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La persécution d’une dissidente de gauche par le gouvernement cubain
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Alina Bárbara López Hernández
Présentation
La rédaction d’Aplutsoc s’associe à la protestation pour la libération immédiate et inconditionnelle de l’historienne Alina Bárbara López Hernández. Et appelle ses lecteurs à donner toute publicité à ce cas.
Document
Dans son discours de clôture du Xe congrès des Comités de défense de la révolution (CDR), qui s’est déroulé le 28 septembre de cette année, le président de la République cubaine, Miguel Díaz-Canel Bermúdez, a affirmé que les problèmes auxquels le pays est confronté ont été « analysés, nous les affrontons en prenant des décisions sans crainte. Avec courage et aussi avec pourquoi ne pas le dire, la « guapería » cubaine (la fanfaronnade et la ténacité des rues), car ici personne ne se rendra. ».
Mais qu’est-ce que la « guapería » ? Le « guapo », dans ce sens cubain du terme, est le grand macho qui se tient au coin de la rue du quartier, autoritaire, vantard, agresseur et, dans les cas extrêmes, il peut aussi être un tueur. En d’autres termes, le « guapo » fait confiance à la raison de la force contre la force de la raison. Néanmoins, il se spécialise dans l’intimidation, ce qui veut dire qu’il est prêt à faire tout ce qu’il juge nécessaire pour atteindre ses objectifs contre les autres, sauf lorsqu’il rencontre une opposition qui l’en empêchera.
Nous pouvons le voir clairement dans les actions d’intimidation menées par les organes de sécurité de l’État cubain dans la ville de Matanzas (capitale provinciale située à 100 kilomètres à l’est de La Havane) contre l’historienne Alina Bárbara López Hernández. Elle est une figure notable parmi les intellectuels politiques cubains, en tant que critique persistante et tenace du régime cubain d’un point de vue démocratique de gauche. J’ai été très impressionné par les articles qu’elle a écrits ces dernières années : lucides, courageux et extrêmement bien argumentés et documentés.
Les faits parlent d’eux mêmes. En avril 2023, Alina (beaucoup d’entre nous l’appellent par son prénom) a protesté contre la détention de Jorge Fernández Era, humoriste et collaborateur fréquent à l’époque de La Joven Cuba, une revue électronique coordonnée par Alina jusqu’en février de cette année. Dotée de beaucoup d’intelligence politique, Alina a protesté en montrant un morceau de papier dans un parc de Matanzas avec un seul mot dessus : Libertad. Cela a provoqué une sorte d’« Opération Guapería » de la part des agents de la Sûreté de l’État, avec des interrogatoires et des arrestations arbitraires qui, en même temps, s’inscrivaient dans le cadre d’un procès que le procureur local préparait contre elle. Entre-temps, bien qu’elle n’ait été jugée et reconnue coupable d’aucun délit, Alina a été inscrite sur la tristement célèbre liste des « regulados » (personnes réglementées) qui ne sont pas autorisées à quitter le pays. Dans son cas, Alina n’avait d’autre recours que d’annuler sa participation annoncée précédemment à un événement universitaire aux États-Unis.
Il est important de souligner qu’Alina a résisté très courageusement aux entretiens auxquels elle, et de nombreux autres Cubains, sont constamment convoqués par la Sécurité de l’État sans qu’il n’y ait eu auparavant d’accusation pénale ou administrative de quelque nature que ce soit contre ces citoyens. Évidemment, ces entretiens ne sont rien de moins que des instruments d’intimidation de la part des « guapos » de la Sûreté de l’État. Les procureurs ont alors formellement accusé Alina de « désobéissance », et en plus d’avoir déjà été inscrite sur la liste des « regulados », elle a été placée sous une sorte d’« assignation à résidence » avec une mobilité très limitée (par exemple, elle ne peut pas sortir de son domicile le soir et elle ne peut pas non plus se rendre dans d’autres endroits et villes du pays).
L’accusation lui a alors proposé de payer une amende, ce qu’Alina a refusé car elle se considère comme une victime innocente d’abus. C’est pour cette raison qu’elle fera l’objet d’un procès oral sommaire, initialement prévu le 16 novembre mais désormais reporté au 28 novembre. À l’issue d’un tel procès sommaire, elle pourrait être condamnée à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.
Que faire ? En premier lieu, publier et protester contre cette situation scandaleuse afin d’exercer une pression maximale sur les « guapos » de la Sécurité de l’État et leurs alliés dans l’aile judiciaire du pouvoir, dépourvue d’indépendante. Ceci, tout en gardant à l’esprit, comme je l’ai suggéré plus haut, que ces organes de répression répondent effectivement aux pressions lorsque celles-ci sont suffisamment fortes. Il est particulièrement important que les organisations indépendantes de défense des droits humains telles qu’Amnesty, PEN et Human Rights Watch prennent note et protestent contre la persécution d’Alina. Tout contact ou accès que les lecteurs de cet article peuvent avoir avec des syndicats, des mouvements sociaux, des communautés religieuses et d’autres institutions de la société civile, doit être utilisé pour les intégrer à la campagne pour obtenir la liberté inconditionnelle d’Alina Bárbara López Hernández.
A propos de l’auteur
Samuel Farber est né et a grandi à Marianao, Cuba et a écrit de nombreux ouvrages sur ce pays. Il est professeur émérite de sciences politiques au Brooklyn College of CUNY (City University of New York) et réside dans cette ville.
Note de la rédaction
Cet article a été initialement publié en espagnol dans la publication en ligne cubaine CubaXCuba le 20 novembre 2023. La traduction en français a été réalisée à partir de la version en langue anglaise de celui-ci datée du 21 novembre 2023, parue dans la revue New Politics.