 7,7 millions de dollars sont versés au Libi Fund. Ce fond de collecte créé en 1980 se consacre au soutien des soldats israéliens. Son site internet est, c’est ainsi qu’il se présente, « le portail et le seul moyen par lequel des dons peuvent être faits directement aux soldats et aux unités de Tsahal ». En échange de cette donation, la fondation de Patrick et Lina Drahi se voit accorder l’honneur de choisir le nom du futur campus et ses représentants de pouvoir s’y rendre quand ils le souhaitent. Par ailleurs, toute communication et promotion du nouvel édifice devra naturellement mentionner les généreux donateurs. 

Présentation de l’action du Libi fund, appelant aux dons en soutien de celle-ci.
Image compte Facebook Libi

Pour désintéressé qu’il soit, cet engagement du propriétaire d’Altice en faveur du confort des soldats israéliens semble de nature à accentuer le malaise de la rédaction de BFM TV autour de la couverture par la chaîne du conflit au Proche-Orient. Un épisode que Blast a raconté. Mais ce n’est pas la seule question qu’il soulève. En effet, la destination de ce don pourrait avoir également quelques répercussions fiscales pour la fondation Drahi.

Légèreté fiscale

Installée dans le Valais suisse, la PLFA bénéficie au titre de l’article 79 de la loi fiscale du canton de l’exemption d’impôt qui s’applique à toutes les personnes morales « qui poursuivent des buts de service public ou de pure utilité publique ».

Contactée pour savoir si le financement du bien-être des soldats de Tsahal relevait, au sens de la loi suisse, d’une pure utilité publique, l’administration du Valais s’est retranchée derrière le secret fiscal. Tout en précisant à Blast que « des contrôles ponctuels sont effectués afin de vérifier que les institutions qui ont été exonérées en remplissent encore les conditions ». A défaut, « si tel n’est plus le cas, l’exonération est supprimée, la possibilité de procéder à un rappel d’impôt étant réservée. »

En 2022, nos confrère suisses d’HeidiNews avaient révélé que la fondation Drahi s’était engagée à financer la filiale américaine d’Altice à hauteur de 110 millions de dollars. Un don de la famille Drahi à l’entreprise Drahi dont la légitimité n’a pas été jugée suffisamment évidente pour éviter un rappel d’impôt - un redressement fiscal -, ou que le statut de la fondation ne change.

Mais cette légèreté fiscale n’est pas une spécificité helvète : la branche française du Libi Fund, constituée sous forme d’association, lève depuis des dizaines d’années des fonds en vue d’adoucir le quotidien des « Halayim ». Parrainer un bataillon, aider aux soins des blessés, à leur rééducation, financer leurs centres de vacances ou leurs logements, les possibilités sont largement détaillées. Et, assure l’antenne française, tout don ouvre droit à une déduction fiscale de 66 %, voire de 75 %. Un reçu Cerfa est même promis sitôt la donation effectuée.

L’association Libi promet la défiscalisation des dons destinés à soutenir ses Hayalim.
Image compte Facebook Libi

En résumé, le bien-être et le confort de soldats d’une armée étrangère serait donc financé en partie par... la solidarité nationale française. Une originalité : selon l’article 200 du code général des impôts, seuls les dons à destination d'œuvres « sociales » ou « humanitaires » sont défiscalisables.

Une force armée étrangère

« Une force armée étrangère n’entre manifestement pas dans ces catégories », a pudiquement répondu le ministère de l’Économie à nos confrères de Checknews, qui se sont penchés sur la question.

« La responsabilité pèse sur l’association qui délivre indûment des attestations aux donateurs. L’association risque d’être sanctionnée sur la base […] du code général des impôts. L’amende est alors égale au montant de l’avantage fiscal indu accordé sur la base des reçus fiscaux », a précisé Bercy à Libération.

Relancé par Blast pour savoir si des amendes avaient bien été émises, le ministère s’est retranché derrière « le secret fiscal ». Comme son homologue suisse, donc.

De leur côté, également sollicités, ni la fondation Patrick et Lina Drahi, ni l’association Libi France, ni sa maison-mère en Israël n’ont répondu à nos questions.